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AFFICHAGE DE L'HEURE : Réflexions sur la réflexion (optique)

Quel est le principal frein à la créativité horlogère ? Sans doute l'obligation de travailler sur deux plans pour afficher l'heure à partir de rouages en deux dimensions... Certains ont choisi de s'affranchir de cette contrainte en tentant la troisième dimension. D'autres ont joué sur la réflexion optique – ce qui autorise d'autres réflexions... ◀▶ À L'HEURE DES LOIS DE L'OPTIQUE Une horlogerie emprisonnée dans deux dimensions...◇◇◇ Les objets du temps se vivent sur les …


Quel est le principal frein à la créativité horlogère ? Sans doute l'obligation de travailler sur deux plans pour afficher l'heure à partir de rouages en deux dimensions...

Certains ont choisi de s'affranchir de cette contrainte en tentant la troisième dimension. D'autres ont joué sur la réflexion optique – ce qui autorise d'autres réflexions...

◀▶ À L'HEURE DES LOIS DE L'OPTIQUE
 
Une horlogerie emprisonnée dans deux dimensions...
◇◇◇ Les objets du temps se vivent sur les harmonies de plusieurs rêves contradictoires. L'un d'eux a longtemps été la précision mécanique, chimère balayée par l'irruption sur le marché des montres à quartz, mais le paradigme reste puissant avec un retour spectaculaire des ultra-hautes fréquences, récemment récompensées à travers le Mikrogirder de TAG Heuer par une Aiguille d'or au Grand Prix de Genève.  Une montre qui abordait d'ailleurs un autre chapitre de ces rêves infréquentables : celui de la réserve de marche et d'un mouvement presque perpétuel. Fugace à quelques poignées de minutes près dans ses capacités chronométriques, le Mikrogirder de TAG Heuer se trouve défié par des projets magnéto-mécaniques capables de faire tourner des mécaniques horlogères pendant des mois [le record est aujourd'hui de 1 000 heures], sinon pendant des années [le prochain record psychologique sera dans les 1 000 jours], voire pendant des siècles [soyons fous : on peut rêver des 1 000 ans sans remontage manuel]... ◇◇◇ Au paradis perdu des horlogers, on trouve aussi la nostalgie de la montre tellement plate qu'elle finit par disparaître. À la fin des années 1970, on a touché aux frontières matérielles de cette minceur mécanique en descendant sous le millimètre, mais avec des platines qui se vrillaient dès qu'on serrait le bracelet de la montre : c'était le cas de la Delirium [très mince, humour suisse !] vite abandonnée (ci-contre : la version Concord). Le rêve est récurrent, voire lancinant : on discerne dans les nouveautés de cette dernière année une forte tentation de l'ultra-plat [tendance historique amorcée par Lépine et Breguet, au XVIIIe siècle, après deux siècles de dictature des "oignons" horlogers]. Tentation qui est contradictoire avec un autre tropisme : la quête d'une troisième dimension. On a commencé par creuser les cadrans et par squeletter les montres pour ouvrir des perspectives sur des mouvements désespérement prisonniers de leurs deux dimensions. On est passé ensuite aux complications perpendiculaires, avec des tourbillons plus ou moins inclinés entre 24 degrés et 90 degrés, des secondes affichés sur des tambours verticaux et toutes sortes de "manèges enchantés" – qui n'avaient comme inconvénient que l'épaisseur de leur trimensionnalité... ◇◇◇ Précision utile à ce stade de la réflexion : on ne parle ici que des montres mécaniques. Les montres électroniques ont depuis longtemps réglé cette question des affichages non conventionnels de l'heure, avec des chiffres ou des figures géométriques [une spécialité parfaitement ésotérique de Tokyoflash], à grand renfort de LED ou de LCD (voir nos articles récents sur les montres "casquette : Business Montres du 26 novembre et Business Montres du 5 août). Dans sa course – déjà gagnée, mais pas complètement – contre le quartz, l'horlogerie mécanique se cherche aujourd'hui de nouvelles idées pour afficher l'heure sans aiguille et sur des surfaces désaxées par rapport au plan du mouvement... ◇◇◇ Le défi de l'affichage traditionnel, c'est justement la nécessité [supposée] de présenter sur une surface plane des informations directement proposées par des rouages qui fonctionnent à plat, sur deux dimensions. Directement signifie ici par transmission directe : on pensait [généralement] impossible d'aller chercher au fond du boîtier des indications horaires fournies par des engrenages invisibles. Sauf que, justement, certains horlogers ont eu l'idée de faire appel aux lois de l'optique – celle de la réflexion – pour afficher, sur des "écrans" (cadrans ou compteurs) déportés, des données invisibles à l'oeil nu. la tentative récente la plus aboutie était celle de Celsius X VI II, qui a utilisé pour son "téléphone horloger" des fibres optiques capables de transmettre, en mode lecture classique, des affichages horaires "impossibles"... ◇◇◇ Sans la moindre concession à l'électronique, par la seule capacité "mécanique" de ces fibres à capter, à amplifier et à transmettre une image (en haut de page), Celsius X VI II a réussi à capturer les chiffres d'un disque vertical pour les afficher sur un écran déporté parfaitement lisible (Business Montres du 29 octobre : ci-dessus). On pourrait considérer cette avancée comme un gadget : au-delà de son côté "fusil à tirer dans les coins" (concept qui existe d'ailleurs depuis le Sturmgewehr allemand de 1944, père de la célèbre AK 47 soviétique), c'est une révolution horlogère puisqu'on peut s'affranchir d'un strict principe de linéarité directe pour "promener" des informations mécaniques n'importe où dans une montre et pour les afficher, toujours "mécaniquement", dans le respect des lois de l'optique (en bas de page : le concept initial de Celsius X VI II, développé pour Only Watch 2011 – avant-première Business Montres du 20 juin 2011). ◇◇◇ Dans les années 1970, alors que commençait à enfler la déferlante du quartz, une marque suisse un peu et injustement oubliée avait tenté de répliquer, par une montre mécanique à prix modique, à cette mode de l'affichage numérique sur cadran vertical. Ce "renversement dialectique" imposé à l'affichage de l'heure – passé d'un plan horizontal à un plan vertical – était alors un des éléments les plus disruptifs des montres "casquette" à la Girard-Perregaux (ci-contre). Avec des chiffres rouges éclairés de l'intérieur, on touchait au nirvana ! Ces montres avant-gardistes étant alors hors de prix (une Pulsar à LED rouges valait 30 % de plus qu'une trois-aiguilles Patek Philippe), la marque Amida – issue d'une manufacture de Granges spécialisée dans les mouvements Roskopf d'entrée de gamme – avait lancé une Digitrend qui cumulait un affichage digital sur "cadran" vertical et un mouvement mécanique fonctionnant sur un principe d'heures sautantes. En 1975 (présentation à Baselworld en 1976), avec les moyens du bord [l'idée nous paraît aujourd'hui très contemporaine], l'idée était de "lire" l'heure sur des disques aux chiffres inversés, pour la transmettre par un prisme optique à un écran faisant fonction de cadran. Pour l'anecdote, on pourra se reporter au brevet déposé par l'ingénieur suisse Joseph Bamat pour cette montre...

