REPÉRAGES #128-2025 (accès libre)
Sept réflexions sans façon sur sept créations féminines en lice pour le GPHG 2025
En alternance avec nos pages « Repérages » habituelles, voici une série de « repérages » des montres inscrites pour le prochain GPHG, dans l’ordre choisi par le GPHG, mais dans le cadre d’une revue critique, éclairée et commentée. Nouvelle séquence GPHG, avec sept montres de sept marques : Audemars Piguet, Chopard, Franck Muller, Gucci, Hermès, Jacob & Co et Milléchron x Alessandro Rigotto…

En toute transparence, avant d’être critiquées (au meilleur sens du terme) et appréciées, ces nouveautés sont expliquées dans la jamais trop fleurie « langue de boîte » : c’est la langue usuelle de nos « amies les marques » et c’est la langue de bois des « boîtes » d’horlogerie. Dans tous les styles et à tous les prix, venues de Suisse ou d’ailleurs, au masculin comme au féminin, quelles montres les académiciens vont-ils devoir sélectionner ? Quand on aime, on ne compte pas ; donc, une nouvelle pièce par jour de la semaine [certaines ont d’ailleurs déjà été présentées par Business Montres] ! Voici donc le 128e épisode de notre panorama des nouveautés de l’année 2025, avec nos commentaires critiques en prime…
AUDEMARS PIGUET Code 11.59 by Audemars Piguet tourbillon volant automatique
La Manufacture lance une Code 11.59 by Audemars Piguet de 38 mm mariant sand gold à des diamants taille brillant pour un design monochrome radieux. Ce garde-temps élégant – le premier tourbillon volant de la Manufacture dans ce diamètre – abrite le mouvement ultra-plat RD#3, Calibre 2968, qui allie design sophistiqué et performances de pointe. Fidèle à l’approche sans compromis d’Audemars Piguet, ce modèle inaugure une nouvelle génération de complications Code 11.59 by Audemars Piguet déclinées en plus petit diamètre mêlant savoir-faire traditionnel, technologie de pointe et élégance intemporelle.
UN COMMENTAIRE ? Pour de la complication, c’est la complication ! Ce tourbillon n’aurait pas été déplacé dans la catégorie « Tourbillon » [22 montres engagées], même s’il se donne deux à trois plus de chances d’émerger en « Complication femme » [huit montres à peine !], soit dans la présélection [qui semble pratiquement gagnée], soit en finale. Le prix reste superlatif pour cette catégorie : il faut compter dans les 161 000 francs suisses pour ce boîtier en or couleur sable de 38 mm x 9,6 mm étanche à 30 m et animé par un mouvement automatique « manufacture » prévu pour 50 heures de réserve de marche.
CHOPARD Impériale Four Seasons
Depuis 1994, la collection Imperiale incarne la vision de Chopard en matière d’excellence horlogère et d’élégance. Aujourd’hui, cette collection emblématique écrit un nouveau chapitre de son histoire avec la présentation d’une complication poétique au cœur d’un garde-temps évoluant au gré des saisons: l’Imperiale Four Seasons. Sur son mouvement a été integré un disque rotatif qui accomplit une révolution complète en 365 jours, évoquant le cycle immuable des saisons. Fabriqué en marqueterie de nacre perlée, ce tableau miniature devient un paysage en mouvement, évoluant subtilement sur le cadran au fil du temps. Ce disque est ingénieusement indexé à l’aiguille des heures — une fusion harmonieuse entre poésie et virtuosité mécanique. Le cadran est un véritable chef-d’œuvre d’artisanat. Sa moitié supérieure est ornée d’une dentelle en or éthique blanc 18 carats, évoquant les contours délicats d’une fleur de lotus — un motif emblématique de la collection Imperiale, qu’on retrouve dans la forme de la couronne de la montre. Les pétales en or satiné, soulignés de nervures polies, créent un contraste saisissant de textures. La partie inférieure du cadran révèle quant à elle le disque des saisons dans un dégradé en marqueterie de nacre peinte, évoquant les nuances changeantes de la Nature. Le boîtier, la lunette et la couronne en or éthique blanc 18 carats sont sertis de diamants, sublimant l’éclat lumineux de cette création. Au cœur de ce garde-temps bat le mouvement L.U.C 96.31-L — un calibre mécanique à remontage automatique équipé d’un module exclusif Quatre Saisons. Fait de 227 composants, il offre une réserve de marche généreuse de 65 heures grâce à la technologie Chopard Twin. Entièrement conçu, développé et assemblé en interne, il témoigne de l’intégration verticale de la Maison et de ses savoir-faire horlogers d’exception. Le modèle Imperiale Four Seasons est accompagné de quatre bracelets interchangeables en alligator, chacun reflétant la palette chromatique d’une saison – permettant à celle qui la porte d’harmoniser sa montre au rythme des couleurs du monde qui l’entoure. Éditée en série limitée à 25 exemplaires, cette création dépasse sa fonction horlogère : elle incarne une célébration poétique du temps, de la Nature et des savoir-faire de Chopard.
