VENDREDI : Retour sur une semaine d'actualités horlogères en mode pré-Bâle, avec des interrogations sur le tabou de l'électronique...
Le 21 / 02 / 2014 à 14:05 Par Le sniper de Business Montres - 7211 mots
Mécanique contre électronique : il y a une vingtaine d'années, l'horlogerie suisse a choisi la mécanique et réussi à détrôner l'électronique de son piédestal de modernité et de légitimité. Le balancier est en train d'inverser sa course : sous la pression des smartwatches, l'horlogerie électronique fait son coming out...
▶▶▶ LES 20–DISCRÉTIONS DU JOURNotées à la volée, en vrac, en bref et en toute
Mécanique contre électronique : il y a une vingtaine d'années, l'horlogerie suisse a choisi la mécanique et réussi à détrôner l'électronique de son piédestal de modernité et de légitimité. Le balancier est en train d'inverser sa course : sous la pression des smartwatches, l'horlogerie électronique fait son coming out...
▶▶▶ LES 20–DISCRÉTIONS DU JOURNotées à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... ◉◉◉◉ JEUX OLYMPIQUES : une dernière image (ci-dessus) en guise d'adieu à Sotchi [ce sera terminé ce week-end], en attendant les communiqués de victoire post-JO des marques horlogères qui auront amassé quelques médailles d'or, d'argent ou de bronze, mais sans pouvoir le crier sur tous les toits pour ne pas fâcher Omega et les autorités du Comité international olympique... ◉◉◉◉ RENDEZ-VOUS : dimanche, de 10 h à 12, « Goûts de luxe » sur BFMTV, avec une chronique horlogère un peu exceptionnelle sur les « nouveaux snobismes ». Six leçons de snobisme concernant les montres et une leçon d'anti-snobisme : à écouter en direct (voir sur le site) ou en podcast dès que ces deux heures d'émission seront disponibles (Business Montres les mettra en ligne aussi rapidement que possible)... ◉◉◉◉ BFMTV : dans ce spécial « nouveaux snobismes » en partie consacré aux montres, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les fameux « dîners de cons » organisés par les marques, tout sur les mirobolants les « watch idiot savants » qui savent tout mieux que tout le monde, tout sur les trompeuses séries limitées bidon enchaînées jusqu'à plus soif et tout sur les 100 000 francs suisses par minute qu'a pu adjuger un Aurel Bacs (Christie's) face à des amateurs hypnotisés... ◉◉◉◉ PILL WATCH : comment ne pas oublier de prendre son médicament à l'heure où il aura le plus d'effets positifs. C'est ce souci chronobiologique qui a poussé le jeune designer Jingyu Lee à imaginer un concept de montre dotée d'un compartiment secret : on y loge la pilule fatale et elle s'ouvre à l'heure exacte de la prise du médicament (source : Yanko Design). En prime, quelques fonctions biométriques sont possibles, comme le relevé du rythme cardiaque. Pas de quoi en faire une montre, mais sans doute de quoi nourrir un futur projet de smartwatch orientée santé personnelle... ◉◉◉◉ UNIVERSAL GENÈVE : les propriétaires hongkongais ont beau tout faire pour ne rien faire de la marque [qu'ils se refusent à vendre], « la légende continue », comme le signale le forum Chronomania. Jean-Luc Desplats met en scène un chronographe Compur des années 1940 de toute beauté, quasiment à l'état de neuf (39 mm pour le boîtier). Une pièce deux compteurs qui synthétise parfaitement cet esprit vintage que les marques contemporaines se glorifient d'honorer, sans toutefois parvenir à le maîtriser. Question d'oeil, de proportions, de nuances chromatiques et de qualité mécanique : les 70 ans accusés par ce chronographe ridiculisent beaucoup de « rééditions » foireuses et illégitimes de 2014... ◉◉◉◉ MY KRONOZ : on commence à voir apparaître quelques smartwatches dessinées, voire même produites en Suisse. Bon exemple avec la série des collections My Kronoz, plaisamment baptisées « ZeNano » (écran tactile), « ZeWatch » (design minimaliste) et « ZeBracelet » (marché féminin : ci-dessous). Cette tentative de diversification vers les femmes est intéressante, puisqu'elle préfigure la future segmentation extrême du marché des smartwatches. l'argument féminin est ici de promettre aux femmes de ne pas risquer