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SAMEDI-DIMANCHE (accès libre) : Les Américains, les Chinois, les Russes et tous ceux qui ont de l'influence sur les montres suisses (l'actualité des montres sans se prendre au sérieux)

Pendant les fêtes, la planète horlogère tourne sans les Suisses. Le monde semble même avancer en se moquant bien des calculs de l'horlogerie suisse. Autant connaître ce qui se prépare ailleurs que dans les watch valleys... Difficile de la regarder dans les yeux pour lire l'heure... ▶▶▶ LES BONS PLANS DU WEEK-ENDQuelques informations notées à la volée, en …


Pendant les fêtes, la planète horlogère tourne sans les Suisses. Le monde semble même avancer en se moquant bien des calculs de l'horlogerie suisse. Autant connaître ce qui se prépare ailleurs que dans les watch valleys...

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Difficile de la regarder dans les yeux pour lire l'heure...
 
▶ LES BONS PLANS DU WEEK-END
Quelques informations notées à la volée,
en vrac, en bref et en toute liberté... 
 
◉◉ LES FRANÇAIS EN FRANCE (1) : « consultant » au Royaume-Uni pour un certain nombre de marques de luxe, le Français Alexandre Meerson a d'autant plus facilement succombé à la tentation horlogère que son père était du métier. Il lance donc ces jours-ci sa première collection de montres, Altitude, sous une marque qui porte son nom, sur le créneau du néo-classique Swiss Made. Sur le papier, Alexandre Meerson semble avoir coché toutes les bonnes cases : taille raisonnable (41 mm : neutre en Europe, masculine ou féminine de choc en Asie), mouvement mécanique, style heures-minutes petite seconde sinon rien, posture « anti-ostentatoire » à vocation élégante dans l'understatement, finitions dans le goût suisse, prétentions élevées côté prix (ce dernier attestant, à 10 500 CHF, de l'image de « luxe » attachée à la montre). On nous dit qu'un million d'euros aurait été investi dans l'entreprise : tant mieux pour les fournisseurs suisses. Sauf que cette collection Altitude arrive sans doute avec quatre à cinq ans de retard, alors que les paramètres du retour au classique ont considérablement évolué. D'une part, ce style n'a plus rien d'impératif, alors qu'il l'était quand Laurent Ferrier a défriché le segment, dès 2010 : on peut même dire qu'il s'est banalisé, toutes les marques produisant aujourd'hui de ces heures-minutes petite seconde, avec des physionomies de cadrans tellement jumelles qu'il faut des doses massives de marketing pour se différencier en vitrine [le choix des aiguilles Dauphine ajouté à celui des index à traits tirés ne vont pas aider à l'identité de la marque]. Deuxième handicap pour Alexandre Meerson : ses attaches horizontales (hors cornes classiques) semblent un peu datées et, plus grave, peu reconnaissables en plus de compliquer la logistique dans la commande des bracelets. Van Cleef & Arpels, Louis Vuitton et même Cartier avec sa Pasha ont verrouillé à leur profit cette esthétique faiblement virile : face à la puissance de feu de ces géants, ce sera difficile d'émerger pour une jeune marque alternative !
 
◉◉ LES FRANÇAIS EN FRANCE (2) : enfin, le choix d'un mouvement Vaucher Manufacture de taille modeste [la manufacture n'en a pas d'autres] condamne la petite seconde à danser en remontant dangereusement vers le centre du cadran, ce qui annihile l'effet rétro-classique espéré : en faisant le choix de deux barillets pour stabiliser la marche de ce mouvement automatique, on a épaissi et légèrement surélevé la montre, au détriment de son élégance naturelle – alors que le type d'attaches choisi peut se justifier sur des montres ultra-minces. Bref, en cherchant à tout prix l'originalité, on a empilé les difficultés et on a surajouté des coûts de production qui rendent la montre encore moins attractive une fois posée sur un plateau de vente. Trop de métier tue la bonne idée. Surtout quand on prétend lancer une... icône ! Une de plus dans l'iconosphère excédentaire et surencombrée de l'horlogerie suisse... La gaffe qui tue : se réclamer pour cette montre de l'esthétique du Peace Hotel de Shanghai, si cher au coeur du Swatch Group...
 
