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LUNDI : Une semaine d'actualités horlogères à l'issue d'une Wonder Week qui est loin d'avoir tenu ses promesses

Le Sniper du lundi matin cède provisoirement son poste à la vigie du 360° : de quoi patienter en se faisant sa petite idée d'une Wonder Week qui ne restera pas comme un grand millésime, ni en fièvre commerciale, ni en électricité créative, ni même en fréquentation frénétique...   ▶▶▶ ANALYSES, IN-10-CRÉTIONS, INFORMATIONS, ENQUÊTES,RUMEURS & MURMURES


Le Sniper du lundi matin cède provisoirement son poste à la vigie du 360° : de quoi patienter en se faisant sa petite idée d'une Wonder Week qui ne restera pas comme un grand millésime, ni en fièvre commerciale, ni en électricité créative, ni même en fréquentation frénétique... 

 
ANALYSES, IN-10-CRÉTIONS,
INFORMATIONS, ENQUÊTES,RUMEURS & MURMURES
EN RÉSUMÉ (développements ci-dessous)...
 
❏❏❏❏ AU PROGRAMMME : le tout noté à la volée, en vrac, en bref et en toute curiosité... ❏❏❏❏ ÉDITO : à moitié vide ou à moitié plein le verre de la Wonder Week ? ❏❏❏❏ ARTYA : la montre qui permet de jouer à la roulette russe... ❏❏❏❏ RICHARD MILLE : le voyage commence et le rêve passe quand les aiguilles virevoltent... ❏❏❏❏ FRANCK MULLER : de l'art de suivre un vrai régime minceur... ❏❏❏❏ CHINOISERIE : une montre asiatique qui serait l'enfant caché de Philippe Dufour et d'Abraham Louis Breguet... ❏❏❏❏ F.P. JOURNE : quand la montre n'a rien à dire, c'est l'horloger qui joue la comédie... ❏❏❏❏ OMEGA : une révolution orange dans l'art du marketing d'embuscade... ❏❏❏❏ PIAGET : n'en fait-on pas trop dans l'infiniment subtil et dans la virtuosité de l'art pour l'art serti-squeletté ? ❏❏❏❏ HIT-PARADE (CADEAUX PRESSE DE LA WONDER WEEK) : best-of catégorie électronique, catégorie Suissitude, catégorie bizarre... ❏❏❏❏ ZENITH : le mystère d'un partenariat dans la voile emporté par le vent d'un  maxi-trimaran... ❏❏❏❏ PANERAI : l'art de reconnaître ses erreurs pour mettre tout le monde dans la poche... ❏❏❏❏ JEAN-CLAUDE BIVER : 850 000 montres, un milliard et demi d'euros de chiffre d'affaires et un quart de milliard d'euros de profits pour l'homme de la semaine... ❏❏❏❏ LAURENT PICCIOTTO : l'horloger qui fait du scooter, mais les paparazzi se contentent de son écharpe... ❏❏❏❏ DRACULA : que trouve-t-on dans les gouttes de sang d'Yvan Arpa ? ❏❏❏❏ WORLD WATCH REPORT : une troublante absence de pertinence face à la décorrélation de l'activité Internet et de l'activité commerciale... ❏❏❏❏ ET N'OUBLIEZ PAS LE PROCHAIN RENDEZ-VOUS AVEC LE SNIPER DU LUNDI (accès libre) : c'est pour lundi prochain, 27 janvier, pour bien entamer la dernière ligne droite avant Baselworld...
 
