REPÉRAGES #184-2025 (accès libre)
Plusieurs commentaires sur une seule montre (elle mérite qu’on lui consacre de la place)
En toute transparence, avant d’être commentée et appréciée, cette nouvelle montre est expliquée dans la jamais trop fleurie « langue de boîte » – cette langue de bois des « boîtes » d’horlogerie, celle de nos « amies les marques » ! Voici donc le 184e épisode de notre panorama des nouveautés de l’année 2025, avec nos commentaires critiques sur la grande double sonnerie de Blancpain…
Cette chronique vise à vous signaler quelques nouveautés parmi toutes celles qui affluent dans les vitrines horlogères : c’est, à ce jour, la plus complète des recensions que proposent les médias spécialisés, avec un peu plus de 2 100 pièces présentées chaque année. Soit, en moyenne, à peu près cinq nouveautés proposées par jour du calendrier : c’est exceptionnel – et même unique dans le paysage horloger ! Ces nouvelles montres sont commentées une par une : nous ajoutons à ces présentations des évaluations personnelles critiques, forcément subjectives et généralement pas complaisantes, mais toujours sincères, en bref, en vrac et toujours en toute liberté. Dans le formidable tsunami des nouveautés horlogères, cette sélection est déjà, en soi, une élimination du pire ou de l’insignifiant : il ne faut donc pas s’étonner que le meilleur y soit commenté plutôt positivement. Tout le monde l’aura compris : les absents ont toujours tort !

BLANCPAIN Grande double sonnerie
Lorsque Marc A. Hayek, Président & CEO de Blancpain, a lancé la Maison dans le développement d’une grande sonnerie, son ambition dépassait largement celle de simplement rejoindre le cercle restreint deceux qui avaient déjà réalisé cette complication rarissime. De la mêmemanière que sa passion pour la plongée l’avait conduit à relancer lalégendaire Fifty Fathoms, son amour pour la mécanique l’a poussé àrechercher et créer l’inédit. Alors qu’il est habituel d’indiquer l’heure avec deux notes, il a inspiré les horlogers de Blancpain à développer une grande sonnerie équipée de quatre notes. Plus encore — et complexifiant considérablement l’exercice —, il souhaitait que l’heure soit annoncée sous forme de mélodie. Puis l’inspiration est venue : pourquoi ne pas faire sonner le temps selon eux mélodies différentes jouées avec quatre notes ? D’un côté la classique sonnerie Westminster, de l’autre une composition originale signée par le rocker Eric Singer, batteur de Kiss. Et permettre à l’utilisateur de sélectionner l’une ou l’autre, et de passer de l’une à l’autre par simple pression sur un poussoir intégré au boîtier. Semblant impossible lorsque l’idée a été lancée, la Grande Double Sonnerie est devenue réalité et constitue une première mondiale. Cette nouvelle grande sonnerie, petite sonnerie et répétition minutes pouvant sonner deux mélodies quel que soit le mode de sonnerie choisi, est associée à un tourbillon volant et à un calendrier perpétuel rétrograde, ouvrant véritablement de nouveaux horizons dans l’univers des grandes complications.

• C’est une première mondiale : une montre-bracelet grande sonnerie avec deux mélodies sélectionnables via un poussoir sur le boîtier — la classique mélodie Westminster à quatre notes et une mélodie originale Blancpain composée par le musicien Eric Singer. Ultra exclusive parmi les montre-bracelet à grande sonnerie, les quatre quarts sonnent à l’heure, offrant une durée d’exécution prolongée.
• Calendrier perpétuel rétrograde entièrement repensé avec une nouvelle construction, le calendrier perpétuel est totalement intégré au mouvement, équipé des correcteurs brevetés sous cornes de Blancpain, redessinés pour permettre un réglage aisé du bout des doigts, sans outil.
