DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE MB&F : 10 chiffres, 10 questions (prospectives) et 10 réponses (rétrospectives) pour tout comprendre du phénomène büssérien...
Le 13 / 07 / 2015 à 04:40 Par Le sniper de Business Montres - 3913 mots
Exercice de mémoire pour les 3 652 jours de MB&F, la marque de Maximilian Büsser et de ses Friends. Créer une nouvelle marque n'était pas évident lors du lancement, en 2005. Ça reste un sport à risques en 2015. Le tout est de rester pionnier, malin et créatif...
▶▶▶ MB&F 2005-2015Un peu moins Peter Pan ou Wonder Boy,
Exercice de mémoire pour les 3 652 jours de MB&F, la marque de Maximilian Büsser et de ses Friends. Créer une nouvelle marque n'était pas évident lors du lancement, en 2005. Ça reste un sport à risques en 2015. Le tout est de rester pionnier, malin et créatif...
▶▶▶ MB&F 2005-2015Un peu moins Peter Pan ou Wonder Boy, mais MB reste toujours le Petit Prince des F de sa génération... ◉◉◉◉ CEUX QUI ONT DE LA MÉMOIRE SE SOUVIENDRONT de la première apparition de Maximilian Büsser à Baselworld, sous ses propres couleurs (MB&F) : c'était peut-être en 2006, mais sûrement plus en 2007, et il n'avait évidemment pas de stand officiel. Juste une chaise et un guéridon à la terrasse du Swissotel, face à l'entrée du salon. Heureusement, il faisait beau et il avait retroussé ses manches, ce qui permettait aux initiés d'admirer, à son poignet, sa toute nouvelle HM1 (dessins préparatoires ci-dessus, ci-dessous et ci-contre). Excellente démonstration d'ambush marketing ! La première apparition de MB&F dans Business Montres, c'était en octobre 2005 (Business Montres n° 22, soit exactement un an après notre premier numéro) : c'était « le retour de Max Büsser », avec une livraison de la HM1 annoncée pour 2007. On avait bien aimé ses Opus chez Harry Winston et on lui faisait confiance pour la suite, alors que la « nouvelle génération horlogère » commençait à imposer la révolution de ses codes horlogers aux grandes marques. Depuis, Maximilian Büsser a fait du chemin. Business Montres (10 mars 2006, n° 33) reparle de lui six mois plus tard, pour dévoiler comment il a préfinancé son lancement en vendant d'avance son nouveau concept aux détaillants. Relisons ce que nous écrivions : « Attention, c’est peut-être ce type de stratégie ultra-personnalisée (côté « manufacture » comme côté amateur) qui écrit le devenir de l’horlogerie au XXIe siècle. Séries courtes, produits puissants, imagination débridée, communication ciblée et distribution sélective: on n’échappera pas à la mue post-moderne ! ». Ce qui n'était pas si mal vu... On l'avait dans le radar : on n'allait plus le lâcher. Il fait la Une de Business Montres en septembre 2006, avec les premières images de sa HM n° 1 [world premiere ?] et il ne la quittera plus : en février 2007, Business Montres signale que MB&F est la première marque horlogère à intégrer un blog dans son site officiel. Un peu plus tard (Business Montres du 26 mars 2007), ce jugement qui anticipe prophétiquement l'installation de la nouvelle horlogerie dans le paysage horloger : « Les Précieuses ridicules s’indignent, mais les néo-horlogers futuristes sont déjà loin. Richard Mille leur avait ouvert la porte. Ils s’égaient dans toutes les directions: la 3-D, l’oubli des aiguilles, la mise sur orbite, la déstructuration, la sculpture mécanique, la métallurgie high tech. Rien n’est assez disruptif pour ces contestataires de l’ultra-horlogerie, qui ne parlent déjà plus le même langage que leurs aînés. Leurs noms (MB&F, De Bethune, Urwerk et les autres) forment une super-nova capable d’incendier notre horizon. Cette querelle des Anciens et des Modernes rappelle le débat ouvert entre les derniers peintres classiques et les premiers photographes : est-ce encore de l’art ? On sait aujourd’hui que l’idée créative n’est pas dans le support ou dans la réalité représentée, mais dans le double regard de l’artiste et de l’amateur. » ◉◉◉◉ ON AURA COMPRIS QUE NOUS SOMMES DES « BÜSSEROPHILES » impénitents, de vieille souche, d'obédience régulière et de stricte observation [quels médias perroquets se souciaient de lui en 2006 ?], sans le moindre remords de conscience. Avec même, au contraire, le sentiment d'avoir vu juste en le désignant, très tôt, comme le « Wonder Boy de la nouvelle génération », le « Petit Prince de l'horlogerie indépendante » ou le « Peter Pan des jeunes créateurs horlogers ». Précision pour les ronchons, les âcres et les fielleux : nous n'avons jamais fait partie des Friends, ni des advertorialisants, ni des journalistes embedded, pas plus que nous n'avons reçu ou négocié la moindre montre MB&F en cadeau. Raison de plus pour souffler quelques bougies avec Maximilian Büsser, à l'occasion du dixième anniversaire de sa marque et en toute liberté éditoriale. Nous lui avons donc posé quelques questions élémentaires. Non sans tenter de nous interroger pour comprendre quelle pouvait être, aujourd'hui [en 2015, à la veille d'une nouvelle crise horlogère internationale], la place des créateurs indépendants et des marques de niche dans le système horloger : sans vouloir en dire plus, il en dit assez dans ses réponses à bout touchant pour qu'on parvienne à dessiner de nouvelles perspectives. Vous verrez : on en reparlera dans dix ans... ▶▶▶ LES 10 CHIFFRESEntre zéro et cent mille... ◉ 20 employés à ce jour... ◉ 110 « Friends » embarqués dans l'aventure depuis le début (ci-dessus)... ◉ 10 Machines et calibres sur le marché (7 HM et 3 LM + 1 LM en fin d'année)... ◉ 280 montres par an sorties des ateliers (15 millions de CHF de CA)... ◉ 1 500 pièces livrées depuis 10 ans... ◉ 35 détaillants partenaires dans le réseau... ◉ 3 M.A.D. Gallery déjà ouvertes ou sur le point de l'être... ◉ 30 artistes présentés dans les M.A.D. Gallery... ◉ 100 000 followers sur Instragram... ◉ 1 Red Dot Award « Best of the best »...◉ ...et zéro CHF d'endettement... ▶▶▶ LES 10 RÉPONSESRétrospective sur dix ans... Le succès qui t'a le plus surpris ?◉ Maximilian Büsser (ci-dessus, à gauche, avec son associé, Serge Kriknoff, sans lequel rien ne serait possible) : HM4. Je pensais que son côté extrême ne serait pas compris (ci-dessous à gauche). Son succès, tant auprès des professionnels que du public me poussent au contraire, à présent, à créer des Machines de plus en plus extrêmes. L'insuccès qui t'a le plus étonné ?◉ Maximilian Büsser : Le relatif insuccès de la LM2 (ci-dessous, à droite). La plupart des amateurs et des détaillants ne comprennent pas la complexité du système de double balancier avec différentiel. Ma conviction : ce sera certainement une des pièces les plus recherchées dans vingt ou trente ans. Ce qui t'a le plus fait plaisir ?◉ Maximilian Büsser : D'avoir su me relever à chaque fois que j'ai pu chuter... La montre dont tu es le plus fier ?◉ Maximilian Büsser : HM6, mais il y en aura plein d'autres (ci-contre). La montre que tu ne referais pas ?◉ Maximilian Büsser : Je suis fier de toutes mes montres, sans exception. Si je pouvais retravailler certaines, j'apporterais ici ou là de légères modifications – par exemple, sur la HM2, que j'aurais aimé un peu plus petite. L'apport de MB&F à l'horlogerie ?◉ Maximilian Büsser : L'effacement volontaire de la fonction première (donner l'heure) au profit d'une approche artistique de l'horlogerie mécanique – avec une conception véritablement et délibérément tridimensionnelle. Ceci tout en refusant les contraintes stylistiques de type « ADN de la marque », telles que les pratiquent d'autres maisons. Ce qui restera du marketing MB&F ?