MERCREDI : Pourquoi les montres suisses montent sur le ring, face aux smartwatches, avec les yeux bandés et les mains menottées
Le 28 / 01 / 2015 à 08:54 Par Le sniper de Business Montres - 3925 mots
Pas facile de disputer un combat de boxe avec une cagoule sur la tête et les mains liées dans le dos. La cagoule, c'est le refus du réel face aux montres connectées. Les mains menottées dans le dos, c'est l'impossibilité de faire une smartwatch qui soit réglementairement Swiss Made...
▶▶▶ EN RÉSUMÉ Indiscrétions, analyses, informations, enquêtes,
Pas facile de disputer un combat de boxe avec une cagoule sur la tête et les mains liées dans le dos. La cagoule, c'est le refus du réel face aux montres connectées. Les mains menottées dans le dos, c'est l'impossibilité de faire une smartwatch qui soit réglementairement Swiss Made...
▶▶▶ EN RÉSUMÉ Indiscrétions, analyses, informations, enquêtes, rumeurs & murmures,le tout développé après le résumé ci-dessous... ❏❏❏❏ UNE HORLOGE ASTRONOMIQUE À LA MONTAGNE... ❏❏❏❏ ❏❏❏❏ LES DOUZE BOUGIES D'UNE ÉLÉGANTE... ❏❏❏❏ ❏❏❏❏ LE POISON D'AVRIL DE TIM COOK... ❏❏❏❏❏❏❏❏ LES MENOTTES RÉGLEMENTAIRES DU SWISS MADE... ❏❏❏❏ ❏❏❏❏ COMMENT ON PRÉPARE UNE REDDITION SANS CONDITIONS... ❏❏❏❏❏❏❏❏ LES PHASES DE LUNE INTERACTIVES... ❏❏❏❏ ❏❏❏❏ LES RACINES JAVANAISES DE BAUME & MERCIER... ❏❏❏❏❏❏❏❏ TROP NICE, BRICE ! ❏❏❏❏❏❏❏❏ VALENTIN SOULAGE LES PONTS (ci-dessous)... ❏❏❏❏ ❏❏❏❏ L'ÉCUREUIL CONTRE LA CHÈVRE... ❏❏❏❏❏❏❏❏ SANS PARLER DE TOUTES LES AUTRES INFOS, QUI ONT PLEIN DE CHOSES À NOUS RACONTER... ❏❏❏❏ ▶▶▶ LE ZAPPING DU MERCREDIDe infos notées à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... ◉◉◉◉ IMPOSSIBLE DE CRÉER LA MOINDRE SMARTWATCH SWISS MADE (1) ! L'ordonnance de 1971 sur le Swiss Made est un bouclier qui a protégé l'industrie horlogère pendant plus de quarante ans. Dans le cadre de la nouvelle « guerre du poignet » entre montres traditionnelles et montres connectées, les dispositions de 1971 peuvent devenir, dès demain, le boulet qui entraînera tout le monde par le fond. Ne revenons pas sur les nouvelles dispositions qui concernent les 60 % de valeur créée en Suisse (au lieu de 50 %) : comme ces 60 % peuvent désormais intégrer les dépenses de R&D, il devient presque plus facile de faire des montres Swiss Made à forte valeur ajoutée technologique. À condition qu'on se contente de montres électroniques d'ancienne génération, avec des aiguilles ou des affichages numériques réglés par un mouvement à quartz : c'est dans cette direction que travaillent un certain nombre de marques suisses qui présenteront à Baselworld des montres connectées [les carnets de commande de Soprod croulent sous les projets]. Sauf que les montres connectées de nouvelle génération n'ont pas de mouvement au sens traditionnel du terme ! Or, l'ordonnance de 1971 stipule expressément qu'une montre Swiss Made doit avoir un mouvement suisse pour être considérée comme une « montre suisse ». Pas de mouvement, pas de label suisse : la règle est impérative. Les nouveaux concepts de smartwatches purement numériques utilisent des circuits électroniques et des écrans digitaux, mais de mouvement au sens classique du terme : le boîtier d'une montre intelligente peut s'avérer totalement suisse, de même que son bracelet, voire même sa puce 100 % développée en Suisse et son écran d'affichage Made in Switzerland, mais la montre ne sera pas suisse parce qu'elle n'aura pas de « mouvement ». Là, c'est du shadockisme horloger... ◉◉◉◉ SWISS MADE INTERDIT (2) : il existait déjà une aberration dimensionnelle dans cette ordonnance de 1971 (lièvre soulevé par Business Montres, 18 mai 2014 : « Mais quel est le crétin qui a rédigé l'ordonnance-passoire sur le Swiss Made ? ». Selon le texte, une montre suisse doit faire moins de 50 mm de diamètre et moins de 12 mm d'épaisseur pour être considérée comme une montre : s'il s'agissait à l'époque de protéger les montres-bracelets