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@2013 : Quelques-uns des plus beaux Pinocchio de l'année (« Plus le bobard est officiel, moins il peine à convaincre »)

Tout le monde s'en souvient : le nez de Pinocchio s'allonge quand il raconte un mensonge. Dans le village horloger, les bobards ont la vie d'autant plus dure qu'ils sont répétés par des marionnettistes de haut niveau et relayés par les perroquets de service.  Qui sont les meilleurs Pinocchio de 2013 (par ordre alphabétique) ?  ▶▶▶ CALEMBREDAINES & DÉSINFORMATIONS« Tout va très bien, Madame la Marquise »... …


Tout le monde s'en souvient : le nez de Pinocchio s'allonge quand il raconte un mensonge. Dans le village horloger, les bobards ont la vie d'autant plus dure qu'ils sont répétés par des marionnettistes de haut niveau et relayés par les perroquets de service. 

Qui sont les meilleurs Pinocchio de 2013 (par ordre alphabétique) ? 

 CALEMBREDAINES & DÉSINFORMATIONS
« Tout va très bien, Madame la Marquise »...
◉◉ Il y a les personnalités de l'année (Business Montres du 20 décembre), mais il y a les plus grands menteurs de l'année : coup de chance, ce ne sont pas les mêmes, mais ça pourrait ! Beaucoup n'ont pas compris qu'on avait changé d'époque avec les médias sociaux, qui permettent de repérer très vite les mensonges et qui ont une longue mémoire capable de confondre les imposteurs : plus personne n'ose se risquer aux prévisions optimistes qui aurait permis à tel CEO, spécialiste depuis des années des annonces de croissance « à deux chiffres », de dépasser à lui seul la production de toute l'horlogerie suisse [si on avait tenu compte de l'addition sur une décennie de son taux annuel de progression]. En 2013, la mode était au message lénifiant : « Circulez, il n'y a rien à voir, parce que tout va très bien, Madame la Marquise » – voir notre vidéo en fin d'article. Dans ce registre, quelques somptueux Pinocchio, d'autant plus certains de n'être pas démentis que les perroquets médiatiques embrayent au moindre communiqué et que les analystes spécialisés n'y comprennent à peu près rien...
 
 BUCHERER PARIS (groupe Bucherer)
◉◉ On allait voir ce qu'on allait voir dans les anciens locaux d'Old England, au coeur de Paris : racheté par le groupe Richemont (pris la main dans le sac par Business Montres, 11 novembre 2009), qui avait commencé par nier l'opération pour ne pas fâcher ses détaillants parisiens, l'immense boutique du boulevard des Capucines était confiée au groupe Bucherer, pour ouvrir à Paris « le-plus-grand-magasin-de-montres-du-monde ». C'était le premier gros mensonge, comme l'a plusieurs fois souligné Business Montres jusqu'à ce qu'une formule alambiquée ajoutant la haute horlogerie à ce concept ne soit adoptée. Ouvert en catimini au printemps 2013, cet espace horloger persiste à nier l'ampleur du désastre, mais on entre là dans le déni de réalité : on croise systématiquement plus de membres du personnel que de clients dans les trois étages d'un Bucherer Paris qu'on doit considérer comme le flop commercial de l'année [en dépit des dénégations du groupe Bucherer, à Lucerne]. Les touristes chinois attendus ne sont pas au rendez-vous – ni, d'ailleurs, les clients locaux, refroidis par un concept marchand aux antipodes des attentes européennes – et le déficit se creuse de mois en mois, avec des résultats qui n'atteignent pas la moitié des prévisions d'exploitation : peu importe, l'opulent groupe Bucherer a les moyens de ses ambitions sur le très long terme ! Pourquoi tant d'ardeur dans la dénégation ? Tout le monde sait que c'est un bide et toutes les marques s'inquiètent de voir leurs produits scotchés dans ce mégastore microfréquenté. Que de méchants mensonges pour en arriver là. Et que de risques de déstabilisation de la distribution parisienne pour un aussi piètre résultat...
 
 DOMINIQUE FLÉCHON (FHH)
◉◉ L'historien officiel de la FHH (Fondation de la haute horlogerie) avait l'occasion de réviser quelques pages de sa Conquête du temps (Flammarion), ouvrage historique devenu la doxa officielle de l'établissement horloger. Les défauts mineurs d'un livre d'histoire (Business Montres du 14 octobre 2011) deviennent des erreurs majeures – donc rédhibitoires et même déontologiquement inacceptables – quand ils s'ajoutent les uns aux autres et qu'ils sont sciemment assumés : sérieusement « allumé » par les historiens anglo-saxons à propos de son incapacité technique à prendre en compte les éléments historiques versés au débat par Joseph Flores à propos de l'invention des montres automatiques, Dominique Fléchon s'est à nouveau fait prendre la main dans le sac à propos de l'invention du chronographe par Louis Moinet [l'historien en tient toujours pour Nicolas Rieussec, selon la doctrine officielle de Montblanc, marque qui a par ailleurs parrainé certains de ses travaux], tout comme il n'a rien changé dans les rééditions de son ouvrage à propos de la généalogie des chronomètres de marine (l'apport essentiel de la pendule Huygens, récemment rachetée par le musée Patek Philippe : Business Montres du 8 novembre 2013), la machine d'Anticythère ou les découvertes concernant les « montres portatives à fuseaux horaires » utilisées par les Romains de l'Antiquité (Business Montres du 18 février 2013). On pourrait également mentionner d'autres détails [ne parlons de la mise au point du chronographe automatique et des faiblesses élliptiques sur la montre au XXe siècle] qu'il aurait été judicieux de corriger dans les rééditions du livre, surtout dans ses traductions – notamment en chinois. L'histoire horlogère officielle a pris un train de retard sur l'avancement des connaissances dans ce domaine : la pression commerciale des marques ne fait décidément pas bon ménage avec une vérité historique toujours révisable...
 
