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VENDREDI : L'histoire de la Breguet attribuée à Marie-Antoinette ne serait-elle qu'un génial storytelling de Nicolas Hayek et de ses prédécesseurs ?

Un expert qui se prend les pieds dans sa contre-expertise, des ingénieurs qui parlent aux ingénieurs, des douaniers russes qui ont du flair, des aiguilles souples pour fluidifier les heures, une parole foudroyante : il faut de tout pour faire l'actualité des montres...  ▶▶▶ EN RÉSUMÉIndiscrétions, analyses, informations, enquêtes, rumeurs & murmures (développements ci-dessous)... ❏❏❏❏ …


Un expert qui se prend les pieds dans sa contre-expertise, des ingénieurs qui parlent aux ingénieurs, des douaniers russes qui ont du flair, des aiguilles souples pour fluidifier les heures, une parole foudroyante : il faut de tout pour faire l'actualité des montres...

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EN RÉSUMÉ
Indiscrétions, analyses, informations,
enquêtes, rumeurs & murmures (développements ci-dessous)...
 
❏❏❏❏ L'EXPERT ÉCONOMIQUE QUI SE PREND LES PIEDS DANS LE TAPIS : vous ne saviez pas, mais le perfide Jean-Daniel Pasche, le président de la FH, triche avec les statistiques pour se faire câliner... ❏❏❏❏ LA PAROLE FOUDROYANTE QUI DÉRANGE : le néo-blog qui ose la contradiction... ❏❏❏❏ LE MYSTÈRE BREGUET QUI N'EN EST PEUT-ÊTRE PAS UN : il faut savoir raison garder concernant la montre Marie-Antoinette... ❏❏❏❏ LES RAISONS DE TAG HEUER POUR PRÉFÉRER DES INGÉNIEURS : des familiers du high-tech plutôt que des horlogers, pourquoi faire ? ❏❏❏❏ LA CARTE DE VOEUX QUI PULVÉRISE LE CONSENSUS SUISSE AUTOUR DES SMARTWATCHES : l'agence de Neuchâtel White Smart Design, dont on ne compte plus les créations à succès, prend parti clairement dans la querelle suisso-suisse sur les montres connectées (ci-dessus)... ❏❏❏❏ LA FILIÈRE ITALIENNE QUI SAUVE LOCMAN : les animateurs de Pomellato s'offrent une manufacture des montres... ❏❏❏❏ LES SOUCIS QUI MENACENT LE GROUPE MERCURY EN RUSSIE : quel oligarque veut s'offrir le groupe Mercury (Russie) pour quelques roubles de moins (en plus, des roubles dévaluées) ? ❏❏❏❏ LES AIGUILLES-FOUETS QUI FONT ORBITER LES HEURES : elle est quand même un peu bizarre et tordue, cette Orbits Clock... ❏❏❏❏ LES DAVIDOFF BROTHERS QUI SOURIENT À L'AVENIR : à gauche (ci-dessous), c'est Roy. À droite, c'est Sacha. Les frères Davidoff ont investi la vieille ville de Genève (rue Verdaine) pour réinventer le marché de la montre de collection à prix accessible. Rien de ce qui a fait, fait ou fera tic-tac ne leur est étranger, pourvu que la marque soit belle et que la montre soit bonne...
 
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▶ LE 360° DU VENDREDI
C'est  noté à la volée, en vrac,
en bref et en toute liberté...
 
SEDE LOCMAN Businessmontres◉◉ LA PARTIE DE MONOPOLY À L'ITALIENNE : deux nouveaux actionnaires pour la marque italienne Locman, basée à l'île d'Elbe (ci-contre). Giuseppe Rabolini et Andrea Morante, respectivement fondateur et PDG de la marque Pomellato (groupe Kering), s'offrent 11,5 % de cette maison horlogère au parcours original, qui a déjà commencé à industrialiser son propre mouvement mécanique et qui alimentait déjà Pomellato en montres plus ou moins fashion à prix accessible (collections DoDo, placées entre 250 et 350 euros). Un investissement qui est à regarder comme une consolidation de la filière du luxe horloger italien et qui peut offrir à Locman – marque toujours dirigée par la famille Mantovani, qui l'a créée – les moyens de se développer sur la scène internationale et de prendre son essor loin de la Botte.
 