◇◇◇ Après Baselworld, l'écho médiatique de cette "invention" a été inversement proportionnel à son caractère disruptif et visionnaire : Amida a ensuite disparu dans les poubelles de l'histoire horlogère, avec toutes les sous-marques qui ont commercialisé ce concept [ces montres se négocient aujourd'hui pour un à deux milliers de francs suisses, selon leur état]. Dommage, mais il faut avouer que la qualité d'exécution n'était pas à la hauteur de l'esprit pionnier des créateurs : boîtier non étanche, prisme bas de gamme en plastique souvent défectueux, typographie pas très nette des disques horaires, mécanique improbable (1 rubis !) dans sa gestion de l'heure sautante, etc. (cartouche en haut de page et ci-dessus : remerciements à Crazy Watches pour ces images ; ci-dessous : remerciements Europa Star). 

◇◇◇ Face à la Casquette de Girard-Perregaux ou à la Computron Sideview de Bulova (même principe d'affichage perpendiculaire, mais avec la "magie" qu'on prêtait alors au quartz digital), même avec son boîtier futuriste taillé comme un vaisseau spatial, la pauvre Amida mécanique ne faisait pas le poids avec son module LRD (Light Reflective Display) resté sans postérité. Sauf que la réflexion optique reste un concept novateur et sauf que, depuis quarante ans, l'optique a fait des progrès considérables. Sans explorer la voie très prometteuse des fibres optiques, la qualité des prismes (en verre) frôle aujourd'hui la perfection, avec des équations très pointues pour en calculer les reflets et la réfraction avec précision. En 1976, il était héroïque de vouloir tenter de concurrencer le quartz avec une montre mécanique. Le défi reste à relever... ◇◇◇ Avec les prismes et leurs propriétés optiques, on joue comme on aime : on peut même créer des affichages à contre-sens (ci-dessous et ci-contre), ce qui permettrait de loger des complications dans des endroits inhabituels pour les "lire" ensuite de façon plus classique, à n'importe quel endroit de la montre. Le tout est de pouvoir faire entrer un peu de lumière quelque part pour utiliser les propriétés réflectives des prismes. Avant de finir cet article, un petit jeu : amusez-vous avec les capacités de déviation optique d'un prisme (cliquez sur ce lien et vous comprendrez tout de suite tout le parti horloger qu'on peut tirer d'un prisme : la liberté créative est totale dès qu'on maîtrise les lois physiques de la lumière). On perdra en minceur ce qu'on gagnera en capacités de réflexion (optique) et en provocation à la réflexion (mentale) sur les heures et le temps. On en déduira que la prochaine révolution horlogère sera peut-être... optique ! Ce qui ne serait d'ailleurs qu'un retour logique à la tradition : du XVIe siècle et XIXe siècle, les grandes avancées scientifiques dans le domaine de l'optique ont toujours été étroitement corrélées aux grandes avancées horlogères. Les physiciens avaient besoin d'objets du temps performants...

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