> 


CHAISES MUSICALES (exclusif) : Comme dans les contes de fées, la marque à la couronne s'offre un prince charmant pour remplacer son CEO

C'est une forme de révolution de palais ! Refermant la transition post-Heiniger, Rolex investit sur une nouvelle génération de quadras et couronne, comme directeur général, un « gendre idéal » capable de porter les valeurs de la marque sur le long terme. Un choix qui relance la partie sur le marché horloger... ▶▶▶ UN NOUVEAU DIRECTEUR GÉNÉRAL POUR ROLEXJean-Frédéric Dufour (ex-Zenith) coiffe la couronne...  ◉◉◉◉ PLUS …


C'est une forme de révolution de palais ! Refermant la transition post-Heiniger, Rolex investit sur une nouvelle génération de quadras et couronne, comme directeur général, un « gendre idéal » capable de porter les valeurs de la marque sur le long terme. Un choix qui relance la partie sur le marché horloger...

Rolex-Headquarters-in-Geneva,-Switzerland
 UN NOUVEAU DIRECTEUR GÉNÉRAL POUR ROLEX
Jean-Frédéric Dufour (ex-Zenith) coiffe la couronne... 
 
◉◉ PLUS GENEVOIS QUE « JEAN-FRED », TU MEURS ! Après une transition bancaire (séquence Bruno Meier) et un intermède commercial (séquence Gian Riccardo Marini), qui correspondaient aux urgences immédiates, comme la réorganisation des finances mises à mal Heiniger regnante et un retour sur le terrain pour enrayer l'érosion des ventes, il fallait trouver une solution qui engage à la fois l'avenir et qui marque un retour aux valeurs fondamentales de la marque. Me Bertrand Gros, le deus ex machina de la fondation Wilsdorf, avait-il un autre choix que celui de Jean-Frédéric Dufour (ci-dessous) ?
 
Jean_Frederic_Dufour_new◉◉◉ LE DÉSORMAIS EX-PRÉSIDENT DE ZENITH a tout pour plaire du point de vue Rolex, mais sa qualité la plus instinctive est son caractère profondément genevois et son style rassurant dans le mode traditionnel. Jean-Frédéric Dufour est issu d'une bonne lignée patricienne genevoise, il a la bonne petite pointe d'accent local qui authentifie les racines, il a la bonne éducation et même la bonne épouse, une des plus jolies femmes de Genève. Ses costumes sont sages, ses cravates tempérées, son sourire ravageur auprès des dames. Ce week-end, il réfléchissait encore à son nouveau destin sur les sentiers des Alpes, comme tout bon Suisse qui veut recadrer son destin dans le bon paysage. Son calvinisme natif le prémunit contre les élans latins et contre les dérives bling-bling de l'ère Heiniger (dont nous avions révélé le limogeage – Business Montres du 17 décembre 2008– voir également notre in memoriam : Business Montres du 4 mars 2013). Le regard de Jean-Frédéric Dufour peut virer à ce gris qui est la couleur du lac quand le ciel du pays genevois s'y mire. Il a la mèche blonde et cinématographique des héritiers de bonne famille. Bref, c'est le « gendre idéal » pour la grande dame à la couronne, qui s'offre un spectaculaire coup de jeune avec un directeur général auquel on ne connaît que des amis.
 
◉◉◉ JEAN-FRÉDÉRIC DUFOUR A ÉVIDEMMENT UN BILAN HORLOGER qui parle pour lui. Formé à l'école Biver au sein du Swatch Group, il est resté le fils spirituel préféré de Jean-Claude Biver, avec lequel il a travaillé du temps de Blancpain et du Swatch Group : il n'est sans doute pas de jour où les deux hommes ne s'appellent – et c'était même vrai du temps où Jean-Claude Biver n'était pas le patron de la division Montres du groupe LVMH, et donc le supérieur hiérarchique du président de Zénith. Passé par l'école Chopard après une vaine relance de la marque Léon Hatot [à l'impossible, nul n'est tenu, surtout quand la direction du Swatch Group ne comprend pas l'intérêt d'une marque dont la renaissance était initialement planifiée par Jean-Claude Biver], Jean-Frédéric Dufour est avant tout un « homme du produit », plus sensible au branding et au marketing qu'à la commercialisation. Excellent communiquant, il a fait chez Zenith exactement ce qu'il fallait faire en début de crise (révélation Business Montres du 4 mai 2009), quand il s'agissait de tourner la « page Nataf » – de même que Thierry Nataf avait fait exactement ce qu'il fallait faire pour relancer la marque après son rachat par LVMH.
 