• Tourbillon volant : l’emblématique tourbillon volant de Blancpain, premier tourbillon volant au monde dans une montre bracelet présenté en 1989, est mis à jour avec un spiral en silicium et une fréquence de 4 Hz
• C’est la montre la plus compliquée de l’histoire de Blancpain : un projet de huit ans, marqué par 1200 plans techniques, 21 brevets déposés au cours du développement dont 13 intégrés à la construction finale du mouvement, 1 053 composants individuels pour le mouvement sur un total de 1 116 composants, entièrement conçus, produits, assemblés et décorés en interne..
• Un son exceptionnel : quatre notes (Mi, Sol, Fa, Si) produites par quatre marteaux distincts. Une membrane acoustique intégrée dans la lunette améliore la transmission du son, assurant ainsi une qualité musicale remarquable bien au-delà du simple volume sonore. Régulateur magnétique silencieux..
• Finitions artisanales traditionnelles : 26 ponts et platine réalisés en or 18 ct. Anglage traditionnel (135 angles rentrants), perlage, poli miroir, moulures diamantées, traits tirés, tous exécutés à la main dans l’atelier de finitions de Blancpain au Brassus. Les composants sont décorés sur leurs faces visibles comme cachées.
• Mécanismes de sécurité : cinq systèmes de sécurité intégrés au mouvement pour prévenir toute casse due à une mauvaise manipulation.
• Une montre pensée pour être portée malgré l’extrême complexité du mouvement, la montre — qui a passé tous les tests et homologations — reste très portable avec un diamètre de 47 mm, une distance corne à corne de 54,6 mm et une épaisseur de 14,5 mm.
• Écrin spécial fabriqué à partir de bois provenant de la légendaire forêt du Risoud dans la Vallée de Joux, l’écrin est plus qu’un simple coffret de présentation — il perpétue la tradition séculaire des épicéas de résonance, prisés des luthiers pour leurs qualités acoustiques exceptionnelles. Dans cet esprit, il agit comme une caisse de résonance naturelle qui sublime le son et relie la pièce à l’héritage culturel et artisanal de la vallée.
• Personnalisation : chaque pièce peut être réalisée sur mesure selon les souhaits de son propriétaire, garantissant une exclusivité absolue.
Issu de ses racines en tant qu’entreprise familiale, demeurée pendant deux siècles dans la famille Blancpain, la Maison s’enorgueillit de sa fidélité aux grandes traditions horlogères. Depuis ses ateliers situés dans la Vallée de Joux, berceau de la haute horlogerie, 100 % de ses mouvements sont réalisés en interne : conception, production, assemblage et finitions. Toutes les complications et constructions emblématiques de l’horlogerie se retrouvent dans les collections de Blancpain : calendrier complet avec phases de lune, calendriers perpétuels, calendriers annuels, tourbillons, carrousels, chronographes, GMT, réveils, répétitions minutes et désormais grande sonnerie. De plus, Blancpain fabrique elle-même ses boîtiers en acier, céramique, or, platine et titane. Les grandes complications occupent une place éminente dans l’histoire de Blancpain, notamment avec la 1735. À son époque, il s’agissait de la montre-bracelet à remontage automatique la plus compliquée au monde, intégrant une répétition minutes, un chronographe à rattrapante, un calendrier perpétuel et un tourbillon. Lorsque le président & CEO de Blancpain, Marc A. Hayek, a imaginé ce nouveau projet de grande complication il y a huit ans, il était clair à ses yeux que les ambitions devaient aller au-delà de cette réalisation passée. L’apogée des montres à sonnerie n’était plus la répétition minutes, mais