◉◉ L'EXPERT QUI SE PREND POUR UN EXPERT : quoi de plus réjouissant que le spectacle d'un « expert » en économie qui se moque des autres « experts » en économie, mais en racontant au moins autant de bêtises que les « experts » en question ? Ne manquez surtout pas l'article de Jean-Pierre Béguelin, ancien économiste en chef de la banque Pictet & Cie et ex-économiste de la Banque nationale suisse, dans Le Temps : après avoir pris de haut « commentateurs soit-disant économistes », il se demande dans ce texte s'il faut « croire qu’on fabrique 1,2 milliard de montres dans le monde, soit une pièce chaque centième de seconde ». Bonne question, qui ne peut que passionner nos lecteurs, régulièrement informés des doutes qu'on peut avoir sur les statistiques de la Fédération horlogère suisse (FHS). Selon « les chiffres publiés par la très sérieuse Fédération horlogère (FH), on produit annuellement 1,2 milliard de montres sur notre planète – 660 millions en Chine, 350 millions à Hongkong – mais seulement quelque 30 millions dans notre pays. Un peu de réflexion montre que ces chiffres ne tiennent pas debout ». Intéressant, sauf que le nouveau chroniqueur du Temps se trompe complètement dans sa démonstration. Pour lui, il est impossible que la Chine produise 660 millions de montres : 100 millions pour le monde entier lui paraissent plus réalistes – ce qui rendrait un peu moins ridicule les 30 millions de montres de la production suisse. Le ridicule qui tue, c'est son côté péremptoire : « Tout cela est confus et sans doute faux. Soit on mélange pièces détachées, mouvements semi-finis et montres prêtes à être vendues, mais ce n’est pas ainsi que les chiffres FH sont interprétés et même dans ce cas les ordres de grandeur sont difficilement croyables; soit il est possible, voire probable, que quelqu’un ait mal lu les chiffres chinois, souvent donnés par 100 ou 100 000 au lieu de 1000 et 1 000 000 comme en Occident ». De purs et simples crétins, ces bureaucrates de la FH qui se perdent dans les zéros...
 
◉◉ L'EXPERT QUI SE PREND LES PIEDS DANS LE TAPIS (2) : c'est là qu'on rigole très fort ! Si nous sommes les premiers à juger que les fins limiers de la FH sont de grands poètes lyriques pour interpréter les statistiques (Business Montres du 18 décembre), nous allons aussi devenir les premiers à les défendre face à des attaques imbéciles. Certes, on peut avoir les plus grands doutes sur les statistiques chinoises en général, plus déclamatoires et volontaristes que scientifiques : ce qu'on sait de la production chinoise permet de penser qu'il y a peut-être une centaine de millions de montres en trop dans ces statistiques et sans doute une autre centaine qui sont doublement décomptées entre la Chine et Hong Kong, donc disons une estimation basse de 800 à 900 millions de montres entre ces deux pôles. Là où l'« expert » du Temps se plante en beauté [décidément, le sérieux de ce quotidien est de plus en plus questionnable], c'est quand il commence par confondre production de montres et ventes de ces montres : Hong Kong et la Chine produisent chaque année plusieurs centaines de millions de montres publicitaires (prix de revient : un à deux dollars américains) qui servent de cadeaux promotionnels ou de monnaie parallèle sur les marchés du tiers-monde. Ce n'est évidemment pas en usant ses semelles sur les moquettes de Pictet & Cie qu'on peut savoir ce qui se passe sur le terrain. Ensuite, sa démonstration selon laquelle 150 000 ouvriers de l'industrie horlogère chinoise ne pourraient pas produire 660 millions (soit 4 400 montres par poste, ou 15 montres par jour) procède du même comique de répétition : d'une part, 98 % des montres produites en Chine (disons 500 à 600 millions de pièces) sont des montres à quartz, dont on peut assembler et emballer une quinzaine par heure ; d'autre part, il faut avoir travailler les ouvriers dans les usines chinoises pour comprendre que les Chinois ont remplacé les machines de production (option prise par la Suisse) par une main-d'oeuvre d'une dextérité inouie, ce qui permet une telle productivité dans le nombre de pièces réalisées [on est effectivement loin des 2 à 3 montres exécutées chaque par les 50 000 employés de l'industrie helvétique]. On peut également parier que les « 150 000 ouvriers » attribués aux usines chinoises de montres ne sont que la base émergée, visible et légale de l'archipel industriel horloger en Chine : tous les ateliers de sous-traitance n'apparaissent pas dans ce total. Il faut n'avoir jamais fait de tourisme que sous les dorures et les stucs pour ignorer cette réalité...
 