 NICK HAYEK (Swatch Group)
◉◉ S'il y avait un titre de « plus grand baratineur de l'année », le patron du Swatch le mériterait amplement, mais c'est on ne peut plus normal : quand on dirige le plus grand groupe horloger du monde, on se doit de proférer les plus grandes énormités ! Après tout, ce n'est pas à lui de désespérer les vallées horlogères, mais on appréciera, dans ce domaine, la retenue et le réalisme de son principal concurrent, Johann Rupert, l'actionnaire du groupe Richemont. Sans risque d'être démenti, Nick Hayek a donc choisi d'afficher un indéfectible optimisme, non seulement sur la belle santé de son groupe [ce qui n'engage que les analystes et les actionnaires qui veulent bien y croire], mais aussi sur la qualité de sa gestion – alors que le niveau des stocks est plus qu'alarmant (Business Montres du 31 mai 2013) ou sur le dynamisme de sa R&D (révélations chiffrées Business Montres du 3 décembre 2013). Il a beaucoup désinformé sur la situation réelle du marché en Chine, en retardant jusqu'à cette fin d'année les aveux concernant le coup de frein brutal et la disparition du marché des « montres de corruption ». Il a, enfin, pris un énorme risque stratégique en niant le danger pour l'horlogerie suisse de l'explosion du marché des « montres connectées », qui sont le prochain risque le plus léthal pour l'industrie des montres traditionnelles. S'il a réussi quelques beaux coups en 2013 (la poussée de Tissot et Longines, le rachat d'Harry Winston, le futur Sistem51, etc.), l'année qui vient s'annonce plus contrastée : on peut craindre que ce grand marchand d'illusions ne se prenne en 2014 les pieds dans le tapis de ses désinformations de 2013...
 
 UELI MAURER (Confédération helvétique)
◉◉ Mettons sur le compte de la pagaille bureaucratique et des nécessités de la communication politique le petit « gros mensonge » qui consistait, pour le sympathique Ueli Maurer, actuel président de la Confédération, à nous faire croire que son accord de libre-échange avec la Chine allait faire baisser le prix des montres suisses vendues en Chine. Ce qui était une absurdité en même temps qu'une contre-vérité (révélations, analyses et schémas techniques : Business Montres du 6 juillet 2013). Bien entendu, les prix nominaux ne baisseront pas, sinon marginalement de quelques centimes ! Et les autorités chinoises en profiteront pour reprendre la main sur les réseaux de distribution en modulant à leur seul profit [et à celui de leurs affidés du complexe militaro-industriel] ces droits de douane au sein des zones franches dont elles hâtent la mise en place. Il faudra bien admettre un jour que les Chinois ont manoeuvré en finesse pour s'offrir, au coeur de l'Europe, un porte-avion commercial de première importance, liée de toute façon à l'Union européenne par des accords bilatéraux qui font de cette plate-forme un vrai Cheval de Troie. En France, on dirait qu'Ueli Maurer s'est fait couillonner par Xi Jinping, l'apôtre de la nouvelle austérité prolétarienne – qui se moque bien des montres de luxe désormais interdites aux caciques du pouvoir en place...
 
 RICHARD MILLE (Richard Mille)
◉◉ Comme chacun a pu s'en persuader, il ne s'est rien passé cette année entre Richard Mille et le groupe Kering (révélation Business Montres du 8 juillet 2013), puisque les négociations qui n'étaient pas en cours n'ont pas pris subitement fin à l'automne (révélations ultérieures sur le « coup du Père François » : Business Montres du 23 décembre). On pardonnera d'autant plus volontiers à Richard Mille ses dénégations de principe – c'est la règle du jeu ! – qu'elles n'étaient ni vigoureusement appuyées, ni vraiment convaincantes. Et nous étions sûrs de nos informations, à propos desquelles on aura admiré le silence gêné de nos chers confrères – qui, comme un seul homme, admettent tous aujourd'hui qu'ils « savaient » tout ce qui se passait. Que ne l'ont-ils raconté alors à leurs lecteurs... Le coup était bien joué, mais le recalage de Richard Mille dans la dernière ligne droite des procédures de rachat sonne le glas des ambitions de nombreux jeunes indépendants, qui rêvent depuis des années de se faire racheter par des groupes de luxe. Si Richard Mille a ouvert les portes du marché d'une nouvelle horlogerie créative à l'aube des années 2000, en inventant des codes à présent devenus planétaires, il en a détruit le miroir aux illusions en 2013 : les marques indépendantes ont du souci à se faire dans les années à venir. Comme quoi un Pinocchio en mode mineur peut se muer en whistleblower (« lanceur d'alerte ») de premier plan...
 