leur smartphone dans le sable et dans l'eau, là où leur smartwatch ZeBracelet (environ 70 euros) les maintiendra connectées à leur fétiche numérique... ◉◉◉◉ HARLEY-DAVIDSON : serait-ce la marque préférée des horlogers suisses ? On devrait en repérer plusieurs, aménagées et personnalisées, sur les stands de Baselworld. À suivre, avec quelques belles surprises à la clé. Pas sûr, cependant, que Brigitte Bardot soit au rendez-vous : elle n'a besoin de personne en Harley-Davidson... ◉◉◉◉ C.T.V.S. & Co : des initiales qui désignent le forum espagnol CronotempVs, qui réalise à intervalles réguliers des « montres de forum » avec ses fidèles, heureux de ces pièces exclusives à prix accessible. Dernier exemple : la montre co-réalisée avec la marque espagnole Crepas-Tactico (au choix : mouvement ETA ou Technotime), à découvrir sur le blog de l'application The Watch Enthusiast... ◉◉◉◉ « MONTRE À PRÊTER » : et bien non, ce n'est pas Lip qui a inventé les « montres de courtoisie » (montre de remplacement prêtée pendant la réparation d'une montre de la marque), idée récemment reprise par Hublot (Business Montres du 7 septembre 2012) ou par A. Lange & Söhne. La tradition est bien plus ancienne, comme en témoigne cette montre L. Leroy récemment retrouvée (ci-contre)... ◉◉◉◉ QUOTAS D'IMMIGRATION : « Ces quotas qui inquiètent Paris..... mais pas les chômeurs suisses » est une mise au point très argumentée d'Horlogerie-suisse.com, où Eric Cosandey laisse parler son humeur à propos de la formation des horlogers en Suisse et la méconnaissance du sujet par les journalistes français qui en parlent et qui mélangent tout à propos de la récente approbation de l'initiative UDC sur ces quotas... ◉◉◉◉ BASELWORLD : à la mode cette année, les visites organisées ! L'Institut national de gemmologie (France) vient ainsi de mettre en place deux offres de voyage groupé pour ne rien manque de Baselworld (ING). 250 euros la journée, 350 euros les deux jours, hors voyage, repas et hébergement, juste pour le plaisir de la visite et de quelques rendez-vous. Au programme : « Accompagné toute la journée par un expert international, vous irez à la rencontre des plus prestigieuses marques de montres, découvrirez les dernières collections, et rencontrerez les responsables commerciaux de grandes marques. Une visite du salon dans son ensemble afin de voir les marques emblématiques et surtout les nouveautés du salon. Rencontre avec plusieurs sociétés horlogères suisses, françaises. Visite de plusieurs structures de montres d'exceptions. Visite de structures étrangères telles que HK (Chine) ». L'année prochaine, Business Montres change de métier et se reconvertit comme tour operator... ◉◉◉◉ CHINE (1) : ce qu'il faut savoir des idées reçues à propos des Chinois consommateurs de luxe (Business of Fashion). Contrairement à une légende tenace, ils comprennent ce qu'est la qualité d'un produit, ils savent faire la différence entre un original et une contrefaçon, ils ont des goûts très personnels pour exprimer leur personnalité, ils connaissent désormais les marques de luxe (les vraies et moins authentiques), ils n'aiment pas que les grandes marques statutaires et ils n'aiment pas que les marques étrangères. À méditer ◉◉◉◉ CHINE (2) : un article du site Contrepoints (d'orientation libérale) pour se faire une idée hors mainstream de la situation en Chine. Comme le souligne Alex Korbel dans son analyse, le problème de la Chine est celui d'une dictature communiste ravagée par l'étatisme et la mauvaise gestion des ressources : « Les autorités locales sont criblées de dettes à cause d’une folle course au crédit lancée pour sortir le pays de la récession en 2008. La croissance reste trop dépendante des investissements dans les infrastructures et l’immobilier par rapport à la consommation. Le résultat est que le capital dans son ensemble est massivement mal alloué ». On retrouve là un argument déjà souvent mentionné dans Business Montres pour expliquer – par la « bulle du crédit » – l'ahurissante hyperconsommation de montres qui a tiré la croissance horlogère et les industries du luxe