BASELWORLD 2014 #13 : « Mamie fait de la résistance » (les Tops et les Flops de l'édition 2014 : première partie, en toute indépendance)
Le 04 / 04 / 2014 à 05:57 Par Le sniper de Business Montres - 3463 mots
Mamie a quatre cent ans : c'est l'horlogerie suisse et elle vient de faire preuve d'une sacrée résistance. Les Chinois ne flambent plus et les montres connectées vont déferler : peu importe, tout le monde a retroussé ses manches pour se remettre au travail. 15 premiers coups de projecteur sur Baselworld 2014...
▶▶▶ BEST-OF BASELWORLD 2014Ambiance distribution des prix, à la volée, en vrac, en bref …
Mamie a quatre cent ans : c'est l'horlogerie suisse et elle vient de faire preuve d'une sacrée résistance. Les Chinois ne flambent plus et les montres connectées vont déferler : peu importe, tout le monde a retroussé ses manches pour se remettre au travail. 15 premiers coups de projecteur sur Baselworld 2014...
▶▶▶ BEST-OF BASELWORLD 2014Ambiance distribution des prix, à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... ◉◉◉◉ LA COMPLICATION MÉCANIQUE LA PLUS ULTRA-ROMANTIQUE : nous n'allons pas revenir longuement sur la montre Margot de Christophe Claret, longuement citée et encensée dans Business Montres (ci-dessus : un des schémas explicatifs) de ce mouvement. C'est une des montres qui marquera l'année 2014 et elle restera comme un des meilleurs souvenirs de cette édition de Baselworld. Il faut aimer... passionnément les femmes pour réussir un tel chef-d'oeuvre horloger. On ne savait pas Christophe Claret romantique à ce point, même si on le savait grand méchanicien devant l'Eternel. Il gagne là ses galons de virtuose des complications à forte valeur ajoutée... ◉◉◉◉ LE MEILLEUR NOUVEAU STAND : la palme revient à Graff, qui a profité du repli de Harry Winston vers Swatch Group City pour installer à la place, face à Hermès et au coeur du Hall 1.1, une malle au trésor superbement décoré dans le goût de l'art nouveau (ci-dessus), avec des vitrines intérieures et extérieures d'une richesse inouïe. Il fallait une certaine insolence pour exposer en vitrine – ce que personne d'autre n'aurait voulu faire à Baselworld – une montre Hallucination à 55 millions de dollars (ci-dessous) pour laquelle plusieurs clients privés de Lawrence Graff auraient fait connaître leur intérêt [nous raconterons la troublante histoire de cette montre un peu plus bas]. Entre verreries et marbres de Carrare, on peut chiffrer à deux ou trois milliards de dollars les richesses de l'exposition, tant horlogères que joaillières. Quel triomphe pour une première participation à Baselworld ! ◉◉◉◉ LE PRIX SPÉCIAL DU JURY : il est décerné de toute évidence à la direction de Baselword, qui a su conduire cette édition 2014 de main de maître, pratiquement sans fausse note, avec une mention toute particulière pour le nouveau centre presse, où il est beaucoup plus facile de travailler entre deux sandwichs (particulièrement bourratifs) et deux cafés. La vue sur la piazza du salon est reposante en dépit de son animation, mais on reprochera à ce centre de presse ses horaires d'ouverture : 8 h 30, le matin, c'est une demi-heure trop tard pour le premier petit déjeuner sur les stands, et 20 h 00, le soir, c'est trop tôt pour ceux qui sortent de rendez-vous vers 19 h 30. Même reproche pour la fermeture des accès aux entrants dès 19 h, dans tous les halls, alors que se déroulent des soirées pour lesquelles les invitations ont souvent été lancées par e-mail, sans carton d'invitation... ◉◉◉◉ LE CHRONOGRAPHE DE L'ANNÉE : c'est, une fois de plus, à De Bethune qu'on doit deux chronographes aussi innovants que performants. N'importe quelle autre marque se serait contentée de l'un ou de l'autre, mais l'habituelle démesure De Bethune – dans la magnificence et dans l'exubérance