Zenith_2013_stand_Baselworld_640_360_s_c1_center_center
 
◉◉◉ DEPUIS SON ARRIVÉE AUX COMMANDES de la manufacture du Locle, Jean-Frédéric Dufour a eu l'intelligence de repositionner la marque à l'orée du grand luxe horloger, avec des prix (relativement) accessibles pour la qualité mécanique de l'offre et une politique de communication originale, notamment le partenariat avec Felix Baumgartner, le « parachutiste de l'espace ». À Baselworld, cette année, il avait semblé un peu tendu, moins cool que d'habitude et un peu plus rude avec ses collaborateurs, qui ont mis cette crispation sur le compte des difficultés du temps : en 2013, les résultats de Zenith ont été plus que calmes, avec une croissance quasi-stagnante du chiffre d'affaires [estimation Business Montres : environ 140 millions d'euros, soit 2 % en croissance publiée, pour 5 % en croissance organique] et, surtout, un lissage spectaculaire des profits [estimation Business Montres : moins de 10 millions d'euros, ces profits s'expliquant en grande partie par le revente au groupe d'environ 12 000 mouvements El Primero, la potion magique de Zenith]. En fait, des fenêtres de son bureau, dans le stand Zenith à l'entrée de Baselworld, Jean-Frédéric Dufour rêvait déjà aux milliers de mètres carrés du stand Rolex, dont il serait le « patron » l'année suivante, juste de l'autre côté du carrefour...
 
◉◉◉ IL ÉTAIT DONC FATAL QUE LES CHEMINS DE ROLEX et de ce si genevois et si brillant horloger qu'est M. Dufour finissent par se croiser. Business Montres était sur cette piste depuis le mois dernier, en annonçant « un remaniement managérial qui s'accompagnerait d'un coup de jeune dans une grande marque genevoise » (Business Montres du 14 mars), mais il était difficile d'en dire plus sans risquer de casser une négociation en cours. Tout le problème était de savoir si cette décision serait prise avant ou après Bâle, pour une annonce avant ou après Bâle. Hier, la situation était mûre, mais Jean-Frédéric Dufour n'avait pas annoncé la nouvelle à ses équipes, ce qui a été fait ce matin (Business Montres du 13 avril). C'est donc le scoop du jour : Rolex a un nouveau directeur général, le sixième depuis la fondation de la marque, mais le quatrième depuis la crise de 2008. Trois directeurs pour la première centaine d'années (1908-2008), mais déjà trois pour les cinq années suivantes (moyenne de survie au XXe siècle : 33 ans ; moyenne pour le XXIe siècle : 3,3 ans )... Serait-ce un métier à risque ? 
 
39539
 
QU'EST-CE QUI VA CHANGER POUR ROLEX ? Sans doute beaucoup de choses. En offrant à un jeune quadra son bâton de maréchal, la première marque d'horlogerie mondiale [mais aussi une des dix plus connues dans le monde] fait un pari sur l'avenir. Après le banquier alémanique et le commercial italien, le choix du prince charmant genevois désigne un retour aux valeurs fondamentales, aux marqueurs génétique subliminaux et à la culture profonde de Rolex. Au lieu d'avoir retenu une solution interne – Rolex a toujours pratiqué la cooptation endogamique – et au lieu de promouvoir celui qui passait pour le dauphin de Gian Riccardo Marini, Daniel Niedhart [qui paye sans doute ici et son exil hongkongais et le recul de 30 % de Rolex sur les marchés asiatiques], Rolex programme une greffe sur le long terme : dépourvu de culture Rolex autre que celle de tout bon Genevois, Jean-Frédéric Dufour va s'en imbiber sous la houlette de Bertrand Gros jusqu'à devenir un Rolex Boy plus vrai que nature. À 45 ans, il a une bonne vingtaine d'années devant lui et son dynamisme naturel fera la différence – même s'il faut prévoir une résistance passive des grands féodaux qui ont le sentiment d'avoir affermé la marque au lieu d'y affermer leur talent. On se posera tout de même la question de l'urgence qu'il y avait à sacrifier tout de suite le pion Marini : pas de réponse pour l'instant, sinon le constat d'échec et d'inadaptation de la culture Rolex face aux mutations sociétales, en Chine comme ailleurs. Cette exogamie péagogique ne trahirait-elle pas un certain désarroi ? Autre question : Jean-Frédéric Dufour sera-t-il à la hauteur ? Il multiplie par trente le chiffre d'affaires à gérer, avec la responsabilité d'un personnel vingt fois plus nombreux et un réseau international dix foi plus étendu. Pas facile, mais bon sang ne saurait mentir. Cette nomination est aussi un signal clair adressé à tous ceux qui croient toujours à la fable de l'immobilisme conservateur et défensif de la marque à la couronne. La gloire ankylosait la marque et la couronne l'écrasait : une nouvelle génération de quadras – dans laquelle on compte des talents comme Arnaud Boetsch, l'actuel patron de la communication, s'il se révèle Dufourcompatible – va se charger de libérer les fantastiques énergies d'une telle maison...
 