depuis 2009 : ce n'était pas une réelle passion pour l'horlogerie, ni une preuve de culture mécanique, mais une frénésie de se procurer au plus vite, avec des capitaux trop faciles à obtenir, quelques symboles statutaires et presque caricaturaux de l'art de vivre occidental ! ◉◉◉◉ CHINE (3) : suite de cet article, qui décode avec limpidité la situation en Chine et les perspectives de son évolution à court terme. La clé de toute compréhension est politique : « En raison du morose économique occidental, nous voyons généralement la Chine à travers une lentille économique, mais la clé de son avenir est politique. Malgré le fait que la République populaire n’organise pas d’élections ouvertes pour décider de choix collectifs, les choix politiques auxquels Xi Jinping est confronté sont aussi important que ceux auxquels doivent faire face les autres leaders mondiaux. Le changement récent de personnes de leadership au sein du parti communiste chinois, organe tenant les rênes du pays, ne doit pas faire croire que l’orientation politique est en train de changer. En République populaire, la priorité absolue est que le Parti Communiste conserve le monopole du pouvoir. ◉◉◉◉ CHINE (4) : suite et fin de cet article capital, parce synthétique et incisif. « Les gouvernements occidentaux et les gens d’affaires évitent de mentionner la nature communiste dictatoriale du régime et préfèrent parler de la Chine comme s’il s’agissait d’un État apolitique. Mais les choix de Xi Jinping montrent clairement où sont ses priorités : renforcement du contrôle du sommet vers la base au sein du parti et renouveau des sessions d’autocritique. (...) Ce contrôle fait partie de l’ADN du régime et serait diminué par une politique de réformes correctement mise en œuvre. Libérer la propriété foncière, le système d’enregistrement des ménages, le secteur financier, le système énergétique et la tarification de l’eau, exposer les entreprises publiques à la concurrence reviendrait à affaiblir le pouvoir de l’État communiste. Qu’ils soient dirigeants de grandes entreprises d’État ou membres du gouvernement, de puissants intérêts particuliers s’opposeront à tout changement dans un système qui leur a assuré la fortune. Car une fois qu’un hypothétique processus de libéralisation serait enclenché, où s’arrêterait-t-il ? Que demanderait la jeune classe moyenne urbaine, habituée des téléphones mobiles et connaissant la diversité du monde via leurs voyages, leur éducation et Internet ? Que faire si la croissance économique sur lequel le régime fonde sa prétention à régner se ralentissait ? Comment le parti communiste chinois réagira-t-il à ce nouveau monde ? Prendront-ils le risque du changement ou s’enfermeront-ils dans un bunker autoritaire ? »... ◉◉◉◉ CHINE (5) : « Quelle influence ont les consommateurs chinois sur les multinationales » ? Bonne question que se pose le Quotidien du peuple en ligne : « De produits de consommation courante aux coûteux produits de luxe, du marché bas de gamme au marché haut de gamme, la quantité d'argent dépensée par les consommateurs chinois étonne les entreprises multinationales du monde entier. La consommation en Chine est en train d'atteindre des sommets, et dans le même temps, les entreprises étrangères y éprouvent de plus en plus de difficultés. Le pic de consumérisme chinois aura-t-il une influence sur le monde ? Dans les années cinquante et soixante du siècle dernier, le consommateur américain a changé l'économie mondiale, et aujourd'hui, c'est son homologue chinois qui semble en passe de prendre la relève. La Chine a dépassé le Japon pour devenir la deuxième plus grande économie du monde, et sa consommation privée se monte à 3 300 milliards de dollars US, soit 8 % du total mondial. (...) Selon les estimations du cabinet de conseil McKinsey, la consommation des ménages urbains chinois va passer de 10 000 milliards de Yuans en 2012 à de 27 000 milliards de yuans en 2022. Les “caprices“ des consommateurs chinois poussent les marques à devenir plus compétitives. (...) En théorie, au contraire des consommateurs japonais qui privilégient les