◉◉ L'EXPERT AUX CONCLUSIONS GROTESQUES (3) : puisque, pour une fois, il faut défendre la FHS, allons-y gaiement ! L'imprécateur du Temps nous explique en ricanant que les ouvriers « seraient 6 à 7 fois plus efficaces que les Suisses, un chiffre totalement en contradiction avec tout ce que l’on sait de la productivité physique relative entre des pays à niveau de développement si différent que les deux en question ici. Et je ne parle pas encore de Hongkong où chaque année quelque 880 génies productifs seraient capables de monter 175 millions de montres ». On touche au sublime dans le style loufoque : les Chinois ne sont pas 6 à 7 fois plus efficaces, ils sont simplement 6 à 7 fois plus nombreux à faire des montres ! On se perd en conjectures sur l'allusion aux « 880 génies » de Hong Kong : coquille, erreur de lecture ou aberration mentale ? Là encore, il suffit d'avoir visité quelques immeubles à forte densité démographique de Kowloon pour savoir qu'il y aurait plutôt « 880 génies » à chaque étage de ces immeubles que « 880 génies » horlogers dans tout Hong Kong. Que fait un « expert » qui n'y comprend rien ? Du conspirationnisme, évidemment : sa géniale conclusion nous explique que le perfide Jean-Daniel Pasche (président de la FH) bidouille les statistiques pour se faire plaindre avec 2,5 % de la production mondiale plutôt que de se pavaner avec 30 % des montres réalisées dans le monde, qui n'en produirait donc que 100 millions ! On va laisser la rédaction en chef du Temps – au fait, y a-t-il encore un pilote dans l'avion ? – vérifier que l'addition des productions suisse, française, allemande, italienne, espagnole et occidentale en général atteint, à elle seule (Est européen et Etats-Unis compris), ces 100 millions de pièces – les Asiatiques (Japon compris) en produisant à peu près dix fois plus. Et ce sont les « soit-disant spécialistes » de Business Montres qui prennent le risque de cette estimation à la louche... 
 
◉◉ LA REPRISE EN MAIN DU GROUPE MERCURY EN RUSSIE : le hasard fait parfois bien les choses, mais il n'est pas du tout certain que le groupe Mercury (distribution des montres de luxe ou des Ferrari en Russie) puisse en tirer un quelconque profit de l'effondrement actuel du rouble. Revenons sur une affaire qui a défrayé la chronique en octobre : les agents des douanes russes, parfaitement bien renseignés, interviennent le 9 octobre dans différentes boutiques et autres locaux de Mercury : ils y découvrent pour une vingtaine de millions de CHF [à l'époque, le rouble valait le double de ce qu'il vaut aujourd'hui] de montres pour lesquelles les droits de douane n'auraient pas été acquittés. On parle ici au conditionnel [nul ne sait ce qu'il en était exactement de ces taxes douanières, ni des pots-de-vin qui auraient été ou non payés pour les éviter], mais le groupe Mercury risque de 10 à 40 millions de CHF d'amende, ce qui n'est pas rien pour un groupe qui réalisait l'année dernière environ 24 milliards de roubles de chiffre d'affaires (à peu près 700 millions de CHF en octobre). Sans parler de la confiscation de la marchandise : on sait qu'il s'agissait notamment de montres Greubel Forsey [y aurait-il un rapport avec les dix licenciements décidés par la manufacture, un mois après ?], Patek Philippe, Harry Winston, Chopard ou Graff. Pire : les douanes russes peuvent engager des poursuites pénales pour « fraude aux taxes douanières » (article 194 du Code pénal russe) : les prisons russes ne sont pas une villégiature enviable ! Bref, Mercury a du plomb dans l'aile – et ce n'est sans doute qu'un début. Curieusement, quasiment personne n'en a parlé en Suisse (source : RBC Russie, qui présentait quelques montres saisies, parmi lesquelles on reconnaît différentes Greubel Forsey de haute mécanique – ci-dessous)...
 
