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@2015 #1 : Mais, au fait, avant de changer d'année, qu'est-ce qu'il va bien pouvoir rester de 2014 ?

Les lecteurs de Business Montres sont restés connectés aux grandes fractures qui ont marqué ou accompagné 2014 : c'était annoncé, ici, souvent et depuis longtemps. D'excellents sujets pour relancer une conversation qui s'étiole entre amateurs de montres : n'allez quand même pas gâcher votre réveillon avec des questions qui fâchent (ci-dessous)...  ▶▶▶ EN RÉSUMÉ ❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ LA PEUR A CHANGÉ …


Les lecteurs de Business Montres sont restés connectés aux grandes fractures qui ont marqué ou accompagné 2014 : c'était annoncé, ici, souvent et depuis longtemps. D'excellents sujets pour relancer une conversation qui s'étiole entre amateurs de montres : n'allez quand même pas gâcher votre réveillon avec des questions qui fâchent (ci-dessous)...

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EN RÉSUMÉ
 
❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ LA PEUR A CHANGÉ DE CAMP : au secours, les montres connectées arrivent...
❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ LES CHINOIS ONT CESSÉ D'Y CROIRE : le bullshit marketing a perdu toute efficacité... 
❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ LA CRISE REPOINTÉ SON NEZ : désormais, impossible de nier l'impensable... 
❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ ROLEX A CHANGÉ DE MAINS : mieux qu'une partie de chaises musicales, une révolution de palais...
❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ ON A TROP ABUSÉ DES « MÉTIERS D'ART » : overdose massive et peut-être mortelle de « montres décorées qui honorent les métiers d'art »...  
❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ LES FAUTEUILS ONT COMMENCÉ À VALSER : déjà, un tiers de sièges éjectables actionnés dans le Top 20 des marques suisses... 
❏❏❏❏ L'ANNÉE DU CRASH POUR LES BOUTIQUES DE MONTRES : la fin des grands rêves de macro-réseaux planétaires... 
❏❏❏❏ L'ANNÉE OÙ L'HIMALAYA A PERDU DE L'ALTITUDE : sans doute un effet du réchauffement climatique...
 
Peter Shugrue checks one of four custom, flush mounted clocks, destined for installation in Kansas City, Missouri, at the Electric Time Company factory in Medfield
 
▶ EN ATTENDANT 2015
2014, ça restera peut-être comme l'année... 
 
◉◉ OÙ LES AMATEURS CHINOIS ONT CESSÉ DE CROIRE tout le bullshit que leur martelait le marketing des grandes marques de luxe. Ils ont cessé de croire qu'un sac à main Louis Vuitton était la clé pour s'ouvrir les portes du Paradis, que les BMW avaient été inventées pour éviter aux dignitaires du Parti communiste de toucher terre et que les montres suisses étaient une monnaie parallèle, autrement plus efficaces que les enveloppes de billets verts pour convaincre un haut fonctionnaire récalcitrant ou un douanier de fermer les yeux. Bref, les Chinois sont devenus, en 2014, des consommateurs comme les autres : comme on pouvait s'en douter [et comme les lecteurs de Business Montres pouvaient le découvrir dans ces colonnes depuis près de deux ans], ils ont considérablement réduit leurs voyages à l'étranger (en se concentrant sur les shopping spots proches de la Chine), ils ont pratiquement renoncé à offrir des « montres de corruption » [ce qui a fait plonger de moitié les ventes de montres de luxe dans l'espace chinois] et ils ont exigé un niveau de vie plus occidental et moins pollué, avec davantage de liberté d'expression et de respect de la part des autorités. La propagande officielle du Parti communiste, orientée vers un néo-maoisme de nostalgie prolétarienne, condamne à court terme le retour de la montre de luxe européenne comme signe extérieur d'opulence : trop dangereux dans un pays où on exécute chaque année près de 4 000 condamnés à mort ! La Chine comme moteur de la croissance horlogère, c'est fini – et pour longtemps. Ce qui condamne tout espoir de croissance alors que s'amorce, pour 2015, une inquiétante spirale internationale de décroissance à tendance déflationniste...
 