 
 ÉDITO
À moitié plein ou à moitié vide, ce verre de Wonder Week ?
◉◉ Les deux ! Presque à moitié vide pour l'intérêt horloger, la créativité, voire même pour la fréquentation. Et plutôt à moitié plein pour ce qui concerne la performance commerciale, même si telle ou telle autre marque a pu réussir de belles prises de commande. On le vérifiera dans les semaines qui viennent chez les fournisseurs, mais on doute que les donneurs d'ordre se bousculent pour des livraisons en urgence dans les mois à venir : les stocks sont à un niveau très élevé, la demande à un niveau relativement faible, les détaillants nettement démoralisés et les perspectives pas très encourageantes. Dans leur communication, les marques n'en émettent pas moins des proclamations triomphantes et le SIHH a réussi à dénicher 9 % de fréquentation supplémentaire que personne n'avait remarqué, ni dans les allées, ni dans les salons de vente, ni même dans le parking de Palexpo [voir également les 17 % de croissance annoncés par un Himalaya de la pensée horlogère plus « crisis proof » que jamais, quoique Parmiagiani soit moins rentable que jamais]. Une fois évanouie l'écume médiatique, tout le monde reste à marée basse : sans visibilité d'ici à l'été, les directions des grandes marques sont prudentes, celles des petites marques et des créateurs indépendants étant encore plus inquiètes.
◉◉ Que retenir d'autre de cette Wonder Week ? De toute évidence, une évidente chute de tension créative : partout, on restyle, on réédite, on dépoussière et on finit par bégayer – puis, logiquement, par lasser. Où sont les modèles disruptifs et accessibles qui pourraient réveiller les marchés, émergés ou émergents ? D'autant que les références au passé ne sont pas forcément les plus valorisantes : entre le chronographe des années 1950 présenté par Baume & Mercier pour attester des qualités de son chronographe Clifton 2014 (ci-dessus), le coeur des amateurs bascule instantanément, mais pas forcément dans le sens prévu par la marque. Même un oeil non expert repère tout de suite la banalité de la proposition, le manque d'harmonie de la montre moderne [carrure, répartition des volumes, emplacement des indications], la lourdeur de ses cornes et de ses poussoirs, la disposition disgracieuse de ses compteurs ou l'absence totale de charme de sa date
◉◉◉ Les tendances mécanico-esthétiques du moment sont ressassées jusqu'à l'absurde : on en rajoute tellement de couches dans l'expression des métiers d'art que le procédé finit par saturer la curiosité. Qui ne se réclame pas, aujourd'hui, de ces « métiers d'art » ou qui ne proclame pas les avoir réinventer quand la palette connue de ces artisanats décoratifs ne suffit plus ? À force de travailler le motif, on tombe très vite dans l'affectation baroque et dans l'euphuisme minaudant. La baisse du tonus créatif n'est pas ici dans l'absence de nouvelles propositions [il y en aurait presque trop], mais dans le manque de concepts de rupture équivalents à ceux de la nouvelle génération des années 2000. On (re)fait mieux les mêmes montres, en plus chichiteux, au lieu de faire d'autres montres plus radicales et séduisantes...
◉◉◉ L'absurdité n'est jamais très loin, notamment dans la course à la minceur – dont on sait que la frontière ultime est la montre qui vrille tellement elle a perdu de structure [c'était le cas des anciennes Delirium] : développer des répétitions minutes ultra-minces avec des carrures en métal plein relativement épaisses pour la rigidité, c'est s'exposer à des sonorités de plus en plus atténuées, faute de volume d'air pour créer une vibration suffisante et c'est oublier que les plus belles montres à sonnerie du passé étaient réalisées dans des boîtes en or dont le métal précieux était aminci et relaminé pour laisser passer le son...
◉◉◉ Il y avait évidemment quelques exceptions, et des maisons qui ont su honorablement – mais sans plus – tirer leur épingle du jeu, avec d'étonnantes réussites comme la collection De Bethune 2014 [quatre nouveautés : quatre cartons pleins], la collection Van Cleef & Arpels (maison habituée, il est vrai, à nous épater d'année en année) ou des nouveaux venus plus inattendus comme Chaumet. On trouvera un rapide résumé des montres les plus intéressantes de la Wonder Week dans l'émission de télévision ci-dessous (La Télé, Suisse : dans la chronique de la délicieuse Florence Jacquinot)...
 