◉ Maximilian Büsser : Des solutions façon « David au milieu des Goliath », comme... – Le refus, précisément, de toute approche marketing dans le développement des produits : nous n'avons jamais recouru à des études de marché, à des segmentations de la concurrence, à des études de consommateurs... – Un ton résolument décontracté, un sens de l'humour, soit le contraire des codes du luxe sophistiqué qui prévalent aujourd'hui... – Une transparence et une ouverture totales. Pas seulement au niveau des Friends, qui contribuent aux produits, mais d'une manière générale. Un refus systématique du jargon corporate habituel... – L'acceptation d'une grande diversité dans la gestion de la communication : un refus de la sacro-sainte consistency qu'on apprend dans les manuels de marketing [elle implique une constance de la forme dans la communication] au profit de la cohérence dans l'esprit de la marque et de ses valeurs... – De véritables co-créations, en partenariat à 50/50, ce qui est très difficile (sinon impossible) à accepter par des marques obsédées par leur propre valeur et encadrées par leurs départements financiers et leurs services juridiques... – L'adoption, dès le début, d'une stratégie fortement digitale, tant pour des raison pragmatiques (pas de budget marketing) que par instinct et par conviction.– Un concept retail inédit (M.A.D. Gallery), capables de mettre en avant d'autres créations avant nos propres produits... Ce qui a le plus changé dans l'horlogerie au cours de cette décennie ? ◉ Maximilian Büsser : Le celebrity marketing. En quoi est-tu devenu un influenceur ?◉ Maximilian Büsser : Pas la moindre idée ! Es-tu le chef de file des créateurs indépendants ?◉ Maximilian Büsser : Non, il y a des influenceurs bien plus anciens et bien plus influents que l'équipe de MB&F. ▶▶▶ LES 10 QUESTIONSProspective après dix ans... Un petit coup de mou récent sur les « capsules » ?◉ Maximilian Büsser : Pas du tout, mais nous nous sommes lâchés depuis trois ans sur une autre dimension de notre gamme « Performance Art ». Je parle ici de nos collaborations avec les manufactures Reuge et L'Epée 1839. D'autres sont en cours (ci-dessous et en cartouche, en haut de la page). Pour l'instant, nous en sommes à trois boîtes à musique et trois horloges [la troisième sera présentée en septembre]. Plus jamais de « capsules » ? ◉ Maximilian Büsser : Dès 2016, on continue sur les chapeaux de roues avec des collections « capsule » basées sur des Machines MB&F. Pour quelle autre marque rêverais-tu d'un développement horloger ?◉ Maximilian Büsser : Aucune ! Je n'ai pas la moindre envie de travailler pour quelqu'un d'autre, même si j'ai toujours des envies de co-création. Un rêve de partenariat avec un autre créateur ?◉ Maximilian Büsser : C'est en cours. Je ne désespère pas d'y arriver, donc je n'en parle pas encore... MB&F, un modèle économique qui végète ?◉ Maximilian Büsser : Nous avons décidé en 2013 de ne plus grandir et de rester autour de la géométrie actuelle – 20 employés, 280 montres par an, 15 millions de CHF de chiffre d'affaires. C'est notre zone de confort et grandir serait prendre des risques inconsidérés. Pour quand la seconde marque ?◉ Maximilian Büsser : On va tabler sur deux ans... À quoi servent les créateurs indépendants ?◉ Maximilian Büsser : Ils sont le poumon créatif de cette industrie. Pas encore fatigué de l'horlogerie ?◉ Maximilian Büsser : Fatigué de l'industrie, mais encore très amoureux du métier. Si c'était à refaire ?◉ Maximilian Büsser : 100 % identique, sauf que j'éviterais certaines personnes incompétentes ou toxiques. Prêt pour les prochains dix ans ?◉ Maximilian Büsser : 100 % prêt pour la décennie qui commence ! D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...