GPHG 2025 #10 (accès libre)
Dix prises de positions sur dix montres masculines du GPHG 2025
En parallèle avec nos pages « Repérages » habituelles, nous proposons cet été un « repérage » des montres inscrites pour le prochain GPHG, dans l’ordre choisi par le GPHG, mais dans le cadre d’une revue critique, éclairée et commentée. De quoi aider les académiciens à faire leur choix. Voici donc dix montres de dix marques en quête de prix : Alto, Credor, Daniel Roth, Dennison, Louis Vuitton, Naoya Hida & Co., Parmigiani Fleurier, Perrelet, Qian GuobIao et Urban Jürgensen…

En toute transparence, avant d’être critiquées (au meilleur sens du terme) et appréciées, ces nouveautés sont expliquées dans la jamais trop fleurie « langue de boîte » : c’est la langue usuelle de nos « amies les marques » et c’est la langue de bois des « boîtes » d’horlogerie. Dans tous les styles et à tous les prix, venues de Suisse ou d’ailleurs, au masculin comme au féminin, quelles montres les académiciens vont-ils devoir sélectionner ? Certaines de ces montres ont déjà été présentées par Business Montres, mais nous y revenons avec plaisir ! Place à un nouvel épisode de notre panorama du GPHG 2025, avec nos commentaires critiques sur dix montres de dix marques…
LOUIS VUITTON LVKV-02 GMR 6
Louis Vuitton est ravi de dévoiler le deuxième chapitre de ses collaborations avec des horlogers indépendants de renom : une pièce spectaculaire, inspirée du voyage, conçue et réalisée en partenariat avec le Maître Horloger Kari Voutilainen. La LVKV-02 GMR 6 représente un mélange unique et spécial des talents de l'atelier Voutilainen et de ceux des maîtres artisans de La Fabrique du Temps Louis Vuitton. Avec la participation de Kari Voutilainen au « Louis Vuitton Watch Prize for Independent Creatives » en tant que membre du comité d'experts, les recettes de cette collaboration exclusive contribueront également à soutenir l'horlogerie indépendante et l'initiative du Prix elle-même - la cause qui a initialement inspiré la série « Louis cruises with... ». Inspirée du dernier design de la montre Escale dévoilée en 2024, la LVKV-02 GMR 6 arbore un boîtier en tantale de 40,5 mm, développé et produit sous la supervision de La Fabrique du Temps Louis Vuitton. La lunette, le fond de boîte, les cornes, la couronne ainsi que la boucle ardillon ont, quant à eux, été façonnés en platine. Le nom de la montre, « Escale », reflète le riche héritage de Louis Vuitton dans l’art du voyage et son savoir-faire malletier inégalé. Le boîtier en tantale et platine de la nouvelle LVKV-02 GMR 6 dévoile des proportions conjuguant esthétique et fonctionnalité. Les opérations de polissage et de satinage des cornes sont entièrement réalisées à la main, reflétant le plus haut niveau d’artisanat cher à Louis Vuitton. Afin d’obtenir des finitions exceptionnelles, les angles sont façonnés par un fin cabronnage, suivi du polissage et de l’affûtage du platine. Ce subtil équilibre érige la LVKV-02 GMR 6 en parfait compagnon de voyage et en œuvre d’art à part entière. Le cercle des heures, poli-diamanté, est un chef-d’œuvre de peinture miniature, décoré à la main par Maryna Bossy, une talentueuse artisan de La Fabrique des Arts – l’atelier des Métiers d’Art de La Fabrique du Temps Louis Vuitton. Ce travail minutieux implique l’utilisation de 28 couleurs différentes et nécessite 32 heures de peinture méticuleuse ainsi qu’un total de huit heures de cuisson. L'atelier Voutilainen a réalisé une captivante représentation du soleil et de la lune qui sert d'indicateur jour / nuit sur le sous-cadran du deuxième fuseau horaire. Le centre du cadran en or est magnifiquement décoré par l'atelier Voutilainen avec un guillochage à la main exceptionnel, une technique de gravure consistant à enlever de la matière et à créer un motif complexe de lignes courbes ou droites. Ce processus, un clin d'œil au célèbre motif « Damier » de Louis Vuitton, est entièrement réalisé à l'aide de machines d'époque datant du XVIIIe siècle.