 ARTYA
Tant qu'à jouer avec sa montre, pourquoi pas à la roulette russe ?
◉◉ Dans la série de ses montres à cartouches, mais cette fois dans le nouveau boîtier « classique » qui exprime encore mieux l'esprit provocateur et oxymorique de ses montres, Yvan Arpa nous propose un rotor en forme de barillet, avec une seule cartouche pour jouer à la roulette russe. Le 8, c'est pour les Chinois plus que pour le calibre de la cartouche...
 
 
  
 FRANCK MULLER
De l'art de suivre un régime minceur...
◉◉ Tendance reine de l'année à Genève : le plat, le mince, le svelte sans ces rondeurs abdominales et ces biceps surdimensionnés qui plaisaient tant pendant les années de vaches grasses (2002-2013). La manufacture Franck Muller – qui donnait traditionnellement dans les boîtiers survitaminés – se risque à son tour sur le terrain de la finesse, avec une Cintrée Curvex qui reprend le style classique de la maison (boitier tonneau, chiffres « explosés » en applique, etc.), mais en lui infligeant une cure de fitness qui met même les aiguilles au régime sec. C'est encore plus confortable au poignet, plus léger en poids d'or (rose), aussi Franck Muller que les Curvex habituelles et tout aussi mécanique. Donc très désirable...
 
 
  
 RICHARD MILLE
Les heures qui virevoltent sous le cadran (RM 63-01)...
◉◉◉◉ Ce ne sont pas les premières « heures virevoltantes » dans la haute horlogerie [on se souvient d'une extraordinaire montre de Pierre Kunz sur ce thème), mais c'est sans doute la première proposition de ce genre qui cache aussi bien son jeu ! Les chiffres des heures sont  placées sur un disque saphir sous le verre saphir du boîtier. Quand on presse la couronne, ce cadran (qui porte les chiffres) se met à tourner dans le sens inverse des aiguilles de la montre, alors que l'aiguille des heures se met, de son côté à tourner dans le sens opposé. Le ballet des heures virevoltantes commence (la vidéo de démonstration ci-dessous est totalement ratée !). Une nouvelle pression sur la couronne (poussoir intégré) et tout se remet en place, à la bonne heure : le voyage est terminé et le rêve passe ! On peut oublier le temps le temps d'une danse des aiguilles, pour plus ou moins longtemps, en profitant des détails mécaniques habituels sur les montres de Richard Mille. On peut presque le suspendre, mais non l'oublier car, même s'il tourne dans un sens non-conformiste, on le voit tout de même tourner et s'écouler. C'est évidemment une interprétation philosophique du temps, et même très littéraire puisque placée sous l'égide de Gérard de Nerval :  
« Le Temps ne surprend pas le sage ;
Mais du Temps le sage se rit,
Car lui seul en connaît l’usage... »
(Le Temps, Gérard de Nerval) 
 
 
 
 
 WONDER WEEK 2014
Les coups de projecteur de la semaine...
 
◉◉ LE REFOULÉ DE LA SEMAINE : pendant qu'on sablait le champagne à Palexpo et que les invités du SIHH emplissaient les palaces du bord du lac, les négociations pour la paix en Syrie étaient refoulés à Montreux, toujours sur les bords du lac, mais dans une ambiance moins retentissante. On manquait de chambres genevoises mercredi et jeudi pour que les délégations syriennes s'y réunissent. Montres de luxe d'un côté, canons à museler au plus vite de l'autre : entre les deux, la ville de Genève a choisi sans hésiter – ce qui en dit long sur sa morale de « citoyenne du monde ». La direction du SIHH a également opté pour ne pas faire le moindre geste en direction des participants de Genève 2. Dommage : quelques dizaines de chambres et un effet d'annonce habilement médiatisé auraient sans doute aidé à redorer l'image de montres de plus en plus souvent associées aux dérives financières de l'économie globale, aux élites prédatrices des nations émergentes et aux bureaucraties corrompues de cette planète. On a les grandes causes qu'on mérite... 
 