bien la grande sonnerie. Mais même alors, créer une nouvelle grande sonnerie ne suffisait pas. L’instruction donnée par Hayek à son équipe de concepteurs de mouvements les a poussés vers une ambition encore plus grande : concevoir une grande sonnerie qui ferait progresser l’art horloger. Les limites de la sonnerie ne devaient plus se réduire à indiquer l’heure, mais à le faire avec une mélodie complexe. Comme l’exprima Marc A. Hayek : « La Grande Sonnerie est l’une des complications les plus difficiles à créer. C’est la reine des complications horlogères. Je voulais une Grande Sonnerie que son propriétaire puisse porter confortablement. Pas un exercice de style destiné à rester enfermé dans un coffre. Deux mélodies avec une véritable musicalité. Et surtout une montre qui fasse sourire en égrenant le temps, qui suscite une véritable émotion. Avec sa sonnerie élaborée visible, permettant d’admirer ses quatre marteaux frappant leurs mélodies, son somptueux mouvement en or regorgeant des innovations issues de ses 13 brevets et son finissage poussé à l’extrême, nous espérons toucher le cœur des connaisseurs les plus passionnés. »
Aujourd’hui, nous considérons la sonnerie du temps comme une complication, un ornement venant enrichir le train horaire classique d’une montre et signalant que le garde-temps figure parmi les créations horlogères les plus rares, les plus envoûtantes et les plus impressionnantes. Cependant, dès le XIVe siècle, la situation était inverse : la sonnerie du temps avec les grandes horloges de monastères et de villages était fondamentale, surpassant en importance l’affichage des heures avec aiguilles et cadran. L’organisation et la régulation de la vie quotidienne de tous ceux qui vivaient et travaillaient à portée de son dépendaient de la sonnerie des heures. C’est cet héritage de la sonnerie en passant qui constitue l’essence des grandes sonneries. La mélodie de Westminster, l’une des deux utilisées par la Grande Double Sonnerie Blancpain, remonte à 1793 dans l’église St. Mary’s the Great à Cambridge. Son adoption par Big Ben à Londres lui a donné le nom sous lequel elle est connue aujourd’hui. Jusqu’en 1992, il n’existait pas de montres-bracelets grande sonnerie. La sonnerie du temps se limitait aux répétitions minutes, qui sonnent uniquement à la demande. Généralement activées par la traction d’un verrou, ces répétitions sonnent l’heure au moyen de deux notes, l’une grave, l’autre aiguë. À l’inverse, les grandes et petites sonneries sonnent le temps en passage. La définition horlogère de la grande sonnerie est celle qui sonne les heures à l’heure pleine et, à chaque quart, sonne à la fois les heures et les quarts. Quant aux petites sonneries, il en existe deux variantes : la plus simple sonne uniquement les heures, sans répéter les quarts ; la plus élaborée sonne les heures seulement à l'heure pleine, puis les quarts sans répéter les heures aux 1er, 2e et 3e quart. La Grande Double Sonnerie de Blancpain, est munie de deux barillets distincts : l’un alimente le train horaire, l’autre la grande sonnerie, la petite sonnerie et la répétition minutes et offre une autonomie de 12 heures lorsque la grande sonnerie est active. La première montre-bracelet à grande sonnerie faisait entendre le temps selon la formule binaire utilisée par la quasi-totalité des répétitions minutes : les heures sur une note grave, les minutes sur une note aiguë et les quarts sur une combinaison des deux. À de rares exceptions près, cette formule a été suivie par les autres grandes sonneries présentes sur le marché.