Le calibre GMR 6 a été conçu, fabriqué à la main, fini et assemblé dans l'atelier Voutilainen. L'utilisation de « GMR 6 » dans le nom de la montre est un hommage à la fonction de deuxième fuseau horaire, un clin d'œil à l’art du voyage cher à Louis Vuitton. La lettre « R » évoque l’affichage de la réserve de marche, tandis que le chiffre « 6 » symbolise l’emplacement du sous-cadran du second fuseau horaire. Le disque GMT réalise une rotation complète en 24 heures. Il a été conçu pour être réglé sur l’heure du domicile, de sorte que l’aiguille centrale des heures puisse être facilement ajustée au fuseau horaire local du pays visité d’une simple pression sur la couronne. De plus, la montre dispose d'un affichage rétrograde de la réserve de marche situé à 12 heures. Composé de 254 composants, le mouvement LVoutilainen est doté d’un balancier manufacture assurant un réglage parfait de l’heure, selon des critères de tolérance stricts. Pour équiper un tel garde-temps, un système de spiral rare et unique a été utilisé. Le mouvement est en outre amélioré avec des finitions traditionnelles telles que les « Côtes de Genève » artisanales et le perlage, mettant en valeur l'artisanat exquis pour lequel Louis Vuitton et l'atelier Voutilainen sont célébrés. Chaque mouvement est une œuvre d'art unique, ornée d'un motif kaléidoscopique de peinture miniature multicolore sur le couvercle du barillet du ressort principal, visible à travers le fond ouvert du boîtier. Dans chaque détail, des décorations complexes peintes à la main à la maîtrise de l'ingénierie mécanique, la LVKV 02 GMR 6 incarne la fusion parfaite de l'expertise horlogère et de l'esprit d'aventure. Chaque montre sera livrée dans une malle de voyage Louis Vuitton sur mesure, méticuleusement fabriquée selon des méthodes traditionnelles dans les ateliers historiques de Louis Vuitton à Asnières et peinte à la main avec un design qui reflète la décoration et l'architecture complexes du cadran de la montre, assurant une présentation harmonieuse et époustouflante. La malle arbore également la signature « Louis cruises with Kari », renforçant le caractère unique de cette collaboration. Cette malle est également un symbole de l'élégance intemporelle et de l’artisanat qui définissent Louis Vuitton et l'atelier Voutilainen.
UN COMMENTAIRE ? Tous les marqueurs du luxe horloger y sont : le prestigieux atelier de mécanique et son horloger de renom, la décoration en hommage aux « métiers d’art », le boîtier en platine et tantale, la série limitée (5 pièces) et même le prix : 485 000 francs suisses pour ce boîtier en platine de 40,5 mm x 12,5 mm étanche à 30 m et mouvement à remontage manuel disposant de 65 heures de réserve de marche et affichant heures, minutes, secondes, réserve de marche, second fuseau horaire, jour/nuit. On ne saurait reprocher à cette montre que son volume au poignet et, sans doute, son aspect un peu trop spectaculaire : elle devrait nénamoins passer le cap de la présélection pour accéder à la finale, mais elle aura face à elle de très sérieux concurrents pour le prix (Complication homme »)…
NAOYA HIDA & CO. NH Type6A
Les montres Noaya Hida & Co. sont nées au Japon d’un profond désir de créer des garde-temps vintage modernes, sans équivalent dans le monde horloger. Nous poursuivons cette vision en alliant le savoir-faire méticuleux d’artisans qualifiés aux technologies de microfabrication les plus avancées. La NH Type6A est l’aboutissement de notre ambition de concevoir un calendrier perpétuel inspiré des modèles anciens — une montre à la fois magnifiquement tridimensionnelle et d’une lisibilité remarquable. Les chiffres romains du cadran, ainsi que les sous-cadrans indiquant le jour, la date, le mois et l’année bissextile, sont tous gravés à la main avec soin par le maître graveur Keisuke Kano. Après la gravure, ces chiffres sont remplis d’un laque artificiel noir appelé urushi, un matériau traditionnel japonais. Ce procédé confère aux chiffres un relief saisissant, sublimé par le jeu d’ombres profondes et les reflets subtils de l’urushi. En outre, le cadran de la NH Type6A est le premier de la marque à être façonné en argentium, un alliage d’argent lumineux qui rehausse à la fois l’élégance visuelle et la lisibilité. Le mouvement mécanique à remontage manuel avec calendrier perpétuel, Cal.3025PC, a été développé en collaboration entre Dubois-Depraz (Suisse), Habring² (Autriche) et Naoya Hida & Co. à Tokyo. Nous avons intégré le module de calendrier perpétuel de Dubois-Depraz et des composants du mouvement de base A11B fournis par Habring², puis les avons combinés à nos propres ponts, ressorts de cliquet, vis et autres pièces pour achever le Cal.3025PC.