◉◉ LE DÉTAILLANT DE LA SEMAINE : ce n'est pas la première fois que Laurent Picciotto (Chronopassion, Paris) s'est fait remarquer pendant la Wonder Week. Là, on lui a surtout parlé de sa nouvelle vocation de mannequin pour Scarf Industry, maison avec laquelle il a développé une nouvelle « écharpe de pluie » (un nouveau concept d'écharpe : détails sur le site, lien ci-dessus et image ci-contre) très typée « Lolo Style », qu'il associe à une montre MB&F. Pour ceux qui ne connaîtraient le détaillant le plus déjanté de cette planète, un portrait rapide dans L'Argus des Montres...
 
◉◉  LA MONTRE DE LA SEMAINE : on la trouvait dans la poche de Philippe Dufour, qu'on croisait à son établi, avec Michel Boulanger, dans l'espace Greubel-Forsey dédié à « Naissance d'une montre ». Il s'agit d'une montre chinoise (marque Timing) à double balancier et différentiel, avec un affichage décentré des heures. Une pièce qui serait la fille naturelle d'une Breguet Tradition et d'une Duality de Philippe Dufour [désolé, pas de photo !]. Mécanique basique (remontage automatique), finitions à la hache et style rugueux, mais approche mécanique intéressante sur ce qui semble être une base Sea-Gull. Que manque-t-il à cette montre pour faire jeu égal avec les propositions suisses ou pour être digne du Swiss Made : seulement une attention plus précise portée aux finitions et un effort sur le marketing et le branding. Quelques marques suisses de nouvelle génération seraient heureuses de disposer d'un tel calibre... Si les Chinois sont capables de produire de tels concepts mécaniques à des prix aussi ridicules, l'horlogerie suisse a du souci à se faire dans les années à venir...
 
◉◉ LE MARKETING D'EMBUSCADE DE LA SEMAINE : le plus réussi est signé Omega, pour sa présentation à Genève (boutique de la rue du Rhône), en plein SIHH, d'une série limitée de Seamaster Planet Ocean GMT à lunette en céramique orange (présentation et image Business Montres du 24 janvier). Quantité : 8 pièces ! Pas de quoi révolutionner le marché, même si cette couleur est une première en céramique, et pas vraiment d'urgence commerciale, mais c'est toujours un bon prétexte pour marquer son territoire pendant la Wonder Week...
 
◉◉ LA SOIRÉE LA PLUS SYMPA DE LA SEMAINE : comme tous les ans, c'était celle de Rudis Sylva, qui réunissait quelques stars de la gastronomie enracinée suisse [tous descendus de leurs Franches-Montagnes, dont l'excellent Pierre Bilat, des Bois, meilleur boucher de Suisse 2013 et 2014] dans une yourte au pied du château du Grand-Saconnex. Pas facile de garder la ligne avec la bière de la Brasserie des Franches-Montagnes (BFM), le lard sec fumé, les grillades d'agneau, les saucisses des Franches-Montagnes et les gâteaux aux noix ou la mousse aux mûres de David Parrat (boulangerie de Saignelégier plusieurs fois médaillée d'or) et pas facile de ne pas trinquer quand sonne le cor des Alpes. Convivialité, amitié et helvéticité aussi extrême qu'authentique : on craque, forcément...
 
