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SOLDES D’AUTOMNE (accès libre)
C’est bien parti pour la grande braderie horlogère !

On estime qu’il y a aujourd’hui, sur les marchés du monde entier, des stocks de montres neuves qui correspondent à peu près à huit, sinon douze mois de ventes. Les tuyaux débordent. Il faudra bien les purger ! Le plus grand détaillant mésoaméricain prend les devants et lance officiellement les soldes de fin d’année. Message subliminal : ces montres n’ont plus aucune valeur…


Pour les marques, il existe plusieurs méthodes pour vider les entrepôts. Ce qui devient urgent, puisque les chaînes de production –en dépit des R.H.T. (réduction de l’horaire de travail, co-financée par la Confédération) – ne semblent pas avoir s’être adapté aux ventes réelles sur le terrain, alors que la Suisse produisait déjà trop de montres en période de croissance ! Que faire des stocks déjà accumulés en Suisse, alors qu’il faut faire de la place pour les nouvelles vagues de production ? De quel arsenal de procédures disposent les marques ?

• La plus simple : on transfère les stocks de montres invendues vers les filiales régionales : c’est facile, c’est pas cher et ça peut rapporter gros aux statistiques horlogères, qui s’en trouvent artificiellement gonflées. 

• La plus immédiate (et la moins imaginative) : organiser en Suisse des ventes « Family and friends » ouvertes aux copains des copains, avec des prix situés entre -40 % et -70 % du neuf : c’est moins facile, c’est plus cher quand des journalistes l’apprennent et le publient [c’est le genre d’informations qu’on trouve dans Business Montres] et c’est le meilleur moyen d’assécher les ventes de ces marques pendant des mois dans un rayon de cinquante kilomètres.

• La plus « industrielle », qui est souvent la plus « professionnelle » : prendre langue avec un déstockeur officiel ou officieux [un « nettoyeur de stocks » : certains groupes ont leur partenaire exclusif et attitré]comme il en existe dans les grands pays développés, pour lui céder, avec des réductions qui vont de -80 % à -90 % des milliers de montres, charge à lui de disperser ces montres, en toute discrétion, sur une infinité de marchés et de revendeurs où leur afflux ne sera pas remarqué. Une pratique usuelle en période de crise, dont une des variantes est le bartering, le rachat des stocks se faisant en un « échange marchandises » qui peut prendre différentes formes…

• La plus sournoise : « organiser » [pour rester poli] des ventes plus ou moins fictives à des entités exotiques plus ou moins consistantes dont les commandes sont effectivement livrées, sous douane [dont considérées comme des exportations : les statistiques ne s’en portent que mieux !]n et entreposées dans les ports-francs suisses. Accessoirement, c’est un moyen rès souple de garantir un bonus de fin d’année assis sur un chiffre d’affaires en croissance. Il sera toujours temps de déprécier ces commandes bidon, dont le « rapatriement » relèvera de la logistique et de la comptabilité. 

Le plus difficile est d’intervenir sur les stocks déjà accumulés par les détaillants, qui les ont payés et qui en sont donc propriétaires. Les menaces de rétorsion sont de moins en moins efficaces, surtout de la part de marques qui ne représentent généralement un chiffre d’affaires significatif chez les détaillants en question. Pour les détaillants, surtout les plus importants, l’urgence est là, histoire de récupérer un peu de trésorerie et de libérer de la place dans leurs espaces logistiques. 

• Méthode classique : échanger les montres invendues contre les nouveautés de la saison. C’est une pratique classique, qui permet de rafraîchir l’offre dans les vitrines tout en continuant à proposer aux clients des boutiques des nouveautés supposées les tenter. Problème : que faire quand les marques manquent de trésorerie pour racheter leurs propres montres, dont les stocks iront grossir les montres invendues qui s’empilent déjà dans leurs entrepôts…

• Méthode radicale : les soldes. Loin de nos regards, les réseaux chinois ont déjà commencé à relarguer les montres dont ils étaient surchargés. Comme il faut un téléphone enregistré en Chine pour accéder aux réseaux qui pratiquent les meilleures soldes, c’est à peu près invisible hors de Chine et les marques font semblant de ne rien voir. Sous nos regards, c’est plus brutal : c’est ce que vient de faire Berger, le grand détaillant mexicain et le principal point de vente de haute horlogerie dans l’espace mésoaméricain. Bien entendu, dans ses neuf boutiques mexicaines [qui vendent une quarantaine de marques], Berger ne va pas solder ses Rolex, ses Patek Philippe ou ses Audemars Piguet, mais son offre à prix sacrifiés n’en reste pas moins consistante et très révélatrice (ci-dessous et plus bas : une partie de l’opération délestage)…

Un constat évident, et sans la moindre méchanceté. De tels rabais signifient que Berger écrase et même annule ses marges habituelles, celles que lui consentent les marques : il n’y a même plus de profits à se faire sur de telles montres, ce qui signifie clairement que ces pièces n’ont pas (ou plus) de valeur ! Il est probable que cette opération met fin aux opérations de la marque avec Berger, maison dont on a toujours loué la loyauté et le fair play – pourquoi une telle brouille ? Autre question à se poser : d’autres détaillants de la notoriété internationale de Berger vont-ils suivre cet exemple et afficher publiquement leurs discomptes pratiqués sur des grandes marques – ventes spéciales qui se pratiquent généralement dans l’ombre discrète des arrière-boutiques ? On vous laisse réfléchir là-dessus…

COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS



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