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Un retour vers la Watch Factory où tout a commencé, en 2009, aux lisières de Baselworld...

Alors qu’on commence à beaucoup parler des nouveaux Ateliers où Baselworld a concentré cette année les plus rebelles des créateurs indépendants, un rapide retour historique sur l’origine de ce regroupement créatif. C’était en 2009, voici huit ans, dans ce qui allait s’imposer comme le Palace de Baselworld : The Watch Factory était un micro-salon dans le salon pour douze marques de haute horlogerie créative. Époque aussi sympathique qu’héroïque, au cœur d’une brutale crise horlogère, vite effacée par le gonflement inattendu de la « bulle » chinoise. La suite a prouvé que cette initiative était visionnaire (dix de ces douze pionniers sont toujours actifs), mais l’aventure recommence cette année, cette fois « dans le dur » de la grande halle 1 (parution initiale : « Business Montres » du 12 mars 2009)…


Réponses de Grégory Pons à quelques questions qui se posent à propos du micro­-salon The Watch Factory, organisé à Baselworld 2009 par et pour douze marques de haute horlogerie créative.


Vous voulez vraiment savoir pourquoi l'espace The Watch Factory sera, à Bâle, The Place To Be ? Lisez la suite et vous comprendrez pourquoi certains forums parlent déjà de ce salon comme d'un... Baselworld 3009 !

••• QUI ORGANISE CETTE ANNÉE 

LE MICRO­-SALON THE WATCH FACTORY ?

••• GRÉGORY PONS (BUSINESS MONTRES) : L’idée de The Watch Factory est née d’une initiative conjointe de la direction de Baselworld et de Business Montres. Il s’agissait de réfléchir à une meilleure intégration de la nouvelle génération horlogère au salon moteur de l’industrie. Avec un peu de bonne volonté de part et d’autre, on peut décider vite et agir encore plus vite. The Watch Factory est un micro­-salon monté en quelques semaines – ce qui représente en soi une performance compte tenu de la complexité logistique qui marque l’organisation d’une « grande messe » comme Baselworld. Dans Business Montres, j’avais remarqué que la plupart des commentaires de la presse sur le SIHH s’étaient focalisés sur le quantitatif et non sur le qualitatif de l’événement Genève 2009. On a quantitativement plus parlé des mauvaises nouvelles [25 % d’entrées en moins, 40 % de commandes en moins, dégradation « dramatique » de la situation chez Richemont, etc.] que des créations présentées dans le plus grand désordre entre le SIHH, le WPHH, les présentations dans les hôtels et toutes les interventions ici et là. J’ai voulu absolument éviter une répétition de cette négative attitude à Baselworld...


••• VOUS­-MÊME, QU’EST­CE QUI VOUS A GUIDÉ 

DANS L’ÉLABORATION DU CONCEPT THE WATCH FACTORY ?

••• GRÉGORY PONS (BUSINESS MONTRES) : En période de crise, il est nécessaire que tous les acteurs de l’industrie soient solidaires. La crise est sévère – peut-être même s’agit­-il d’une crise encore plus grave que celle qui avait suivi la « révolution du quartz » – et nous n’en sommes qu’au début. Il s’agissait pour moi d’envoyer à la profession et aux amateurs de montres un message positif et non déceptif, pour éviter que l’attention des médias ne se disperse, pendant Baselworld, sur la baisse du taux de fréquentation – inévitable cette année – ou sur la baisse des commandes – tout aussi programmée. Comment faire passer l’idée que la créativité horlogère est plus que jamais dynamique ? En organisant, au cœur même de Baselworld, un espace qui regroupe quelques-unes des marques les plus dynamiques de la nouvelle génération. J’ajoute qu’il est normal, pour un média comme Business Montres de « rendre » à la profession un peu de l’énergie que la profession lui apporte : question de solidarité générationnelle [les nouveaux médias au service des nouveaux concepts], mais aussi de principe. Les journalistes ne sont pas des parasites chargés de grignoter des petits fours en lapant du champagne en attendant de voir tomber les budgets de publicité : ce sont à mes yeux du moins, des acteurs à part entière de la scène horlogère, dont ils doivent assurer, à la mesure de leurs moyens, la dynamique et l’attractivité. Un micro­-salon comme The Watch Factory est un « média » comme les autres : il assure la diffusion d’un message – la créativité de la nouvelle génération horlogère – auprès de différents publics (détaillants, journalistes, amateurs) et il a donc une mission d’intermédiation. Qui doit faire ce boulot, sinon des journalistes ? C’est du moins ma conception du monde. C'est l’idée que je me fais de ma mission éditoriale et de ma propre responsabilité de professionnel des médias. Je me sentirais gêné, cette année, d’assister passivement au salon, en me contentant d’y exposer ma newsletter, sans apporter ma pierre à l’édifice de la relance horlogère. D'autres le font et ils ont de magnifiques espaces pour se mettre en valeur : je préfère offrir Baselworld à des marques qui n'y ont pas accès. The Watch Factory est, à mes yeux, la continuation logique des récents Ateliers de la Refondation à Neuchâtel : on y retrouvera le même esprit coopératif, la même fraternité participative et la même solidarité générationnelle.

••• EN QUOI LE SALON THE WATCH FACTORY 

SE DIFFÉRENCIE­-T­-IL DES AUTRES ESPACES DE BASELWORLD ?

••• GRÉGORY PONS (BUSINESS MONTRES) : Cette différence se remarque dans l’esprit des lieux. Compte tenu des délais, nous avons pris ce que nous avons trouvé et nous l’avons réaménagé comme nous l’avons pu, avec un parti-pris de minimaliste dans la décoration et de maximalisme dans la créativité. « Le médium, c’est le message » (McLuhan) : décoration identique pour tout le monde au sein du Palace de Baselworld, en face du Hall 2 et à droite du Hall 3, de l’autre côté de l’hôtel Ramada. Priorité aux montres et non aux marques : le vrai luxe, ce n’est pas d’édifier des stands pharaoniques – d’autres le feront mieux que nous ! Le vrai luxe, c’est d’offrir un concentré jamais vu de marques plus créatives les unes que les autres dans un minimum d’espace. Si The Watch Factory est une « bombe » larguée sur Baselworld, comme son logo l’indique, c’est aussi le noyau dur de la masse critique qui permettra d’enclencher une réaction en chaîne, prélude à une nouvelle déflagration horlogère à travers le monde. À partir de ce concept minimaliste et égalitaire dans la décoration, nous avons préféré des espaces très ouverts et un lounge central de plusieurs groupes de fauteuils, qui vont devenir un rendez­vous très prisé pour les détaillants. Take it easy and relax : chacun pourra le constater dès le premier jour, puisque la direction de Baselworld a accepté d’inviter tous les journalistes, le mercredi de la journée presse, à un grand lunch au lounge du Palace, sur les terres même de The Watch Factory...


••• DOUZE MARQUES POUR THE WATCH FACTORY, 

PAS VRAIMENT DE QUOI RÉVOLUTIONNER L’INDUSTRIE ?

••• GRÉGORY PONS (BUSINESS MONTRES) : Non évidemment, si on reste dans une logique de quantité : restons­-y et tous les commentaires de la presse se concentreront sur l’actuelle dépression horlogère. En revanche, au mètre carré, The Watch Factory sera la plus fantastique densité de haute horlogerie créative jamais enregistrée sur aucun salon d’horlogerie. Question de choix, donc, et d’attitude face à la crise : certains vont faire des additions ; moi, je préfère les multiplications. Maintenant, le choix des marques ? On aurait pu aligner trois fois plus de créateurs, mais Baselworld n’avait plus le moindre espace à proposer. Donc, il a fallu sélectionner. J’assume la subjectivité de ce choix et je m’en suis expliqué avec les « recalés ». J’ai voulu offrir un échantillon pertinent, consistant et représentatif de la nouvelle génération horlogère, avec pour seul lien commun entre toutes ces marques une approche radicalement différente de l’horlogerie. Je mets au défi quiconque de ne pas trouver une montre à son goût dans cet espace qui regroupe des marques qui n’avaient jamais été à Bâle auparavant ! Jamais aucun salon au monde n’avait regroupé des marques comme MB&F, De Bethune, Haldimann, Fabrication de montres normandes, Cabestan, MCT, Speake­ Marin, Rudis Sylva, Steinway & Sons, Alain Silberstein et Urwerk. Ce qui fait onze. Le douzième espace est occupé par Les Ateliers Horlogers de Laurent Besse, qui n’est pas une marque, mais j’ai voulu mettre en avant une équipe qui travaille en amont de nombreuses marques de haute horlogerie créative : question de solidarité de toute la chaîne horlogère...

Quel est le rapport entre Cabestan et Alain Silberstein ? D’abord un sentiment commun d’appartenance à la nouvelle génération horlogère, même s’ils donnent des expressions totalement différentes à leur passion pour les montres. Ensuite, une créativité à l’épreuve des crises. On pourrait ainsi multiplier les exemples d’antagonismes et de contradictions finalement solubles dans l’inventivité : aucun rapport apparent entre l’intégrisme volontairement non séducteur d’Haldimann et l’hyper­-néo-classicisme ultra­séduisant de De Bethune, mais une vraie génétique commune dans le ressourcement créatif. J’aime bien que la petite musique pianistique de Steinway & Sons – sa « seconde métronomique » est délicieuse – se frotte à la virile Rauracienne qui sera jouée par la montre franche­montagnarde de l'équipe Rudis Sylva. J’adore le télescopage entre le tourbillon Made in France de Karsten Frassdorf (FDMN) et la mécanique extra­terrestre de Max Busser (MB&F). Le choix entre les heures digitales de Denis Giguet (MCT), les heures serpentines de Speake­Marin et les heures tarentulesques de Felix Baumgartrner (Urwerk) est cornélien.

••• LE JOUR D’APRÈS 

POUR THE WATCH FACTORY ?

••• GRÉGORY PONS (BUSINESS MONTRES) : Chacun constate aujourd’hui qu'il n'a pas la moindre visibilité à court terme. Pas plus que les autres, je ne peux deviner ce qui nous attend, mais je redoute le pire – le meilleur étant, au­-delà des dangers, la perspective d’une renaissance de l’industrie horlogère sur de nouvelles bases. C’est à cette refondation que je travaille dans Business Montres et c’est dans cette logique stratégique que je prends des initiatives comme The Watch Factory ou les Ateliers de la Refondation, qui donneront naissance, cet automne, à une Université de rentrée horlogère. Le message est clair : dehors, la tempête économique, mais, au cœur de Baselworld, une nouvelle génération créative a décidé de retrousser ses manches et de reprendre la parole. The Watch Factory est, cette année, un test grandeur nature pour la création d’un creuset de haute horlogerie bâloise. On peut en imaginer l’extension l’année prochaine. On peut en tirer de nombreuses déclinaisons ultérieures – pourquoi pas à Art Basel, puisque ces montres sont des œuvres d’art horloger, pourquoi pas dans d’autres points chauds de l’horlogerie mondiale ? Ce ne sont pas les idées qui manquent dès qu’on croit que la montre a un futur qui ne se réduit pas à la comptabilité des marques ou à l’égo des managers. Merci à Baselworld d’avoir compris que cet enjeu était stratégique. The Watch Factory est un moyen, pas une fin en soi. C’est, au sens strictement étymologique du terme, un nouveau média pour une nouvelle horlogerie. Pour moi, c’est aussi – au­-delà d’un acte de foi dans l’avenir – une façon de faire partager une passion et des émotions. Cette industrie horlogère m’a beaucoup apporté : il était juste que je lui rende de la menue monnaie sur sa grande pièce. Merci à Baselworld de m’avoir permis ce (petit) retour d’ascenseur.


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