◉◉ LE STAND LE PLUS SPECTACULAIRE DU SIHH : si on peut déplorer la disneylandisation annuelle de l'espace IWC, c'est une nouvelle fois chez Roger Dubuis qu'on trouvait la plus belle mise en scène des concepts mécaniques d'une maison. Sur le thème du coucou suisse, la manufacture de Meyrin reprenait le thème de l'aigle des armes de Genève (réduit ici au rôle d'un volatile à voix un peu éraillée) et déployait, à chaque heure, en plus de l'aigle-coucou qui sortait de son logement, une ronde d'automates blancs, loupe à l'oeil, qui présentaient sous cloche les nouveautés de la marque – celles d'une année placée sous le signe de l'hommage à l'horloger Roger Dubuis en personne. Bel effort de réalisation et belle exécution, avec une mise en scène qui sera plus facile à exporter sur les différents salons 2014 que l'aigle géant de l'année dernière, dont il avait fallu rogner les ailes pour le loger dans l'espace Watches & Wonders de Hong Kong. La présentation de ce coucou géant et ces spectaculaires automates (taille supérieure à celle d'un humain moyen) avait été précédée par une intense campagne virale sur le thème du coucou : 30 vidéos très courtes qui illustraient ce thème sans dévoiler le décor choisi pour le SIHH. 
 
 
◉◉ LA RUMEUR DE LA SEMAINE : elle a déjà été signalée par Business Montres (21 janvier), et présentée comme « rumeur » mais non comme une information. Récurrente depuis quelques éditions, elle n'en était pas moins encore plus insistante cette année : pour 2015, le nombre des journalistes totalement invités serait revu à la baisse. Hors de cette liste A de privilégiés, les uns ne se verraient proposer que l'hébergement à Genève (pas le voyage), les autres devant se débrouiller par leurs propres moyens, seul l'accès au salon leur étant proposé. Dans le collimateur [et dans une optique de déflation budgétaire, déjà marquée cette année par l'abandon des navettes privées au profit des autobus de la ville de Genève] : les blogueurs de tout poil, décidément très – trop ? – nombreux, très remuants, très exigeants [en temps, en cadeaux, en attentions privées] et très improbables dans le retour sur investissement qu'ils n'effectuent qu'en reprise des dossiers de presse. Cible secondaire : les démarcheurs publicitaires non journalistes, toujours frétillants dans le sillage de la presse magazine...
 
◉◉ LE PETIT CACHOTTIER DE LA SEMAINE : c'est Yvan Arpa (Artya), qui avait caché une image subliminale dans la tache de sang de sa « Blood & Bullets » (présentation Business Montres du 17 janvier). Cette tache de sang, conçue pour une montre anti-vampire [on les attire avec le sang – qui est, sur le cadran, celui d'Yvan Arpa – et on les élimine avec les balles en argent] contient une figure d'homme agenouillé brandissant une croix, objet indispensable à tout bon chasseur de vampires (ci-contre)...
 
◉◉ L'HOMME DE LA SEMAINE : qui d'autre que Jean-Claude Biver, qui a totalement parasité l'ouverture de la Wonder Week avec son annonce officielle [tardive par rapport à l'information de Business Montres, le 20 janvier] du nouveau pouvoir que Bernard Arnault lui confie à la tête de la branche purement Montres du groupe LVMH (Hublot, TAG Heuer, Zenith, avec des missions horlogères complémentaires possibles pour des marques possibles comme Dior, voire Bvlgari ou Chaumet) ? Le voici donc face à un potentiel de 850 000 montres par an, avec un milliard et demi d'euros de chiffre d'affaires [un peu au-dessous cette année], pour environ 250 millions d'euros de résultat opérationnel (dernières estimations vérifiées aux meilleures sources : Business Montres du 16 avril 2013), avec trois turbo-marques du groupe, peu (TAG Heuer) ou pas (Zenith) affectées par la décroissance horlogère, voire toujours en croissance à deux chiffres (Zenith). Les atouts industriels ne manquent pas dans les trois marques, désormais bien verticalisées, TAG Heuer demeurant une carte maîtresse pour jouer un rôle sur le marché émergent de la « montre connectée » (smartwatch). 
 