Avec sa Grande Double Sonnerie, Blancpain a ouvert de nouveaux horizons. La vision de Marc A. Hayek a permis d’imaginer une véritable mélodie. Le défi était immense. Pour composer une mélodie, quatre notes étaient nécessaires : Mi, Sol, Fa, Si. Cela doublait d’emblée la complexité du mouvement puisqu’il fallait quatre marteaux distincts, un pour chaque note. Mais ce n’était là que la première étape pour faire entrer la sonnerie dans l’univers musical. Avec une sonnerie binaire bien plus simple, il existe une grande flexibilité quant aux fréquences des notes, individuellement et entre elles. Pour une mélodie, en revanche, aucune tolérance n’est possible : chaque note doit être parfaitement juste afin qu’elles puissent être jouées ensemble. L’analogie avec un concert symphonique est ici parlante. Avant un récital, c’est généralement le hautbois qui donne le « La », puis le premier violon accorde l’orchestre pour que tous les instruments jouent dans la même tonalité et au même diapason. À l’aide d’un laser capable de mesurer la fréquence des vibrations, les maîtres horlogers de Blancpain testent et ajustent les timbres de la Grande Double Sonnerie afin que la fréquence de chacune des quatre notes soit parfaitement accordée. Un second impératif distingue l’exécution d’une mélodie de la simple sonnerie binaire : le tempo. L’oreille humaine peut percevoir des irrégularités de l’ordre du dixième de seconde lorsqu’elle écoute une mélodie. Comme une répétition minutes, la Grande Double Sonnerie est dotée d’un régulateur qui contrôle la cadence de la sonnerie. Blancpain l’a équipée d’un régulateur magnétique breveté — une avancée majeure par rapport aux conceptions antérieures. Totalement silencieux, il n’ajoute aucun bruit mécanique parasite et assure une stabilité de tempo supérieure aux régulateurs traditionnels. Mais pour une mélodie, une précision encore plus grande est requise. Tout comme pour les quatre notes, les intervalles entre chacune sont mesurés scientifiquement. Dans ses propres laboratoires, Blancpain fournit les données analytiques et l’expertise technique qui guident les maîtres horlogers. Grâce à leur savoir-faire, ceux-ci effectuent ensuite des ajustements microscopiques — de l’ordre du micron — sur la forme des dents du mécanisme de sonnerie. Cette alliance entre technologie de pointe et artisanat assure un tempo parfaitement régulier, maintenu dans une tolérance d’un dixième de seconde.

Le savoir-faire de Blancpain dans la création de mélodies se révèle pleinement à l’heure pleine. Contrairement aux autres grandes sonneries qui, à l’heure, ne font entendre que les heures sans les quarts, la Grande Double Sonnerie Blancpain offre à son propriétaire le plaisir d’une séquence complète : les heures suivies de l’intégralité des quatre quarts, autrement dit la mélodie dans toute sa splendeur. La qualité et le volume du son sont essentiels. Marc A. Hayek a comparé l’appréciation d’une sonnerie à la dégustation d’un grand vin : « Écouter une sonnerie, c’est comme déguster un grand cru. Il ne s’agit pas seulement d’une question de volume, mais de clarté, de résonance, de persistance, de richesse. Savourer la sonnerie d’une pièce de prestige est une expérience émotionnelle. » Dans cette quête d’un raffinement sonore, la Grande Double Sonnerie a été dotée de timbres en or, choisis après de longues recherches et essais. Divers alliages ont été testés, mais l’or s’est toujours imposé comme offrant les résultats acoustiques les plus aboutis. Son usage ne relève pas de la tradition, mais du fruit d’une expérimentation rigoureuse et d’un choix délibéré au service du son parfait. Le volume a également été au cœur du développement. Pour améliorer la transmission du son du mouvement vers l’air, les concepteurs de Blancpain ont imaginé une membrane acoustique en or intégrée dans la lunette. Cette construction fait l’objet de l’un des 13 brevets incarnés par la Grande Double Sonnerie.

