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SIHH 2016 : Le baiser de la mort-qui-tue pour les neuf indépendants qui ont pu se faufiler dans le nouveau « carré des horlogers » ?

« Timeo Danaos et dona ferentes » (« Je me méfie des Grecs, surtout quand ils font des cadeaux ») : dans son Iliade, Homère exprimait déjà la prévention de vieux Troyens contre le cheval de bois laissé par les Grecs sur la plage. On a su depuis que cette méfiance était justifiée. Donc, prudence à propos du SIHH... ▶▶▶ GENÈVE, JANVIER 2016...Une invitation inopinée


« Timeo Danaos et dona ferentes » (« Je me méfie des Grecs, surtout quand ils font des cadeaux ») : dans son Iliade, Homère exprimait déjà la prévention de vieux Troyens contre le cheval de bois laissé par les Grecs sur la plage. On a su depuis que cette méfiance était justifiée. Donc, prudence à propos du SIHH...

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▶ GENÈVE, JANVIER 2016...
Une invitation inopinée
en forme de cadeau empoisonné ?
 
◉◉ DÉSARMORÇONS POUR COMMENCER UN PROCÈS D'INTENTION : rien ne saurait nous réjouir davantage que l'ouverture du SIHH à deux poignées de marques indépendantes. Cela fait bien dix ans que Business Montres milite pour une telle ouverture, longtemps bloquée par le veto de certains exposants. C'est ce type de blocage qui avait conduit Business Montres à organiser, en 2009 [année critique, au coeur de la tempête financière], à Baselworld, la Watch Factory pour les créateurs indépendants, qui avaient trouvé là le moyen d'intégrer un salon où ils n'avaient pas leur place. Depuis, l'espace initial s'étant mué en Palace, cette présence des petites maisons créatives au coeur de Baselworld ne soulève plus le moindre état d'âme. Faut-il pour autant se féliciter béatement de l'entrée au SIHH de neuf créateurs pour lesquels on aménagera un « Carré des horlogers » ?
 
◉◉ CERTAINEMENT PAS... IL VAUT MIEUX SE POSER les bonnes questions, celles que ne se posent pas les médias perroquets qui ont tout gobé du communiqué de presse des organisateurs du 26e SIHH. Il y avait d'ailleurs une autre pépite que l'arrivée des indépendants dans ce communiqué : c'était l'annonce du départ de Ralph Lauren ! Business Montres y reviendra dans une analyse ultérieure plus fournie, mais quelle gifle pour un grand amateur de montres comme Ralph Lauren lui-même ! Donc, retour aux indépendants et aux interrogations que suscite cette ouverture du SIHH à des concurrents soigneusement tenus à l'écart pendant une décennie. Concurrents qui seront soigneusement cantonnés dans un « Carré des horlogers », à l'entrée du salon – dedans sans tout-à-fait y être...
 
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 PEUT-ON CROIRE À UN ACCÈS DE GÉNÉROSITÉ DE CARTIER et des autres grandes marques du groupe Richemont ? Si nos informations venues de l'interne sont exactes, la décision a été imposée au plus niveau par l'état-major du groupe Richemont. Pour ce qui est des autres marques (hors Richemont), certaines l'ont quasiment appris avec le communiqué de la FHH et ce n'était pas une bonne nouvelle pour elles. La thèse de la « générosité spontanée » de Richemont – opérateur virtuel du SIHH – ne tient pas une seconde : dans cette hypothèse, quel intérêt avait le groupe à ainsi s'ouvrir aux indépendants ? Certainement pas la prise en compte des intérêts généraux de la haute horlogerie : qui s'en soucie ? Certainement pas l'envie d'aider les jeunes créateurs les tempêtes qui s'annoncent, un peu comme les troupeaux de moutons se forment en cercle sous l'orage... 
 
 LES GRANDES MARQUES ONT-ELLES INTÉRÊT À VOISINER avec ces marques indépendantes ? Non, dans une logique commerciale : aux niveaux de prix pratiqués, on n'a que des concurrents, jamais des alliés ! Oui, dans une logique d'image et de légitimité [c'est tout le problème] : ces jeunes marques créatives peuvent redorer le blason médiatique des grandes machines industrielles et marketing, sérieusement démonétisées sur tous les marchés...
 
 CES NEUF INDÉPENDANTS SONT-ILS LA BOUÉE DE SAUVETAGE d'un SIHH qui commençait à perdre de son lustre, sinon de son prestige incontournable, et dont l'offre globale semblait d'année en année plus lassante – parce que trop formatée. Les jeunes créateurs seront le grain de poivre d'une sauce trop fade et l'aiguillon médiatique d'un buzz qui s'essoufflait face à la toute-puissance de Baselworld, dans un contexte international de régression des salons horlogers multi-marques. On aura compris que le SIHH –en tant que média horloger – avait plus besoin des indépendants que l'inverse. D'où les interrogations sur le... baiser de la mort qui tue !
 
 LES INDÉPENDANTS VONT-ILS PROFITER DE CE SIHH 2016 pour se refaire une santé et pérenniser leur développement ? La réponse est à moduler ses les marques et leur degré de maturité, en fonction de leurs besoins immédiats. Le SIHH est un salon qui fonctionne essentiellement avec les plus grands détaillants de la planète et les principaux journalistes, invités par les marques du groupe Richemont (principalement Cartier). Soit deux cibles très distinctes pour les neuf marques indépendantes qui intègreront cette année le « Carré des horlogers »...
 