◉◉ LE PINOCCHIO DE LA SEMAINE : c'est tout de même extraordinaire ! En pleine amorce de crise horlogère, alors que la croissance horlogère est au point mort, le SIHH a réussi à faire beaucoup mieux que le plein cette année, et même beaucoup mieux que pendant les années déjà très chargées de la bulle horlogère, voici deux ou trois ans : 9 % de fréquentation supplémentaire en 2014 (14 000 visiteurs) et 1 300 journalistes au lieu de 1 200 (+ 12 %) ! Ceci alors même qu'on était loin de s'écraser dans les allées, où il était évident que manquaient la plupart des détaillants chinois et américains (à l'exception des grands réseaux), les Russes, les Indiens et les Brésiliens annoncés se faisant très discrets. On avait même l'impression qu'il y avait désormais plus de journalistes que de détaillants chinois ! Même le parking sous Palexpo était en permanence déserté, ce qu'on n'avait pas vu depuis des années : on en déduira que les visiteurs ont sagement emprunté les autobus des TPG (Transports publics genevois), qui remplaçaient cette année les coûteuses navettes de Geneva Limousine. Ne parlons évidemment pas des résultats commerciaux, assez faibles pour la plupart des marques, hormis les séries limitées et les collections de  niche...
 
◉◉ LE MIEUX LOGÉ DE LA SEMAINE : Michael Burke, le CEO de la marque Louis Vuitton, vient de s'offrir une villa à 11,7 millions de dollars (8,5 millions d'euros), avec vue sur la mer et un peu de terrain autour. C'est la propriété la plus luxueuse de ce secteur d'Allison Island (Miami, Floride). L'image ci-dessous n'est que la photo de la villa actuelle, qui sera démolie pour laisser la place à une nouvelle construction qui comprendra un port privé, une plage privée pour déplier quelques draps de bain, un court de tennis et une maison d'hôtes. Diable, quand on travaille dans le luxe, on ne va pas au camping...
 
 
◉◉ LE CADEAU PRESSE DE LA SEMAINE (catégorie électronique) : de l'avis unanime, c'est le haut-parleur portable sans fil Beats Pill qui permet de lire la musique de son smartphone ou de prendre des appels (Bluetooth). Valeur commerciale : 199 euros. Valeur collector de l'édition Richard Mille : inestimable...
 
◉◉ LE CADEAU PRESSE DE LA SEMAINE (catégorie écolo-suisse) : Hublot a préparé pour quelques visiteurs sélectionnés une superbe planche à fromage Big Bang, en bois gravé de symboles de la marque. Valeur commerciale : 15 euros. Valeur collector de cette édition spéciale non commercialisée qui fera baver les aficionados : Internet nous le dira très vite...
 
 
◉◉ LE CADEAU PRESSE DE LA SEMAINE (catégorie bizarre et gourmande) : on le trouvait chez Ange Barde, jeune marque horlogère d'inspiration automobile qui exposait (discrètement) à La Réserve ses collections de chronographes bourrés de réminiscences automobiles (style poussoirs de chronos en pédales de frein, etc.). Le coffret de chocolat proposé était réalisé par la Pasticceria Grandazzi, L'Officina del Cioccolato de Domodossola (Italie), spécialiste international de la mécanique chocolatée : il s'agissait d'une évocation automobile assez particulière, patine et rouille comprises, avec boulons, carburateur et clé anglaise (image ci-dessous). Valeur commerciale : 30 euros. Valeur collector : consommable, donc à chacun selon ses goûts et son appétit...
 
 
  
 LES IN–10DISCRÉTIONS CRITIQUES
Une semaine de notes à la volée, en bref et en toute liberté... 
 
◉◉ LONGINES : pas très enthousiaste, l'ambassadeur hippique de la marque ! Et surtout pas très motivé par l'éternel retour d'uen sempiternelle montre...
 