mécanique – nous en offre deux, une version tourbillon de ce chronographe monopoussoir cinq aiguilles à lecture directe et à « embrayage absolu » (DB29 Maxichrono Tourbillon) et une version mécanique monopoussoir, plus radicale dans son expression horlogère, mais non moins séduisante (DB28 Maxichrono : ci-dessous). Business Montres reviendra ultérieurement et plus longuement sur ces avancées mécaniques qui, pour n'être pas exactement des world premieres, puisqu'il a existe une poignée de montres de poche avec des chronographes cinq aiguilles, n'en constituent pas moins un bond en avant dans l'art contemporain de la chronographie... ◉◉◉◉ LA PLUS POIGNANTE DÉCEPTION : généralement, quand les marques changent de propriétaire, le nouveau maître des lieux s'empresse d'imposer son style à travers quelques nouvelles collections. Malheureusement, acheter le titre de « roi du diamant » ne vous confère qu'une légitimité sémantique, qu'il s'agit de tremper dans les créations : cette année, Harry Winston n'était pas au rendez-vous, ni par son stand étriqué du Hall 1.0, à la place de l'ancienne buvette de la citadelle Swatch Group (juste après Rado et CK Calvin Klein), ni par ses collections horlogères [comme Business Montres l'avait bien anticipé et en dépit des affirmations de Nayla Hayek, il n'y a pas eu d'Opus 14 et il n'y en aura sans doute pas], ni par ses présentations joaillières. Le « roi du diamant », c'était cette année Graff (voir ci-dessus), qui a soufflé à Harry Winston une place stratégique, entre Boucheron et Jacob & Co, face à De Grisogono et à l'entrée du hall 2.1 des grands joailliers. Mais que fait donc le joaillier Harry Winston dans un espace exclusivement horloger et pourquoi avoir ouvert un tel boulevard à Graff ? Le bilan des 14 mois de présence du Swatch Group chez Harry Winston reste à évaluer, mais il est déjà critique... ◉◉◉◉ L'HOMMAGE HISTORIQUE SANS FAUTE : c'est sans doute celui que Bell & Ross a tenu à rendre au capitaine Guynemer, l'as des as de l'escadrille des Cigognes, abattu à l'âge de 22 ans, en 1917, après avoir lui-même abattu, en quelques mois passés dans la chasse française, une grosse soixantaine (certains disent plus de 80) appareils ennemis. Si le centenaire de la Première Guerre mondiale pouvait ramener dans les vitrines de telles montres, ce serait un immense bonheur pour les amateurs : rien à redire à cette réinterprétation d'une montre que Guynemer aurait pu porter à son poignet (boîtier, cadran et bracelet sonnent juste) et coup de chapeau à la façon dont Bell & Ross réaffirme, année après année, sa légitimité sur le terrain des montres militaires, non en recopiant les codes du passé, mais en les réinterprétant avec sensibilité, fidélité et originalité. Pour les puristes, pas d'inquiétude : la cigogne volera dans la bonne direction sur les cadrans de la série définitive... ◉◉◉◉ L'HISTOIRE LE PLUS BIZARRE : la « montre-la-plus-chère-du-monde » présentée par Graff (illustrée ci-dessus) est facturée, nous dit-on, 55 millions de dollars. Curieusement, au récent WPHH organisée par le groupe Franck Muller à Genève, la maison londonienne Backes & Strauss présentait quasiment la même montre, mais cette Piccadilly Princess Royal Colours (ci-contre) était facturée 2 millions de dollars ! Les joailliers ne s'y sont pas trompés. La même montre ? Oui pour la structure interne du sertissage, le plan du posage des pierres, le jeu des maillons qui assurent la souplesse du bracelet [d'ailleurs infiniement moins portable, parce que plus rigide, chez Graff que chez Backes & Strauss] et la disposition générale des couleurs. Non pour la qualité, la rareté et le caratage des pierres, multiplié par cinq chez Graff. Ceci ne fait pas de Lawrence et de François Graff des tricheurs : il se passe des choses très