UN COMMENTAIRE ? Un magnifique outsider pour le prix « Complication homme », avec un quantième perpétuel qui coche toutes les bonnes cases de ce qu’aime les collectionneurs : le style (hyper-traditionnel), la qualité mécanique (une habile combinaison de références dans la spécialité), la décoration soignée (cadran en argentium), la taille (37 mm x 11,5 mm étanche à 50 m) et même le prix (46 000 francs suisses), le tout avec un affichage on ne peut plus classique pour un calendrier perpétuel sans phases de luxe. Si les académiciens ont une bouffée de nostalgie pour les quantièmes perpétuels à l’ancienne, on reverra cette Type6A en finale…
PARMIGIANI FLEURIER Toric Quantième perpétuel
Le cadran des montres à Quantième Perpétuel sont souvent encombrés par de nombreuses informations typiques de cette complication. Fidèle à sa vision minimaliste, Parmigiani Fleurier simplifie audacieusement ce défi esthétique avec Toric Quantième Perpétuel grâce à une conception coaxiale ingénieuse : toutes les informations essentielles – jour et date d’une part, mois et années bissextiles d’autre part – sont harmonieusement regroupées sur deux compteurs positionnés à 4h et 8h. Cette disposition intuitive préserve généreusement l’espace central pour les indications fondamentales des heures et des minutes ainsi que l’emblème distinctif de la Maison. Trois correcteurs situés discrètement sur le côté du boîtier facilitent un réglage fluide des fonctions calendaires. Cette pureté esthétique procure une sensation de sérénité immédiate et une clarté visuelle rare, incarnant parfaitement la quête d’équilibre chère à Parmigiani Fleurier.
UN COMMENTAIRE ? On peut déjà penser à cette superbe Toric pour le prix « Complication homme » tant elle exprime les grandes tendances du moment : la sobre simplicité – quoique expressive – d’un cadran réduit à l’essentiel, le minimaliste – lui aussi très expressif – du mouvement à remontage manuel (60 heures de réserve de marche), la taille contenue de ce QP exemplaire (40,6 mm x 10,9 mm d’épaisseur, étanche à 30 m) ou le soin apporté au moindre détail (on peut admirer la délicatesse de la lunette cannelée ou celle des index). Cette Toric est annoncée à 92 000 francs, ce qui est commercialement pénalisant, mais c’est sans importance au GPHG : ce sera de toute façon une des plus belles montres du concours…
PERRELET Lab Peripheral Dual Time Big Date
Perrelet élargit la collection Lab Peripheral, désormais disponible dans une nouvelle teinte saumon. Une nuance particulière qui met en valeur l’élément distinctif de la collection: la masse oscillante périphérique sur le cadran. Initialement, les modèles étaient proposés dans des teintes classiques de noir et d’argent. Puis sont venues les versions plus modernes en bleu et en vert. Aujourd’hui, la Maison Perrelet présente une nouvelle version du Lab Peripheral, arborant un cadran de couleur saumon. Un choix de couleur audacieux et distinctif, qui reflète la tendance actuelle de l’horlogerie contemporaine tout en témoignant d’un respect pour le passé. Une démarche fidèle à l’engagement constant de la Manufacture : marier tradition et innovation. Les cadrans saumon étaient typiques du milieu du XXe siècle, l’âge d’or de la montre-bracelet élégante. Leur couleur, unique et riche en nuances — mêlant rose tendre et orange vif, agrémentée de touches rouges et pêche — a fait son retour ces dernières années, portée par l’engouement pour les inspirations vintage qui a resurgi récemment. Mais il ne s’agit pas uniquement d’une question de mode. Héritiers directs des modèles des années 1950, les cadrans de couleur saumon symbolisent une continuité avec l’histoire, particulièrement significative pour les marques à l’héritage ancien. Comme la Maison Perrelet, fondée en 1777, qui s’est bâti une réputation reconnue à l’échelle internationale au fil du temps. Ce modèle propose la complication d’un second fuseau horaire avec un indicateur jour/nuit positionné à 6 heures, et une grande date à double guichet à 12 heures. Il incarne l’excellence de la marque, résumée par le slogan « Luxury in Movement », grâce à sa mécanique sophistiquée et ses finitions impeccables. Ce garde-temps arbore un boîtier coussin en acier inoxydable de 42 x 42 mm. Il se distingue par sa lunette octogonale polie aux côtés concaves arrondis, un profil satiné ; une carrure brossée décorée d’un motif alterné de grands reliefs et de fines rainures ; et des cornes polies/brossées. Des éléments qui confèrent à cette pièce, et à l’ensemble de la collection Lab Peripheral, une allure forte et reconnaissable.