◉◉ OÙ L'HORLOGERIE SUISSE A APPRIS À SE RESSAISIR face à l'imminent « tsunami » – un mot fort, repris par Guy Sémon, le nouvel homme fort de TAG Heuer, qui l'avait peut-être lu dans Business Montres ! Début 2014, il était encore de bon ton de rigoler de ces montres connectées, tellement nulles face à l'insupportable beauté mécanique et aux incomparables grandes marques de l'industrie suisse. Ces smartwatches étaient d'autant plus désopilante et inoffensives qu'elles réclamaient d'être rechargées chaque jour, comme n'importe quel téléphone portable. De toute façon, la messe était dite : luxe et hauts technologies ne rimeraient jamais – parole de Nick Hayek et parole de Jean-Claude Biver. Sauf que le premier a décidé de faire courir Tissot après un projet crédible de montre connectée : ce sera – quelle fantastique révolution ! – une vague T-Touch dotée d'une liaison Bluetooth. Sauf que le second a opéré une virage à 180° et décidé de redéployer TAG Heuer [dont il prend la présidence pour s'assurer que la mission sera bien accomplie] sur le terrain de la contre-offensive suisse face aux smartwatches. Hier, il fallait en rire – et les perroquets médiatiques ne s'en privaient pas. Aujourd'hui, il faudrait s'en méfier : les propos lénifiants des leaders de la branche ont juste fait perdre deux ans à tout le monde. Avant même d'avoir livré sa première « bataille du poignet », l'horlogerie suisse a capitulé en rase campagne : Apple a fait un premier tir de semonce en septembre, mais quel ramdam pour une simple annonce ! La suite s'annonce tragique. Espoir suprême et suprême pensée pour au moins sauver l'honneur des montres suisses, Jean-Claude Biver est à présent hanté par ce péril mortel d'éradication du marché : qui se souvient des grands noms de la sellerie européenne, qui avaient poussé jusqu'à des sommets insurpassés les beaux-arts de la calèche et du cheval – du moins, jusqu'à la Première Guerre mondiale ? En transformant ses sacs à selle en fourre-tout et ses casaques de jockey en carrés de soie, Hermès a survécu pour rester au sommet en ne conservant du cheval que l'allégorie symbolique de son logo. Qui se souvient des grands noms de la chapellerie européenne, si fameux avant que la voiture individuelle ne condamne leur science intemporelle du couvre-chef ? Qui se souvient des grands noms de la machine à écrire – ceux qui n'avaient pas imaginé que des geeks californiens puissent créer dans leur garage des « sacs à puces » capables de révolutionner la planète ? Et ainsi de suite : 2015 va accélérer le reclassement entre les marques de montres qui ont compris et intégré la mutation du wearable et les autres...
 
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◉◉ OÙ ON A COMMENCÉ À PARLER DE « CRISE HORLOGÈRE ». Souvenez-vous des beaux esprits qui se moquaient du « cassandrisme » chronique de Business Montres, média indépendant qui a le double défaut de ne pas transiger avec le principe de réalité et de dire à l'industrie ses quatre vérités avant même qu'elles ne soient évidentes. Les médias perroquets jouent sur du velours : c'est toujours plus facile d'annoncer la Première Guerre mondiale le 3 août 2014 que de pronostiquer le déclenchement des hostilités plusieurs semaines ou plusieurs mois à l'avance. Cette crise horlogère – qui n'apparaît encore qu'imparfaitement dans les statistiques d'exportation (tout de même, moins 5 % en novembre) – était clairement identifiée, ici même, dès 2013 et régulièrement confirmée tout au long de 2014, alors que les marques bourraient encore les tiroirs de leurs détaillants, annonçaient de pharamineux plans d'embauche et investissaient des dizaines de millions dans des « manufactures » vouées à l'échec avant même leur naissance. En 2014, on a recommencé à parler de « plans sociaux » et de chômage technique, en annulant ou en reportant les commandes aux sous-traitants, tout en virant quelques brouettes d'intérimaires (français, par définition) et en ne renouvelant pas les contrats précaires. On peut cependant parier que les groupes annonceront encore un année 2014 positive [cependant, plus rien à voir avec le culte précédent du double digit annuel], mais ce sera au prix de contorsions comptables particulièrement virtuoses. On comptera sur les doigts d'une main les marques en croissance réelle – et ce ne sont pas forcément les plus grandes ! En 2015, il est possible que même ces heureuses exceptions ne le soient plus... 
 
