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MERCREDI : Les questions qui fâchent, les rendez-vous ratés, les idées folles et les lendemains qui déchantent...

Grosse mobilisation pour les chèvres du zodiaque chinois, mais il aurait sans doute été plus malin de jeter un oeil sur les enluminures du manuscrit de François Ier : la myopie des horlogers globalisés ira-t-elle jusqu'au retrait des croix qui pourraient peiner les investisseurs musulmans ? ▶▶▶ EN RÉSUMÉ Indiscrétions, analyses, informations, enquêtes, rumeurs & murmures (développements ci-dessous)... ❏❏❏❏ IN MEMORIAM : Jean-Claude Sabrier nous a quittés... ❏❏❏❏


Grosse mobilisation pour les chèvres du zodiaque chinois, mais il aurait sans doute été plus malin de jeter un oeil sur les enluminures du manuscrit de François Ier : la myopie des horlogers globalisés ira-t-elle jusqu'au retrait des croix qui pourraient peiner les investisseurs musulmans ?

horlogemémorielleBusinessMontres

EN RÉSUMÉ
Indiscrétions, analyses, informations, enquêtes, rumeurs & murmures (développements ci-dessous)...
 
❏❏❏❏ IN MEMORIAM : Jean-Claude Sabrier nous a quittés... ❏❏❏❏ LES CHAISES MUSICALES : et maintenant, à qui le tour ? ❏❏❏❏ LA GÉOPOLITIQUE : on peut redouter le moment où les horlogers devront retirer les croix de leurs logos... ❏❏❏❏ LA TECTONIQUE DES PLAQUES :  « Tout va très bien, Madame la marquise », même si la mécanique des plaques continentales est impitoyable... ❏❏❏❏ LES QUESTIONS QUI FÂCHENT : Panerai, DeWitt, la Chine du luxe, Chopard, Vacheron Constantin, Jaquet Droz, Swatch, etc... ❏❏❏❏ LA CULTURE : les horlogers absents d'un rendez-vous culturel majeur... ❏❏❏❏ ALZHEIMER : l'horlogerie pour les désorientés est un segment de marché qui devient intéressant. Ci-dessus : une « horloge mémorielle » conçue par deux gérontologues pour améliorer les repères temporels des malades d'Alzheimer et pour les repositionner dans le temps (cette horloge programmable pour les différentes activités de la journée est vendue 1 029 euros)...
 
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 IN MEMORIAM
Jean-Claude Sabrier vient de nous quitter...
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◉◉ LE PLUS CONNU DES EXPERTS HORLOGERS FRANÇAIS – spécialiste des montres anciennes – vient de nous quitter, à l'âge de 76 ans. Ceux qui avaient pu le croiser lors des dernières ventes genevoises avaient pu constater à quel point il était épuisé. Spécialiste des montres françaises du XVIIIe siècle, il avait commencé sa carrière horlogère dans l'univers alors clos des enchères, avant de rejoindre Antiquorum à l'aube des années quatre-vingt. Compagnon de route d'Osvaldo Patrizzi, qui avait pris ses distances avec lui dans les années 2000, Jean-Claude Sabrier (ci-contre) avait publié différents livres d'histoire sur l'horlogerie ancienne. À la demande de Nicolas Hayek, qui devait également en venir à se passer de ses services, il avait aussi pris la responsabilité du « patrimoine » pour quelques marques du Swatch Group (notamment Breguet, dont il a aidé à compléter le musée). Animé par un vrai amour de la montre mécanique et de la chronométrie, Jean-Claude Sabrier était un vrai passionné – affectif et réactif – d'horlogerie, qui travaillait autant à l'intuition qu'à l'érudition ou à l'inspiration commerciale : sans être horloger méchanicien lui-même, son étude attentive des manuscrits de Berthoud lui donnait une familiarité réelle avec les textes fondateurs des « grands anciens ». Son nom restera cependant lié à quelques dossiers polémiques, notamment l'attribution à Perrelet de la « première-montre-automatique-de-l'histoire » – dont on sait aujourd'hui qu'elle relève plutôt des schémas techniques déposés par Hubert Sarton à l'Académie des sciences de Paris. Pour avoir fait l'impasse – par dépit ou par intérêt marchand – sur les récentes découvertes documentaires de Joseph Flores, sa récente et controversée histoire de La Montre automatique (2012) s'est trouvée entachée d'erreurs et de contresens durement sanctionnés par les historiens anglo-saxons. De même, ses récentes prestations pour le département Montres de Sotheby's n'avaient convaincu personne. En dépit d'une conception assez élastique de l'éthique professionnelle, Jean-Claude Sabrier restera cependant comme une des figures les plus marquantes de la fin du XXe siècle pour ce qui concerne les études historiques sur les montres  : on espère que son « élève » et « fils spirituel », Arnaud Tellier (ex-conservateur du musée Patek Philippe), pourra terminer seul l'ouvrage qu'ils avaient entrepris ensemble pour étudier l'histoire des montres de souscription...
 