S’appuyant sur une longue expérience et un savoir-faire approfondi, la Maison Perrelet a développé le concept de la masse oscillante périphérique, la transformant en un dispositif unique et distinctif. Cette solution technique sophistiquée permet non seulement de préserver la finesse du mouvement grâce à son intégration interne, mais aussi d’offrir une vue dégagée du mécanisme, sans dissimuler ses composants ni ses finitions. En la plaçant côté cadran, Perrelet conserve l’élégance du boîtier tout en assurant une lecture claire des indications. L’innovation technique de la masse oscillante périphérique a été rendue possible grâce au développement d’un mouvement manufacture de pointe. Il s’agit du calibre P-421 dans lequel la masse oscillante, segment de plaque à 180°, est fixée à une roue dentée intérieure, qui s’engrène à un pignon situé en périphérie du mouvement, transmettant ainsi l’énergie au train de rouage pour armer le ressort moteur. La masse oscillante périphérique, montée sur roulements à billes, est embellie par une plaque vissée décorée de stries obliques en relief. Cette décoration, visible au premier regard, met en valeur le mouvement rotatif de la masse oscillante lorsqu’elle est en action, animée par les mouvements du poignet. Le calibre P-421, conçu et produit en interne se compose de 302 composants, 30 rubis, une réserve de marche de 42 heures, et oscille à une fréquence de 28.800 alternances par heure (4 Hz). Le mouvement peut être admiré à travers le hublot en saphir du fond de boîte, maintenu par six vis. Il offre une vue dégagée sur l’organe réglant, entouré de larges ponts rhodiés décorés du motif Côtes de Genève et de gravures en or 3N.
UN COMMENTAIRE ? En 2025, pour émerger en « Complication homme », il en faudra sans doute plus qu’un rotor périphérique [élément non spectaculaire pour une sélection qui s’opère sur images numériques] et une grande date additionnée d’un second fuseau horaire (stylistiquement assez pauvre) et un simple cadran saumon : dommage pour Perrelet, qui annonçait cette montre à 5 350 francs suisses (boîtier en acier de 42 mm x 52,5 mm x 13,2 mm d’épaisseur, étanche à 50 m et mécanisé par un mouvement automatique à 42 heures de réserve de marche). On peut évidemment se demander si l’inscription en « Complication homme » n’est pas une erreur tactique : cette sympathique Lab Peripheral aurait sans doute eu plus de chances de mieux s’en sortir en « Petite aiguille »…
QIAN GUOBIAO Double balancier
La montre Qian GuoBiao à double balancier est une création remarquable de l'horloger indépendant chinois Qian GuoBiao. Conçue pour captiver par son design innovant à double balancier et son savoir-faire méticuleux, elle reflète la vision et l'héritage uniques de Qian GuoBiao. Le concept de la montre est centré sur la révélation de la mécanique complexe du chronométrage, avec deux balanciers – l'un visible sur le cadran et l'autre sur le fond du boîtier – offrant une double perspective sur le cœur du mouvement. Ce design, inspiré par la fascination de Qian pour la complexité mécanique, crée un spectacle visuel et technique qui séduit aussi bien les collectionneurs que les passionnés. Le mouvement manufacture présente les éléments caractéristiques de Qian, tels qu'un cliquet de remontage « pic-vert » et un coq de balancier en forme de flèche. Sa structure multicouche, composée d'un pont et d'une platine, ajoute de la profondeur, sublimant à la fois la fonctionnalité et l'esthétique. Dotée d'un boîtier en acier inoxydable 316L de 39 mm, la montre abrite le mouvement à remontage manuel AB-03, cadencé à 18 000 alternances par heure et offrant une réserve de marche de 40 heures. Ses composants polis miroir témoignent du savoir-faire de Qian. Valeur culturelle et artistique : le travail de Qian GuoBiao, ancré dans son héritage chinois, remet en question la domination de l'horlogerie occidentale. Sa philosophie de l'« utilitarisme moderne » met l'accent sur la clarté et la portabilité, s'inspirant des formes architecturales et de la géométrie naturelle, faisant de la montre Double Balancier une déclaration culturelle et artistique.