 
◉◉ FRANÇOIS-PAUL JOURNE : c'est ce qui s'appelle faire son cinéma ! Pour la première montre de femme (électronique) de ses collections, dévoilée lors de notre récente analyse du cas F.P. Journe (« A-t-il encore quelque chose à nous dire ? » : Business Montres du 28 novembre 2013), François-Paul Journe nous a épargné l'affichage digital, mais pas le module électro-mécanique, dont le concept innovant consiste à arrêter la montre dès qu'elle n'est plus portée, pour en réanimer les fonctions, à l'heure exacte, au moindre déplacement. De quoi aider la batterie à tenir plus de dix ans : c'est, nous assure François-Paul Journe, une « complication féminine, spécialement développée pour les femmes » – à chacun son interprétation de la « féminité » réduite au tic-tac de la montre. Sept modèles différents, du titane au platine serti, avec des couleurs et un boîtier effectivement très inspiré par les deux Vagabondage précédentes. Dans la vidéo de découverte ci-dessous, le monsieur qui apparaît dans les images finales est François-Paul Journe : comme toujours dans l'horlogerie, c'est l'horloger qui se met en scène quand la montre n'a pas de vrai rôle à jouer...
 
 
◉◉ WORLD WATCH REPORT : lancé comme d'habitude pendant le SIHH [d'ailleurs au détriment de toute efficacité dans l'effet d'annonce tellement le champ médiatique est alors saturé par les marques], le World Watch Report peine une fois de plus à convaincre. Il souligne le décalage qui se creuse entre l'analyse des flux d'intérêt Internet et la réalité des marchés : 12 % de croissance dans la curiosité pour les marques de haute horlogerie, c'est formidable alors que le marché des montres de luxe ne dépasse pas 2 % de croissance annuelle [et encore, au prix d'aménagements cosmétiques aux limites du hors-jeu]. La décorrélation est évidente entre l'effervescence Internet et l'activité de terrain, en particulier pour la compréhension du marché chinois, toujours numériquement suractif (+ 57 %), mais si commercialement déprimé (- 20 % à - 30 %). On ne tirera donc aucune conclusion de l'effondrement de Richard Mille (- 3%, par rapport à + 61 % en 2012) dans cet « intérêt » des internautes, ni de la performance de Glashütte Original (+ 48,7 %, ce qui va faire rigoler tout le monde au Swatch Group). Bref, il faudrait peut-être réviser les procédures de travail de ce WorldWatchReport...
 
◉◉ L'HIMALAYA DE LA PENSÉE HORLOGÈRE : on l'attend avec impatience chaque année, et il ne nous déçoit jamais par sa vision pénétrante du métier, ni par ses analyses fulgurantes. Ne diagnostiquait-il pas, voici quelques jours, la mise à l'écart de Jean-Claude Biver et sa promotion-sanction à la tête des montres LVMH ? Son sens de l'humour reste légendaire : c'est ainsi que Parmigiani aurait réalisé 17 % de croissance en 2013 [mieux que toutes les marques du Swatch Group !] et aurait vendu au moins 6 000 montres – ce qui représenterait d'ailleurs 25 % de croissance par rapport à ses précédentes annonces ! Le SIHH, c'est comme la lampe d'Aladin : on voit les génies sortir de la lampe et nous permettre de faire des voeux...
 
◉◉ ZENITH : il y a du vent dans les voiles ! La prochaine conférence de presse de la marque est mystérieuse dans son objet, et Zenith cultive le secret, mais sont annoncés Dona Bertarelli et Yann Guichard : l'une étant la compagne de l'autre et les deux étant les animateurs de l'écurie Spindrift Racing, qui vise à battre tous les records possibles en maxi-trimaran (ci-contre) ou en Décision 35, on en concluera que l'étoile Zenith veillera sur l'équipe, qu'il soit question d'eau douce ou d'eau salée. On prend les paris ?
 
◉◉ ROLEX : on aurait pu rigoler un bon coup en découvrant, sur le site Rolex, un message de félicitations erroné à un ambassadeur de la marque, avec une photo erronée pour identifier le vainqueur erroné d'un tournoi de tennis, mais le ménage a été rapidement fait sur le Net, où les pages disparues à ce sujet abondent. On imagine que le stagiaire fautif a été précipité dans les oubliettes du grand building vert de Genève...
 