 
 CHAISES MUSICALES
Et maintenant, à qui le tour ?
◉◉ SI LE DÉPART DE MICHELE SOFISTI (ex-CEO de Girard-Perregaux et Jeanrichard) n'a pas encore été annoncé chez Gucci, dont il dirigeait les montres, ce n'est qu'une question de jours. L'annonce de son remplaçant chez Girard-Perregaux n'est lui aussi qu'une question de jours, l'intérêt des chaises musicales étant alors de savoir quelle bille viendra se loger ensuite dans le trou libéré par le futur nouveau manager du groupe Sowind : aux dernières nouvelles, une solution genevoise se dessinerait, mais la haute horlogerie est un univers impitoyable. Personne n'est obligé de croire les rumeurs qui donnent Michele Sofisti parti pour remplacer Stéphane Linder à la direction de TAG Heuer : c'est mal connaître les différents protagonistes du dossier que d'imaginer une telle option – mais les journalistes adorent se raconter des histoires. Après le départ de Thierry Fristsch, qui quittera Chaumet le jour de l'An, après deux septennats passés dans la maison, on annonce – et, là, ce ne sont pas des craques – d'autres chaises musicales du côté de la place Vendôme – sans doute après les salons de Genève, qui pourraient bien être les derniers pour une poignée de CEO qui tenteront d'y faire bonne figure. La grande lessive va commencer : attachez vos ceintures ! Côté arrivées, on saluera la nomination d'Alexandre David (ex-MB&F, ex-Ikepod) à la direction commerciale internationale de Linde Werdelin (cette reprise en main était une annonce Business Montres du 23 décembre 2013). Chez Chaumet, le proctérien Thierry Fristsch sera remplacé par le L'Oréalien Jean-Marc Mansvelt (ex-Louis Vuitton), qui va se sentir un peu seul face aux autres grands proctériens du luxe joaillier installés chez Cartier, Tiffany & Co ou Bvlgari (Business Montres du 25 septembre 2013)...
 
 
 GÉOPOLITIQUE
Il va falloir « décroiser » quelques marques de montres...
FCBarceloneBusinessmontres
◉◉ AVEZ-VOUS REMARQUÉ LE NOUVEAU LOGO du Real Madrid (ci-dessous) ? Il y manque désormais la croix qui fermait la couronne royale : apparemment, il ne fallait pas risquer de fâcher le nouvel investisseur du grand club de football espagnol – la Banque nationale d'Abu Dabi. Explication officielle : « C'est une version modifiée du logo habituel, sur lequel la croix – symbole chrétien – ornant la couronne a été retirée afin de ne pas offenser ou mettre mal à l’aise les clients musulmans. » Officiellement [sinon hypocritement], cette version modifiée de l'emblème du club ne sera pas utilisée en Europe. On avait déjà noté que le Barça (Football Club de Barcelone) s'était empressé de remplacer la croix catholique de ses armoiries traditionnelles par un champ héraldique banalisé : là encore, il ne fallait pas prendre le moindre risque vis-à-vis des financiers musulmans du club (ci-contre). D'où la question qu'on peut légitimement se poser : quand faudra-t-il déchristianiser les logos horlogers qui reprennent la croix ou les marques qui utilisent une croix comme emblème identitaire ? Après tout, il ne faudrait indisposer les nombreux et excellents clients musulmans de ces marques ! On compte un peu plus de 40 marques suisses qui utilisent une croix, à commencer par Patek Philippe [c'est la croix de Calatrava, ordre militaire tout spécialement fondé par les... croisades !], Vacheron Constantin ou Tissot pour ne citer que les plus célèbres. Pour ces marques horlogères, la reddition sans conditions du Real Madrid est un « signal faible » inquiétant...
 