UN COMMENTAIRE ? C’est vrai, cette montre remet en question notre vision eurocentrée de la mécanique horlogère contemporaine : c’est à la fois déroutant et stimulant. Annoncée à 35 500 francs suisses, cette réalisation pionnière de la nouvelle horlogerie chinoise manque cependant un peu de plénitude esthétique (boîtier en acier de 39 mm x 12 mm, étanche à 50 m et animé par un mouvement « manufacture » à remontage manuel qui dispose de 40 heures de réserve de marche). Les académiciens pourront apprécier sur leur écran le second balancier (peu spectaculaire) et les finitions expéditives du mouvement, mais aussi la quapité du cadran en maillechort. Reste à savoir si un double balancier est une « complication » suffisante pour émerger dans cette catégorie vouées aux mécaniques plus huppées : on ne comprend d’ailleurs toujours pas pourquoi la direction du GPHG n’a pas institué une catégorie « Quantièmes perpétuels » au lieu de tout fondre dans cette catégorie « Complication homme »…
URBAN JÜRGENSEN UJ-3 calendrier perpétuel avec échappement à double roue
Fruit de la collaboration entre Kari Voutilainen, co-CEO d’Urban Jürgensen, et le maître horloger-ingénieur Andreas Strehler, la UJ-3 parvient à maîtriser une complexité mécanique exceptionnelle pour lui donner forme dans une montre de poignet – et réaliser ce qui reste l’un des accomplissements les plus rares en horlogerie : faire de la virtuosité mécanique une expression d’élégance pure. Du parfait équilibre des affichages calendaires à l’indication lunaire instantanée développée par Strehler – proposée ici pour la première fois dans une montre produite en série —, chaque fonction trouve sa place dans une harmonie subtile. Au cœur de cet ensemble : l’échappement naturel à double roue d’Urban Jürgensen, véritable signature de la Maison. Rien ici n’est laissé au hasard. Chaque élément, chaque détail soigneusement pensé est sublimé par des finitions manuelles, poussées à un degré d’exigence tel qu’il aurait satisfait Urban Jürgensen lui-même – que l'élément soit visible ou non. La UJ-3 prouve que la complexité peut rimer avec clarté. À une époque où porter une montre mécanique relève d’un choix, elle rappelle pourquoi ce choix a du sens : parce que l’excellence, poursuivie pour elle-même, est une source de joie. L’horlogerie d’exception, c’est autant ce qui ne se voit pas que ce qui se révèle – créer une œuvre de beauté et de sens, qui cherche la perfection sans autre raison que l’esprit de la quête, et le plaisir de la porter.