◉◉ FRANÇOIS HOLLANDE : les lecteurs se souviennent d'une image de François Hollande cherchant à regarder sa Swatch... glissée de l'autre côté du poignet (page Facebook de Business Montres du 11 mai 2012). Image ridicule du nouveau président français, reprise en couverture du Point le 17 mai suivant. Canal+ nous signale, par une photo datée d'il y a quelques jours, que le président persiste et signe dans cette posture horlogère ridicule (à la minute 06:19 de la chronique de Nicolas Domenach)...
 
 
 PANERAI : on reconnaît les grandes marques à ce qu'elles parviennent plus vite que les autres à reconnaître leurs erreurs et à corriger le tir, là où d'autres ont du mal à manger leur chapeau. Exemple avec la montre de poche Panerai : la première tentative était totalement ratée (Business Montres du 30 janvier 2013) et n'a excité personne les marchés [surtout avec 165 000 euros de rançon à verser pour lui faire quitter la vitrine], mais celle de cette année – en or rose comme en or blanc (ci-dessous) – est nettement plus convaincante. Du coup, une simple question : qu'en pensent les médias perroquets qui se sont extasiés en 2013 ? Vont-ils également reconnaître leur erreur de jugement ?
 
 
◉◉ SMARTWATCHES : réponse de Jean-Claude Biver, le nouveau M. Montres du groupe LVMH, quand on lui demande ce qu'il ferait s'il avait 30 ans dans le domaine des montres intelligentes. « Je foncerai ! Les smartwatches peuvent représenter une fantastique opportunité pour une certaine horlogerie suisse. Cela ne peut pas passer par le simple rachat d'une technologie qui implique que vous avez un temps de retard. Il faudrait créer ici et se lier avec les spécialistes du secteur comme Apple pour travailler ensemble. D'ailleurs, des groupes internationaux actifs dans les nouvelles technologies sont déjà en train de prospecter en Suisse pour débaucher des talents, voire contacter des fournisseurs. Je ne comprends pas que, parmi les marques établies qui proposent des produits en-dessous de 1000 francs, personne ne se lance. Mais peut-être aurons-nous des surprises à Bâle » (Bilan)...
 
◉◉ PIAGET : l'art pour l'art débouche toujours sur le baroque et, en matière d'horlogerie, la virtuosité pour la virtuosité relève historiquement d'une logique de décadence créative – qui a trop souvent précédé les grandes crises. C'est un peu l'esprit des discussions byzantines sur le sexe des anges quand les Barbares escaladaient les remparts de la ville. D'où l'impression mitigée que laisse la nouvelle montre Emperador tourbillon coussin, avec décoration squelettée et sertissage massif (ci-dessous). La littérature officielle ne fait pas dans la dentelle laudative : « Au firmament des arts horloger et joaillier, Piaget livre une partition unique de cette double expertise au travers de son Emperador Coussin Tourbillon automatique Squelette serti Pièce Exceptionnelle. Défiant les lois des possibles, la Manufacture signe le premier mouvement squelette serti baguette de l’histoire, qui plus est dans une composition extra-plate arborant rien de moins qu’un tourbillon volant. Repoussant les limites de l’audace, Piaget va jusqu’à sertir les deux côtés de chacun des éléments fonctionnels du calibre extra-plat à tourbillon automatique 1270D battant au cœur de cette Pièce Exceptionnelle » [les majuscules sont en version originale]. Après cette montée au « firmament », ce « défi aux lois du possible » et ce franchissement « exceptionnel » des « limites de l'audace », on a évidemment du mal à faire remarquer que le culte de l'ultime n'est pas forcément l'ultime du culte horloger et que la dextérité technique n'est pas forcément synonyme de maestria esthétique. À force de surenchères virtuoses et à force de vouloir en faire toujours plus, on est vite aux frontières de l'indigestion : c'est du gongorisme mécanico-joaillier, avec un maniérisme qui frôle la bouffissure. Ne serait-ce pas la montre idéale pour les Précieuses ridicules (mais friquées) du douzième art ?
 
 
D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTES DE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...
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