Collectionneur de montres passionné et musicien renommé, Eric Singer est un batteur américain principalement connu pour sa longue collaboration avec le groupe de hard rock Kiss. Au cours de sa carrière, il a également travaillé avec Black Sabbath, Alice Cooper, Lita Ford, Badlands, Brian May, Gary Moore, ainsi qu’avec son propre groupe, ESP. Ayant participé à plus de 75 albums et 11 EP, Singer s’est forgé une réputation de batteur parmi les plus polyvalents et respectés du monde du rock. Ami proche de Marc A. Hayek, Singer s’est imposé comme un choix naturel lorsque Hayek a décidé d’ouvrir une nouvelle ère dans l’horlogerie, en dotant la Grande Double Sonnerie d’une seconde mélodie. Singer a composé une œuvre originale spécialement pour ce projet, une expérience créative complètement nouvelle pour lui. Au cours du développement de cette composition, Singer a collaboré étroitement avec son ami et célèbre claviériste Derek Sherinian, dont la sensibilité musicale et le sens de l’harmonie ont été essentiels à la mise en forme de la mélodie finale. Ensemble, ils ont transformé les contraintes techniques du mouvement en une signature musicale unique pour la montre. « Lorsque l’équipe de Blancpain m’a montré les spécifications techniques de la montre, je n’ai pas compris un seul mot de ce qui s’y trouvait ! », plaisanta-t-il. « Le vrai défi est apparu quand j’ai réalisé qu’il n’y avait que quatre notes disponibles. Cela peut sembler beaucoup pour une montre, mais pour un musicien, c’est une énorme contrainte. Transformer cette contrainte en musique a été le véritable casse-tête, mais aussi ce qui a rendu cette collaboration si fascinante pour Derek et moi. » La mélodie de Singer est intitulée « Blancpain ». En appuyant sur un bouton, le propriétaire peut choisir à sa guise entre la mélodie Westminster ou la mélodie Blancpain. La fluidité du bouton de sélection, qui permet de passer aisément de l’une à l’autre, est assurée par un mécanisme équipé d’une roue à colonnes.

Depuis son introduction en 1989, le tourbillon volant de Blancpain est devenu emblématique de la Maison. Le terme « volant » s’explique par le fait que, contrairement à la plupart des constructions où le tourbillon est maintenu entre un pont inférieur et un pont supérieur, ce design supprime le pont supérieur, soutenant la cage et ses composants — balancier, spiral et échappement — uniquement par le dessous. Révolutionnaire lors de sa présentation, la construction volante de Blancpain fut une première mondiale pour une montre-bracelet, prisée car elle offrait une vue totalement dégagée sur le ballet du tourbillon en mouvement. La Grande Double Sonnerie élève encore cette icône. Sa fréquence a été augmentée de 3 Hz à 4 Hz et son spiral de balancier est réalisé en silicium, garantissant une résistance au magnétisme ainsi que trois atouts majeurs pour la performance chronométrique : un poids allégé, une géométrie idéale et une amplitude plus constante malgré les variations de la force du ressort-moteur. Au-delà de ses avancées techniques, la Grande Double Sonnerie célèbre également la beauté esthétique du tourbillon : la finition de sa cage — notamment ses surfaces polies miroir — crée un jeu de lumière extraordinaire, sublimant la grâce du mécanisme et attirant le regard sur chacun de ses mouvements.
• Une montre du rang de la Grande Double Sonnerie se devait d’intégrer un calendrier perpétuel, l’une des complications horlogères les plus prestigieuses et les plus utiles. Bien que les collections Blancpain proposent déjà plusieurs types de calendriers perpétuels, la création de la Grande Double Sonnerie a nécessité une construction entièrement nouvelle, quasiment inédite dans l’univers des grandes complications. La norme, ailleurs, consiste à ajouter le mécanisme du calendrier sous forme de module, monté sur une platine distincte de celle du mouvement. Cette approche, toutefois, aurait été incompatible avec l’architecture ouverte de la Grande Double Sonnerie, une platine de calendrier dédiée venant nécessairement recouvrir et masquer la sonnerie. Blancpain a donc relevé le défi bien plus complexe d’intégrer pleinement le calendrier dans le mouvement, évitant ainsi le recours classique à une platine séparée. L’indication de la date se déploie le long du pourtour gauche du mouvement, tandis que le jour de la semaine, le mois et l’année bissextile sont affichés sur deux sous-cadrans situés à droite. Habituellement, les correcteurs sous cornes brevetés de Blancpain sont intégrés au boîtier, avec de petits ressorts qui en assurent le rappel. Ils permettent ainsi des réglages aisés du bout des doigts, sans aucun outil. Pour la Grande Double Sonnerie, la présence de la membrane a conduit à repenser ce principe : les correcteurs, ainsi que leurs ressorts de rappel, ont cette fois été intégrés directement dans le mouvement, une solution inédite qui allie simplicité d’utilisation et élégance technique, fidèle à l’esprit de Blancpain.