UN COMMENTAIRE ? « Complication femme » ou « Joaillerie » ? En choisissant cette catégorie peu disputée, voici encore une montre qui aura trois à quatre fois plus de chances de tirer son épingle du jeu en présélection ou en finale : il faut compter dans les 91 000 francs suisses pour ce boîtier en or blanc de 36 mm x 12,1 mm d’épaisseur, étanche à 50 m, serti de 2,8 carats de diamants et animé par un mouvement automatique avec 65 heures de réserve de marche. Pour s’imposer en finale, il manquera sans doute à cette Imperiale une certaine harmonie : sa dissymétrie tarabiscotée ne la rend pas très élégante…
FRANCK MULLER Round Triple Mystery
La Round Triple Mystery incarne la vision créative de Franck Muller, où le temps devient un spectacle de lumière, de mouvement et d’imagination. Dotée de trois disques rotatifs indiquant les heures, les minutes et les secondes à l’aide d’indicateurs triangulaires flottants, cette montre défie la lecture horlogère traditionnelle par une mise en scène unique, comme seul Franck Muller sait magnifiquement l’accomplir. Un disque de secondes délicatement squeleté intensifie la profondeur visuelle, alliant légèreté et précision. Chaque unité de temps, marquée par des pierres baguettes de tailles variées, ajoute une touche mystérieuse, triplement subtile. La spirale hypnotique de diamant central sur le cadran, la synchronisation fluide des disques et le soin apporté à chaque détail témoignent d’un savoir-faire remarquable. La Round Triple Mystery célèbre la complexité, l’élégance et la poésie mécanique du temps.
UN COMMENTAIRE ? C’est probablement une des montres de la sélection « Complication femme » qui correspond le mieux à la définition de cette catégorie : n’allie-t-elle pas haute joaillerie, haute mécanique compliquée et haute séduction de ses heures mystérieuses ? C’est donc logiquement, si les académiciens et les jurés font bien leur travail, une des candidates les plus sérieuses pour recevoir la récompense espérée. Son prix n’est pas mince, mais le GPHG a vu bien pire : il faut compter dans les 85 000 francs suisses pour ce boîtier en or rose de 39 mm x 10 mm d’épaisseur, étanche à 30 m, serti de 7,6 carats de diamants et doté d’un mouvement automatique « manufacture » prévu pour 40 heures de réserve de marche. Ce triple affichage « mystérieux » des heures, des minutes (à l’extérieur) et des secondes (au centre) est une première horlogère…
GUCCI Gucci Interlocking
Introduite pour la première fois en 2024, la collection Gucci Interlocking s’élargit cette année avec un nouveau modèle en or rose de 41 mm, serti à la main d’une mosaïque de diamants de tailles variées. Comme ses prédécesseurs, la montre présente un boîtier audacieux de forme coussin de 10,7 mm, abritant un tourbillon volant orné du motif GG ainsi qu’une complication d’heures sautantes. Le boîtier est agrémenté d’une riche décoration de diamants scintillants aux diamètres variés, captant brillamment la lumière. Son cadran noir innovant, à plusieurs couches, comprend un disque des heures laqué à la main, subtilement dissimulé sous un verre saphir fumé, ainsi qu’un disque des minutes placé derrière un verre d’aventurine iridescent, qui se meut avec la virtuosité du poids oscillant situé à l’arrière. La montre est complétée par un bracelet en alligator noir.