marques locales, les Chinois sont très friands de marques étrangères. Cependant, avec une compréhension croissante du marché international, les consommateurs chinois sont également en train de découvrir que l'herbe n'est pas nécessairement plus verte ailleurs. (...) Bien qu'ils aient encore un net désir pour les marques, la société d'études de marché Mintel a cependant souligné que le caractère changeant des consommateurs chinois fait qu'ils sont « très difficilement attachés de manière fidele aux grandes marques ». Le marché chinois est d'ores et déjà devenu pour les marques le champ de bataille le plus fortement concurrentiel du monde. Les marques étrangères sont confrontées à une concurrence plus intense en Chine, qui fait que la publicité, le marketing et la stratégie de marque voient leurs coûts flamber. Dans le même temps, certaines sociétés qui pensaient bénéficier de « l'avantage du premier arrivé » ont amèrement constaté que leur marque est considérée comme médiocre ou démodée. C'est ainsi le cas d'Olay, particulièrement bien implantée en Chine. Aujourd'hui, la jeune génération chinoise la considère comme une « marque has-been », et même Louis Vuitton, qui depuis longtemps symbolisait en Chine le luxe et le bon goût, est également confronté à ce genre d'embarras. La nouvelle génération est à la recherche d'une autre forme de luxe, plus raffinée »... ◉◉◉◉ PERRELET : série limitée ? Pièce unique imaginée par un artiste ? Raté de production ? Prototype d'un projet décommandé ? Le mystère franco-français de la Perrelet bondage – pratique de saucissonnage érotique voisin du sado-masochisme – s'épaissit avec l'apparition, ici et là, d'une Turbine signée par l'artiste contemporain français Hom NGuyen. Le dessin à la plume d'une femme ligotée et baillonnée, pas vraiment souriante, apparaît sur le fond du cadran, cachée derrière les douze pales de la turbine – qui doit tourner très rapidement pour dévoiler cette image. Un travail beaucoup moins saisissant que la précédente série des Turbine érotiques, inspirée par le style des mangas japonais. Cette Turbine bondage n'est ni officielle, ni autorisée, mais pas totalement « sauvage » non plus, même s'il n'y aura jamais que deux pièces de cette série, actuellement entre les mains de l'artiste qui en fait sa promotion dans le milieu... ◉◉◉◉ BREGUET : le site Turquie News – spécialisé, comme son nom l'indique – nous restitue l'histoire sympathique des rapports très anciens entre la maison Breguet et la cour ottomane, dès la fin du XVIIIe siècle. Sympathique parce que la France avait offert au sultan Mahmut II, qui possédait déjà quelques superbes montres Breguet, une pendule sympathique toujours visible au musée de Topkapi, même si elle ne semble plus en état de marche... ◉◉◉◉ CHAMPAGNE : quel est le champagne le plus joaillier du moment ? Comptez 700 à 1 000 euros la bouteille, mais le flacon sera décoré d'une plaque-étiquette dorée à finitions joaillières et d'une fleur de lys, elle aussi dorée et sertie de cinq diamants. Même le muselet est décoré de fleurs de lys (vidéo de découverte ci-dessous). Exactement le genre de bouteille qu'on s'arrache entre Londres, Saint-Tropez et Porto Cervo. Marque de ces bouteilles, en promotion dans les clubs fréquentés par les élites friquées : champagne De Roval. Là où l'affaire devient plus piquante, c'est quand on découvre que le champagne De Roval est une des marques commercialisées par le groupe ZZ, dont Business Montres (21 février) vous a présenté les ZZ Watches, avec leurs heures sautantes et leurs minutes glissantes. Avantage annexe pour cette jeune marque horlogère : à l'occasion des événements promotionnels organisés pour ce champagne, que de belles vitrines en perspective dans les night-clubs pour milliardaires [pardon, les billionaires !] des plages méditerranéennes ! ◉◉◉◉ CHRISTOPHE CLARET : quelle complication se cache dans cette vue indiscrète de la nouvelle (future) montre Margo, première montre féminine conçue par Christophe Claret et enrichie d'une mécanique compliquée qu'on nous assure romanesque et élégante ? Réponse dans quatre semaines à Baselworld, où nous découvrions également la nouvelle (future) Maestoso, partiellement dévoilée ici même (Business Montres du 17 février dernier), dont on a appris depuis qu'elle serait dotée d'une force constante et d'un échappement à détente pivotée tout ce qu'il y a de plus traditionnel... ▶▶▶ PROSPECTIVEL'électronique comme tabou incapacitant...