suisses, on a vu depuis des montres bien plus larges et bien épaisses [à la limite, elles échappent au domaine couvert par la réglementation et elles pourraient donc se rebaptiser « suisses » sans enfreindre la loi]. Cette fois, avec cette obligation de « mouvement suisse » pour une génération de montres sans mouvement, c'est la possibilité même d'une riposte suisse aux smartwatches qui s'effondre : nous n'aurons, au mieux, que des montres à quartz et à liaison Bluetooth à opposer à l'Apple Watch – à moins que l'industrie n'opte massivement pour les puces NFC, pour l'instant brevetées pour ce qui concerne leur usage en boîtier métallique [l'option NFC dans le bracelet n'est pas clairement élucidée]. Une renégociation d'urgence de l'ordonnance de 1971 (PDF à télécharger) s'impose : il faut que la loi admette provisoirement que le « mouvement » d'une montre peut devenir un simple circuit électronique capable d'afficher l'heure. Sinon, c'est l'impasse réglementaire : faute de défenses immunitaires adaptées, l'horlogerie suisse ouvre un boulevard à Apple – et on s'achemine vers une reddition sans conditions [à la place de Tim Cook, ci-dessus, je ferais un gros cadeau d'anniversaire à Nick Hayek, le 23 octobre prochain]... ◉◉◉◉ TIM COOK NOUS CUISINE UN SACRÉ POISON D'AVRIL : bonne ou mauvaise nouvelle, l'annonce officielle (par Tim Cook, le grand patron d'Apple) de la livraison de la future Apple Watch en avril ? Il a bien parlé de livrer ces montres (to ship) et non de les présenter. Il n'a pas non plus préciser début avril ou en fin de mois. Ce qui ouvre la porte à différentes suppositions. Soit l'Apple Watch est dévoilée juste avant ou pendant Baselworld – et c'est une catastrophe pour l'industrie des montres, dont la part de marché médiatique va être totalement oblitérée par le fracas de ce lancement, dans tous les supports qui faisaient traditionnellement la part belle aux montres à cette période de l'année. Soit l'Apple Watch est présentée après Baselworld, en avril, avec une livraison immédiate dans les boutiques de la marque et ce sera un peu moins pire qu'une catastrophe, les échos de ce lancement parasitant l'actualité horlogère jusqu'à la veille des vacances : il y aura, comme (presque) toujours avec l'ouverture d'un marché par Apple, un avant Apple Watch et un après... ◉◉◉◉ LONGUE MÉMOIRE DU TEMPS : quelques amusantes nouvelles du front archéologique, avec la découverte qu'Ötzi, notre ancêtre alpin (l'« homme des glaces » congelé depuis 6 500 ans) était tatoué comme un « rebelle » contemporain, encore plus qu'on ne l'imaginait, chaque figure de ses tatouages traduisant des préoccupations mystico-politiques qui nous échappent encore (source : EURAC Research)... ◉◉◉◉ VALLÉE DES MERVEILLES : le plus fort, c'est quand même la découverte que la Vallée des Merveilles (autour du mont Bégo, dans le haut pays niçois) était sans doute une sorte de sanctuaire astronomique à ciel ouvert, avec des gravures et des sculptures cachées qu'on a pu découvrir sur des intuitions prédictives et qui établissent qu'il s'agissait d'un culte solaire, associé à des initiations solsticiales liées aux constellations dans le ciel. Nous faisons des montres, mais nos ancêtres retaillaient les montagnes pour créer des objets du temps en prise sur l'au-delà (source : Nice Provence Info)... ◉◉◉◉ MÉTIERS D'ART PRÉHISTORIQUES : graver des objets du quotidien pour les embellir ? Nos très lointains ancêtres savaient déjà le faire : la plus vieille gravure connue de l'histoire de l'humanité remonte à 500 000 ans et elle est attribuée à l'homme de Java (ci-contre), sans personne parvienne à en préciser l'utilité. Alors, pourquoi pas le pur plaisir de la décoration (source : Le Monde, PDF à télécharger). Une nacre gravée de vagues dans un boîtier accessible ? À tous les coups, c'est une Promesse Baume & Mercier ! ◉◉◉◉ SWATCH AU RÉGIME PONTIFICAL : c'est pour épargner les ponts où les amoureux accrochent des cadenas trop pesants que Swatch a conçu une montre de Saint-Valentin « Unlock my Heart » (en haut de la page, sous le sommaire). Le cadenas est sur la montre, avec ce qu'il faut de coeurs pour célébrer les amoureux du monde entier. Autant accrocher une montre au poignet plutôt que de ruiner le Pont des Arts – il n'est pas interdit d'offrir la montre sur le pont en question ! Swatch so kawaï ? Les monuments historiques lui disent merci... ◉◉◉◉ BRISTON : Brice Jaunet, le créateur-animateur-marketeur-ambassadeur de la jeune marque française Briston rêve en couleurs. Il élargit sa gamme avec une série de Clubmaster aux cadrans colorés et soleillés dans les tons des anciennes voitures de course des écuries nationales (voir le bleu à la française Bugatti ou Gordini en haut de la page, ou le rouge italien Alfa-Romeo ci-contre). Les bracelets sont assortis, le boîtier toujours en acétate écaille de tortue et les prix encore plus accessibles autour de 160 euros pour ce style deux compteurs très rétro (mouvement Miyota). Confort au poignet, mouvement sans souci, élégance de la montre, marketing intelligent et prix réaliste : et si les jeunes marques indépendantes avaient tout compris des nouvelles attentes des consommateurs ? ◉◉◉◉ DOUZE BOUGIES POUR LA DANDY : après douze années de bons et loyaux services [décompte duodécimal normal pour une marque logée au 12, place Vendôme], Chaumet offre à la montre son premier lifting avec deux nouveaux boîtiers (42 mm en acier et 38 mm en or rose) et des détails subtilement retouchés. Disons que la montre a pris du coffre, mais sans embonpoint, et de la prestance, mais sans prétention. L'esprit « coussin » de la montre (ci-dessous), ainsi que les rayures bayadère du cadran ont été préservés : on ne change pas une icône qui gagne et qui assure d'excellents revenus à Chaumet. Les mécaniques restent suisses (ETA : un peu petit, la date se mettant à flotter trop près du centre du cadran) et le style très parisien : la Dandy reste une des montres les moins conformistes de l'offre contemporaine – et sans doute une des plus élégantes... ◉◉◉◉ LA PLUS FANTASTIQUE DES PHASES DE LUNE : les phases de la Lune qui illuminent la nuit, comme vous ne les aviez jamais vues ! Ce n'est pas un nouveau chef-d'oeuvre de l'horlogerie mécanique, mais une initiative de nouveaux « sculpteurs de lumière » (Incandescent Cloud), spécialisés dans les effets spectaculaires et les beaux-arts de l'ampoule électrique (voir la vidéo ci-dessous). Atout supplémentaire : c'est interactif. Une belle idée d'animation pour les longues soirées horlogères... ◉◉◉◉ UN PETIT PEU DE TOUT SUR QUELQUES PETITS RIENS : intéressante étude d'Euler Hermès (assurance crédit) sur l'impact du franc fort, qui met les entreprises suisses sous pression. Peuvent bien s'en tirer : le commerce de gros, les importateurs et les ménages [ainsi que le tissu économique de la zone euro voisine de la Suisse]. Perdants : les secteurs suisses à faible marge (papier, bois, textile, acier). Risque : délocalisation vers l'étranger. Bénéfice collectif : l'optimisation de l'efficacité et de l'innovation. Et le luxe ? Les fortes marges permettent de compenser, selon Euler Hermès, sans risque de glisser dans le rouge. Sauf que, pour l'instant, les marques n'entendent pas diminuer leurs marges et ne réagissent – à quelques exceptions près – qu'en termes de compensation par une augmentation franchement suicidaire des prix... ◉◉◉◉ DÉSORDRES MONÉTAIRES : force du dollar et déflation de l'euro comme une bénédiction pour les amateurs de luxe européen ? Business Montres (27 janvier) signalait hier la ruée vers Rolex et Franck Muller à Singapour. Le New York Times explore les nouvelles bonnes affaires qui s'offrent aux consommateurs américains... ◉◉◉◉ LA CONVICTION DANS L'ACTION : interview intelligente de Lionel Meylan (grand détaillant horloger