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◉◉ LES TÉLÉPHONES EN PERDITION : de partout, on sent le reflux très net d'un marché que tout le monde estimait prometteur – celui des « téléphones de luxe » plus ou moins siglés par des marques de luxe ou carrément promus par des marques qui misaient sur les codes du luxe. Dans cette dernière catégorie, la maison Vertu – qui jouait la proximité avec l'horlogerie – ne convainc plus personne et n'est plus que l'ombre d'elle-même, alors que tous les indépendants qui ont tenté le coup sur ce marché ont mordu la poussière. On attend la confirmation du succès de Savelli sur le marché de niche ultra-segmenté du luxe téléphono-joaillier au féminin pour savoir s'il n'y a pas une exception qui confirme cette règle de l'échec. Autre désastre annoncé, celui des téléphones de marque : ni Dior, ni Gucci n'ont pu imposer leur différence griffée face aux géants de l'électronique, tandis que TAG Heuer jette l'éponge et cesse ses activités de licence dans le téléphone. Beaucoup d'autres petits joueurs plus ou moins horlogers se sont cassés les dents sur ce marché. Là encore, on attend la confirmation du succès du partenariat Ice-Watch pour savoir si une exception confirme la règle. Sale temps pour les smartphones de luxe – sachant que c'est l'iPhone d'Apple, et lui seul, qui a durablement polarisé les codes du « luxe téléphonique »...
 
◉◉ LES CORÉENS EN AMÉRIQUE : admettons que The Interview, le film de Sony caviardé dans un premier temps pour cause de menaces nord-coréennes, soit le plus nul de l'année. Ce n'est pas le sujet. Ce qui pose problème, c'est de voir qu'un Etat – la présumée coupable Corée du Nord, ce qui n'est pas prouvé – puisse être soupçonné d'intervenir en douce pour pirater (hacker) une entreprise privée dans le but de l'empêcher de lancer un film considéré comme désagréable par le jeune dictateur. Les Etats-Unis soupçonnent très officiellement les Coréens. Demain, n'importe quel pays pourrait se formaliser d'un produit de luxe – par exemple, une montre – dont le logo (la croix ?), le thème commémoratif (Titanic ?) ou la décoration (Che Guevara, Napoléon ?) lui sembleraient porter atteinte à ses intérêts vitaux, qu'on parle de morale, de religion ou de politique. Les marques de luxe ne peuvent plus s'exonérer des risques géopolitiques de leur politique de globalisation (Business Montres du 5 juin 2004) : elles sont à la merci de piratages à répétition, y compris de la part d'organisations non étatiques (atteintes à l'environnement, travail des enfants, etc.) et de particuliers un peu allumés. Après Sony, qui n'est pas une marque de luxe, pourrait venir le tour de Louis Vuitton, Chanel ou Hermès : qui peut prétendre le contraire ? L'hacktivisme géopolitique/sociétal n'est plus une donnée marginale, mais un des termes centraux de l'équation pour les marques de luxe, d'autant plus sensibles qu'elles vivent et survivent par leur image : sans doute, faudrait-il revoir toutes les procédures de sécurité – même dans les entreprises suisses de la watch valley...
 
