EMBUSCADE
Qui veut la peau de Christophe Claret ?
Vif émoi dans la communauté horlogère au cours de ces dernières heures : la manufacture Christophe Claret serait « en faillite » ! Info ou intox ? « Fake news » ou torpille sous la ligne de flottaison ?
Le droit commercial suisse est une jungle dont il vaut mieux connaître les moindres raccourcis et les fondrières secrètes – surtout quand on a des « amis », des « concurrents » et des adversaires qui les connaissent mieux que vous et qui vont s’efforcer de vous y enliser. S’il est vrai que Christophe Claret (ci-dessous) ne semblait pas trop avoir la tête à ses affaires pendant le dernier SIHH (Business Montres du 31 janvier), c’était sans doute pour des raisons objectives ! Il n’avait pourtant pas trop de soucis à se faire pour sa Maestro Mamba (en bas de la page) – une « complication ophidienne » esthétiquement très intéressante et bien accueillie par les collectionneurs comme par les médias horlogers. Non, ce qui l’a déstabilisé, c’est plutôt une opération oblique tentée par un de ses créanciers, qui a préféré agir pendant le SIHH, alors que Christophe Claret était mobilisé pratiquement vingt-quatre heures sur vingt-quatre par les clients collectionneurs et ses prospects de Genève…
Ce créancier s’est donc servi d’une obscure disposition du droit commercial suisse pour demander la mise en faillite immédiate de Claret SA, la société qui gère les opérations commerciales de la marque Christophe Claret. Il suffisait pour cela de faire constater la dette impayée de Claret SA vis-à-vis de son créancier, de présenter à un juge des documents à charge laissant penser que la société Claret SA était en faillite virtuelle du fait de ses comptes et de son endettement [quelle entreprise, en Suisse, n’a pas un contentieux en cours à l’Office des poursuites ?], de faire convoquer Christophe Claret par ce juge à une période où il était évident qu’il ne pourrait se rendre au rendez-vous fixé [par exemple, au hasard, pendant la semaine du SIHH, alors que Christophe Claret n’est plus au Locle !] et de pousser le juge à déclarer sans tarder la mise en faillite – sans poursuites préalables ! – de Claret SA. L’embuscade était bien montée et le piège a parfaitement fonctionné, Christophe Claret se retrouvant hier avec son bras armé commercial en « faillite », comptes bloqués, dans l’impossibilité même de payer ses employés. Un recours a été immédiatement déposé, avec des documents prouvant que Claret SA était loin d’être en faillite et qu’elle avait les moyens d’honorer ses engagements : ce recours étant suspensif et les éléments présentés (actif, passif, etc.) restant probants, la situation devrait être rapidement débloquée et l’annulation de la mise en faillite prononcée.
On en saura davantage dans les heures qui viennent, mais, contrairement aux rumeurs qui galopent sur la « faillite de Claret », on n’en est pas encore à envisager le pire. Sans être absolument florissante, la situation financière de Claret SA n’est pas encore alarmante. Le piège était remarquablement bien tendu, sur la base de dispositions juridiques plus ou moins méconnus, sinon des créanciers mal intentionnés. Reste le dégât d’image, impondérable et impossible à calculer, mais évident : la manufacture de Christophe Claret n’avait pas besoin d’un tel handicap pour trouver un second souffle. Reste à comprendre pourquoi les lois commerciales permettent de jeter ainsi des bâtons dans les roues d’une entreprise et qui avait intérêt à faire la peau de Christophe Claret…