UN COMMENTAIRE ? Ce sera sans nul doute un des six montres de la présélection : ensuite, pour le prix final, la compétition sera impitoyable, mais cette UJ-3 a toute ses chances du fait de ses fonctions calendaires aussi complètes que possible et pour cause d’échappement spécial (il faut compter dans les 181 000 francs suisses pour ce boîtier en or rouge de 39 mm x 13,9 mm d’épaisseur, étanche à 30 m et animé par un mouvement à remontage manuel de toute beauté prévu pour 52 heures de réserve de marche). On peut cependant reprocher à cette montre l’esthétique sans harmonie particulière de son cadran : il y manque une touche de recherche qu’on trouvera dans d’autres quantièmes perpétuels de cette catégorie « Complication homme ». Sans manquer de respect à Kari Voutilainen, disons que le style est un peu pataud [voir ci-dessus la Toric de Parmigiani pour évaluer ce que pourrait être un style de QP plus élégant]…
ALTO Art 01 Monochrome Grey
En 2025, la Maison Alto propose un regard sur l'horlogerie rigoureusement minimaliste. Cette année marque aussi l'arrivée de Raphaël Abeillon en tant que Directeur de Création : « En rejoignant Alto, j'hérite de la Art 01 et de son identité singulière. Sa force et sa différence sont des éléments que j'ai à cœur de développer tout en y cultivant une sophistication qui est propre à la maison. » La Art 01 est une pièce complexe, basée sur un duochrome complémentaire. Le noir et le gris « titane ». Cette année, Alto vient décomposer son modèle originel en un duo monochrome inédit. Décomposer la Art 01. Simplifier son épure. En extraire l'essentiel. Alto s'empare de la théorie de la lumière. La lumière en tant que matière. La Art 01 se décline en deux nouvelles pièces. La Monochrome Black et la Monochrome Grey. Deux interprétations audacieuses au sein desquelles chaque détail participe à une harmonie totale. D'une simplicité monolithique, ces deux nouvelles pièces s'opposent comme l'ombre et la lumière, la nuit et le jour. Si similaires et pourtant si différentes. Le spectacle qui se joue devant nos yeux sur chacune des versions est intriguant et saisissant. Thibaud Guittard : « Nous recherchons le minimalisme au service du contemplatif. Nous recherchons la monochromie parfaite dans ces pièces. Dans un monde où l'excès est devenu la norme, ces deux pièces revendiquent une simplicité pure et radicale. » C'est ainsi qu'Alto explore donc la couleur en tant que matière. Le modèle Art 01 Monochrome Grey rend hommage au gris du titane. C'est une nouvelle interprétation brutaliste du volume du boitier signature de la Art 01. L'ensemble des éléments constitutifs de cette pièce se réfèrent au titane microbillé du boitier. « On dit bien souvent que l'harmonie dans la simplicité est très compliquée à atteindre. Elle est une quête ultime en matière de Design. Cette pièce ne déroge pas à la règle.
Les différents matériaux et finitions qui composent la ART 01 Monochrome Grey embrassent chacun la lumière de manière différente. Cela rend difficile la coordination et l'harmonie entre les teintes du titane microbillé de la boite par exemple, du caoutchouc du bracelet, ou encore de celle du cadran. De multiples essais sur chaque élément ont été nécessaires pour obtenir cette unité monochromatique et cette pureté. » explique Raphaël Abeillon. Le gris n'est ni une absence ni une neutralité. Il est l'équilibre parfait entre lumière et ombre, entre la matière et le mouvement. Dans sa nuance titane, il incarne la puissance et la finesse, l'élégance brute d'un métal forgé pour durer. Le cadran Le cadran de la Art 01 First Edition repoussait les limites classiques au moyen d'une conception tridimensionnelle inédite. Ce dernier offrait une profondeur visuelle unique. Chaque relief, chaque contraste était une métaphore du temps qui s'égrène au fil des heures, des minutes et des secondes : changeant, insaisissable, toujours en mouvement. Le cadran de ces deux nouvelles itérations ART 01 Monochrome Editions, continue de surprendre et ouvre de nouvelles perspectives visuelles. Le titane incarne à lui seul un véritable paradoxe : il est un matériau incroyablement résistant et pourtant d'une légèreté surprenante. Comme le temps, il semble inaltérable, insaisissable, fluide et constant. Au poignet, chaque Art 01 Monochrome Editions pèse 56 g, et pourtant elle impose sa présence unique. Son gris profond et son noir intense, changeant selon l'angle et la lumière, leur donnent une âme à part. Le temps s'inscrit avec précision, sculpté par le contraste subtil de chaque surface où s'exprime chaque couleur. Pas de superflu, pas d'ornement. L'essence du design et de l'ingénierie seulement, portée par une esthétique propre à Alto
UN COMMENTAIRE ? C’est exactement le genre de montres qu’il faut avoir en main pour en évaluer la force intérieure, mais elle n’aura sans doute pas assez de puissance de conviction pour interpeller les académiciens qui n’auront que des images sur leur écran pour déterminer la présélection du prix « Time Only », que le GPHG définit comme réservé aux « montres présentant uniquement les indications analogiques du temps (heures, minutes, secondes) au moyen de deux ou trois aiguilles sur un cadran plein, dépourvues de tout autre type d'indication, de complications et de sertissage »). Il faut compter dans les 25 900 euros pour ce boîtier en titane de 40 mm x 45 mm x 8 mm d’épaisseur, étanche à 50 mètres et animé par un mouvement automatique qui prévoit 48 heures de réserve de marche. Sur cette série limitée de 30 pièces, la seconde tourne à l’envers ! Après, à chacun de se laisser séduire par ce concept de « simplicité monolithique » et par ces considérations sur la théorie de la lumière et des pigments…
CREDOR Goldfeather U.T.D.
