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MB&F #2 : Le passé se recompose au présent mécanique (Legacy Machine n° 2)

Suite de notre coup de projecteur sur la nouvelle Legacy Machine n° 2 lancée par MB&F sur le terrain d'une tradition horlogère réenchantée. Après la mise en perspective historique des mécaniques à double balancier, un regard plus approfondi sur cette LM2, aussi pleine d'authentiques détails horlogers que d'avancées esthétiquement audacieuses...  ▶▶▶ PREMIÈRE SÉQUENCE...« Le futur s'écrit au passé recomposé » : (Business Montres du 3 septembre)


Suite de notre coup de projecteur sur la nouvelle Legacy Machine n° 2 lancée par MB&F sur le terrain d'une tradition horlogère réenchantée. Après la mise en perspective historique des mécaniques à double balancier, un regard plus approfondi sur cette LM2, aussi pleine d'authentiques détails horlogers que d'avancées esthétiquement audacieuses...

 
 PREMIÈRE SÉQUENCE...
« Le futur s'écrit au passé recomposé » :
(Business Montres du 3 septembre)
 LEGACY MACHINE n° 2
Une reconversion subservice des codes traditionnels...
◉◉ L’image ci-dessous prouve à quel point cette LM2 est une fausse montre néo-classique ! Le boîtier rond à une seule couronne est trompeur, encore qu'on devrait se pencher sur ses proportions, sa lunette arquée débordante et ses cornes relativement trapues pour éviter l'encombrement visuel. Un cadran excentré à la Breguet [notez tout de même son cerclage d'or], avec des aiguilles bleuies et des chiffres romains, avec une laque émaillante qui donne l'illusion du glacis fondant qu'on obtient en émail grand feu : d'accord, c'est du déjà vu, mais sans doute pas très souvent dans un tel état d'apesanteur sous un tel dôme de cristal poli. Un différentiel tenu par un pont en « moustache » aussi bien mis en évidence [au risque d'une certaine lourdeur, accrue par les rubis très massifs], mais avec des finitions anglées et des captations de la lumière qui font plaisir à voir : c'est encore moins courant. Les initiés auront déjà noté les rubis demi-glace chatonnés, comme quasiment plus personne n'ose en faire hormis quelques virtuoses de l'établi. Deux balanciers en suspension au bout de leur arche : c'est du jamais vu. L'ensemble relève d'une esthétique qu'on pourrait croire traditionnelle, mais elle est, en réalité, à des années-lumière des systèmes planétaires bien connus. Rien à voir, par exemple, avec la Tradition de Breguet. Détail intéressant : sur cette image, les balanciers sont arrêtés, ce qui n'arrivera quasiment jamais quand la montre sera régulièrement portée [même si elle n'a que 48 heures de réserve de marche, ce qui est honorable, mais sans plus]. Quand la montre fonctionne, ces deux balanciers jouent les « hélices » au bout de leur arche et leur dynamique ajoute à la séduction du cadran comme à l'audace de sa tridimensionnalité...
 
 
◉◉ Passons maintenant au mouvement, visible à travers le fond saphir : la disposition de ce calibre inspiré par les platines allemandes ou britanniques est impeccablement haute horlogère, dans l'esprit exact des montres-école de la vallée de Joux ou de la Duality de Philippe Dufour, qui n'avait jamais été réalisée qu'à 9 exemples, il y a près de vingt ans – ce qui réduit tout risque d'un quelconque « parasitage » commercial ! Tout au plus pourra-t-on trouver dans ce pont en lyre des ressemblances avec le point du chronographe Rieussec chez Montblanc, mais la citation est fortuite et, de plus, relativement fréquente dans les calibres mécaniques de l'âge d'or. Les inscriptions en anglaises sont sympathiques, avec l'hommage aux créateurs mécaniques (Kari Voutilainen pour la « préparation » et le réglage du moteur, Jean-François Mojon pour sa réalisation) et les mentions indispensables. Il paraît que ces anglaises font « chic » : c'est sans doute vrai sur les faire-part de mariage des bourgeois de province, mais ce n'est pas évident sur le cadran comme sur le calibre : l'écriture du nom de la marque est anti-logique en anglaises [en plus d'être illisible] et le « Legacy Machine » du cadran parfaitement superfétatoire, l'abus des jambages frôlant même la prétention. Jamais Breguet, Berthoud ou Janvier n'auraient utilisé une telle typographie sur leur cadran, même s'ils recouraient parfois à ces lettrages plus « italiques » que romains. On se consolera en admirant les anglages, le tirage des traits, le soleillage du barillet, la qualité des Côtes de Genève (adoucies et non creusées) ou, une fois de plus, les rubis demi-glace (flancs adoucis) à huilier, moins surdimensionnés que ceux du pont de différentiel dans leurs chatons en or. Peut-être les vis auraient-elles gagné à rester plus modestes...
 