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◉◉ LES CHINOIS EN CHINE (1) : ça ne s'arrange pas entre l'actuel pouvoir, nostalgique de l'austérité prolétarienne maoïste, et les pratiques post-capitalistes des cadeaux à outrance – ce qu'on appelle « corruption » en Occident. Selon le Quotidien du Peuple, « les autorités centrales chinoises ont mis en garde les responsables, appelant ces derniers à limiter les dépenses et les cadeaux luxueux en cette période de surconsommation. Une circulaire récemment publiée par les bureaux généraux du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et du Conseil des Affaires d'Etat (gouvernement central), souligne que les responsables doivent rester économes et ne pas se laisser tenter par la corruptionIl est également rappelé aux responsables que les primes injustifiées, les banquets ou galas, les divertissements et les voyages financés par des fonds publics sont strictement interdits. Les jeux d'argent et l'utilisation de véhicules publics à des fins personnelles sont également prohibés. » Comme les censeurs du Parti communiste ont depuis longtemps perdu le sens de l'humour, prière de ne pas rigoler avec ces menus plaisirs de l'existence : là-bas, les camps du goulag chinois (laogai) n'ont pas été fermés ! 
 
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◉◉ LES CHINOIS EN CHINE (2) : un intéressant article du New York Times nous explique comment les riches Chinois, un peu lassés par la surconsommation obsessionnelle (shopping pathologique) et un peu écoeurés par la corruption endémique contre laquelle le gouvernement tente de sévir, se tournent aujourd'hui à nouveau vers le bouddhisme tibétain et d'autres formes de réalisation spirituelle. Ce qui n'est évidemment pas une bonne nouvelle pour les industries européennes du luxe, déjà affectés par la mode des marques confidentielles et exclusives (celles qui démodent les grandes marques surexposées) autant que par le spectaculaire essor du commerce en ligne chinois (qui condamne la stratégie retail des grands groupes). Voir, en plus, les élites opulentes se tourner vers la richesse intérieure et se re-convertir au bouddhisme va définitivement désespérer l'industrie suisse des montres !
 
◉◉ LES CHINOIS EN RUSSIE : avec l'effondrement actuel du rouble (sous les assauts d'une guerre économique qui ne dit pas son nom entr MM. Poutine et Obama), le prix des produits de luxe n'a pas été réévalué, sinon marginalement. Qui en profite ? Les touristes chinois, qui se gavent dans les boutiques de luxe russes, avec des prix publics détaxés qui peuvent atteindre la moitié du prix public en Chine. C'est l'explosion du daigou (marché gris), qui est en train de générer de fantastiques profits sur le marché intérieur chinois, totalement déstabilisé par l'arrivée de marchandises neuves et parfaitement « authentiques », avec leurs papiers officiels. Les montres sont évidemment concernées. Et c'est même moins cher que dans le plus grand centre commercial en duty free du monde (zéro taxes) récemment ouvert à Hainan (alerte Business Montres du 11 mars 2013 et du 15 mars 2013). Cette explosion du marché gris va compliquer la vie des Chinois qui veulent moraliser le commerce en ligne et pourrir la stratégies des marques de luxe qui croyaient pouvoir maîtriser leur distribution internationale... 
 
◉◉ LES RUSSES EN RUSSIE : les Russes riches – qui sont beaucoup moins enclins à voyager à l'étranger qu'auparavant – se précipitent également dans les boutiques de luxe pour éponger leurs stocks de roubles dévaluées. Privilégiés : les bijoux et les pièces de joaillerie, dont la valeur est réputée intangible (sinon facilement fongible et négociable en cas de fuite précipitée), mais aussi les articles de mode ou de maroquinerie facilement négociables hors des frontières. Marques favorites : les diamants Graff, les bijoux en argent Tiffany & Co, les sacs à main Louis Vuitton ou les costumes Hugo Boss (source : Euromonitor et Buro247). Les amateurs guettent les magasins qui n'ont pas encore trop ajusté leurs prix, mais les montres ne profitent que partiellement de cet engouement pour le luxe « liquide ». Une étude Bain & Co vient de situer aux alentours de 18 % la baisse globale du marché du luxe russe, mais on descendra sous les 50 % de chute (voire beaucoup plus) pour l'horlogerie suisse. Pire qu'en 2009 ?
 