étranges dans les ateliers genevois de haute joaillerie, où tout le monde sous-traite à tout le monde – sans le signaler à la marque – au gré des difficultés techniques rencontrées... ◉◉◉◉ L'OBJET DÉRIVÉ LE PLUS INATTENDU : entre navette spatiale, Harley-Davidson, poissons, vélos et Ferrari virtuelle, sans parler des lunettes de soleil, des téléphones, des parfums et des sacs à main, Baselworld ne manque pas d'objets dérivés. Le plus inattendu reste cependant la production de colas signés Shinola, qui a relancé une fabrication de bouteilles en verre à l'ancienne pour embouteiller un cola qui est lui aussi à l'ancienne [rien à voir avec l'actuelle astringence du Coca-Cola], c'est-à-dire moelleux, sucré, modérément gazeux, caramélisé à souhait et presque onctueux. Une friandise du temps où l'hygiénisme social ne lançait aucune fatwa contre l'américanisation des palais : la seule lecture des Nutrition facts au dos de la bouteille est un acte subversif ! Un cola domestique fabriqué à Detroit, comme les montres Shinola... ◉◉◉◉ LE BIDE MÉCANIQUE DE L'ANNÉE : n'accablons l'équipe horlogère de Jacob & Co, qui comptait beaucoup sur l'Astronomia Tourbillon – une montre révélée et longuement racontée par Business Montres – pour créer un buzz maximal à Baselworld. Les dieux de la mécanique horlogère devaient être fâchés : la montre n'a fonctionné que quelques heures par jour, ce qui a beaucoup énervé Jacob Arabov lui-même, et sa fragilité prototypique n'a pas résisté à la curiosité des détaillants et des journalistes. Dommage, c'était un des plus beaux ovnis horlogers de ces dernières années (construction et développement : atelier 7 h 38, à Vaumarcus). Et c'est bien la preuve qu'il faut savoir donner du temps pour achever un projet, sans mettre une pression insupportable sur les constructeurs. Il faut maintenant revoir toute la copie, mais l'effet de surprise et de sidération sera passé... ◉◉◉◉ LE MEILLEUR CONCEPT HORLO-PHILOSOPHIQUE : Hermès masque les heures et déroute notre perception du temps qui passe, en camouflant l'aiguille des heures sous l'aiguille des minutes. la montre n'égrène que ces minutes, selon l'ordre immuable et classique, sauf quand on vient presser le poussoir : l'aiguille des heures apparaît alors pour se positionner sur l'heure exacte, tandis que se demasque un guichet où on peut lire une autre heure, dans un fuseau différent qu'on aura sélectionné. C'est l'heure à la demande, ou plutôt les heures sur commande. Le temps qui s'écoule n'a plus tout-à-fait la même saveur, puisqu'il n'est plus régi par la pression de l'aiguille des heures, plus impérative, mais seulement par celle des minutes, plus fluide. Être ou ne pas être à l'heure, tout en étant à la minute ? Deviner l'heure sans la voir... Cette Heure masquée est un amusant divertissement mécanique, dans la lignée des précédentes complications ludiques de la maison Hermès (amusement visuel ci-dessous : comment dérouter les sens ?)... ◉◉◉◉ LE SAUVETAGE DE L'ANNÉE : la marque H. Moser & Cie revient de loin, et de très profond pour ce qui est du trou financier, mais ses repreneurs – le clan Meylan et sa holding familiale – ont su remettre de l'ordre dans l'administration comme dans la production et la commercialisation, sans perdre de vue l'objectif de créer des belles montres pour une nouvelle génération de collectionneurs. Pas de révolution stylistique, ni de marketing tonitruant, mais un réglage très fin de l'offre, avec une nouvelle campagne de communication fondée précisément sur la discrétion. Passé aux commandes, Édouard Meylan a su imposer sa marque à l'ensemble et avec un tact dont le meilleur symbole pourrait être cette nouvelle collection Venturer, aux lignes pétries de culture horlogère et au mouvement innovant quoique respectueux des traditions...
