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BASELWORLD 2019 #10 (accès libre)
« Supplique angoissée à ces Messieurs de Rolex pour qu’ils fassent quelque chose »

Pouce vers le haut : Baselworld vit. Pouce vers le bas : Baselworld meurt. Un seul acteur de l’industrie horlogère a ce pouvoir de vie et de mort sur Baselworld : le groupe Rolex. Pour l’avenir du principal événement international de l’horlogerie et pour répondre à la panique du « Balexit » initié par le Swatch Group, il est à présent urgent que Rolex prenne position...


En 2018 (cette année), Baselworld reposait encore sur deux piliers majeurs et sur quelques solides arcs-boutants secondaires. Un de ses deux piliers – celui des marques du Swatch Group – s’est effondré, ce qui menace l’équilibre de tout l’édifice. Pour l’instant et pour 2019, les piliers secondaires [Patek Philippe, Chopard, le groupe LVMH et les marques indépendantes du Hall 1.0] tiennent bon : le départ du Swatch Group est donc grave, mais le cas de Baselworld n’est pas désespéré, même si la prochaine édition du salon s’annonce plus riquiqui que jamais en concentrant tous les exposants dans la halle principale (voir nos séquences précédentes : liens en bas de la page)...

Construction architecturale complexe léguée à l’horlogerie suisse à la fois par l’histoire de son industrie, par les effets pervers de la globalisation économique et par le délire mégalomaniaque d’un organisateur de salons particulièrement avide de gagner toujours plus, Baselworld a, par contre, du souci à se faire pour 2020. On sait que quelques évolutions sont envisagées, dans une logique de mutation partielle du modèle économique, mais chacun désespère à présent de la validité des réformes envisagées. Le mal semble trop profond et les maux dont souffre Baselworld paraissent irrémédiables. Beaucoup de marques qui ont répondu « présent » aux demandes pressantes de Rolex en 2018 affichent clairement leur intention de s’exfiltrer en 2020. Les états-majors qui n’ont pas encore pris leur décision doutent encore plus après le « Balexit » du Swatch Group : faut-il déjà anticiper et se préparer à un concept post-Baselworld – à Genève, à Lausanne ou à Zurich, en « parasitant » la future exposition du Swatch Group (Business Montres du 20 août ), voire ailleurs dans le monde – ou faut-il profiter du trouble ambiant pour prendre des positions avantageuses à Bâle ?

Un seul groupe horloger a le pouvoir de tracer une perspective qui ordonnerait l’avenir. Seul le groupe Rolex peut envoyer un signal positif [ou négatif] qui inspirera les autres marques en leur rendant confiance dans l’avenir. Si Rolex opte pour Bâle (pouce vers le haut), Baselworld vivra, à Bâle ou ailleurs, sous une forme ou sous une autre : seule la maison Rolex peut entraîner la participation de Patek Philippe et de Chopard [deux marques qui n’ont aucune ambition du côté du SIHH], ainsi que celle des marques du groupe LVMH, cette solidarité servant de moteur pour entraîner des dizaines d’autres marques, notamment les maisons indépendantes, les créateurs horlogers et les néo-marques en quête d’oxygène médiatique. Seul le groupe Rolex peut inciter la profession horlogère à faire vivre le grand rendez-vous annuel qui lui est indispensable pour se retrouver, se ressourcer et drainer, une fois par an ou tous les deux ans, l’attention des médias du monde entier...

Fondation privée de droit suisse et propriétaire de Rolex, la Fondation Hans Wilsdorf a pour vocation un soutien actif et « culturel » aux institutions horlogères genevoises, mais aussi, d’une façon plus générale, aux intérêts supérieurs de l’horlogerie suisse dont Rolex est le fleuron international. L’influence de la Fondation Hans Wilsdorf dépasse largement les limites du canton de Genève et Rolex a toujours veillé à conserver un regard direct sur les institutions représentatives de toute l’horlogerie, qu’on parle de la FH suisse ou de Baselworld, dont le président des exposants est lié à Rolex. Si Rolex décide de « monter » Baselworld à Tombouctou, tout le monde se déplacera à Tombouctou : on n’en est pas là ! À Genève même, Rolex aurait tout le pouvoir d’inciter les autorités du canton et de la ville à mettre en place, pour 2020, une sorte de « Baselworld » délocalisé (avec ou sans l’intervention du groupe MCH, actuel propriétaire de Baselworld). Ailleurs en Suisse, que ce soit à Lausanne ou à Zurich (toujours avec ou sans MCH, qui dispose de locaux appropriés dans les deux villes), Rolex aurait la même possibilité de faire aboutir n’importe quel autre projet de rendez-vous annuel ou biennal de l’horlogerie mondiale. Rendez-vous qui doit être suisse [c’est tout l’intérêt de la communauté horlogère suisse] et qui ne le sera bientôt plus forcément si la branche disperse ses forces et se contente de les émietter dans le monde entier...

Donc, au nom des principes mêmes de la Fondation Hans Wilsdorf, parce que le temps presse et parce que la situation de Baselworld devient critique, Rolex doit parler et expliquer publiquement ses intentions pour 2020. Il est impossible que la direction du groupe n’ait pas perçu l’urgence de changer le modèle économique de tout salon horloger traditionnel et de le faire évoluer vers un concept moins commercial et plus relationnel, plus « léger » [moins coûteux et moins pharaonique], plus ouvert à la communauté des amateurs et plus en phase avec les nouvelles générations. Du fait de ses capacités régaliennes de « dire le droit », Rolex doit donc éclairer le chemin pour 2020 : on ne peut imaginer que Rolex – qui a des responsabilités « historiques » vis-à-vis de toute la branche – se satisfasse de se replier un jour, demain, en 2020, sur sa propre exposition privée de ses propres nouveautés à Genève. Ce ne sera pas forcément facile pour une marque qui est axée autour d’une « culture » de la distribution – et non du client final, mais c’est une question de survie pour tout le tissu horloger. Cette prise de parole est devenue absolument nécessaire pour la marque motrice de l’industrie suisse ! D’autant que le SIHH de Genève, même avec sa quarantaine de marques de renom, n’a pas vocation à représenter toute l’industrie des montres et que son concept est lui-même questionné par ses marques exposantes comme par le groupe Richemont qui le soutient financièrement...

Faute de quoi, l’éclatement de Baselworld déjà perceptible en 2018 [avec de nombreuses initiatives dispersées un peu partout dans le monde] sera encore plus marqué en 2019 et définitivement léthal en 2020 : à la systole bâloise des années 1980-2010 succèdera une diastole internationale de marques qui se sentiront tenues de faire leur petit « Bâle » dans leur petit coin pour leurs petits réseaux. Rolex reste la seule marque assez puissante à pouvoir enrayer le « Big Bang » qui se profile et qui desservira tout le monde. Rolex a le devoir de parler et de dire où sont les vrais intérêts de l’horlogerie – à Bâle ou ailleurs, sous telle ou telle autre forme, avec les marques qui savent la valeur irremplaçable d’un rendez-vous communautaire et « mammifère ». Messieurs de Rolex, tirez les premiers !


À SUIVRE

BASELWORLD 2019 : tout ce qu’il faudrait faire – et surtout ne pas faire – pour réussir le rendez-vous « historique » de 2020 (voir nos prochaines publications sur ce sujet)…


BASELWORLD 2019

Nos précédents articles pour préparer, comprendre et anticiper les tendances de Baselworld 2019…

❑❑❑❑  09 : « Le Swatch Group a choisi Zurich pour son petit “Baselworld” privé » (Business Montres du 20 août)...

❑❑❑❑  # 08 : « Comment planter le plus grand événement mondial de l’horlogerie en dix leçons » (Business Montres du 7 août)…

❑❑❑❑  # 07 : « La communauté horlogère a besoin d’un rendez-vous créatif et convivial » – Business Montres + Swissinfo.ch (Business Montres du 6 août)…

❑❑❑❑  # 06 : « Trop longtemps protégé par ses actionnaires, le fusible Kamm a enfin sauté » (Business Montres du 3 août)…

❑❑❑❑  # 05 : « Bâle sans le Swatch Group : attention, les dégâts ! – seconde partie » (Business Montres du 2 août)…

❑❑❑❑  # 04 : « Bâle sans le Swatch Group : attention, les dégâts ! – première partie » (Business Montres du 1er août)…

❑❑❑❑  # 03 : « Le Swatch Group voudrait abandonner Baselworld – ce qui va libérer de la place au cœur du salon » (Business Montres du 29 juillet)…

❑❑❑❑  # 02 : « La cour de récréation des indépendants comptera deux étages d’Ateliers » (Business Montres du 18 juillet)…

❑❑❑❑    # 01 : « On ferme le Hall 2 et on reconcentre tout le monde dans le Hall 1 » (Business Montres du 12 juillet)…


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