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◉◉ POURQUOI S'EMPARER DU GROUPE MERCURY EN RUSSIE ? L'omerta suisse à ce sujet peut parfaitement s'expliquer par l'opacité du dossier et l'absence de précisions sur les mobiles réels des douaniers russes, dont on peut supposer qu'ils n'ont pas frappé au hasard. On peut néanmoins se demander s'il ne s'agit pas d'une tentative de remise au pas – c'est-à-dire, pour être plus clairs, d'une prise de contrôle de Mercury par des opérateurs plus proches du pouvoir russe : l'entourage du président Poutine ne manque pas d'oligarques possédant les relais nécessaires dans l'appareil administratif russe pour mener à bien ce harcèlement préventif. Sérieusement plombés par cette affaire et menacés de prison, les dirigeants de Mercury – qui n'ont pas les mêmes relais dans les « organes » (structures de force de l'Etat), ni dans l'actuelle nomenklatura – n'auront pas d'autre choix que de négocier ! Ce qui s'appelle une « reprise en main » ou, pour parler une délicieuse langue de bois, une OPA pas nécessairement amicale sous vive pression administrative. Comme il se murmure, par ailleurs, que plusieurs dirigeants de Mercury sont d'origine extra-russe de souche et de religion non orthodoxe, il est également possible que des considérations ethnico-religieuses, influencées par l'actuel réarmement moral et religieux panrusse, aient accéléré, sinon dédramatisé, cette tentative de normalisation...
 
◉◉ UNE FOUDROYANTE CONTRE LES PERROQUETS  : petite révolution dans l'univers généralement désolant des blogs horlogers qui confondent l'information et la communication. La plupart considèrent que la création éditoriale se pratique avec les touches « ⌘ C » et « ⌘ V » : il faudrait être fou pour en proposer plus ! Une rupture dans ce réel détestable vient de se produire avec le lancement du site Foudroyante, où Malik Bahri – le Bardamu de l'information horlogère, bien connu sur les forums francophones – a entrepris de parler en toute liberté des montres qu'il aime et de celles qu'il n'aime pas. C'est, en soi, rafraîchissant. Mieux : il se pique même de publier ses propres images, sans verser dans la fausse revendication d'images extraites des dossiers de presse, mais copyrightées par le site perroquet. On y verr la preuve que Foudroyante s'avance à la bataille bourrée des pires (bonnes) intentions. Au programme, des entretiens d'excellent niveau (questions pas trop nunuches et réponses à la hauteur), des « wristshots » [manie onanistique, légèrement burlesque et à présent très datée des amateurs de montres, qui ont pré-inventé le selfie et le friday wear avant les gros bataillons des réseau sociaux] et des analyses en profondeur – comme les pages et les images (ci-dessous) consacrées à la Simplicity de Philippe Dufour. Esthétique sympathiquement minimaliste, textes originaux (parfois un peu égocentriques) et passion horlogère de bon aloi, avec des explications qui tendraient à prouver que l'auteur – qui est passé par Watchonista et l'équipe communication de Greubel Forsey – comprend à peu près ce dont il parle et ce qu'il photographie (ci-dessous). C'est si rare dans les médias horlogers qu'il faut le souligner...
 