UN COMMENTAIRE ? Signée par une marque de haute couture, une montre de haute joaillerie qui se cherche une identité du côté des hautes mécaniques : pourquoi pas ? Ce n’est pas forcément la meilleure candidate pour ce prix « Complication femme », même si l’alliance des minutes « mystérieuses », de l’heure sautante ou du tourbillon volant ne manque pas de piquant : on y cherche en vain une vraie trace de féminité – trop de mécanique, trop de « cailloux », trop de volume ! Il faut compter dans les 260 000 francs suisses pour ce boîtier en or rose de 41 mm x 45,9 mm x 10,7 mm d’épaisseur, étanche à 30 m, serti de 4,7 carats de diamants et doté d’un mouvement automatique avec 60 heures de réserve de marche. En fait, on a l’impression que cette Gucci Interlocking s’est trompé d’époque : cette montre aurait fait un tabac dans les GPHG d’il y a dix ou quinze ans, mais on a changé d'époque…
HERMÈS Hermès Cut Le Temps Suspendu
Le temps suspendu, initié en 2011, est une expression ludique du temps Hermès. Il incarne un temps ami, un temps qui se joue des conventions pour mieux célébrer le moment présent. En 2025, Hermès redessine cette complication singulière pour la première fois sur la collection Hermès Cut. Dévoilée en 2024, Hermès Cut avec ses lignes acérées et sa géométrie audacieuse, accueille le module « Le temps suspendu » animé du mouvement de manufacture Hermès H1912. Cet attelage surprenant nous lance un clin d’œil amusé, cultivant sa versatilité à travers son allure affirmée et la suspension du temps. Le témoin de marche, avec sa rotation anti-horaire, renforce ce caractère décalé.
UN COMMENTAIRE ? Plus Hermès, tu meurs ! Dans un goût ludique, sobre et précieux, cette Hermès Cut a tout pour… suspendre les battements de cœur des académiciens et des jurés tant elle coche toutes les bonnes cases requises pour l’emporter en « Complication femme » : une complication légère interprétée avec élégance – les jurés devront simplement arbitrer entre la simplicité esthétique et l’abondance joaillière. Seront-ils sensibles à la subtile impertinence de cette montre ? Il faut compter dans les 44 000 euros pour ce boîtier en or rose de 39 mm x 11,6 mm, étanche à 100 m – ce qui en fait une vraie « sportive chic » ! – et dotée d’un mouvement automatique avec 45 heures de réserve de marche…
JACOB & CO The Mystery Tourbillon 44 mm
La créativité et la poésie pollinisent la haute horlogerie et la haute joaillerie. Jacob & Co. sublime tous les constituants de The Mystery Tourbillon 44 mm en une première mondiale de grand raffinement. Dans un parterre de diamants blancs taille baguette, un tourbillon triaxial, volant et central endosse le rôle d'une fleur toute en rotation. Sa cage est couronnée d'un sertissage aéré de 9 diamants de taille polygonale, qui entourent un diamant taille Jacob à 288 facettes. L'espace de 44 mm de diamètre est nappé de 510 diamants blancs taille hexagonale et qui représentent 23.75 carats. Chacune de ces pierres précieuses est taillée baguette, et toutes sont serties invisible, une signature des ateliers Jacob & Co. L'or blanc qui les retient est tenu hors de vue, laissant les gemmes au tout premier plan. Rang après rang, des grains de blanc pur forment une fleur vaste et raffinée. Toutes les deux minutes, la fleur remonte des profondeurs du mouvement pour s'élever en plein centre, dena un parfait alignement concentrique. Cette fleur est en réalité la cage du tourbillon tri-axial, central et volant. The Mystery Tourbillon 44 mm est la seule montre à offrir une cage de tourbillon aussi richement sertie de pierres précieuses de taille généreuse. Le diamant taille Jacob pèse à lui seul 0.5 ct, ce qui est inédit. Avec les neuf diamants qui l'accompagnent, ils sont sertis à même la cage de tourbillon qui les emmène dans sa danse. Le principe d'affichage de The Mystery Tourbillon 44 mm renvoie aux horloges mystérieuses. Ici, les heures et les minutes sont indiquées par un anneau chacun, dont le pointeur est un rubis taille baguette. Un troisième anneau fixe les entoure et porte douze indices, faits de saphirs bleus. The Mystery Tourbillon 44 mm représente un sommet du savoir-faire de Jacob & Co. en matière de sertissage, porté au plus haut degré par un mouvement à grande complication dédié aux dames.