 
 
 
 ARCHÉO-FUTURISME
Les leçons rupturistes d'une tradition bien comprise...
◉◉ L'équipe de Maximilian Büsser est resté volontairement laconique sur les performances chronométriques de ce mouvement, parfaitement invérifiables avec les outils de contrôle habituels [incapables de discriminer les cliquetis des deux ancres] et sans aiguille des secondes. Officiellement, tout est en ordre et compatible avec les exigences d'un amateur soucieux de chronométrie. Officieusement, même son de cloche, mais est-ce vraiment le terrain de bataille d'un tel double régulateur à spiral Breguet, qui tient plus du manifeste paléo-futuriste que de l'intégrisme mécanicien ? Il faut savoir que les balanciers ont été volontairement écartés pour éviter tout phénomène inconsidéré de résonance. Ce n'est pas une pièce d'observatoire, même si son esthétique évoque ces montres de poche aux précisions superlatives. Explication du chef d'orchestre büssérien : « Bien que les Horological Machines futuristes de MB&F soient elles-mêmes profondément basées sur le meilleur de l’horlogerie traditionnelle, j'ai souhaité rendre un hommage particulier au passé en imaginant le type de montres je j'aurais aimé créer si j'étais né cent ans plus tôt, en 1867 plutôt qu’en 1967. Avec ses deux balanciers flottants, son différentiel planétaire surélevé, ses ponts à l’ancienne et ses finitions classiques, la LM2 célèbre les montres à double régulateur historiques avec élégance et passion ». Pour les détails techniques, voir la fiche en bas de la page...
 
 
◉◉ L'exercice critique n'est pas aisé, faute de références pour une telle montre : en mode mineur, quelques objections esthétiques ont été formulées. On y ajoutera un regret pour le prix très élevé (autour de 140 000 euros), mais les collectionneurs no limit abondent sur les rives du pacifique, pour lesquelles MB&F a prévu un superbe [mais très opportuniste] version en platine à cadran bleu, encore plus élégante mais pas trop lourde (ci-dessous), en série limitée, ce qui ne sera pas le cas des LM2 en or rose ou en or gris. Généralement imbattable dans son jiu-jitsu marketing, Maximilian Büsser s'est fait piéger pour ce dévoilement de la LM2 par le lancement mondial simultané de la très décevante smartwatch Samsung Gear. Il était tellement évident que les deux montres ne boxaient pas dans la même catégorie que cette coïncidence semblait négligeable, mais cette illusion reflète bien un des impacts inattendus de ces smartwatches sur le marché de l'horlogerie traditionnelle : si la guerre du poignet pour la carpo-connexion est déclarée, ce sera une guerre d'autant plus topographique qu'elle vise aussi à la captation des espaces rédactionnels disponibles. On n'aura jamais autant parlé de montres que ces jours-ci, mais la part de marché médiatique de la LM2 a été fatalement grignotée par le tsunami Samsung...
 
◉◉ LM1 OU LM2? Bonne question… Peut-être même qu'on aurait mieux compris la n° 1 si la n° 2 avait été lancée la première, mais ça se discute. Ce qui est intéressant, c'est la trajectoire de la marque MB&F et la direction du sillon qu'elle creuse, sans verser dans l'hyper-complication abyssalo-conceptuelle et sans se contenter de reformuler les éternelles vieilles recettes (quantième perpétuel, répétition minutes, etc.). En jouant avec le seul balancier en suspension (simple ou double), LM1 et LM2 reformulent une leçon d'horlogerie tirée aux meilleures sources du XVIIIe siècle, dans un esprit rendu encore plus pointu par les technologies modernes de production : Antide janvier aurait adoré ces régulateurs en lévitation gothique (forme des arches) ! Abraham Louis Breguet aurait adoré ce boîtier nerveux et racé, lui qui avait définitivement les boîtiers ventripotents de ses prédécesseurs. Ferdinand Berthoud aurait adoré cette liberté de rouler des mécaniques sous une coupole de lumière. C'est finalement àa l'essence d'une montre : allumer des étincelles émotionnelles capables de franchir les siècles, vers l'avant comme vers l'arrière [n'est-ce pas l'essence même du voyage dans le temps ?]. On en revient à l'« effet Lindy » de notre premier article : les bonnes idées ne meurent et les belles montres séduisent toujours...
 
 
 
 
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