de Vevey, désormais concessionnaire Rolex et Tudor) dans L'Agéfi suisse. À propos du découplage euro-franc suisse : « Je crains que cette mesure n’ait été indispensable. Il ne faut pas oublier que jusqu’à aujourd’hui, nous n’étions pas dans la réalité. Maintenant, ce qui est sûr, c’est que le franc est fort et que nous allons faire avec et nous adapter. L’annonce de la BNS a ébranlé l’industrie horlogère. Certains diront que le timing était vraiment mal choisi, à la veille du Salon international de la haute horlogerie (SIHH). Personnellement, je dirais plutôt le contraire : cela a permis d’évaluer rapidement la situation avec les marques présentes et de connaître les actions qui seront prises à très court terme. Nous savions que le taux plancher n’était pas une solution à long terme. Nous ne pouvions pas indéfiniment garder ce taux qui ne reflétait pas la réalité. Il est évident que c’est une mauvaise nouvelle pour l’ensemble de l’industrie horlogère, voire même pour l’économie suisse dans sa globalité. A court terme, comme nous avons la chance d’avoir une clientèle majoritairement locale et suisse romande, nous n’allons pas ressentir de la même manière les effets du franc lourd. De plus, nous pouvons compter sur une clientèle extrêmement fidèle, qui vient chez nous pour vivre une expérience plus que simplement en regard du prix. Ce n’est pas la première ni la dernière crise que nous passons et nous nous adapterons comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. Et comme je dis toujours, la médaille a deux côtés... il y aura aussi du positif. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de différences entre la révolution du quartz et celle annoncée de la smartwatch. Les grandes maisons d’horlogerie ont su s’approprier le quartz et y apporter la plus-value de leur savoir-faire traditionnel. Il n’y a pas de raison qu’elles ne puissent pas en faire de même avec les nouvelles fonctionnalités qu’amènent les smartwatch. Au final, je pense que l’horlogerie mécanique cohabitera avec l’horlogerie connectée, au même titre qu’elle cohabite avec l’horlogerie à quartz, aussi longtemps que la typicité du savoir-faire suisse est préservée. » ◉◉◉◉ QUATRE CENTS ANS : on fête cette année, en France, les 400 ans de la naissance du surintendant Fouquet, « héros » du luxe européen et oligarque de son temps tellement flamboyant que le roi de France, Louis XIV, en prendra personnellement ombrage et l'emprisonnera avant de copier son style, ses goûts et ses créations qui allaient devenir la matrice de l'art classique européen. Fouquet (ci-contre), c'est le somptueux château de Vaux-le-Vicomte (ci-dessous), mais aussi un travail déterminant de mécénat et de valorisation de tous les talents dans la formation du goût au XVIIe siècle. Quel rapport avec l'horlogerie ? Aucun, justement, et c'est ça qui fâche ! On sait les élites asiatiques cultivées ou en voie de l'être friandes de ces beaux-arts classiques européens [il suffit de le vérifier au château de Versailles] : plutôt que d'offrir à ces élites des montres aux effigies d'un zodiaque bouddhiste qu'elles connaissent par coeur, ne serait-il pas plus judicieux d'honorer la mémoire de celui dont l'intuition artistique a donné naissance à Versailles et au grand style Louis XIV ? Il y a des séries limitées qui se perdent... Tant qu'à parler de « métiers d'art », ne serait-il pas plus intelligent de valoriser ceux qui ont accompagné l'explosion internationale d'un goût royal qui a influencé tout l'Occident ? Sans doute, mais pas une marque de montre n'a annoncé le moindre partenariat avec le 400e anniversaire de la naissance de Fouquet, le vrai inspirateur du siècle de Louis XIV : à croire que la culture du Grand siècle laisse tout le monde indifférent dans les Watch Valleys, où l'année de la Chèvre semble autrement plus passionnante... D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...