UN COMMENTAIRE ? Ce « tourbillon floral dans une mer de lumière » possède un charme certain : celui de la complication mécanique (tourbillon sur trois axes), le charme de la poésie, avec l’ouverture de la fleur, mais aussi le charme du mystère de ces heures et de ces minutes sans aiguilles visibles ou celui de la haute joaillerie (250 diamants, 23,7 carats et la cage de tourbillon la plus sertie de l’histoire des montres) – sans oublier le charme du prix tout aussi massif que le boîtier : il faut compter un peu au-dessus du million de francs suisses pour ce boîtier de 44 mm x 21 mm d’épaisseur [au poignet, ce n’est pas mince !], étanche à 10 m – sérieusement ? – et doté d’un mouvement à remontage manuel avec 30 heures de réserve de marche. On a quand même l’impression qu’on en a trop fait avec cette montre, qui veut nous en donner trop et qui est sans doute trop expressive pour cadrer avec cette catégorie « Complication femme » : comme il n’y aura que deux montres à éliminer pour la présélection, ce tourbillon de lumière sera sans doute en finale, mais probablement pas pour y recevoir un prix…
MILLÉCHRON x Alessandro Rigotto Marquis Constellation
La Marquis Constellation est le nouveau modèle phare de Milléchron. Elle arbore une complication planisphère et un cadran raffiné façon métier d'art. Conçue par notre fondateur Benjamin Chee, elle a souhaité concrétiser sa vision personnelle de la montre la plus belle et la plus élégante jamais créée. La complication planisphère est une adaptation de l'horloge astronomique Celestial Infinity de notre marque sœur BCHH, nominée dans la catégorie Horlogerie Mécanique du GPHG en 2022. Cette montre est née en collaboration avec Alessandro Rigotto, maître horloger de l'AHCI, qui a également participé à la création de la BCHH Celestial Infinity. Le mouvement classique à cinq ponts de haute qualité est créé en partenariat avec Oisa, une entreprise Italienne historique, et bénéficie d'anglages et de Côtes de Genève finis à la main sur tous les ponts, ainsi que de toutes les finitions nécessaires pour répondre aux plus hautes exigences. La complication planisphère, développée et fabriquée à la main par Alessandro Rigotto en exclusivité pour Milléchron, est également intégrée au mouvement (plutôt qu'une complication modulaire), ce qui lui confère finesse et architecture épurée. Les ponts et la platine sont plaqués or rose 5N, une exclusivité Milléchron, avec perlage et polissage. Le mouvement se distingue par sa finesse (3,5 mm, le planisphère ne mesurant que 0,6 mm d'épaisseur) et sa réserve de marche relativement élevée de 60 heures.
Le cadran est issu d'une construction assez élaborée, composée de quatre parties : un disque rotatif représentant une carte du ciel nocturne au-dessus de Milan (ville natale d'Alessandro Rigotto et d'Oisa, ainsi que ville d'adoption de Benjamin Chee), un anneau extérieur microbillé avec chiffres romains, un verre saphir intermédiaire avec une ouverture pour les étoiles visibles chaque nuit, et enfin un verre saphir extérieur bombé. La rotation du disque de la carte du ciel a représenté un défi majeur pour Rigotto et Oisa, car il fallait le maintenir aussi léger que possible pour garantir une bonne chronométrie. Néanmoins, le cadran témoigne d'un savoir-faire artisanal exquis : chaque étoile, méticuleusement peinte à la main en or rose et de tailles variées, représente fidèlement et précisément le ciel de Milan. Enfin, le boîtier en titane grade 5, poli et fini avec soin, est doté d'attaches « ailes d'aigle » soudées séparément, illustrant le raffinement et la grâce de son design élancé. Ses proportions élégantes, avec un diamètre de 40 mm et une épaisseur de 10 mm, reflètent la beauté exceptionnelle du cadran. En résumé, la Marquis Constellation allie la conception épurée de son mouvement à la grâce raffinée de son boîtier, sublimée par la magnificence exquise de son cadran artisanal.
UN COMMENTAIRE ? Esthétiquement parlant, cette montre est une réussite, qui pourrait rappeler certaines propositions de la maison De Bethune [propositions formulées à des prix qui sont cependant triplement supérieurs à ceux de Milléchron]. Mécaniquement parlant, la complication est très intéressante pour rendre cette montre « astronomique », catégorie qui a malheureusement disparu du GPHG. Rationnellement parlant, puisque c’est un objet de la séquence « Complication femme », on cherche un peu la touche féminine dans ce boîtier de 40 mm x 10 mm d’épaisseur, étanche à 50 m et animé par un mouvement mécanique à remontage manuel qui propose 60 heures de réserve de marche. Au prix affiché de 24 800 francs suisses, c’est la montre la moins chère de cette page, mais ce n’est pas celle qui a le plus de chances d’être présélectionnée. Elle aurait eu toute sa place dans d’autres catégories, mais sa meilleure chance est ici d’être dans une série avec très peu de montres en compétition…
COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS