CARTIER-BVLGARI : C'est bon, Messieurs, il faudrait peut-être arrêter vos enfantillages ! Et de passer enfin aux choses sérieuses...
Le 25 / 06 / 2015 à 05:40 Par Le sniper de Business Montres - 1392 mots
Cartier et Bvlgari se marquent à la culotte. Tout se passe au doigt et à l'oeil. Moi, c'est Rome, avait lancé le premier. Et moi, c'est Paris, enchaînait le second. On nous rejoue Brigitte Bardot dans Le Mépris : « Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses ? » À la fin, c'est puéril et lassant. Vivement la fin de la récréation...
▶▶▶ HARCÈLEMENT NUMÉRIQUE
Cartier et Bvlgari se marquent à la culotte. Tout se passe au doigt et à l'oeil. Moi, c'est Rome, avait lancé le premier. Et moi, c'est Paris, enchaînait le second. On nous rejoue Brigitte Bardot dans Le Mépris : « Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses ? » À la fin, c'est puéril et lassant. Vivement la fin de la récréation...
▶▶▶ HARCÈLEMENT NUMÉRIQUEDe troublantes symétries mimétiques sur les mêmes médias sociaux... ◉◉◉◉ DANS LA LUTTE À MORT QUI S'ENGAGE entre les grands joailliers pour la première place sur le podium mondial, il y a des épisodes burlesques. On le sait, Cartier, Bvlgari, Tiffany & Co, Harry Winston et les autres [tous oublient d'ailleurs que le premier joaillier du monde, c'est aujourd'hui le Hongkongais Chow Tai Fook, au moins en chiffre d'affaires] se « tirent une bourre d'enfer ». Business Montres (25 septembre 2013) a même pronostiqué une amusante « guerre des proctériens », dont nous ne vivons que les premiers épisodes. Entre deux de ces proctériens de haut niveau, Stanislas de Quercize, sous pavillon Cartier, et Jean-Christophe Babin, sous les couleurs de Bvlgari, les escarmouches font rage sur les réseaux sociaux. Il y a deux ans, à son arrivée chez Bvlgari, Jean-Christophe Babin avait dégainé le premier en axant sa communication sur Rome et les composantes romaines de l'identité Bvlgari, dont l'effervescence colorée des pierres de couleur. Approche qui a visiblement inspiré Cartier, dont la communication est alors symétriquement passée à un ancrage qui valorisait Paris et qui mettait en avant les pierres de couleur. Même les concepts des vitrines ont fini par se ressembler dans les boutiques... ◉◉◉◉ ON RETROUVE LE MÊME MIMETISME sur les réseaux sociaux. Quand Bvlgari présente sur Instagram des bagues sur fond de paysage romain, Cartier en profite pour montrer les siennes sur fond de panoramique parisien. La fois suivante, c'est un bracelet Cartier du haut de l'Etoile, et Bvlgari enchaîne face au Colisée. Inutile de multiplier les exemples : les images ci-dessus et ci-dessous parlent d'elles-mêmes. La rivalité se trouve attisée par l'actuel rapport de forces entre les marques. Depuis sa reprise par Jean-Christophe Babin, Bvlgari n'est plus le joaillier aux soins palliatifs qu'il était : la dynamique commerciale permet à la maison romaine d'afficher une croissance à deux chiffres, ininterrompue depuis des mois, avec des pointes mensuelles à 30 % de croissance pour l'ensemble de l'activité [parfois plus pour l'horlogerie, en pleine renaissance]. Au même moment, le trône de Cartier vacille : dans un monde où le luxe traditionnel a perdu de son lustre, la maison se cherche de nouvelles raisons d'exister et de nouvelles approches pour rester n° 1 des grands joailliers européens. Cartier n'a pas vraiment trouvé de second souffle après le départ de Bernard Fornas, qui avait poussé la maison à faire des étincelles, et l'arrivée de Stanislas de Quercize tarde à produire le moindre effet dynamique. Tétanisé par ses nouvelles responsabilités, alors qu'on attendait de lui le même feu d'artifice que Van Cleef & Arpels, dont il avait pu assurer la renaissance créative, le nouveau CEO semble encore chercher ses marques, avec des résultats en baisse et un bilan créatif qui se limite à raconter que « dans Cartier, il y a "art" » – message qui est un peu court quand les concurrents (Bvlgari, Tiffany & Co, Graff, Harry Winston et les autres) se réarment aussi puissamment. Ce n'est jamais facile de succéder à un manager aussi charismatique que Bernard Fornas, dont la « grande gueule » a dopé Cartier pendant les années de vaches grasses, mais la déception – bientôt, la dépression ? – s'installe pendant que Bvlgari caracole en termes de croissance et piaffe d'impatience : faute de croissance, la question de la succession à la barre du vaisseau-amiral de Richemont reste posée... ◉◉◉◉ CETTE GUÉGUERRE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX devient aussi lassante que puérile. Il serait temps de siffler la fin de la récréation. Il serait temps de reconcentrer le message des marques sur les éléments de langage les plus forts de leur identité. Il serait temps pour Cartier de retrouver la créativité qui est le seul gage de croissance, en admettant que l'insistance sur la haute mécanique ou la focalisation sur des métiers d'art ultra-banalisés dans l'offre horlogère [même les Chinois en font, et mieux que les Suisses !] finissent par devenir toxiques pour une marque quand ces abus lui font perdre la légèreté, l'impertinence et l'élégance qui structuraient son ADN. Voir le « joaillier des rois, roi des joailliers » en position de follower produire des campagnes me-too pour courir un challenger hyperactif, c'est assez navrant. Il serait temps pour Bvlgari de créer un vrai concept de communication, qui ne se résume pas à Carla Bruni plus ou moins décolletée de face, de trois-quart et de côté, en travaillant à la (re)création d'icônes capables d'essuyer les décennies sans perdre de leur magie : la croissance à court terme, c'est bien ; la consistance dans le long terme, c'est mieux. Messieurs, pendant que vous vous chamaillez à coups de « likes » et de promotions touristico-joaillières, vos concurrents accélèrent... ◉◉◉◉ CHERS PROCTÉRIENS DU LUXE JOAILLIER, comme on vous aime bien, on rêve tous d'un vrai combat à la loyale entre vous, entre vos marques, entre vos créations, identité contre identité, concept contre concept. Une bataille d'hommes, d'idées, de visions qui s'affrontent. Pas un faux duel de communicants, avec éléments de langage préformatés et sans journalistes soudoyés en guise de cibles captives. Hier, vous avez prouvé que vous aviez l'étoffe des héros : il est temps de nous démontrer qu'il vous en reste quelque chose ! ◉◉◉◉ POUR RESTER DANS LA NOTE FRANCO-ROMAINE, et pour ceux qui n'auraient pas compris l'allusion à Brigitte Bardot dans la scène-culte du Mépris, une dernière séance pour les cinéphiles : c'est là-dessous que ça se passe et ça rappelle étrangement l'esprit des scènes ci-dessus... [/private] D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...