RealMadridBusinessmontres
 
 
LES QUESTIONS QUI FÂCHENT
Franchement, vous y croyez encore ?
◉◉ À LA CHINE COMME PREMIER MARCHÉ MONDIAL DU LUXE à l'horizon 2015 ? C'était prévu, promis, juré, par les cabinets d'experts. Et c'était gobé tout cru par les équipes marketing des marques de luxe, qui ont multiplié les ouvertures de boutiques et les investissements commerciaux en Chine sur la foi de ces « prévisions ». La vraie question est maintenant de savoir si le « miracle chinois » n'était pas une illusion économique, aujourd'hui perdue. S'il est évident que la Chine a pu se hisser, ces dernières années, dans le peloton de tête des nations consommatrices de luxe, elle n'en prendra sans doute pas la première place avant des années – d'autant que le luxe qui a la cote en Chine est plutôt un luxe « accessible » (autoproclamé masstige pour faire plus chic), qui n'a souvent plus rien à voir avec les marques surdistribuées et outrageusement ostentatoires qui ont ouvert le marché pour le compte des groupes européens de luxe...
 
◉◉ À PANERAI COMME MARQUE LOCOMOTIVE sur le segment des futures valeurs sûres de l'industrie horlogère ? Une grande vente thématique Panerai Only (Artcurial, Paris) va mettre sur le marché 69 lots qui auraient explosé les estimations (plutôt optimistes) voici trois ou quatre ans. Compte tenu du coup de frein international sur une marque qui semble commercialement marquer le pas et qui paraît susciter beaucoup moins d'enthousiasme auprès des collectionneurs – un peu dépités par l'augmentation vertigineuse des prix de détail. Une vague de décollection serait-elle en cours ? pas impossible, vérification le 8 décembre chez Artcurial. Ce ne sont pas les nouveautés promises pour le SIHH de janvier qui vont combler le déficit de sex appeal regretté par tous les amateurs, qui déplorent également que la marque ne soutienne pas mieux sa cote d'amour aux enchères. N'est pas Patek Philippe qui veut...
 
SwatchAnnéedelachevreBusinessmontres◉◉ À L'ANNÉE DE LA CHÈVRE POUR ARME SECRÈTE de reconquête pour une horlogerie au bord du gouffre ? Il suffit de croiser les doigts ! C'est reparti pour la rituelle célébration helvétique d'un zodiaque chinois qui nous assure que nous entrerons dans l'Année de la Chèvre au mois de février 2015. Et chacun, de Swatch à Vacheron Constantin, de célébrer cet événement annuel en misant sur les « métiers d'art » pour émerger du lot. Chopard (ci-dessous) parvient à tirer son épingle du jeu en misant sur la spectaculaire technique décorative japonaise de l'urushi (gravure, émaillage, laquage), Jaquet Droz préférant le bas-relief et Vacheron Constantin reprenant la ligne stylistique de ses précédentes propositions dans le zodiaque chinois (en haut de la page). Finalement, le clin d'oeil le plus amusant est encore celui de Swatch (ci-contre). Des montres dont les mauvaises langues diront qu'elles pourraient plaire dans les chambrées de la Légion étrangère [humour d'une humeur antimilitariste un peu facile !]. On peut quand même se demander si des marques européennes ne feraient pas mieux de se concentrer sur des opérations qui concernent directement le patrimoine européen – par exemple avec le fameux manuscrit royal de François Ier (voir plus bas)...
 
Chopard L.U.C XP Urushi “Year of the Goat” 4
 
◉◉ À L'HORLOGERIE MÉMORIELLE COMME VECTEUR DE RECYCLAGE des légendes de siècle : c'était la spécialité de RJ-Romain Jerome (tôles du Titanic, poussière de Lune, jeux d'arcade, etc.), mais beaucoup d'autres maisons horlogères sont venues à cette mode (notamment les marques anglaises Arnold & Son et Bremont pour recycler des éléments du HMS Victory). À présent, c'est la manufacture Dewitt qui nous propose des... cheveux sous le verre de la montre – ambition iconoclaste après des siècles de « chasse au cheveu » dans les ateliers et dans les « salles blanches » [charlotte obligatoire] mises en place par les marques pour une production exempte de tout corps étranger indésirable dans la montre. La manufacture de Viviane De Witt a prévu de réaliser 400 montres en acier enrichies d'un demi-millimètre de vrais cheveux – officiellement certifiés – de l'empereur Napoléon. Le storytelling est amusant, d'autant que le directeur artistique, Jérôme De Witt, est lui-même un descendant de l'Empereur, et le prix public très attractif pour une DeWitt : 10 700 francs suisses pour ce grand frisson historique scellé sous le verre de la montre en acier, c'est le vrai prix du rêve pour porter au poignet ce fragment de l'ADN impérial. Reste à savoir si le bicorne et le cheveu sont une motivation suffisante pour craquer sur une montre à l'esthétique plutôt réussie...
 
DEWITTempereurBusinessMontres
 
 
▶ IN-CULTURE
Une remarquable occasion perdue
pour les métiers d'art horlogers
◉◉ C'EST QUAND MÊME BIZARRE, CES HORLOGERS qui ne jurent plus que par la « culture » et par les métiers d'art, mais qui sont absents des grandes causes « culturelles » de leur territoire de référence. Alors que tout le monde se rue sur l'Année de la Chèvre (voir ci-dessus : on admettra que c'est quand même très pointu !), pas un horloger n'a imaginé de soutenir l'acquisition par souscription publique d'un manuscrit royal, superbement enluminé, destiné à la Bibliothèque nationale de France. Une pièce unique qui été déclarée « trésor national » et dont les 32 feuillets parcheminés resteront dans les collections nationales grâce à 2 400 donateurs (300 000 euros souscrits pour un prix d'achat final négocié à 2,4 millions d'euros). Les enluminures se prêtaient pourtant merveilleusement à une série de montres émaillées (voir ci-dessous et en haut de la page), avec 16 superbes médaillons à l'effigie des douze Césars, de Jules César à Antonin le Pieux : mieux vaut, probablement, graver des chèvres à la japonaise pour une poignée de clients chinois ! Quand on connaît la notoriété de ce manuscrit aux Etats-Unis ou même chez les collectionneurs, on reste perplexe. On vous laisse imaginer les gains d'image possibles autour de la contribution d'une marque horlogère à l'acquisition de ce trésor national en France : admettons que c'est moins amusant – et sans doute moins socialement gratifiant pour l'égo managérial – que le financement d'un tournoi de polo, avec sa sueur et son crottin... Il y avait là, également, une occasion de célébrer le cinquième centenaire de la victoire française à Marignan (septembre 1515), même si elle était partiellement une défaite cuisante des mercenaires... suisses ! Mauvais joueurs, les horlogers suisses ?
 
Manuscritroyal_Cesars_Businessmontres
 
  
 PROSPECTIVE
La tectonique des plaques est impitoyable...
◉◉ LE PLUS ÉTONNANT, QUAND ON PREND un peu de champ par rapport à l'actualité immédiate des montres et de l'horlogerie, c'est de constater à quel point la « tectonique des plaques » est à la fois imprévisible et impitoyable. Imprévisible, parce qu'on ne sait pas exactement quand va se produire le tremblement de terre de forte intensité, mais impitoyable parce qu'on sait que la déchirure se produira, on peut comprendre à peu près où elle se produira et on peut en calculer à l'avance l'intensité. Le scénario de la crise horlogère est en place et il est déjà familier pour les lecteurs de Business Montres : la subduction de la « plaque » asiatique est devenue évidente – plus personne ne saurait la nier, alors qu'on se souviendra des sarcasmes sceptiques qui avaient accueilli, voici plus de dix-huit mois, nos premiers pronostics sur le retournement de conjoncture en Chine et sur le changement de paradigme horloger pour les consommateurs asiatiques. Ce n'est qu'un début : ne croyez surtout pas les statistiques officielles qui camouflent autant qu'elles le peuvent une situation de décroissance qui devient dramatique ! La « plaque » européenne s'enfonce lentement, tandis que la « plaque » américaine affiche d'inquiétants signes d'instabilité et que la « plaque » eurasiatique grand-russe ne répond plus. Seule la « plaque » proche-orientale – qui est paradoxalement le plus risquée sur le plan géopolitique – semble se maintenir, comme elle l'a d'ailleurs fait au cours des méga-crises précédentes. Rien de changé, donc, depuis cet été, sinon une angoisse encore plus stressante pour les états-majors et de vives alarmes dans les vallées, où la valse des licenciements ronge lentement l'outil industriel. Pas de souci, en revanche, pour les actionnaires : on sauvera sans doute les meubles cette année, mais il ne faudra pas regarder sous le tapis [comprenez : dans les ports-francs et dans toutes les structures de defeasance où s'entassent discrètement des stocks hallucinants, officiellement « exportés » de Suisse], ni sur les marchés aprallèles, gavés jusqu'à la gueule de collections dont les prix « cassés » annoncent un futur immédiat très déflationniste. À part ça, « tout va très bien, Madame la Marquise »...
 
 
QUELQUES SÉQUENCES RÉCENTES
DE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...
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