◉◉ OÙ ON A FERMÉ PLUS DE BOUTIQUES DE MONTRES qu'on a pu en ouvrir, un peu partout dans le monde : c'est bizarre, mais le nombre exact des boutiques du groupe Richemont (en nom propre ou en partenariat) est à présent confidentiel. Impossible de faire une comparaison avec 2012 ou 2013, années où il ne se passait pas une semaine sans que le groupe n'annonce deux ou trois ouvertures pour ses marques. Estimation Business Montres (boutiques horlogères uniquement) : une centaine de fermetures chez Richemont (qui avait poussé très le volontarisme dans ce domaine), une vingtaine côté LVMH, une vingtaine pour le Swatch Group et une autre dizaine pour les autres marques, intégrées ou non intégrées de toutes tailles. Les landlords de Hong Kong ont annulé leurs commandes de yachts et les promoteurs immobiliers de Macao sont aux abonnés absents. En Chine, la machine s'est détraquée. À Paris, le mégastore Bucherer – qui devait s'imposer comme la référence mondiale des caravansérails horlogers – a licencié à peu près la moitié de son personnel : les pertes sont abyssales, mais le groupe est assez riche ! À Beijing ou à Shanghai, les grands malls si courus il y a quelques mois s'avérant de redoutables déserts, la mode est désormais de confier au même et unique vendeur trois ou quatre boutiques de montres de marques différentes implantées dans le même étage : il y a si peu de trafic que ça ne pose aucun problème ! La désescalade boutiquière a toutes les chances de continuer en 2015...
 
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◉◉ OÙ ROLEX A VÉCU UNE RÉVOLUTION DE PALAIS : trois directeurs en un siècle (le XXe siècle), déjà quatre directeurs généraux pour les trois premiers quinquennats du XXIe siècle (2000-2015). Sans doute y avait-il une sacré urgence pour que Bertrand Gros, le pilote de l'omnipotente Fondation Hans Wilsdorf, en vienne remplacer Gian Riccardo Marini, qui n'était en poste que depuis 2011, par un jeune dirigeant recruté à l'extérieur du groupe (Jean-Frédéric Dufour, qui dirigeait la maison Zenith). Du jamais vu chez Rolex, mais une information révélée par Business Montres (14 avril) et aussitôt repompée sans être sourcées par des perroquets médiatiques qui trouvent toujours dans nos pages de quoi faire croire à leurs patrons qu'ils sont journalistes. Cette « révolution de palais » – la petite histoire veut que Gian Riccardo Marini ait appris son débarquement immédiat et le nom de son remplaçant par Business Montres – en dit long sur la vraie structure du pouvoir chez Rolex, mais également sur les difficultés actuelles d'une manufacture qui n'a pas compris la mutation géopolitique en cours sur les marchés horlogers et qui a dû réagir avec précipitation pour éviter que trop de monde ne se pose la question du pilote dans l'avion (analyse Business Montres du 15 avril). Échec dans la conquête du marché chinois, montée en puissance du principal concurrent (Omega) qui a doublé son poids spécifique alors que stagnait celui de Rolex, prises de part de marché par Tudor, décroissance d'environ 20 % (estimation Business Montres) des performances commerciales, dégradation de l'image surplombante et pionnière, surstocks dangereux, relative impuissance industrielle et créative : on en passe, et des pires. Mission impossible pour Jean-Frédéric Dufour ? Pas forcément : pour l'instant, il regarde, il apprend et il s'imbibe l'âme et la conscience des valeurs de la marque. Tous les espoirs d'un renouveau reposent sur ses épaules. Il a le dos large : à lui de nous le prouver en 2015, non par des apports encore forcément limités, mais par une prise interne de pouvoir incontestable et incontestée...
 