◉◉◉◉ LE DÎNER QU'IL NE FALLAIT PAS MANQUER : il s'agit, bien sûr, du diner historique donné par Arnaud Boetsch (le directeur de la communication de Rolex), pour 130 journalistes de la presse internationale, qui étaient pour la plupart venus « voir » et surtout entendre ce que Rolex – la grande muette de l'horlogerie – pouvait bien avoir à leur dire. Le message était celui d'un nouvel « esprit de famille » entre la presse et la manufacture, ce qui a suscité de questionnements ironiques et un léger scepticisme au vu de la culture profonde du secret pratiquée depuis toujours par Rolex. Logique : à force de ne pas parler, on finit par n'être plus écouté pour ce que l'on dit, mais uniquement pour ce que l'on ne dit pas. La suite au prochain numéro... ◉◉◉◉ LA COLLECTION LA PLUS GLOBALEMENT CONSISTANTE : il ne fallait pas aller bien loin à l'entrée de Baselworld pour trouver, dans les vitrines de Bulgari [premier stand à gauche, en entrant] la première collection Bvlgari digne de ce nom depuis des années. Arrivée aux commandes au printemps dernier, Jean-Christophe Babin (ex-TAG Heuer) a tout remis en ordre en ordonnant les collections autour de quelques piliers : la collection Octo pour les hommes [en version mécanique et en version tourbillon, les montres extra-plates les plus remarquables de tout Baselworld], la nouvelle collection Lvcea pour les femmes [gros potentiel commercial] et différentes offres complémentaires, qui vont jusqu'à la répétition minutes et aux extravagances d'un artisanat d'art en liberté, mais toujours relié au savoir-faire de la maison (ci-dessous : L'Amimiraglio del Tempo, avec son carillon Westminster – doté d'un génial poussoir de sonnerie intégré dans la corne gauche de la montre – et son échappement à détente préparé par Christophe Claret). Une collection très équilibrée, homogène, bien posée, aux créations pertinentes et à l'indéniable séduction. Bvlgari est redevenu Bvlgari : on va pouvoir passer aux choses sérieuses sur le front de la joaillerie... ◉◉◉◉ LES ÉTOILES GASTRONOMIQUES : les années passent, les bonnes adresses restent. Le meilleur risotto était une fois de plus à déguster chez De Grisogono, qui servait en outre un jambon italien tout ce qu'il y a de plus remarquable – ceci en dépit de Zenith qui avait mobilisé une « Risotto Party » pour ouvrir les hostilités dès l'ouverture du salon, mercredi midi. Pour ce qui est du vrai jambon ibérique, rien ne valait l'assiette de pata negra espagnol tranchée sur le stand Festina : c'est le meilleur des tapas pour se refaire une santé entre deux traversées des halls. Les meilleurs sandwiches étaient cette année chez Corum (savoureux mélange de protéines, de sauces crémeuses et de salades dans un pain moelleux). Les sushi du lounge Movado Group étaient parfaits, mais malheureusement épuisés passés 12 h 30. Excellents chocolats chez De Bethune (Philippe Pascoët, tout de même), mais aussi chez Chronoswiss (un grand chocolatier de Lucerne). Friandises décalées et régressives chez RJ-Romain Jerôme, qui traitait cette année ses visiteurs au champagne Perrier-Jouet. Les meilleurs macarons se trouvaient cette année chez Graff, avec des couleurs qui valaient celles des joyaux présentés par la marque. Le cola le plus horloger était forcément celui de Shinola, Made in Detroit comme il se doit (voir ci-dessus). Pour les spécialités régionales, il fallait passer par les petits gars du Jura, jamais à court de munitions... ◉◉◉◉ LES COMMENTAIRES À CHAUD : Baselworld n'avait pas encore fermé ses portes que La Télé (canal indépendant suisse) demandait à Business Montres (Grégory Pons) quelques commentaires à brûle-pourpoint sur l'ambiance et les pièces les plus marquantes du salon. En direct, c'est moins facile, mais l'essentiel y est... ▶▶▶ À SUIVRECe qu'il faut mémoriser et ce qu'on peut oublier de Baselworld 2014 (seconde partie) Business Montres du 6 avril D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...