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◉◉ LES SUISSES EN AMÉRIQUE (TAG HEUER #1) : on vous a déjà raconté comment TAG Heuer grenouillait de l'autre côté de l'Atlantique, du côté de chez Intel, Qualcom, Worldcom, Texas Instruments ou Motorola (Business Montres du 23 décembre). On peut à présent vous donner une précision supplémentaire : chez Intel, les émissaires secrets de Guy Sémon, la première gachette bivérienne de la nouvelle direction de TAG Heuer, discutent actuellement de l'implémentation dans une montre connectée du très prometteur module Intel-Edison, une micro-plateforme logicielle dotée de macro-possibilités technologiques et qualifiée de « généraliste, prête à l'emploi et à faible coût ». Intel-Edison, c'est l'arme secrète d'Intel pour se tailler la part du lion dans l'univers du wearable – les huit lettres du paradis connecté qui hante les nuits de Jean-Claude Biver. Cette plateforme est une « carte magique » qui va permettre à TAG Heuer de gagner six à huit mois pour lancer sa montre connectée – dont le nom de code reste « T-Watch » (pour TAG Heuer Watch), mais il n'est sans doute pas définitif tellement Tissot s'est étranglé de rage compte tenu de la proximité avec son iconique T-Touch. On veut bien parier que Guy Sémon a déjà négocié une exclusivité avec Intel pour les activités horlogères utilisant une carte Intel-Edison... 
 
WearableBusinessmontres◉◉ LES SUISSES DANS L'ÉLECTRIQUE (TAG HEUER # 2) : dans la foulée de ce qu'annonçait Business Montres (nos révélations du 16 décembre) à propos d'un possible désengagement de TAG Heuer de ses partenariats automobiles traditionnels (F1, McLaren, Audi, Monaco, etc.), pas de confirmation officielle, mais un indice supplémentaire. TAG Heuer mise désormais son attitude automobile sur la Formule E (Formule 1 pour voitures électriques), parfaitement complémentaire de son engagement dans les nouvelles technologies connectées. De même qu'il y a eu une montre connectée Oracle dédiée à l'utilisation en course à la voile (pour l'America's Cup), il n'est plus exclu de voir apparaître une smartwatch dédiée à la course automobile en ambiance 2.0. Pour TAG Heuer, la Formule 1 des moteurs à explosion, c'est déjà de l'ancien monde, condamné par le progrès de la multi-connexion de tous à tout – on peut laisser toutes ces vieilleries aux marques traditionnelles, celles qui ne croient pas aux smartwatches...
 
◉◉ TOUT LE MONDE DANS LE WORLD WIDE WEAR (WWW) : si vous aviez encore le moindre doute sur les fantastiques possibilités ouvertes par le wearable, ne manquez pas la présentation rapide ci-dessous de l'agence newyorkaise PSFK. « Future of the Wearable Tech Report » est à ce jour ce qui sefait de plus complet et de plus stimulant sur nos lendemains connectés, quand toutes les graines aujourd'hui en germe auront refaçonné un monde nouveau de relations au monde, aux objets et aux personnes. En deux mots, on n'a pas encore découvert 99 % de ce qui nous attend avec le développement de toutes ces technologies « à porter sur soi » (wearable) qui vont s'acharner pour conquérir nos poignets, mais aussi tout notre corps (la peau, les yeux, le sexe), nos vêtements et notre environnement sensible immédiat. Les « montres connectées » – Business Montres l'écrit depuis deux ans – ne sont que très marginalement des montres : ce sont des « tours de contrôle » de notre connexion au monde, des interfaces avec le nouveau WWW (World Wide Wear) qui ne cessera de s'enrichir de toutes les données (big data) collectées et recollectées en temps réel. De quoi changer notre rapport au monde et aux autres, mais aussi à nous- pour le meilleur de notre mieux-être comme pour le pire des soft dictatures qui se profilent...
 
 
 
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