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◉◉ LA BREGUET QUI ÉTAIT« POUR » ET PAS FORCÉMENT « PAR » : la montre la plus mystérieuse de toute l'histoire horlogère des XVIIIe, XIXe, XXe et XXIe siècle est incontestablement la Breguet n° 160, dite « Marie-Antoinette ». Nous avons tous tellement rêvé sur la légende de cette montre de poche – qui était la plus compliquée et la plus coûteuse de son temps, entre les année 1790 et les années 1870 – que nous avons peut-être accepté un peu trop facilement ce qu'on nous en disait. Ces jours-ci, un érudit belge, historien critique de l'horlogerie à ses heures, pense pouvoir affirmer que cette montre n'a rien à voir avec la reine Marie-Antoinette et qu'on peut aisément remonter à son commanditaire. Il n'a pas encore publié son étude qu'elle fait déjà l'objet d'un certain ramdam sur les réseaux sociaux horlogers. C'est que la « Marie-Antoinette » est une pièce fascinante, dont la commande est opaque (aucune mention dans les registres Breguet), la gestation retardée (elle ne sera terminée que par le fils de Breguet), l'abandon dans l'atelier Breguet stupéfiant, la revente à ses derniers collectionneurs tout aussi mal documentée, la disparition très étrange (on a fait tout un roman de ce vol au Musée d'art islamique de Jérusalem, en 1983), la reconstruction héroïque (en 2004, sous le n° 1160, c'était beaucoup plus qu'un caprice de la part de Nicolas Hayek), la réapparition rocambolesque (toujours au Musée de Jérusalem,en 2007) et l'actuelle soustraction aux regards du commun non moins inexplicable. Sans parler de la relation supposée à la reine martyre Marie-Antoinette (assassinée par la République en 1793, parce qu'elle était la femme de son mari) et à ses hypothétiques amours platoniques. Que de mystères... Quand on tape sur un moteur de recherches « Marie-Antoinette + Breguet », on ne découvre pas moins de 70 000 occurrences. Business Montres a déjà consacré quelques centaines de lignes et des dizaines de page à cette montre (voir notamment nos articles pionniers du 11 novembre 2007 et du 29 octobre 2008) : son retour sous les feux de l'actualité s'annonce donc passionnante et elle nous force à revenir vers les archives de Breguet, en précisant que la marque n'a jamais dit ou écrit que la montre avait été commandée « par » Marie-Antoinette [qui avait acquis d'autres montres de Breguet], ni d'ailleurs « pour » – en se contentant de rappeler une simple « légende familiale » et à une « tradition orale », dont la première trace remontre aux années 1860 (trois-quarts de siècle après la première commande de la montre)...
 
25021◉◉ LA BREGUET QUI N'ÉTAIT PAS FORCÉMENT DE LA REINE : avec le flair marketing qui le caractérisait, mais aussi la passion pour les montres, doublée d'une passion pour la reine, qui l'animait, Nicolas Hayek (ci-dessous) avait réagi au quart de tour en découvrant cette « tradition orale » d'attribution à l'entourage de Marie-Antoinette de cette montre n° 160 curieusement si mal documentée dans les livres commerciaux de Breguet. Le fondateur du Swatch Group avait perçu tout le potentiel d'un storytelling royal pour une montre qui avait alors disparu (elle ne sera retrouvée qu'en 2007). Un récit purement déclaratif, puisqu'il ne s'appuie sur aucun élément concret, ni sur aucune référence avant la revente de la montre à un collectionneur anglais, vers 1880. L'horloger anglais Edward Brown, qui était alors propriétaire de l'atelier Breguet, a pu recueillir cette « tradition orale » de première main, puisqu'il était marié à la fille de Michel Weber, l'horloger qui avait la confiance du grand Breguet et qui avait contribué à la mise au point de la pièce. On n'en sait pas plus sur cette « grande montre d'or », qui apparaît et disparaît des archives sans mention de son commanditaire, ni de son propriétaire, sinon tardivement, ce dernier (le marquis de La Groye) oubliant tout aussi inexplicablement de revenir chercher cette montre laissée en réparation – alors qu'elle était toujours, dans les années 1830, la plus compliquée jamais conçue. Alors, Marie-Antoinette ou pas Marie-Antoinette ? Les faits sont têtus et l'histoire fondée sur des documents, mais il n'y a ni faits vérifiables, ni documents authentifiables. Reste une légende, inlassablement reprise du XIXe siècle à Nicolas Hayek, mais jamais attestée que parce ceux qui avaient intérêt à la propager : il fallait épater le collectionneur anglais du XIXe siècle tout comme il fallait faire rêver les amateurs du XXIe siècle. Moralité : à moins de produire des documents probants et entièrement inédits, il est peu probable que l'érudit de l'Académie royale belge qui considère avoir percé le mystère de la « Marie-Antoinette » (ci-dessous) parvienne à nous convaincre
 