 LES GRANDS DÉTAILLANTS INVITÉS PAR LE SIHH seront-ils tentés par les nouvelles marques indépendantes du salon ? C'est peu probable : comme ce sont de grands professionnels, ils connaissent ces marques, dont ils sont souvent [mais pas toujours] les partenaires commerciaux : le fait de les avoir sous la main au SIHH simplifiera simplement la logistique de leurs équipes, mais il est douteux que les créateurs indépendants qui auraient besoin d'étoffer leur réseau commercial rencontrent au SIHH de nouveaux détaillants intéressants pour eux : le SIHH n'est pas un lieu de passage comme Baselworld, où on peut toujours harponner des détaillants de rencontre. facteur aggravant : les « grands comptes » invités à Genève sont aussi les plus dépendants des grandes marques du SIHH [et des grandes marques de Baselworld], donc ceux dont les trésoreries ne permettent pas des fantaisies...
 
 LES JOURNALISTES EMBEDDED AU SIHH VONT-ILS MIEUX PROFITER des maisons indépendantes ainsi rassemblées ? Soit ces journalistes connaissent ces créateurs – et leur regroupement au SIHH leur facilitera la vie [c'est toujours mieux que les contorsions dans l'emploi du temps pour les visiter dans Genève, au nez et à la barbe du SIHH]. Soit ces journalistes ne les connaissent pas, ou mal, ou si peu et ce sera l'occasion de les découvrir. Dans tous les cas, l'opération sera médiatiquement gagnante pour les nouveaux indépendants du SIHH, qui sauront probablement tirer la couverture à eux côté relations presse – ceci au détriment des parts de marché médiatique des marque traditionnelles du SIHH, qui ont toutes les chances d'être amères après quelques jours de salon sans ce monopole de la parole qu'elles détenaient jusqu'à l'année dernière. À l'heure des comptes et du rapport retombées/coûts, certains CEO risquent d'avoir du mal à digérer une addition déséquilibrée – et ce sera encore plus sensible dans les premiers jous de ce 26e SIHH, avec l'explosion des médias digitaux et des informations sur les médias sociaux...
 
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 QUELS SONT LES INDÉPENDANTS QUI PEUVENT PROFITER de cette providentielle – mais très intéressée, rappelons-le – invitation au SIHH ? Prioritairement celles qui ont un impératif médiatique avant d'avoir une urgence médiatique : essentiellement Kari Voutilainen (les journalistes sont trop paresseux pour aller le visiter à Môtiers), MB&F ou Urwerk (qui n'ont pas besoin d'étoffer leur réseau de détaillants). Soit trois marques sur neuf...
 
 QUELS SONT LES INDÉPENDANTS QUI PEUVENT SOUFFRIR de façon déraisonnable et inexcusable de cet investissement dans le SIHH 2016, qui va mobiliser entre 100 000 CHF et 150 000 CHF minimum de leurs budgets promotionnels ? D'autant que certains récidiveront à Baselworld trois mois plus tard. Essentiellement les marques qui ont plus besoin de vendre que de se vendre à des journalistes : peu (très peu) de chances d'ouvrir à Genève de nouveaux points de vente avec des détaillants amateurs de marques indépendantes qui tomberaient brutalement en extase sur des créateurs qu'ils découvriraient ! Donc, pour des maisons comme Christophe Claret, De Bethune, HYT ou H. Moser & Cie, ce sera au mieux un rallye avec les journalistes. Hautlence et Laurent Ferrier profiteront sans doute encore mieux de cette manne médiatique, mais à un prix sans doute disproportionné avec leurs moyens promotionnels. C'est là qu'on peut reparler du baiser de la mort qui tue...
 
 CE « BAISER DE LA MORT » PEUT-IL VRAIMENT TUER quelques-unes de ces marques indépendantes ? On aura noté que le SIHH – qui avait, pendant des années, accusé ces indépendants de « vampiriser » les invités d'un salon qu'ils « parasitaient » – en vampirise à son tour le potentiel créatif et disruptif. C'est de bonne guerre, mais cet étranglement affectueux – définition même du baiser qui tue – peut mal se terminer tant pour les marques qui tiendront malgré tout à être présentes à Baselword que pour celles qui devront y renoncer pour des raisons budgétaires [alors que c'est à Baselworld qu'on fait les rencontres qui permettent de vendre des montres, et non de l'image]. Les factures du SIHH ne seront pas faciles à payer : elles représentent à peu près le double, sinon le triple du budget alloué jusqu'ici aux expositions indépendantes dans les salons des palaces de Genève. Seront-elles seulement payées ? On a des doutes pour plusieurs marques...
 
 EST-CE LE NOUVEAU INDICE D'UNE GUERRE LARVÉE entre Baselworld et le SIHH, qui s'offre là une ou deux belles tranches d'une nouvelle légitimité trempée dans la créativité de ses nouveaux invités ? C'est évident ! Pas en termes économiques [d'autant que la moitié des neuf marques indépendants viendront aussi à Bâle], mais en termes de relégitimation par l'avant-garde : le Palace de Baselworld a pour le moins du plomb dans l'aile et il faudrait sérieusement revoir son concept. Le SIHH marque un point et enraye provisoirement son déclin inéluctable [même pas forcément freiné par la prochaine édition hongkongaise de Watches & Wonders]. C'est une question d'image ! Détail supplémentaire : la Fondation de la haute horlogerie, qui pilote le SIHH, a mangé du lion cet été : en plus de cette ouverture du SIHH, elle prépare un nouveau manifeste de la « Haute horlogerie » [histoire de bien accorder tous les violons autour de ce concept, resté très Richemont] et de nouvelles conditions d'adhésion, qui seront possibles dès 15 000 CHF par an. Ce qui va considérablement élargir le champ des candidatures potentielles pour intégrer cet Olympe genevois. Marketing de recrutement et de repositionnement d'un côté, marketing statutaire et logique institutionnelle côté bâlois : l'année 2016 sera décisive...
 
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