La finition manuelle est un art, et Blancpain dispose d’un atelier de décoration dédié au Brassus. C’est là que s’exprime toute la palette des motifs et techniques traditionnels de décoration, réalisés par des artisans hautement qualifiés. Pour mettre en valeur la beauté de ce travail manuel, Blancpain a choisi l’or 18 ct pour la platine et les ponts de la Grande Double Sonnerie, un matériau qui non seulement offre un rendu visuel spectaculaire, mais exige également une compétence et une patience exceptionnelles. En effet, sa douceur le rend bien plus délicat à travailler que les métaux traditionnels, ne laissant aucune place à l’erreur et nécessitant une maîtrise absolue de la part des artisans. Outre la chaleur unique qu’il confère à l’esthétique du mouvement, l’or offre des surfaces polies d’un éclat plus intense que celles obtenues avec le laiton ou le maillechort plus couramment utilisés. Comme il se doit pour toute pièce d’exception, Blancpain applique ses finitions non seulement sur les faces des composants visibles à travers le cadran ajouré ou le fond saphir, mais également sur les parties habituellement dissimulées, que seuls l’horloger lors de l’assemblage, ou, des années plus tard, l’horloger chargé d’un service, pourraient contempler. Témoignent de l’extraordinaire savoir-faire artisanal pratiqué dans cet atelier les 135 angles rentrants parfaitement nets réalisés sur les composants du mouvement. Ces angles vifs ne peuvent être obtenus que par un travail manuel méticuleux, commençant par la sculpture des arêtes, suivie d’un polissage au bois avec des abrasifs de plus en plus fins, puis, ultime étape, d’un lustrage à l’aide de tiges de bois de gentiane sauvage, qui pousse naturellement dans la Vallée de Joux. Les connaisseurs avertis savent que de tels angles rentrants ne peuvent être créés avec des outils électriques. Ils scrutent donc attentivement les finitions du mouvement à la recherche de cette signature, véritable gage du plus haut niveau de décoration traditionnelle de haute horlogerie réalisée à la main. Pour un horloger, le monde se réduit à des dimensions microscopiques… la loupe, les composants minuscules, l’établi… l’environnement se tait et disparaît. Pour Romain et Yoann, les deux horlogers qui ont donné vie à la Grande Double Sonnerie, cette description n’a été qu’en partie vraie. Tous deux sont chez Blancpain depuis plus de dix ans et ont consacré une grande partie de leur carrière aux répétitions minutes. Mais l’assemblage des plus de 1000 composants de la Grande Double Sonnerie a considérablement élargi leur univers. S’éloignant de la solitude de la loupe et de l’établi, Romain et Yoann ont été appelés non seulement à collaborer ensemble, mais aussi à travailler avec les concepteurs du mouvement afin de perfectionner les méthodes et techniques nécessaires à la construction de la Grande Double Sonnerie. Ce à quoi ils ont été confrontés allait bien au-delà des formidables défis d’une répétition minute. Dans une répétition minute, une grande souplesse existe quant aux tons et au tempo ; il suffit que le son soit raisonnablement agréable et régulier. La Grande Sonnerie, elle, s’en distingue radicalement, car ses deux mélodies exigent des notes d’une justesse absolue et une précision de tempo sans précédent. De plus, contrairement aux autres grandes complications, la construction du mouvement se révélait d’une complexité redoutable, tous ses éléments étant entièrement intégrés sur une seule platine. Il n’existait ni guide, ni formule, ni précédent clairement défini pour les orienter sur le chemin de la réalisation de cette pièce révolutionnaire. Plus de six mois furent consacrés à l’élaboration du plan d’assemblage et, surtout, à la conception et à la fabrication d’outils spéciaux adaptés à la multitude des tâches qui les attendaient. Chaque montre représente aujourd’hui près de douze mois de travail, assemblée individuellement de A à Z, du début à la fin, par Romain ou Yoann. Lorsqu’un horloger achève sa pièce, survient un bref instant de satisfaction intime et de récompense pour ces longs mois d’effort : Romain ou Yoann grave à la main sa signature au revers de la plaque en or Blancpain, puis la fixe sur le mouvement qu’il a lui-même réalisé.

