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CHRONIQUES DE LA DÉBÂCLE #6 : Sept calembredaines que les marques suisses essayent de nous faire croire à propos des montres connectées...

Avec le retour des beaux jours et l'arrivée de l'été, nous reprenons nos chroniques d'une décroissance annoncée, avec des coups de projecteur sur ce qu'il faut connaître pour ne pas mourir idiot. C'est fou ce qu'on peut nous désinformer sur les montres connectées... ▶▶▶ SWISS CONNECTIONQuel manque d'intelligence face à ces montres intelligentes ! 


Avec le retour des beaux jours et l'arrivée de l'été, nous reprenons nos chroniques d'une décroissance annoncée, avec des coups de projecteur sur ce qu'il faut connaître pour ne pas mourir idiot. C'est fou ce qu'on peut nous désinformer sur les montres connectées...

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▶ SWISS CONNECTION
Quel manque d'intelligence
face à ces montres intelligentes !
 
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◉◉ ON NOUS DIT QU'UNE SMARTWATCH NE SAURAIT ÊTRE UN OBJET DE LUXE... La preuve, c'est que les montres connectées ont des cycles de vie trop courts et qu'elles sont obsolètes en deux ou trois ans. C'est évident, mais que d'articles de luxe – à commencer par les cigares ou les grands crus millésimés ! – sont eux aussi obsolètes et condamnés à une obsolescence rapide. La mode produit chaque saison des articles de luxe éphémères. Une Rolls-Royce ou une Porsche sont des voitures de luxe dont l'obsolescence est programmée. Nous vivons dans un univers d'objets qui sont tous affectés d'une durée de vie limitée, même quand il s'agit de montres réputées « intemporelles » et indémodables : essayez donc de mettre à votre poignet la montre Patek Philippe qui détient le record du monde aux enchères (près de 6 millions) : elle est tout simplement importable au quotidien – question de taille, de style et d'ergonomie. Le cimetière du luxe est pavé de marques qui se croyaient inatteignables dans leur splendeur. Les smartwatches relèvent bien de l'univers du luxe, mais pas dans la même catégorie que les montres suisses. De même qu'un iPad est une tablette de luxe comparée à une tablette chinoise, l'Apple Watch est une montre connectée de luxe, par son design, par son prix et par le statut ostentatoire qui génère des passions et des émotions que ne créent pas les montres connectées concurrentes...
 
Kidiwatch dessin 01◉◉ ON NOUS AFFIRME QUE LA QUESTION DE L'AUTONOMIE DE LA MONTRE EST CENTRALE : l'argument semble décisif, mais c'est une illusion d'optique. Les consommateurs ont pris l'habitude de recharger quotidiennement – en pestant contre l'autonomie limitée, mais comment faire autrement ? – ou même plusieurs fois par jour leurs téléphones mobiles, leurs tablettes ou leurs ordinateurs portables. Pourquoi cette contrainte deviendrait dissuasive pour une montre ? Plus il y aura d'applications utiles au quotidien pour bien gérer sa montre connectée, plus on « consommera » de batterie, mais ce sera d'autant mieux accepté que ces applications auront une vraie utilité pour faciliter la vie de chacun. L'argument de l'autonomie est une protection illusoire pour les montres suisses : dans les années 1970, on s'est beaucoup moqué des trois mois d'autonomie affichée par les premières montres à quartz, dont les LED dévoraient les piles en dépit d'un affichage de l'heure intermittent – mais cela n'a pas empêché les montres électroniques de submerger les montres mécaniques. Le développement rapide de solutions de rechargement ultra-rapide ou innovant (la table de chevet Ikea), ainsi que la mise au point d'applications moins gourmandes rendront ce défaut des smartwatches de moins en moins sensible...
 
◉◉ ON NOUS RACONTE QUE LES SMARTWATCHES NE SERVENT À RIEN, dès lors qu'on a déjà un smartphone dans sa poche et d'autres écrans nomades dans son cartable. C'est bien mal comprendre la fonction de ces montres connectées dans le système global des objets numériques qui nous entourent en se reliant les uns aux autres. Une smartwatch ne remplace pas un smartphone : elle s'ajoute à lui pour devenir la « tour de contrôle » immédiatement accessible de notre connexion au village numérique global. Une montre connectée reste plus pratique qu'un téléphone pour régler une facture face à un terminal de paiement, pour déverrouiller l'accès à un ordinateur ou pour ouvrir une portière de voiture : ces fonctions seront donc celles de ces montres. Une montre connectée reste plus pratique qu'un téléphone quand on l'utilise comme traceur d'activité, mais sans doute moins qu'un simple bracelet de santé : c'est donc le bracelet de santé (Jawbone, Fitbit) qui s'imposera pour cette fonction de capteur de données biomédicales. Un téléphone intelligent reste plus pratique pour téléphoner, écrire un message ou lister des morceaux de musique : ce sont ces fonctions qui lui seront dévolues. Question d'ergonomie et de logique : on ne demande à chaque prothèse numérique que les services qu'elle peut nous rendre mieux que les autres outils dont nous disposons...
 
Dessin◉◉ ON NOUS SERINE QUE LES MONTRES NUMÉRIQUES NE SONT PAS BELLES : c'est sans doute vrai pour la génération aux yeux de ceux qui ont porté toute leur vie des montres mécaniques rondes, mais c'est nettement moins évident pour les moins de quarante ans, qui apprécient au contraire la fermeté fluide et carrée de l'Apple Watch. Les codes de la carpo-esthétique (les élégances au poignet) ont tellement fluctué au cours du dernier siècle qu'il serait vain de les classer sur une échelle du bon goût : que d'horreurs lancées par les grandes marques pendant les « années quartz » et jetées imémdiatement après sont aujourd'hui réhabilitées par les amateurs de design vintage ! On peut même se demander si l'Apple Watch ne va pas relancer une vague d'intérêt pour les montres de forme, un peu passées au second plan avec le triomphe des montres mécaniques néo-classiques. Qu'on apprécie ou non les lignes de l'Apple Watch, on sait de toute façon que le marché s'oriente globalement vers des smartwatches qui ressembleront de plus en plus à des montres classiques et non plus à des gadgets électroniques de poignet. Il est même probable que les montres connectées intègreront – grâce à leurs écrans numériques de très haute définition – des « complications mécaniques » purement numériques comme aucun méchanicien horloger n'aurait jamais pu en produire, mais dont il aurait toujours rêvé...
 
◉◉ ON NOUS BASSINE AVEC LE BIDE COMMERCIAL QUI ATTEND LES SMARTWATCHES : pourquoi pas, mais peut aujourd'hui prétendre que ce marché – qui est à peine en train de s'ouvrir – n'en sera pas eu et que les grandes marques électroniques remballeront leurs projets pour passer à autre chose ? Certes, le démarrage est lent, mais il a prouvé – avec quatre à cinq millions de montres connectées vendues [dont un million et demi par souscription préalable sur les sites de financement collaboratif] – qu'il y avait une demande – pas pour tout le monde, puisque Samsung a considérablement réduit ses prétentions dans ce domaine et licencié une large part des équipes engagées pour concurrencer Apple. Certes, même une marque à succès comme Apple n'est pas à l'abri d'un échec commercial, mais les trois millions d'Apple Watch précommandées avant que la montre ne soit en boutique semblent plutôt un signal encourageant. C'est le marché qui décidera et, surtout, les développeurs d'applications, dont plusieurs milliers travaillent à la mise au point de logiciels pour nous « faciliter la vie quotidienne » avec une smartwatch au poignet. Dans tous les cas, le succès initial, sinon le triomphe inaugural, des montres connectées peut très bien n'être que transitoire : nouveau fil à la patte, cette prothèse numérique fonctionne dans une logique d'hyper-connexion dont les peuples risquent de revenir très vite. L'avenir n'est sans doute au retour à la mécanique des montres d'hier, mais à l'équilibre entre les montres déconnectées – pour le plaisir, pour le style de vie, pour la liberté – et les montres connectées – pour simplifier la vie quotidienne... 
 
smartwatch-drawing◉◉ ON NOUS ENFUME SUR LE PRIX EXORBITANT DE CES MONTRES CONNECTÉES, qui ne vaudraient pas les centaines, les milliers ou les dizaines de milliers d'euros auxquelles on prétend les vendre. C'est le consommateur qui arbitrera, entre les versions de base et les versions de luxe, entre les montres de commodité et les pièces statutaires, entre les marques de prestige et les me-too asiatiques : sur ce marché, l'offre couvre à peu près tous les segments de prix et les clients savent que les marges n'y sont pas excessives – en tout cas moins que pour les montres traditionnelles suisses, qui ne devraient pas utiliser un argument capable de se retourner contre elles comme un boomerang. Le prix de marché, c'est ce que les consommateurs acceptent de payer pour le produit et pour son enrobage marketing, en fonction de la perception du goodwill de la marque et de la fiabilité de sa proposition. L'Apple Watch, qui tend à se positionner comme un produit de luxe ou comme une référence de mode, a choisi de se battre sur une image statutaire et sur une promesse de haute technologie multi-fonctionnelle : le rapport qualité-prix n'entre pas en ligne de compte – mais on comprend tout de suite qu'il ba devenir problématique pour des marques horlogères pure players, qui se contentent de donner l'heure avec trois aiguilles et qui n'ont comme argument que leur « prestige » auto-supposé...
 
◉◉ ON NOUS JURE QUE LES MONTRES SUISSES N'ONT AUCUN SOUCI À SE FAIRE : l'avenir leur appartient, de droit divin et de toute éternité. On n'a jamais rien fait de mieux pour les poignets humains qu'une montre suisse et on n'arrivera jamais à les égaler. En réalité, l'enjeu stratégique de la bataille qui s'est engagée entre les montres suisses et les montres connectées n'est pas technologique, et encore moins statutaire : il est sociétal [comment gérer sa connexion personnelle avec le système des objets connectés qui nous entourent ?] et il est topographique [à part le poignet, quelle est la meilleure pour porter sur soi un objet relationnel connectée ?]. À partir de cette analyse de la carpo-révolution en cours [la révolution du poignet], on réalise que la victoire ne se joue pas en termes de supériorité entre la smartwatch et la montre traditionnelle, mais en termes d'occupation du poignet : que deviendront les marques suisses, leur prestige, leur supériorité intrinsèque et leur tradition intemporelle si elles sont délogées d'un poignet qu'elles n'occupent guère que depuis un siècle. Précisément, il y a un siècle, entre la montre de poche et la montre-bracelet, l'opposition n'était pas technique, mais purement fonctionnelle : la montre-bracelet était tout simplement plus pratique au quotidien (en ambiance urbaine) et c'est elle qui l'a emporté. Les montres de poche n'ont pas disparu, mais qui en porte encore ? Enfin, il faudra bien qu'on réponde à cette question élémentaire : s'il se vend, comme prévu, entre dix millions et vingt millions de montres connectées (entre la moitié et les deux tiers de l'actuelle production des montres Swiss Made), comment une telle invasion des poignets pourrait d'avoir aucun impact sur la pyramide des marques de l'horlogerie suisse ?
 
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