BUSINESS MONTRES ARCHIVES (accès libre)
C’est stupéfiant comme rien ne change sous le soleil horloger…
Voici à peu près exactement quatre ans, « Business Montres » intervenait sur les ondes de France Bleu Besançon (France) pour une chronique horlogère qui pointait du doigt le manque d’imagination des marques horlogères face à la crise. Vous savez quoi ? On pourrait reprendre aujourd’hui la même chronique, mot pour mot…
Et pourtant, la crise était bénigne en mai 2016 et comme on les aime, ces crisettes-là, à côté de celle qui nous guette en pleine chronapocalypse ! L’horlogerie venait de traverser un trou d’air à la suite de l’accession au pouvoir, en Chine, d’un Xi Jinping qui utilisait la lutte contre les « montres de corruption » comme pivot de sa main-mise sur toutes les structures de pouvoir en Chine. La victime collatérale de cette stratégie était l’horlogerie ! Laquelle n’allait pas tarder à se remettre, mais ce ne serait que pour mieux encaisser le choc p)lanétaire des montres connectées, auxquelles personne ne croyait évidemment dans une Suisse horlogère co,nvaincue qu’il ne s’agissait que ces montres n’en étaient pas et qu’elles ne constituaient qu’un éphémère gadget électronique – Business Montres était à l’époque le seul média horloger à se cramponner au signal d’alarme [mais c’est une autre affaire !]. Toujours est-il que, en mai 2016, alors que l’officialité horlogère niait une fois de plus l’existence de toute « crise », Business Montres pointait déjà du doigt le déni de réalité des marques face aux aléas de la conjoncture. Une chronique pour France Bleu Besançon : on n’aurait pas un mot à changer pour qu’elle convienne à la situation d’aujourd’hui…
❑❑❑❑ TEXTE ORIGINAL : « C’est épatant, le manque d’imagination des marques horlogères face à la crise ! » – France Bleu Besançon (Business Montres du 24 mai 2016)
BUSINESS MONTRES POUR FRANCE BLEU BESANÇON
Les 24 minutes du temps :
« C’est épatant, le manque d’imagination
marques horlogères face à la crise ! »
L’actualité horlogère vue par « Business Montres », comme toutes les semaines, le samedi midi sur France Bleu Besançon : cette chronique « Les 24 minutes du temps » reste à ce jour la seule tribune hebdomadaire de l’horlogerie de tout le paysage audiovisuel francophone (France, Belgique et même Suisse, sans parler du Canada et d’ailleurs). Au programme de cette chronique horlogère diffusée le 14 mai 2016 (la partie horlogère commence à la minute 08:00 du lecteur ci-dessous) : les quatre attitudes des marques de montres face à la crise. À partir de la minute 15:00, une intervention de François Matile, président de la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse, qui considère qu’il n’y a pas de raison de parler de crise (« On n’est pas malades, mais on est moins en forme qu’il y a quelques années »)…
« C’est épatant, le manque d’imagination des marques horlogères face à la crise ! Ça y est, tout le monde le reconnaît, elle est là, cette crise dont on nous disait, il y a quelques semaines, qu’elle n’existait pas. Pour y faire face, l’industrie des montres adopte quatre postures principales.
• La première, désormais très minoritaire : on nie tout, on ferme les yeux, on pense que ça ira mieux demain, tout va très bien, Madame la marquise. Plus personne n’y croit…
• La deuxième est très classique : on licencie. C’est nul, mais tout le monde le fait ! On commence par les contrats temporaires (plus de 200 sont annoncés comme non renouvelés dans la vallée de Joux, ce qui va faire exploser le chômage en France !), 50 sont annoncés dans la vallée de Fleurier (même impact sur la Franche-Comté à cause des frontaliers), des centaines d’autres, visibles ou pas visibles dans toute la Suisse romande. Les petits ateliers souffrent et licencient dans l’ombre. « Ce ne sont que des Français », se rassurent les Suisses »… Est-ce vraiment la seule solution ?
• La troisième est très spéciale : tout le monde s’accorde à dire qu’il y a trop de stocks partout, mais le Swatch Group pousse les détaillants américains à prendre encore plus de stocks. Si vous prenez 10 % de montres en plus, on vous accorde 10 % de marge supplémentaire. C’est absurde, c’est une vision à très court terme, mais ça va permettre de créer de la fausse croissance pour rassurer la Bourse en inventant une fausse dynamique du marché américain : c’est de la fausse monnaie statistique (on bourre un peu plus les tiroirs des détaillants) et c’est très dangereux pour l’avenir, parce que les détaillants américains sont de redoutables « soldeurs ». Quand ils vont discompter massivement, sur Internet, pour retrouver un peu de trésorerie, la planète toute entière va être contaminée…
• La quatrième posture est plus intelligente : c’est, par exemple, celle de Cartier en Suisse ou en France, mais d’autres marques du groupe Richemont ou du groupe LVMH (TAG Heuer, Zenith) ont procédé de même. On sacrifie son trésor de guerre financier et ses futurs profits pour assainir le marché en rachetant les stocks : on reprend les vieilles collections invendues chez les détaillants pour mettre des montres neuves, supposées plus alléchantes, à la place. C’est bien, mais chacun sait que ces montres neuves sont trop chères…
La bonne posture serait, on l’a dit souvent ici, de recréer une offre créative et accessible en face d’une demande qui reste forte, mais très différente de ce qu’elle était voici cinq ou dix ans. Les marchés ont changé, les générations ont changé, les goûts des consommateurs ont changé, tout a changé, sauf ce que proposent les marques, qui nous prennent toujours pour des nouveaux riches asiatiques...