◉◉ OÙ LA HAUTE HIÉRARCHIE DE L'HORLOGERIE A VACILLÉ : on vient de parler de Rolex, mais il ne faut pas oublier les autres grandes marques (dont logiquement Zenith, avec Aldo Magada aux commandes). Chaises musicales chez TAG Heuer, avec l'arrivée de Jean-Claude Biver. Prise de pouvoir effective de Jean-Christophe Babin chez Bvlgari et de Stanislas de Quercize chez Cartier. Chaises musicales chez Girard-Perregaux ou chez Corum (évictions de Michele Sofisti, également parti de chez Gucci, et d'Antonio Calce). Autres chaises musicales chez Eterna (arrivée de Bruno Jufer). Changement d'équipe entre auctioneers chez Christie's (départ d'Aurel Bacs, parti regonfler Philipps) et chez Sotheby's (départ de Geoffroy Ader). Changement au sommet chez Worldtempus. Et on ne parlera pas ici des sièges éjectables qui ont fonctionné chez les marques indépendantes (notamment le départ de Laurent Lecamp, chez Cyrus, et les changements chez Laurent Ferrier ou chez Leroy), voire les départs aux échelons inférieurs de la hiérarchie des grandes marques.
 
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◉◉ OÙ LES MÉTIERS D'ART ONT SURSATURÉ NOS ÉMOTIONS : une montre qui rend hommage à un métier d'art, c'est bien. Trop de montres qui combinent et recombinent à l'infini trop de métiers d'art à la fois, c'est lassant et finalement contre-performant. L'overdose menaçait à l'issue du SIHH, mais l'année 2014 a confirmé cette tendance au grand spectacle décoratif: faute de prendre le moindre risque créatif, on se complaît dans les facilités esthétiques du gongorisme maniériste, en multipliant les ajouts de laque sur fond d'émaux champlevés, de micro-sculptures, de marqueterie, de mosaïque de verre ou de plumasserie en mode multi-culturel. Trop, c'est trop ! La recherche de l'exclusivité et, surtout, la sensation vite écoeurante d'une surcharge post-baroque des cadrans lassent les amateurs – pour ne rien dire des abus dans les références au zodiaque chinois [c'est pratique : ça revient tous les ans !], aux coquetteries de l'art contemporain [qui n'a pas son crâne ?], aux émois d'un bestiaire fantasmé [à nous les petites panthères en 3D] et aux modes éphémères du street art ou du body art. Côté matières, on ira difficilement plus loin que le caca de dinosaure osé par Yvan Arpa chez Artya, mais on est quand même passé par le cheveu de Napoléon débité au millimètre. 2015, l'année des crottes de nez fixées sous verre et des jeffkoonseries sous acide ?
 
◉◉ OÙ L'HIMALAYA DE LA PENSÉE HORLOGÈRE A PERDU DE L'ALTITUDE : c'est peut-être un effet du réchauffement climatique, mais c'était fatal ! À force d'émissions de gaz hilarants et de propos toxiques pour l'intelligence, la glace a fondu et l'Himalaya a perdu quelques mètres de hauteur en 2014. Du coup, on l'a moins entendu, mais qu'on s'ennuierait s'il n'était pas là. Début 2014, il pronostiquait tout simplement la mise à l'écart de Jean-Claude Biver chez LVMH (« promotion-sanction », affirmait l'oracle) et, surtout il revendiquait, comme tous les ans, au moins 17 % de croissance pour Parmigiani (plus que les marques du Swatch Group : Business Montres du 27 janvier 2014). Les rires des connaisseurs n'étaient pas éteints qu'il annonçait que Parmigiani deviendrait profitable en... 2017, tout en ayant proclamé avoir doublé de taille à peu près tous les quatre ans depuis vingt ans (6 000 montres annoncées en 2014, pour 2 000 ventes réelles). Nouveaux éclats de rire collectifs, avec un pic proche de l'hystérie peu avant Baselworld, quand le même Himalaya de la pensée horlogère nous déclarait de façon un peu absconse : « Le luxe n'a ni sexe, ni race » (Business Montres du 10 mars 2014). Ce qui ne l'empêchait pas de se flatter de vendre la moitié de ses montres à des femmes, qui n'ont donc probablement ni sexe, ni race. Ce garçon nous laissera toujours perplexe face à l'immensité hypergalactique de son talent. Vivement 2015 : on peut déjà guetter ses déclarations pendant le SIHH...
 
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