GPHG 2016 #7 (accès libre)
Prix du public : pour qui dois-je voter en tant qu’amateur de montres un peu conformiste et forcément un peu couillon sur les bords ?
Soixante-douze montres en compétition pour la finale du Grand Prix d’Horlogerie de Genève, le 10 novembre prochain, mais un seul vote par personne pour le « Prix du public » – même si les marques encore en piste s’excitent sur les réseaux sociaux pour faire le plein de voix. Justement, quelles peuvent être les intentions de vote de ce public ? Examinons les différentes typologies d’électeurs en commençant par l’amateur moyen, forcément angoissé à l’heure du choix final…
« En tant que mâle occidental, je me vois mal voter pour une montre de femme [il faudra d’ailleurs signaler à la direction de ce GPHG qu’il est totalement anormal qu’il n’y ait pas deux Prix du public, un pour les montres masculines et un pour les montres féminines] – ce qui revient à éliminer d’emblée 19 montres sur les 72, voire 20 si on considère que la Monsieur de Chanel convient parfaitement à une femme. Donc, 52 ou 53 montres en piste, et une seule à retenir.
« En tant qu’amateur moyen, je regarde un peu ce qui se passe sur les forums et j’y poste un commentaire de temps en temps. Je traîne aussi sur les blogs spécialisés et mon rêve secret est d’en créer un, un de plus, mais je n’ai pas le temps, tant mieux pour les marques que j’aurais su ne pas épargner. Comme j’ai lu dans Business Montres que le prix moyen des montres en compétition était de 129 000 francs suisses [tiens, au fait, pourquoi les autres médias horlogers n’ont-ils pas osé parler de ce prix légèrement indécent ?], je vais essayer de ne pas opter pour les pièces les plus chères et d’exprimer un choix vraiment personnel.
« En tant que bon client collectionneur, puisque je m’efforce d’acheter au moins une belle montre tous les deux ans, je vais commencer par éliminer les marques que je ne connais pas, celles dont la presse horlogère ne parle presque jamais et celles dont on ne voit jamais la moindre publicité. Je ne peux m’empêcher de considérer qu’elles sont un peu les parasites de l’écosystème des « vraies » montres et des « vraies » marques. Je pense ici à tous ces Czapek, Grönefeld, Rudis Sylva, Andersen Genève, Andreas Strehler et puis quoi encore ! De quoi éliminer encore une dizaine de montres. Plus qu’une grosse quarantaine de marques à trier – dans lesquelles vous aurez remarqué que je n’ai pas écarté des maisons comme De Bethune, Louis Moinet ou MB&F, dont tout le monde dit du bien : place aux jeunes, n’est-ce pas !
« En tant que « connaisseur » [si, si, j’ai une « culture montres » non négligeable] conscient de la nécessité d’encourager une certaine créativité, je vais ensuite éliminer les marques qui font tous les ans à peu près la même chose, sans vraies surprises : côté Prix du public, un Grand Prix de Genève 2016, ça ne doit pas forcément ressembler à un GPHG 2015 [c’était le triple tourbillon d’Antoine Preziuso] ou à un GPHG 2014 [c’était la Classique Dame de Breguet]. Donc, pour décourager les montres qui semblent bégayer le même refrain, ce qui me conduit à écarter une autre grosse douzaine de montres comme celle de Chopard, de Tudor, d’Hermès, de Vulcain ou de Zenith. Trop souvent vu, tout ça ! Ce qui fait qu’il ne reste plus que vingt-cinq montres entre lesquelles arbitrer.
« En tant que passionné de montres, j’en change tous les jours, ce qui me permet de constater que certaines montres me sont plus utiles que d’autres. Pas forcément les chronographes [à part la cuisson des spaghettis, je n’en vois guère l’utilité : dommage pour Louis Moinet], ni les tourbillons [dommage pour les trois ponts d’or de Girard-Perregaux, dont le style puissant « déchirait »], ni les calendriers [tant pis pour le génial quantième perpétuel de H. Moser & Cie], ni d’ailleurs les fabuleux « ovnis » classés parmi les exceptions mécaniques [dommage pour la magistrale Shooting Star de Bovet, qui mériterait cette année l’Aiguille d’or]. Me voici maintenant face à une dizaine de montres, avec le devoir – moral, pour ne pas rajouter de l’arrogance à l’indécence du prix moyen de la sélection 2016 – de rester dans des limites de prix raisonnables…
« En tant que grand lecteur de médias horlogers référents comme Business Montres, je sais que le GPHG a créé cette année un intéressant Prix pour les montres à fuseaux horaires : ce serait malin d’en récompenser une, comme la De Bethune, l’amusante montre de poche Montblanc ou la Louis Vuitton. Côté Petite aiguille, l’Est West de Tiffany & Co me fait de l’œil, tout comme la réédition de la Monza chez TAG Heuer. Je crois que, finalement, je vais voter pour cette montre : elle a tout ce qu’il faut pour me plaire ! Elle est noire comme les montres à la mode ; elle n’est pas tout-à-fait ronde, ni carrée, ce qui est original ; son cadran est à la fois lisible et amusant, dans le style deux compteurs qui s’impose à nouveau dans les vitrines. Quoiqu’il s’agisse d’un chronographe, elle n’est pas trop sportive, mais cependant très chic. Bref, c’est une classique qui rassure et un clin d’œil à la tradition. Exactement ce dont l’horlogerie suisse a besoin en ce moment. Qu’est-ce que je suis bon, non ? »
RELIRE NOS PRÉCÉDENTES ÉDITIONS
SUR LE GRAND PRIX D’HORLOGERIE DE GENÈVE 2016
# 1 : Ce qui a déjà changé pour ce GPHG 2016 (Business Montres du 25 juillet)
# 2 : Ce qui va changer cette année (Business Montres du 26 juillet)
# 3 : Ce qui aurait dû changer et qui ne l’a pas été (Business Montres du 27 juillet)
# 4 : Une pré-sélection qui rend le palmarès de cette année encore plus ouvert et encore plus imprévisible que jamais ! (Business Montres du 1er septembre)
# 5 : Cette pré-sélection n’est plus un concours de beauté : c’est un loto qui ne fait gagner que les plus riches joueurs (Business Montres du 5 septembre)
# 6 : L’indécence du prix moyen des montres pré-sélectionnées n’est-elle pas le signe qu’il faut tout changer ? (Business Montres du 6 septembre)