congratulates_felix-e1350384651128
 
QU'EST-CE QUE ÇA VA CHANGER POUR ZENITH ? En laissant parler chez Rolex le patron de la manufacture du Locle, qui était aussi un de ses fils spirituels, Jean-Claude Biver n'a pris [et fait prendre au groupe LVMH] qu'un risque calculé. D'une part, Zenith est plus concurrent d'IWC ou de Jaeger-LeCoultre que de Rolex, de même que TAG Heuer ne l'est que partiellement, tout comme Bvlgari. La loyauté « calviniste » de Jean-Frédéric Dufour – qui connaît tout des marques LVMH pour 2015 et les années suivantes (produits, tendances, R&D, etc.) – fera la différence pour limiter les piétinements mutuels de plate-bandes. Ce qui est étrange, c'est qu'il ait expédié les affaires courantes à Baselworld sans prévenir personne, comme s'il était inamovible : il est vrai que le « dégager »  brutalement avant Bâle, alors qu'il connaissait tout le détail des opérations à venir, ou l'obliger à faire ses six mois réglementaires dans l'entreprise n'aurait eu aucun sens. D'autre part, l'« effet Dufour » commençait à s'émousser chez Zenith et il fallait trouver un second souffle pour relancer la manufacture : ce sera la mission du successeur de Jean-Frédéric Dufour. 
 
CÔTÉ LVMH, ON POURRAIT AUSSI INTERPRÉTER ce départ comme une confirmation au moins partielle de notre hypothèse de travail sur le possible désengagement horloger du groupe (pure spéculation intellectuelle pour l'instant : Business Montres du 7 avril), mais on peut faire confiance à Jean-Claude Biver, qui pourrait assurer quelques mois d'intérim, pour avoir une autre cartouche dans le canon. Il dispose encore de quelques autres « fils spirituels » disséminés dans le paysage horloger et chacun d'entre eux s'empressera d'accourir au coup de sifflet pour tenter une aventure Zenith qui n'a de chances qu'en osmose intellectuelle totale avec Jean-Claude Biver. Dommage pour un Antonio Calce (ex-Corum), désormais libre, mais qui n'appartient pas au sérail LVMH et qui n'a jamais fait partie du cercle rapproché bivérien...
 
31485QU'EST-CE QUE ÇA POURRAIT CHANGER DANS LE PAYSAGE HORLOGER ? On remarquera tout d'abord la « bivérisation » de Rolex, puisque Jean-Frédéric Dufour y retrouvera son copain Philippe Peverelli, ex-Bibi Boy lui-même et ex-Chopard, promu à la tête de Tudor, la marque-soeur de Rolex (ci-dessous : les deux gagnants du Grand Prix d'Horlogerie 2013). Sacré trajectoire que celle de ces Bibi Boys, qui se partagent l'empire comme les fils de Charlemagne (ci-contre : Jean-Claude Biver et Jean-Frédéric Dufour) : donc, Jean-Frédéric Dufour chez Rolex, Philippe Peverelli chez Tudor, Ricardo Guadalupe qui a hérité du royaume Hublot, Michele Sofisti à la tête de Girard-Perregaux et de l'horlogerie Kering, Aldo Magada à la direction commerciale de Breitling, Christian Latmann chez Breguet et chez Jaquet Droz et quelques autres. En bon capitaine, Jean-Claude Biver fait circuler le ballon : c'est lui qui semble avoir arrondi les angles pour gérer au mieux l'exfiltration de Jean-Frédéric Dufour chez Rolex. On peut également prévoir que cette rupture générationnelle à la direction de Rolex – par l'âge, l'exogamie et l'expérience produit – va relancer la partie entre les grandes manufactures qui mordaient en toute impunité les mollets de la grande dame à la couronne : le nouveau directeur connaît trop bien Omega pour ne pas avoir envie d'en combattre avec intelligence les sortilèges, de même qu'il a des revanches à prendre sur IWC ou sur Jaeger-LeCoultre. On ne va pas reprendre le cliché journalistique ultra-daté de « l'église au milieu du visage », mais on saura bientôt qui est le patron, ce qui n'était plus le cas depuis des années ! Qui va se retrouver « éparpillé aux quatre coins de Paris façon puzzle » (Michel Audiard, Les Tontons flingueurs) ?
 
Dufour-Peverelli-GPHG2013-Businessmontres
 
 
D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTES
DE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...
Partagez cet article :

Restez informé !

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et recevez nos dernières infos directement dans votre boite de réception ! Nous n'utiliserons pas vos données personnelles à des fins commerciales et vous pourrez vous désabonner n'importe quand d'un simple clic.

Newsletter