◉◉◉◉ On veut bien prendre les paris que le quartz est de retour. L'électronique n'avait pas vraiment quitté le devant de la scène : il faut se souvenir que la Suisse accorde chaque année son précieux Swiss Made à 20,4 millions de montres électroniques, contre 7,4 millions de montres mécaniques – qui sont donc beaucoup plus intensément promues que prédominantes dans la production helvétique. Peu importe : hormis pour quelques pièces de joaillerie féminine, le quartz reste aujourd'hui cantonné à l'offre d'entrée de gamme, ce qui ne valorise pas l'électronique horlogère. Au fil des années et de la « bulle mécanique », le Grand Prix d'Horlogerie de Genève a fini par abandonner son prix de la Montre électronique – ce qui est dommage au moment où le quart redevient un enjeu stratégique...◉◉◉◉ On peut effectivement se demander si les montres à quartz ne vont pas faire un discret retour sur le devant de la scène, notamment à Baselworld. Plusieurs raisons à cela. D'une part, il est devenu trop coûteux pour beaucoup de marques de taille moyenne ou pour la plupart des indépendants de développer des innovations mécaniques fiables à des prix « normaux » : tout effort de créativité est gâché par l'omnipotence du tabou qui pèse sur l'électronique et qui paralyse toute initiative horlogère liant trop ouvertement luxe et quartz. Ceci alors même que beaucoup de créateurs – et non des moindres – ont la tentation d'injecter un peu d'électronique dans la mécanique : on se souvient de la récente tentative ECM (Electronical Motion Control) couronnée de succès chez Urwerk (Business Montres du 8 juin 2013) ou de la nouvelle montre Elegance de François-Paul Journe (découverte en vidéo sur Business Montres Vision). D'autres créateurs sont prêts à enfreindre le tabou, mais sans oser pour l'instant franchir la ligne de démarcation : on pense ici à des conversations avec Richard Mille comme avec Jean-Claude Biver, Franck Muller, Vianney Halter ou TAG Heuer (ne pas oublier leur smartwatch Oracle, pendant l'America's Cup : Business Montres du 12 septembre 2013). Beaucoup d'autres marques sont sur les rangs : Pierre Nobs, qui défend contre vents et marées son concept Ventura, a plus d'épigones qu'il ne l'imagine... ◉◉◉◉ D'autre part, il serait vain d'imaginer une réponse exclusivement mécanique au défi des smartwatches lancées aujourd'hui et demain par les géants de l'électronique grand public. Si les grandes manufactures de tradition ne sont pas directement menacées, elles le sont indirectement, par ricochet, du fait de l'ébranlement massif par des smartwatches de l'organisation industrielle de la branche horlogère. Rappelons rapidement que ni Apple, ni Samsung n'en veulent personnellement aux montres suisses, dont ils se moquent éperdument, mais qu'ils visent à la conquête territoriale du poignet (carpo-révolution) pour y installer des objets connectés de nouvelle génération. Les manufactures suisses ne pourront tenir longtemps à l'abri de leur réduit mécanico-alpin : les montres de l'an 2020 devront faire leur coming out électronique pour rester crédible aux yeux d'une nouvelle génération d'amateurs – ceux-là même auxquels les smartwatches vont rendre le goût d'accrocher un objet fonctionnel – pourquoi pas statutaire ? – à leur poignet. ◉◉◉◉ C'est là que le tabou anti-quartz devient incapacitant : culturellement très ancré dans les mentalités après trois décennies d'ultra-mécanique, il empêche tout réflexion intelligente sur la part du feu à concéder à l'électronique. Il existe des solutions pour conserver l'essentiel des acquis de la tradition mécanique (les rouages, les aiguilles, les guichets d'affichage, les cadrans indexés, le style des boîtiers, etc.), mais en assistant cette mécanique par des