Depuis ses débuts en 1974, Credor incarne savoir-faire sophistiqué et élégance raffinée. Inspiré du français « crête d'or », le nom Credor est depuis longtemps synonyme du plus haut degré de l'art horloger. La série Goldfeather U.T.D. (Ultra Thin Dress) est née en 2023 avec pour ambition de créer la montre habillée ultime, inspirée par la légèreté, la grâce et l'élégance d'une plume. Enveloppée d'or jaune 18 carats, cette montre Goldfeather U.T.D. révèle la plus haute expression de la beauté par sa simplicité. Le cadran couleur champagne, aux courbes douces, présente une délicate finition soleillée d’un éclat chaleureux, contrastant magnifiquement avec la brillance de la lunette et des cornes polies selon la technique Zaratsu. La minuterie, composée de 48 repères gravés à l'aide d'un outil diamanté, scintille discrètement sur le bord du cadran. La fine glace en verre saphir box-shaped produit de subtiles réflexions de lumière, conférant une impression de profondeur et de douceur. Toutes les surfaces en contact avec le poignet, y compris le fond du boîtier et l'arrière des cornes, sont délicatement incurvées et polies à la main par des artisans qualifiés afin d'obtenir une présence confortable au porter. Ce garde-temps renferme le calibre 6890, un mouvement mécanique ultra-mince mesurant seulement 1,98 mm d'épaisseur. Le mouvement est monté directement sur le boîtier, ce qui permet de réduire considérablement le profil de la montre. Cette caractéristique, associée à la finesse du mouvement, exige de la part des maîtres horlogers expérimentés un savoir-faire exceptionnel à chaque étape de l'assemblage, du réglage et de l’emboîtage. Le réglage de pièces telles que le spiral et l’ancre, par exemple, exige une précision d'un centième de millimètre pour ce garde-temps où le souci du détail - tant technique qu'esthétique - est primordial.
