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SANS FILTRE #53 (accès libre)
« Que diriez-vous d’une savoureuse petite histoire (vraie) de corruption horlogère »

Le procès intenté par le Swatch Group contre les supposés ripoux de Tissot – acquittés à l’audience – a beaucoup fait parler de corruption dans les milieux horlogers. On vous en raconte une bien bonne – et d’autant meilleure qu’elle est vraie…


Vous allez très vite comprendre pourquoi on ne vous donne aucun nom, mais les initiés sauront tout de suite de qui et de quoi il est question. On ne parlera pas de la banale histoire du fournisseur qui offre de menus avantages à un directeur de production, histoire de le motiver pour qu’il oriente un peu plus de commandes vers ses ateliers : c’est du classique (voir, dès demain, notre série Titanick). On ne vous parlera pas non plus de la non moins classique affaire du patron de marque, qui exige de ses fournisseurs un geste commercial qui oriente cette fois quelques revenus supplémentaires sur les comptes offshore de ce patron : tout aussi banal, trop banal dans une horlogerie où il y a trop de gros tuyaux où circule trop d’argent pour que certains ne soient pas tentés d’en prélever quelques gouttes au passage ! 

Non, il est maintenant question d’une arnaque dans les grandes largeurs, avec plusieurs millions à la clé, en francs ou en ce que vous voudrez en devises fortes. Le dispositif de cette corruption à peu près indétectable, sauf en y mettant de gros moyens que les groupes de luxe rechignent apparemment à mettre. Prenons le cas d’une marque qui fonctionne plutôt très bien sur le plan commercial, avec beaucoup de demandes de séries limitées et de pièces exclusives très recherchées. Une marque qui se dote, pour arrondir ses fins de mois en récupérant la totalité de la marge réservée aux distributeurs, d’un réseau de boutiques. Jusque-là, on est dans la routine. Imaginez maintenant que le CEO de cette marque, très attiré par l’argent [disons qu’il a pu avoir une enfance malheureuse], décide de créer, avec un homme de paille de toute confiance, une boutique monomarque, bien placée et a priori bien achalandée, si possible dans une place commerciale émergente et dans un pays pas trop regardant. Comme on peut s’en douter, ce CEO n’apparaît pas dans les actionnaires de cette boutique, ni dans ses ayant-droits économiques. Investissement prévisionnel : guère plus d’un million ! 

La boutique sera évidemment un peu plus favorisée que les autres dans la distribution des séries limitées et des pièces très recherchées par les amateurs : elle a de si bons clients qu’il sera dommage de les en priver ! Comme le CEO est un excellent manager, c’est une pluie de montres rares et un raz-de-marée d’excellents clients qui se profile. Tout le monde gagne de l’argent : la marque, le groupe propriétaire de la marque, les actionnaires de la boutique et, bien sûr, le vrai propriétaire des lieux, rémunéré de façon occulte par ses hommes de paille. Au bout de quelques années, il faut se rendre à l’évidence : le groupe et la marque feraient mieux de gérer directement cette boutique, ça leur rapporterait bien plus ! On va donc vendre la boutique au groupe, qui ne sait évidemment pas quels en sont les vrais propriétaires. Et le tour est joué. Profits escomptables : à coup sûr plusieurs millions offshore, parfois même au-delà des dix millions sur l’opération a été menée avec flair et intelligence…

Pas belle, la vie rêvée des montres, entre corruption, malhonnêteté, débrouillardise, savoir-faire managérial et optimisation fiscale ? Croyez-le ou non, c’est une histoire vécue : si le groupe propriétaire de la marque en question l’a appris, il n’en a rien fait, puisque le CEO est toujours en place – et sa marque d’ailleurs plus prospère que jamais. Si les contrôleurs de gestion de cette marque n'ont rien repéré, c’est qu’ils ne regardaient pas au bon endroit. Si vous, lecteurs, n’en n’avaient jamais rien su, c’est que nous vivons dans le meilleur des mondes horlogers. Comme on en reparlera sans doute dans les semaines qui viennent, on vous laisse réfléchir là-dessus…

 

NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les quarante premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #50 ci-dessous)…  

❑❑❑❑ SANS FILTRE #52 « La boule de neige chinoise qui descend la pente va-t-elle se transformer en avalanche ? » (Business Montres du 23 août)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #51 « C’est peut-être Timex qui a trouvé l’argument le plus percutant contre les smartwatches » (Business Montres du 22 août)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #50 « Le blanc ne devient-il pas la couleur la plus disruptive pour un cadran de montre ? » (Business Montres du 13 août)


Coordination éditoriale : Eyquem Pons  



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