systèmes électroniques asservis, des puces et des micro-moteurs pas à pas, avec des systèmes d'alimentation qui marient le remontage automatique (cinétique du poignet) et le stockage d'énergie, voire la part faite au solaire et aux innovations du rechargement sans contact et sans fil. Une sorte de MAO – mécanique assistée par ordinateur – qui garantit l'intégrité du coeur mécanique [source infinie et presque magique d'émotions et de fascination] en même temps que sa survie grâce aux nouvelles technologies. Quelques petits malins ont déjà déposé, en Suisse, des brevets qui permettent de coupler, sans l'avouer, toutes les fonctions horaires et calendaires [tout ce qui touche de près ou de loin au décompte du temps] imaginables sur un smartphone avec une montre d'allure irréprochablement mécanique. ◉◉◉◉ Baseworld comme année zéro de la renaissance électronique ? C'est à surveiller de près. On parlera en tout cas beaucoup d'électronique que l'année dernière, quand personne ne prenait les smartwatches au sérieux. On en reparlera pour dire qu'on n'en a pas peur, mais aussi pour avouer que ces montres connectées finiront par poser un problème à toute l'industrie susse. On reparlera d'électronique parce que c'est la seule voie de salut pour beaucoup de marques. On en reparlera parce que l'innovation permanente est un marqueur génétique des plus puissants en terre horlogère et parce que nous commençons à toucher aux limites du sacro-saint territoire purement mécanique. Comme disent les opposants aux quotas d'immigration, une Suisse seule confinée dans ses frontières mécaniques se condamnerait à régresser...G.P. ▶▶▶ TABLEAU D'HONNEURLe meilleur d'une semaine horlogère, à 360°... ◉◉◉◉ LA SMARTWATCH LA PLUS INATTENDUE de la semaine, c'est la « clé » électronique portée comme une montre qui permet de verrouiller l'usage d'une arme de point (schéma ci-dessous). Dans Skyfall, l'agent 007 fait usage d'un Walther PPK « biométrique » qui ne fonctionne que dans son poing. Le Washington Post nous raconte comment les smartguns – également qualifiés de iPistolets – vont révolutionner l'industrie des armes... ◉◉◉◉ LA COMPLICATION LA MOINS COMPLIQUÉE de la semaine nous arrive du lac de Thoune et c'est pour nous prouver que la simplicité est une vertu théologale chez les horlogers. C'est même la signature grâce à laquelle on reconnaît les vrais grands maîtres (George Daniels, Philippe Dufour et quelques autres). On classera parmi ces maîtres Beat Haldimann, le génie horloger le plus modeste du monde, qui peut se flatter d'une génétique horlogère qui fait vivre sa famille depuis près de quatre siècles (!) mais qui est tout aussi capable de créer des concept watches d'une audace insensée, comme son tourbillon sans cadran, ni aiguille, juste pour le plaisir d'écouter passer le temps dans les cliquetis de l'échappement. Sa nouvelle H3 – à découvrir au Palace de Baselworld – est une première mondiale : c'est la seule montre dont le tourbillon central est doublé d'une répétition minutes. La poésie des heures qui sonnent se renforce de ce tourbillon posé en apesanteur au milieu du cadran. Ne soyez pas vulgaire en cherchant les aiguilles : que vous importent ces heures et ces minutes qu'on trouve partout, concentrez-vous plutôt sur la mélodie d'une double complication qui fait battre le coeur de la montre autant que le vôtre... ◉◉◉◉ LE PROJET HORLOGER LE PLUS SYMPATHIQUE de la semaine, c'est le lancement en souscription (sur KissKiss BankBlank) de la « montre en bois » préparée dans le Jura français par L'Atelier des Montres – une nouvelle entreprise créée par Clément Meynier, qui a remarqué qu'il existe bien des montres en bois sur le marché américain, ou sur le marché russe, mais pas ou peu sur le marché français [alors que c'était autrefois une spécialité des vallées horlogères comtoises]. Il a besoin de 10 000 euros – l'optimisme fait vivre – pour se lancer sur une plus grande échelle et il a déjà levé 20 % de cette somme pour des modèles en bois de santal ou en bambou... ◉◉◉◉ LA MONTAGNE LA PLUS INQUIÉTANTE de la semaine, c'est celle des stocks du Swatch Group, dont les analystes bancaires d'Exane BNP Paribas estiment qu'il entasse l'équivalent de 433 jours d'activité en stocks de montres et de mouvements (Business Montres du 17 février 2014). Une « pile » de stocks qui pèse assez lourdement sur les comptes du groupe et qui dépasse de loin les charges des autres groupes de luxe dans ce domaine, notamment les concurrents directs LVMH ou Richemont... ◉◉◉◉ LE MÈTRE CARRÉ LE PLUS CHER de la semaine, c'est celui de la boutique acheté par le Swatch Group sur la Via Montenapoleone, la rue la plus chic du centre de Milan. On devrait y loger Swatch ! 