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ROCK’N’HORL 2019 (accès libre)
Une montre suisse plus que centenaire pour promouvoir une vraie morale de l’information

Au premier jour de l’été (solstice), on sent poindre les vacances horlogères à la périphérie créative des objets du temps. On découvre ainsi que le problème des « fake news » et du combat pour une information de qualité se posait déjà de façon très sensible au début du siècle précédent.


Autant le préciser tout de suite aux collectionneurs : personne ne sait rien de cette montre de poche datée du début du XXe siècle, sinon qu’elle est authentique et parfaitement « bien dans son jus ». Elle a été soumise à différents experts, mais en vain, tant pour sa place dans l’industrie horlogère que pour l’Association internationale de la presse, fondée en 1906 à Genève, dont tout le monde a oublié le souvenir.

On lit sur la lunette ce qui semble être le propriétaire d’une série de montres qu’on dirait aujourd’hui réalisée en private label pour un événement précis : « Association de la presse internationale fondée à Genève en 1906 ». Toujours côté cadran, on découvre cette intéressante pétition de principe : « Information exacte évite préjudice et conflits Documentation précise source de prospérité économique » et le tout semble signé « Max Bourgeois Genève ».

Sur le fond gravé de différents symboles qu’on supposait explicites et « parlants » à l’époque (croix fédérale suisse, coq gaulois, fils télégraphiques, presse d’imprimerie, chêne de la force et olivier de la paix), on peut lire : « La paix par la presse Pour le progrès et le rapprochement des peuples par la vérité, la justice et le désarmement des esprits », avec une indication plus précise : « IIe conférence de La Haye 1907 » et une signature : « Wohlgrath inv ».

Aimables pétitions de principe, moyennant lesquelles, sept ans plus tard, l’Europe se déchirait sur une Première Guerre mondiale qui allait durer quatre ans, avant de se prolonger, moins de trente ans plus tard, sur une Seconde Guerre mondiale encore plus dévastatrice : manifestement, l’exactitude de l’information et la précision de la documentation n’avait pas désarmé les esprits, ni ramené la « paix par la presse ». Le pire est sans doute que, cent douze ans plus tard, nous en sommes exactement au même point : les industries du luxe dansent sur un volcan géopolitique en train de se réveiller, quelque part entre l’Ukraine et la mer de Chine, en passant par le Sahel, le chaudron de sorcières proche-oriental, l’Iran, l’Afghanistan et l’Inde.

Pas de quoi pavoiser, ni même espérer dans les vertus prêtées par cette montre au « progrès et au rapprochement des peuples par la vérité et la justice ». À l’âge des réseaux sociaux et du tout-numérique, il est même définitivement acquis qu’il faut se méfier des médias plutôt que de leur faire confiance. Cette montre inconnue [merci à nos lecteurs qui pourraient nous en dire plus et à nos amis de la revue Horlogerie ancienne qui enquêtent à ce sujet] nous le rappelle sans ménager nos illusions morales sur le monde tel qu’il ne va plus…

Cette Seconde conférence de La Haye visaient à promouvoir la paix, mais elle n’a pas été tout-à-fait vaine puisqu’elle a débouché sur les futures Conventions de La Haye qui « réglementent la guerre » et sur les multiples protocoles des Conventions de Genève de 1949. Heureuse époque que 1907, quand ceux qui tentaient des promouvoir la paix distribuaient des montres à ceux qui en discutaient…


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