UN COMMENTAIRE ? Il est assez plaisant de voir la maison Blancpain s’arracher à l’ornière où elle s’ankylosait pour aborder de nouveaux horizons créatifs (c’était le cas avec les collections Villeret ou Fifty Fathoms), voire à prendre des initiatives innovantes fondamentales comme avec cette Grande double sonnerie augmentée d’un quantième perpétuel et d’un tourbillon. Bonne nouvelle supplémentaire : le prix a été fixé de façon plus raisonnable que ceux qui sont généralement pratiqués par le club très fermé des grandes marques qui pratiquent la vraie Grande sonnerie [à ce jour, nous n’en comptons guère plus de huit en Suisse et deux en Asie] et qui profitent de cette complication « ultime » pour surfacturer aux riches collectionneurs leurs « montres qui sonnent » : chez Blancpain, l’addition ne dépassera pas les 2 millions de dollars (un peu moins en euros et encore moins en francs suisses), sans limitation autre que celle d’une production qui ne dépassera pas deux pièces par an.
C’est beaucoup d’argent, mais ce n’est pas si coûteux compte tenu de la mobilisation de tout un atelier d’horlogerie et du déploiement de milliers d’heures de travail autour d’un mouvement à remontage manuel qui compte 1 116 composants, avec 96 heures de réserve de marche (12 heures en mode grande sonnerie) – à noter le spiral en silicium, très rare sur les grandes complications de ce niveau. Les dimensions du boîtier en or rose 5N ne sont pas modestes, mais elles savent rester raisonnables pour un poignet normal : 47 mm x 14,5 mm d’épaisseur [on évitera de se laver les mains ou même de passer sous la douche avec cette Grande double sonnerie au poignet : pour d’évidentes raisons d’acoustique, elle n’est que très médiocrement étanche, pour ne pas dire pas du tout]. Si Blancpain se flatte de la décoration « à l’ancienne », avec la référence obligée aux mythiques bâtons de gentiane pour la touche finale des 135 angles rentrants, il n’est cependant pas évident que ces finitions d’une facture très soignée soient au meilleur niveau de ce qui se fait de mieux en Suisse, dans des ateliers indépendants (un exemple : Simon Brette) ou dans des manufactures plus étoffées (un exemple : Greubel Forsey). Surtout avec le choix de l’or pour les composants de ce mouvement.
Peu importe, après tout, puisque cette Grande double sonnerie entre dans l’histoire des montres par sa double mélodie, qui épatera encore les amateurs quand tout le monde aura oublié qui était Éric Singer (la vidéo ci-dessous donne une idée sonore mais sommaire de cette double sonnerie). Surtout avec cette innovation qui consiste à offrir à celui qui écoute, aux heures pleines, la totalité des sonneries (heures et quarts) : c’est à la fois sympathique et très attentionné de la part de Blancpain. On verra à l’usage ce que donnent de très inhabituels timbres en or, ainsi que la « membrane acoustique » qui enrichirait le son des quatre notes et le régulateur magnétique qui contrôle sans bruit la cadence de la sonnerie. Un reproche mineur : pour une mécanique aussi exceptionnelle, on aurait espéré une esthétique moins banalisée – on ne relève aucune faute notable dans la montre, mais l'ensemble reste d'un conformisme décevant. En conclusion, on ne peut que se réjouir qu’une telle montre existe et qu’elle soit à la disposition des amateurs qui auront la patience d’attendre la leur – ce sera sans doute moins long que les huit ans de recherches et d’études nécessaires à la mise au point de cette montre, à propos de laquelle on ne peut que se poser une ultime question : une telle Grande double sonnerie n’aurait-elle pas été plus à la place dans les collections de Breguet, en particulier pour le 250e anniversaire de la marque, plutôt que chez Blancpain ? On vous laisse réfléchir là-dessus…
COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS