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◉◉ LA NOUVELLE FORCE DE FRAPPE DE TAG HEUER : à quoi peuvent bien servir les dix ou vingt « ingénieurs » qui seront le bras armé de TAG Heuer pour s'attaquer au marché des montres connectées ? Jean-Claude Biver, qui a décidé de scinder en deux la R&D de TAG Heuer [horlogers mécaniciens d'un côté, ingénieurs en nouvelles technologies de l'autre], sait très bien que cette équipe ne pèse pas lourd face aux milliers d'ingénieurs déployés par Samsung et par Apple pour préparer leur duel sur le terrain des smartwatches. L'idée n'est cependant d'entrer en concurrence frontale avec les géants de l'électronique, mais de penser autrement, en dehors des clous, les futures « batailles du poignet » – quand la montre suisse devra se réinventer des raisons d'exister et de séduire face à la déferlante des dizaines de millions de montres connectées qui équiperont les poignets de tous les utilisateurs de smartphones. L'idée n'est pas de mobiliser cette R&D pour produire des montres, mais, essentiellement, d'orienter cette force de frappe vers le dialogue et la discussion intelligente avec les entreprises américaines capables de fournir à TAG Heuer les solutions de haut niveau pour faire bonne figure sur ce marché : dialogue qui ne peut être conduit qu'entre spécialistes de pointe, pour avancer vite et frapper fort, avec des innovations glânées très en amont dans les bureaux d'étude et parmi les dépôts de brevets de ces spécialistes du wearable (toutes les technologies au service d'un nouvel art de vivre connecté). L'interface R&D de TAG Heuer sera d'autant plus percutante et pertinente pour les futures TAG-watches qu'elle travaillera en liaison avec des équipes horlogères parfaitement rompues aux beaux-arts de la montre – ce que ne sont pas encore les équipes d'Apple. Pour l'industrie des montres suisses, c'est peut-être la dernière chance de résister à l'assaut des nouvelles montres intelligentes : Jean-Claude Biver construit son Arche de Noé et, comme du temps de Noé, ses contemporains ne croient pas au danger des eaux qui ne vont plus cesser de monter... 
 
OR-BK-_1_1024x1024◉◉ LES AIGUILLES SOUPLES, CIRCULAIRES ET AÉRÉES DU STUDIO VE : on peut s'offrir, pour 122 euros, une des horloges murales les plus épatantes de ces dernières années. Imaginée et développée par le Studio Ve, la nouvelle Orbits Clock anime les heures d'étranges et tentaculaires aiguilles en fibre de carbone souple, qui indiquent l'heure de façon assez classique par des repères en couleur discrets et bien intégrés dans le design général (fonctionnement évident dans la vidéo ci-dessous et dans l'animation ci-contre). Trois aiguilles pour les habituelles heures, minutes et secondes : leur ballet aéré et aérien brasse de l'air autour du temps, ce qui est déjà, en soi, très original. La légèreté de l'ensemble est tout aussi étonnante, l'aspect radar (parabole) et massif du cadran contrastant avec la fluidité de ce triple affichage, qui s'offre un volume non négligeable – quoique visuellement neutralisé pour occuper l'espace. On est donc bien face à un concept d'horloge philosophique, avec une traduction mobile et limpide de l'espace-temps, doublé d'une perception nouvelle de son écoulement inexorable aux frontières de la géométrie et de l'harmonie des sphères...
 
 
 
 
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DE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...
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