150 000 euros du mètre carré, soit 45 millions d'euros pour les 300 mètres carrés de cette ancienne coutellerie de luxe, au coeur du coeur du luxe milanais. Un prix très hongkongais, qui correspond à peu près à six ou sept fois ce qu'il faut dépenser pour s'offrir une boutique sur les Champs-Elysées : on comprend finalement pourquoi la Sistem51 n'est pas si bon marché pour une montre en plastique. En plus, Swatch – qui déjà une boutique Via Montenapoleone, avait lancé une montre Montenapoleone (ci-contre) dans les années 1990 : il sera difficile de remettre le couvert ! À l'origine de la négociation, le groupe souhaitait seulement louer cette boutique, pour un montant annuel de 3 millions d'euros, avec un bail de douze ans, mais le groupe LVMH de Bernard Arnault se faisait très pressant : acheter l'ensemble était pour Nick Hayek, qui adore Milan, le meilleur moyen de rester dans la course pour s'emparer des lieux. Du coup, l'état-major du Swatch Group se demande s'il ne serait pas préférable d'installer une boutique multi-marques plutôt qu'un simple Swatchstore... ◉◉◉◉ LE CANARD FACTICE LE PLUS AMUSANT de la semaine, c'est celui de l'équipe de l'EPFL qui travaille sur le fameux et très stimulant « mouvement mécanique sans échappement ». Pourquoi « canard factice » ? C'est un leurre, comme les chasseurs de canards en disposent à la surface des étangs pour inciter les vols de canards à s'y poser. Le canard, c'était l'illustration de notre première information sur le développement de cette « révolution horlogère » (Business Montres du 7 février, ci-dessous) : difficile d'imaginer une roue d'échappement entravé par un spiral et un piton. Même chez Patek Philippe ! La vérité est ailleurs, bien sûr : il ne faut pas prendre les canards sauvages pour des enfants du bon dieu (comme disait Michel Audiard). L'équipe du professeur Simon Henein pratique actuellement le profil bas, en attendant des rendez-vous horlogers ultérieurs : c'est là qu'on découvrira une avancée dans le domaine du silicium et de sa mise en fréquence isochrone pour animer un dispositif mécanique... ◉◉◉◉ LA CARTE LA PLUS ABSURDE de la semaine, c'est la (vraie) carte des fuseaux horaires, rapportés à l'heure « naturelle » dans les pays concernés (la différente entre l'heure légale à laquelle le soleil atteint son point le plus haut, qui devrait être le midi). Comme le dit le site Slate (qui publie cette carte en grand format), « les fuseaux horaires du monde sont mal fichus ». Les pays « en retard » sont en rouge, et les pays « en avance » sont en bleu. Plus la couleur est foncée, plus la différence est importante... ◉◉◉◉ LE RECORD DE PRÉCISION de la semaine, c'est une seconde de décalage tous les 300 millions d'années. Une précision à 16 chiffres après la virgule, acquise grâce à « Pharao » (acronyme de Projet d'Horloge Atomique par Refroidissement d'Atomes en Orbite), l'horloge atomique dont disposera la station spatiale internationale. Par sa précision, Pharao permettra par exemple de tester la théorie de la relativité d’Einstein qui induit que le temps s’écoule différemment en fonction de la gravité. Un effet déjà constaté, mais qui s’étudie d’autant mieux qu’on dispose d’une précision accrue. Curiosité : cette horloge sera placée à l'extérieur du module-laboratoire européen Colombus (image ci-dessous). Autrefois, on plaçait les chronomètres de marine dans la cabine du capitaine : aujourd'hui, ils voyagent sur le pont...
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