▶ ONLY WATCH (Antiquorum)
◉◉ Il était une fois une belle et grande idée charitable : permettre aux manufactures horlogères de rivaliser d'imagination, tous les deux ans, pour une vente de pièces uniques destinées à financer la recherche contre les myopathies. La vente aux enchères Only Watch est née de cette ambition, avec le soutien bénévole d'un certain nombre d'amis. Malheureusement, au fil des ans, le concept initial s'est dilué dans une absurde chasse aux records, centrée autour d'une seule marque (Patek Philippe) et des seuls intérêts collatéraux d'une maison d'enchères (Antiquorum) sans légitimité sur le terrain de ces « pièces uniques » – qui l'étaient moins d'édition en édition, au grand dam des collectionneurs. À tel point que la vente Only Watch est à présent prisonnière d'un cycle de rendements décroissants (démonstration Business Montres du 28 septembre) qui menacent très sérieusement la sixième édition : onze des 33 lots sous l'estimation basse, des pièces uniques bradées quand les marques ne se les rachètent pas, un prix moyen des lots adjugés qui s'effondre et un résultat (hors exception Patek Philippe) à 2,1 millions d'euros contre 3,1 millions en 2011. « On ne change pas une équipe qui gagne », répètent en choeur la direction d'Antiquorum et la direction d'Only Watch, en martelant que tout va bien dans le meilleur des mondes : les Bisounours ont-ils la nationalité monégasque ? SOS grande cause torpillée ! Relisons Il Gattopardo : il faut tout changer pour que rien ne change...
 
 JEAN-DANIEL PASCHE (Fédération horlogère suisse)
◉◉ Le président de la Fédération horlogère est un grand poète méconnu : alors que, mois après mois, la courbe de la croissance des exportations ne dément sa lente glissade vers le zéro, il sait trouver les mots qui rassurent et interpréter avec un lyrisme sémantique éblouissant les moindres inflexions positives dans les statistiques horlogères. Le moindre « effet de base », les hasards du calendrier [ah, ces satanés mois plus courts que les autres !], les envolées de quelques centaines de montres qui s'envolent quand des millions d'autres dégringolent (exemple : Business Montres du 8 novembre), le plus faible des signaux lui servent à nous garantir que nous volons de record en record [ce qui est arithmétiquement exact, quoique factuellement désinformateur] et qu'il ne faut donc pas s'inquiéter pour l'avenir. Mois après mois, notre nounou biennoise veille à nous déstresser. Au prix de quelques menues mensonges qu'on espère de commande, ce terrassier de l'optimisme dépave l'enfer de toutes ces mauvaises intentions statistiques. Quel talent dans la cosmétique pour masquer les parts de marché perdues et les volumes évaporés dans la mise en avant de la seule valeur – ce qui concerne plusieurs centaines de milliers de montres par an, donc des millers d'emplois industriels menacés. Du temps de la conquête de l'Ouest, il aurait fini dans la plume et le goudron, mais nous lui épargnerons cette avanie, que 2014 lui infligera bien assez tôt...
 
 ET TOUS LES AUTRES CHARLATANS...
◉◉ La planète horlogère ne manque pas de bonimenteurs. Impossible de les ranger dans le bon ordre, mais les menteurs du Swiss Made sont aussi nombreux que sournois – et tout aussi hauts placés que les Pinocchio ci-dessus : ceux qui auraient des doutes n'ont qu'à consulter les statistiques douanières suisses pour découvrir que la Suisse n'a jamais importé autant de composants horlogers qu'en 2013 (boîtiers, cadrans, éléments d'habillage, composants de mouvements). On pourra en conclure que les montres suisses n'ont jamais été aussi peu suisses que cette année ! Un mensonge de plus que ne dénoncera pas la presse horlogère, relais naturel de toutes les petites désinformations quotidiennes sur la réalité historique des prétentions de telle ou telle maison, sur le caractère innovant de leurs prétentions mécaniques [le fameux culture de la « word premiere »], sur la menace de pénurie en mouvements mécaniques et en spiraux [mythe complaisamment répandu sous l'influence du Swatch Group qui voulait augmenter ses prix], sur le caractère inoxydable et quasiment éternel de la manne touristique chinoise, sur la profitabilité étincelante des boutiques monomarques [que les marques s'empressent désormais de ne plus ouvrir, sinon de fermer de toute urgence tellement elles sont des puits sans fond], sur l'infrangible santé de l'industrie des montres suisses et sur leur style intemporel totalement et absolument crisis proof. Ne parlons pas du marché des montres de collection, qui tend à vous faire prendre des vieux chevaux de retour pour de fringants coursiers dont la valeur ne fera que se bonifier dans le temps – ce qui n'est vrai que dans à peu près 5 % des cas, en comptant large. Et tout le reste...
 
 
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