ONLY WATCH 2015 #2 : Les 12 marques qui sont totalement à côté de la plaque (deuxième partie de notre radiographie de la vente de cet automne)...
Le 30 / 07 / 2015 à 07:25 Par Le sniper de Business Montres - 3525 mots
Au-delà de la bonne intention charitable et de la générosité, il y a de curieuses erreurs de casting – celles des marques qui n'ont pas compris l'esprit, ni d'ailleurs la lettre de l'opération Only Watch. Sauf à racheter elles-mêmes leur propre montre [ce qu'elles feront probablement], ces marques se préparent de cruelles déceptions...
▶▶▶ À RELIRE OU À SUIVRE CES JOURS-CI...
Au-delà de la bonne intention charitable et de la générosité, il y a de curieuses erreurs de casting – celles des marques qui n'ont pas compris l'esprit, ni d'ailleurs la lettre de l'opération Only Watch. Sauf à racheter elles-mêmes leur propre montre [ce qu'elles feront probablement], ces marques se préparent de cruelles déceptions...
▶▶▶ À RELIRE OU À SUIVRE CES JOURS-CI...• #1 : Les coulisses de cette opération médiatico-charitable (Business Montres du 29 juillet)• #3 : Les 12 marques qui vont faire des étincelles (en euros)…• #4 : Les 12 marques qui peuvent ménager des bonnes (ou des mauvaises) surprises… ▶▶▶ ONLY WATCH 2015Que d'erreurs de casting dans ce catalogue de belles montres... ◉◉◉◉ TOUTE VENTE AUX ENCHÈRES CHARITABLE a sa règle du jeu, ses dits et ses non-dits, ses codes et son étiquette. L'objectif reste, dans tous les cas, l'établisement d'un record sous le marteau ou, a minima, l'adjudication à un bon prix, supérieur aux modèles courants, dont on pourra se flatter au cours des semaines qui suivent. La tête de série d'une édition limitée (style n° 1/10) ne suffit généralement à faire la différence. Pas plus qu'un changement de couleur du cadran. Ensuite, tout tient à la désirabilité de la marque et à sa collectionnabilité, facteurs impondérables, où se creusent des gouffres béants entre les prétentions des marques et les réactions des amateurs. Au final, tout va dépendre de l'articulation des multiples termes de l'équation : le bon choix de la montre, la mobilisation interne des équipes, la qualité du catalogue, la sensibilisation du fan-club de la marque sur les marchés internationaux, le rêve qu'on éveille dans la conscience des collectionneurs, le tam-tam sur les réseaux sociaux, la bonne tenue sous le marteau dans la salle d'enchères (avec les consignes discrètement laissées à l'auctioneer) et l'exploitation ultérieure par la communication de la marque. Dans cet art de l'auction marketing en ambiance charitable, quelques marques sont devenues expertes (voir la troisième partie de cet article), mais d'autres ne semblent pas en avoir l'intelligence – ce qui n'empêche pas les douze montres de cette page d'être de belles montres, qui n'ont que le défaut de se tromper de casting pour Only Watch et d'avoir un trop faible indice d'octane émotionnel pour qu'Aurel Bacs puisse s'en servir de masse critique pour faire exploser les enchères. Merci quand même aux généreux donateurs... ◉◉◉◉ CARL F. BUCHERER : c'est un peu pathétique, une marque qui fait autant d'efforts pour créer une vraie « pièce unique » et qui parvient à y empiler un quantième perpétuel à phases de lune et un chronographe enrichi d'un « retour en vol », en prenant le soin d'évoquer le mois et l'année de la vente Only Watch (novembre 2015 : il aurait été plus amusant de noter aussi le jour de la vente, 7 novembre, en rouge !) et de soigner le moindre détail. Sauf que cette Manero pièce unique (pièce unique) n'a rien d'exceptionnel, ni de passionnel : on ne voit pas comment elle pourrait créer le moindre coup de folie sous le marteau. Merci d'avoir pris la peine de faire tant d'efforts, mais quel dommage que cette intégrité mécanique reste aussi froidement mécanique et que cette générosité ne transpire pas dans le rendu E de la proposition... ◉◉◉◉ CHOPARD : pour sa sixième participation à Only Watch, Chopard nous propose un chronographe Porsche 919 qui rend hommage au championnat du monde d'endurance (ci-dessus). Pourquoi cette dédicace ? Ce n'est pas clair, sinon pour expliquer que la montre Only Watch résulte de la rencontre entre deux entreprises pionnières et avant-gardistes dans leurs domaines respectifs (Chopard et Porsche) associées à un grand champion (Mark Webber) pour la bonne cause. Sympathique, mais on est un peu hors sujet : la montre est intéressante, mais on ne voit pas en quoi cette pièce unique en titane et carbone pourrait mobiliser les collectionneurs [à quelques exceptions près, dont Chopard n'a pas bénéficié, le métal du boîtier n'a jamais été un accélérateur d'adjudication à Only Watch]. Merci pour les 250 000 enfants que l'enchère Chopard contribuera à soigner, mais un soupçon de créativité supplémentaire aurait permis de mobiliser davantage les enchérisseurs... ◉◉◉◉ DE BETHUNE : la marque a toujours répondu généreusement à l'appel d'Only Watch, mais généralement avec plus de singularité dans le modèle présenté. Là, on semble avoir recyclé un ancien boîtier et un ancien mouvement [le tourbillon a disparu, ce qui aplatit et affadit la montre], avec une retouche esthétique pour faire semblant. Cette pièce unique DBS affiche deux pointes de rouge pour défendre ses chances sous le feu des enchères. C'est un peu mince comme armement face aux bataillons blindés de la concurrence et il ne faudra pas s'étonner d'une contre-performance. Ça ressemble à une De Bethune, mais est-ce vraiment une De Bethune à la hauteur des créations habituelles de David Zanetta et Denis Flageolet ? Merci en tout cas d'avoir pensé à Only Watch... ◉◉◉◉ FREDERIQUE CONSTANT : disons, et c'est une litote, que cette marque, très bien appréciée par son rapport qualité-prix, n'est pas une star de la collection horlogère. On la recherche pour son accessibilité pratique plus que pour sa valeur ajoutée statutaire ou pour sa pérennité patrimoniale supposée. De là une erreur d'appréciation dans la tactique Only Watch 2015 : quel collectionneur va se prendre de passion pour un coffret de deux objets de commodité obsolètes par nature et consommables par vocation ? Aussi élégante soit-elle avec son cadran vert, cette Horological Smartwatch en or rose associée à un smartphone de série manque trop de glamour pour un concours comme Only Watch (ci-dessus). D'autant que le produit de série sera déjà sur le marché et que les early adopters l'auront déjà récupéré en boutique : difficile de trouver le rara avis qui en voudrait et qui serait sensible à cette pièce unique. Peter Stas risque donc de devoir casser sa tirelire et de racheter lui-même son coffret : heureusement pour lui, ça ne devrait pas lui coûter trop cher. Merci pour la recherche sur les myopathies... ◉◉◉◉ H.MOSER & CIE : réputée pour son minimalisme stylistique, la manufacture H. Moser & Cie fait preuve du même minimalisme créatif dans son approche d'Only Watch. Le quantième perpétuel pièce unique endeavour (ci-dessus) est superbe avec son boîtier en titane noirci et la sobriété de sa petite seconde rouge, mais ces différences sont un peu courtes pour créer l'émotion d'une enchère qui s'envole [même avec l'argument d'un double spiral Straumann d'origine [raffinement de grand coquet tout de même peu mobilisateur hors de la secte des Moserophiles forcenés]. Tout collectionneur de H. Moser & Cie qui voudrait une pièce unique préfèrera en commander une bespoke à Shaffhouse. Dommage que cette belle proposition – merci pour le geste – tombe un peu à plat... ◉◉◉◉ IWC : une pièce unique Ingenieur « Tribute to Niko Rosberg » pour Only Watch, so what ? Même avec un boîtier en carbure de bore (un des matériaux les plus résistants qui soient, mais aussi un des plus légers : à notre avis, il a déjà été utilisé dans l'industrie horlogère, mais on ne s'en est pas encore aperçu à Schaffhouse), même avec un mouvement automatique manufacture, même avec un bracelet en microfibres, on est loin du choc créatif espéré. Surtout avec un traitement All Black vu à peu près partout et un cadran en fibres de carbone que les marques d'entrée de gamme pratiquent avec une allégresse suspecte. Le test créatif d'Only Watch n'est pas très positif cette année. Merci quand même d'y avoir participé, puisque c'est l'essentiel... ◉◉◉◉ JAQUET DROZ : en quoi est-elle absolument unique, cette Petite heure Minute Paillonnée ? La marque maîtrise parfaitement cette technique grâce à ses « ateliers d'art » : ce n'est donc pas une « première ». La marque maîtrise parfaitement les techniques d'émaillage grand feu et le rouge profond – qui réclame beaucoup d'habileté technique – de ce type de décoration : rien de bien nouveau, donc. La marque maîtrise parfaitement ce type de cadran à heures et minutes décentrées : toujours pas de rupture en vue. Tout se joue donc sur l'association de ces techniques dans le boîtier contemporain de la Grande seconde (43 mm) : pas de quoi enflammer les amateurs, pas plus qu'ils ne se passionneront pour le fait que Jaquet Droz leur offre, avec cette belle montre par ailleurs très réussie, un mouvement dont le spiral est en silicium. la fait d'affirmer que ce rouge évoque le drapeau de Monaco n'a rien de bien convaincant. Merci pour la réussite esthétique plutôt spectaculaire de l'ensemble, mais on a des doutes sur la réussite sous le marteau... ◉◉◉◉ MAURICE LACROIX : le boîtier en Powerlite (alliage d'aluminium, de titane, de magnésium et de céramique) est bleu. C'est bien. Le compteur des heures et celui des secondes sont bleus. C'est sympa. L'aiguille des secondes est rouge. C'est malin. La couronne est bleue. C'est mignon. La Masterpiece Gravity Only Watch est unique. C'est bien le moins. On en déduira que cette montre (ci-dessus) a tout misé sur sa palette chromatique non usuelle, ce qui est un argument un peu léger pour défendre honorablement les couleurs de Maurice Lacroix dans la compétition – même avec un calibre automatique manufacture qui reste de série. Donc, rien de bien convaincant pour un collectionneur, même si la proposition est intéressante : merci d'avoir essayé... ◉◉◉◉ PIAGET : une pièce unique Altiplano 900p qui a des airs de déjà-vu (ci-dessus) et dont l'originalité n'est pas sauvée par la dédicace Only Watch gravée sur le fond. Bon, d'accord, c'est le mouvement mécanique le plus mince du monde – argument qui ne rend pas plus élégant t'étalage un peu obscène de ses entrailles mécaniques à fleur de cadran. Bon, d'accord, les aiguilles sont rouges : Piaget n'a pas encore bien compris que le marqueur monégasque (suremployé lors des éditions précédentes) ne s'imposait plus depuis la vente était délocalisée à Genève (Business Montres du 29 juillet). Bon, d'accord, c'est gentil d'offrir une montre pour la recherche scientifique : merci pour la beauté du geste, mais quelle détresse créative dans la pauvreté de cette proposition ! ◉◉◉◉ VAN CLEEF & ARPELS : cette Heure d'ici à double fuseau horaire (ci-dessus) ne serait-elle pas trop bleue pour les 42 mm de son boîtier en or ? Et d'un bleu qui manquerait d'élégance ou d'originalité ? Ses marquages blancs ne seraient-ils pas trop contrastés, à la limite du vulgaire, avec ce bleu relativement standard ? Cette montre ne serait-elle pas trop ressemblante aux modèles de série, avec leur mouvement Agenhor (micro-rotor en platine) et donc trop peu différenciée pour une pièce unique Only Watch ? Comme la pièce n'est pas en rupture de stock en boutique, il est douteux que les amateurs – hormis les maniaques du grand bleu – se bousculent pour se l'arracher. Merci pour cette vague bleue, mais on attendait mieux d'une pièce unique Van Cleef & Arpels, qui nous avait habitué à des propositions plus puissantes lors des précédentes éditions d'Only Watch... ◉◉◉◉ VULCAIN : le marché ne manque pas de montres émaillées Vulcain et Pégase est un motif décoratif relativement banal dans l'univers des cadrans « métiers d'art ». Ce n'est donc pas la mention « Swiss n°1/1 » qui va repolariser l'attention des collectionneurs autour de cette pièce unique (ci-dessus). Ce ne sont pas non plus les clous en diamants posés sur les index qui vont bouleverser les amateurs. Ni d'ailleurs le discours mythologisant qui tente de relier la légende de Pégase (l'étalon ailé qui s'élance dans le ciel) à la cause charitable d'Only Watch. Comme la marque Vulcain, aussi sympathique soit-elle, ne provoque pas non plus d'hystérie collective dans les ventes aux enchères, on se demande bien ce qui va sauver cette pièce unique de 42 mm (mouvement réveil) d'une indifférence annoncée – hormis, bien sûr, l'ordre d'achat de la marque passé avant la vente. Merci, mallgré tout, pour cet émaillage généreux... ◉◉◉◉ ZENITH : comme très souvent dans l'horlogerie, quand ça ne va pas quelque part pour une marque, ça ne va pas non plus dans les autres domaines de son activité. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Zenith connaît actuellement des basses eaux, ce qui explique peut-être le manque total d'intérêt de la pièce unique Only Watch – une chronographe El Primero dédié aux Rolling Stones [ce qui ne se voit pas] et qui combine le concept Lighweight (cadran partiellement squeletté, mais c'est pour un boîtier en fibre de carbone, pas en titane comme cette pièce unique), les trois couleurs emblématiques du chronographe et une date rouge. C'est tout ? Non, il y a un drapeau anglais (Union kack) gaufré sur le bracelet. Pas de quoi emballer les adjudications, Zenith ayant pratiqué le service minimum pour cette proposition Only Watch, généreuse [merci pour les enfants], mais à côté de la plaque... ◉◉◉◉ PASSONS MAINTENANT EN REVUE les montres qui vont faire des étincelles (en euros) sous le marteau d'Aurel Bacs, qui jubile à l'avance des nouveaux records qu'il va aligner comme des citations sur le ruban de la Croix de guerre d'un ancien combattant (pour les détails, cliquez sur le logo Only Watch ci-dessous)... D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...