UN COMMENTAIRE ? Credor – nom inspiré des crètes romandes – est un peu le « département Patek Philippe » dont le groupe Seiko réservait les montres au seul marché japonais faute de volumes à exporter. On ne pourra que se féliciter de voir de tels chefs-d’œuvre de la haute horlogerie mécanique commencer à s’afficher en Europe. L’esthétique est sans défaut, la mécanique on ne peut traditionnelle et les finitions des moindres détails feront honte à beaucoup de marques suisses. Il faut compter dans les 29 000 francs suisses [un prix ultra-compétitif face à l’extorsion de fonds en bande organisée pratiquées par les concurrents européens pour des montres comparables] pour ce boîtier de 31,7 mm x 7,6 Mm d’épaisseur, étanche à 30 m et mécanisé par un mouvement « manufacture » à remontage manuel calé sur 37 heures de réserve de marche. En « Time Only », sans nippophobie délirante des académiciens, cette montre d’un orgueilleux minimalisme a toutes ses chances pour la présélection, mais elle ne serait pas déplacée pour l’attribution finale du prix…
DANIEL ROTH Extra Plat or rose
La Daniel Roth Extra Plat Or Rose est une évolution qui réaffirme un engagement envers l'élégance intemporelle et la haute horlogerie traditionnelle. La silhouette iconique en double-ellipse présente un profil raffiné de 7,7 mm et introduit un caractère chaleureux et contemporain grâce à l'or rose 5N. Avec un fond de boîtier ouvert et un cadran bicolore en or blanc et rose massif, la montre établit un pont entre la tradition et une sensibilité moderne. Le cadran se distingue par un guilloché en ligne réalisé à la main. Visible à travers le fond de boîte en saphir se trouve le calibre DR002, un mouvement développé exclusivement pour la collection Extra Plat par les maîtres horlogers Michel Navas et Enrico Barbasini à La Fabrique du Temps Louis Vuitton. Le DR002 reflète la forme en double-ellipse du boîtier et est décoré de biseaux polis à la main et de lignes de pont fluides. Techniquement avancé, le calibre bat à 4Hz et dispose d'un balancier libre avec des poids à inertie variable pour une performance chronométrique optimale, tout en offrant une réserve de marche pratique de 65 heures. L'Extra Plat Or Rose représente la pureté et le savoir-faire, équilibrant magistralement l'élégance moderne avec un artisanat traditionnel.
UN COMMENTAIRE ? Cette pièce, proposée à 49 000 francs suisses par l’équipe de Daniel Roth, est une des plus réussies de la catégorie « Time Only », où elle s’avance avec un atout supplémentaire : sa minceur (boîtier en or rose de 35,5 mm x 38,6 mm x 7,7 mm d’épaisseur, étanche à 30 m et dotée d’un mouvement à remontage manuel qui dispose de 65 heures de réserve de marche). Très légère au poignet et très pure au regard, cette Extra Plat est tout sauf… plate : au contraire, elle est très relevée, qu’on parle de sa décoration, de son mouvement ou de la forme identitaire de son boîtier. On la retrouvera sans doute en présélection [même s’il faut éliminer deux montres sur trois dans cette catégorie], mais c’est moins évident pour la finale : il y a du lourd en face, dans différentes catégories de prix…
DENNISON Dennison + Collectability
Cette collaboration est née à Genève pendant la semaine des ventes aux enchères quand John Reardon, de Collectability, a découvert Dennison Watch. Il a été tellement impressionné par le prix et la qualité de la première collection ALD qu'il en a acheté une pour lui-même et chacun de ses enfants. C'est à partir de la que John a imaginé une montre qui incarnerait l'esprit et le design d'une époque révolue, avec une touche de modernité. Revisitant avec élégance le boîtier coussin classique Dennison, notre montre au cadran ensoleillé bicolore rend hommage à l'élégance des années 1960. Fabriqué en acier, le boîtier raffiné mesure 37 mm sur 33,5 mm, avec un profil ultra-fin de 6 mm, offrant un équilibre parfait entre présence et confort au poignet. Le cadran Sunray bicolore moderne s'inspire des pièces les plus rares des archives de Collectability, reprenant les designs du passé tout en conservant l'esthétique de la collection ALD de Dennison. Il est accompagné d'un bracelet en cuir sur mesure avec une boucle ardillon soigneusement conçue qui reflète la courbure et la finition du boîtier.
UN COMMENTAIRE ? Ce serait quand même bien que la jeune marque indépendante Dennison reparle avec un trophée de cette édition du GPHG 2025, soit pour ce prix « Time Only », où la compétition est sauvage, soit pour un autre prix [pourquoi pas « Révélation » si les jurés font preuve d’un peu d’audace, ou « Design » si les jurés avaient la bonne idée de réhabiliter ce prix : ils en ont le pouvoir ?]. Il faut savoir que cette montre envoie tous les bons signaux au marché : la forme (boîtier « carré cambré » en acier de 33,5 mm x 37 mm x 6 mm d’épaisseur, étanche à 30 m, mouvement à quartz), la couleur d’un bouble bleu soleillé, la subtilité du cadran recerclé et même le prix : 610 francs suisses, c’est le coût décent d’un caprice et d’un coup de tête pour équiper son poignet. Une présélection serait bien le minimum pour une montre aussi réussie…
COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS