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COMMUNICATION #2 : Les blogueurs sont-ils des blagueurs ?

L'analyse de la rumeur sur la possible iWatch préparée par Apple est assez révélatrice de l'immaturité informationnelle d'Internet, et tout particulièrement des blogueurs spécialisés dans tel ou tel domaine. Ce qui s'applique ici au paysage informatique conserve toute sa valeur pour le paysage horloger : là comme ailleurs, les blogueurs sont volontiers des blagueurs. ◀▶ ROCK'N'BLOGSix leçons à déduire de l'affaire iWatch (Apple)...◉◉◉ L'actualité des montres s'est enrichie ces jours-ci d'une nouvelle rengaine : Apple serait …


L'analyse de la rumeur sur la possible iWatch préparée par Apple est assez révélatrice de l'immaturité informationnelle d'Internet, et tout particulièrement des blogueurs spécialisés dans tel ou tel domaine. Ce qui s'applique ici au paysage informatique conserve toute sa valeur pour le paysage horloger : là comme ailleurs, les blogueurs sont volontiers des blagueurs.

◀▶ ROCK'N'BLOG
Six leçons à déduire de l'affaire iWatch (Apple)...
◉◉◉ L'actualité des montres s'est enrichie ces jours-ci d'une nouvelle rengaine : Apple serait dans les starting blocks pour lancer une iWatch. En tapant "iWatch Apple" sur un moteur de recherches, on obtenait ce matin 120 millions d'occurences. C'est ce qu'on appelle du buzz bien fait ! On ipmagine qu'Apple ne pourra que tirer profit de ce ramdam numérique plutôt bien orchestré, surtout au moment où l'action Apple commençait à flancher à la Bourse de New York et que Blackberry tentait de se remettre en selle avec un nouveau concept. Comme rien de ce qui concerne l'actualité des montres n'est étranger à Business Montres, nous avons commencé à suivre de près ce dossier, en y détectant cinq leçons principales...
◉◉◉ Quels sont les faits ? Et comment y voir plus clair dans un tel déluge de données dispersées sur tous les canaux numériques, dans toutes les langues et par toutes sortes de blogueurs ?
 
 
◉◉◉ Fin 2011, le New York Times nous avait déjà servi une rumeur – intéressante, mais purement rumoristique – à propos d'une éventuelle iWatch Apple, sur la base des brevets détenus par la marque pour des écrans souples dont on pourrait faire des montres : personne n'avait vraiment relevé (sauf Business Montres) cet article, les spéculations de la blogosphère se portant plutôt sur la mode de l'époque – les montres dérivées du iPod Nano et mises en souscription sur Internet chez Kickstarter.
◉◉◉ Leçon n° 1 : le blogueur est unidirectionnel ; monophasé, il privilégie le mainstream et il a du mal à fonctionner en ports parallèles pour traiter des informations hors radar...
 
 
◉◉◉ Fin 2012, Business Montres avait largement relayé ce qu'on pouvait entendre ici et là, aux Etats-Unis comme en Suisse, à propos de quelques projets de montres connectés. Nous en faisions une possible révolution horlogère (Business Montres du 8 septembre) : l'hypothèse tient toujours. Nous évoquions aussi quelques rumeurs recueillies à la périphérie du Swatch Group (Business Montres du 26 novembre et Business Montres du 9 janvier), complexe horloger qui ne peut que s'intéresser de près à une telle connectique de poignet et qui ne pourra pas faire l'économie d'une smartwatch connectable. Réflexions argumentées qui avaient débouché sur une question évidente : une collaboration entre Apple et Swatch ne constituerait-elle pas la meilleure des disruptions possibles pour reformater le nouveau (futur) marché d'une smartwatch encore virtuelle (Business Montres du 12 février) ? Grand moment de solitude médiatique ce sujet, tant dans la blogosphère high-tech que du côté horloger – à l'exception de la Radio suisse (Business Montres du 9 janvier), toujours intéressée par la lancinante question du retard suisse dans cette possible révolution horlogère.
◉◉◉ Leçon n° 2 : le blogueur est aussi conformiste que routinier, il ne s'intéresse qu'au mainstream et il ne bouge pas une oreille s'il n'y a pas une banner ou quelques clics à gratter (désolé, on n'en vend pas ici !)… 
 
Nick Hayek en a rêvé avec Bill Gates (Microsoft) : pourquoi pas avec Apple ?
 
◉◉◉ Début 2013, le même New York Times vient de nous resservir la même rumeur de l'homme qui a vu quelqu'un chez Apple travailler sur des écrans souples et qui en a déduit qu'il s'agissait d'une future iWatch. Cette fois, le Wall Street Journal ne voulait pas rester à la traîne et il a aussitôt embrayé sur une spéculation pas très différente. Comme, de son côté, un ancien gourou d'Apple venait d'expliquer toute la logique écosystémique qui pourrait expliquer le lancement d'une iWatch par Apple, la mutation de ces éléments a été fulgurante : ce n'était plus une rumeur, mais une quasi-information. D'autant que Apple avait pris soin de torpiller, voici quelques mois, le marché des iPod Nano transformables en montres. Donc , on pouvait en inférer que Apple était sur le coup d'une montre et qu'il s'agissait de "nettoyer" le marché de toute concurrence ! Donc, la mode médiatique a changé de polarité : si Apple reste un sujet mobilisateur qui fait "vendre", la matière première spéculative manque. Faute de mieux, va pour la montre ! Mélangeant l'information et l'anticipation, les blogueurs se sont déchaînés et ils ont créé – sans la plus embryonnaire des bases factuelles – un buzz planétaire à 120 millions de posts autour d'une hypothèse de montre virtuelle (ci-dessous).
◉◉◉ Leçon n° 3 : le blogueur est moutonnier et sans curiosité ; il privilégie toujours le mainstream et il a du mal à se défaire d'un réflexe panurgiste attisé par la peur de louper le coche dont il est la mouche…
 
 
◉◉◉ Février 2013 : les rumeurs tournent en rond et se mordent la queue. Tous les brevets qu'on nous présente peuvent bien mieux s'appliquer à de nouveaux concepts de "prothèses" numériques nomades (notamment dans le domaine de la santé ou de la navigation Internet), voire à des téléphones de seconde génération (multi-services), plutôt qu'à des montres. S'il est évident que le marketing Apple a quelques dossiers sur de possibles montres dans ses tiroirs, rien ne permet d'affirmer qu'une smartwatch est dans les tuyaux : on sait la marque habile à pratiquer le masquage déceptif, ne serait-ce que pour tester la sensibilité du marché à des hypothèses mineures. Mais on la sait également soucieuse de n'intervenir dans un nouveau métier [ce qui serait le cas de la montre] qu'avec des concepts radicaux capables de sidérer la concurrence en repolarisant le marché autour d'une nouvelle offre – ce qui était le cas pour l'iPod, l'iPhone ou l'iPad. Peu importe aux nouveaux bavards du web, qui jonglent allègrement de l'hypothèse à la thèse, puis à la synthèse tout en se vautrant dans la… foutaise ! Les conditionnels sont copiés-collés au présent, avant d'être reconjugués à l'impératif. Peu importe, puisque les réseaux sociaux, qui affichent pourtant la plus fantastique capacité mémorielle de tous les temps, ne vivent que dans un éternel présent toujours recomposé, sinon éternellement ressassé.
◉◉◉ Leçon n° 4 : le blogueur tourne en rond dans son bocal de verre, comme le poisson rouge dont il possède la mémoire opérationnelle (exactement 03 secondes, une moitié de tour de bocal) ; osmosé dans le mainstream, il a raison de prendre ses lecteurs pour des amnésiques intempérants (nous sommes tous devenus des toxicomanes de l'information instantanée) et il fonctionne dans un temps sans durée et dans un espace sans profondeur
 
 
◉◉◉ Depuis 2009, une recherche rapide sur Internet démontre que Apple a déposé d'innombrables brevets et testé de non moins innombrables dispositifs d'outils nomades portables, notamment au poignet, mais pas exclusivement : la portabilité des équipements électroniques est d'ailleurs une des lignes de recherche fondamentales de la marque depuis sa naissance. Toutes ces expérimentations peuvent déboucher (ou non) sur le lancement d'une montre contestable, Apple possédant dans sa boîte à outils à peu près toutes les technologies nécessaires et toutes les combinaisons de matériaux, ainsi qu'une grammaire design d'une incroyable richesse (dont l'extraordinaire montre à écouteurs incorporés développées par Foxconn : ci-dessus). Ce qui serait scandaleux, c'est que Apple n'ait rien envisagé à ce sujet : la marque confirme d'ailleurs elle-même qu'elle a mis une centaine de designers sur le dossier de la portabilité, mais sans vraiment rien avouer sur une montre (Bloomberg). 100 personnes ! Auxquelle il faudrait ajouter la créativité des snipers du design (voir dans le Daily Mail toutes les idées lancées pour cette iWatch). Rien ne permet ainsi d'affirmer que la marque à la pomme a décidé de sauter le pas et de s'attaquer – avec son habituelle audace créative, sa capacité d'initiative et sa culture marketing – au marché de la montre qu'elle peut (ou non) considérer comme important pour sa croissance. Après tout, la montre – en tant qu'objet du temps – est un enjeu assez dérisoire comparé au multi-équipement électronique de l'humanité : lire, à ce sujet, Cinq bonnes raisons pour que Apple se plante avec sa iWatch, mais Morgan Stanley évoque déjà un pactole de 10 à 15 milliards de dollars (ci-dessous)...
◉◉◉ Leçon n° 5 : le blogueur high-tech est plus tech que high ; c'est un geek imprégné de culture mainstream qui sait compiler des informations, mais sans en comprendre l'équation et sans réussir à ordonner ces données dans une perspective intelligible
 
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◉◉◉ Aujourd'hui, demain et après-demain : toutes ces spéculations autour de la montre finissent par prouver que le poignet reste un emplacement stratégique et recherché dans l'équipement de la personne. La montre traditionnelle y est en place depuis un siècle et elle ne sera pas facile à déloger : Mamy fait de la résistance ! Les nouveaux objets nomades souffrent de leur non-positionnement physiologique : si tout le monde a un poignet, tout le monde n'a pas de poche, ni de sac à main, ni de lunettes, ni même envie d'accrocher quelque chose à son oreille ou à son cou. Reste le poignet, objet de toutes les tentations. D'autre part, personne ne remet en cause l'hyper-connectivité de l'humanité à venir : les méga-réseaux nous promettent une méga-présence au monde, permanente et instantanée. Many to many, comme disent les Anglo-Saxons. Il faudra bien gérer l'outillage de ce raccord aux pulsations de la planète. On en revient la conjonction logique de la montre et de la connexion : Swatch et Apple en raccourci pour rester accessible, mais, demain, pour faire luxe, un zeste d'électronique dans l'alcool fort des mécaniques horlogères haut de gamme. En voilà des thèmes de discussion qu'on ne trouve jamais sur Internet ! En voilà des spéculations qui mériteraient une réflexion entre deux démarcations de dossiers de presse prémâchés.
◉◉◉ Leçon n° 6, et dernière de cette séquence : le blogueur est myope, en même temps que doué pour regarder le flot du mainstream par le petit bout de sa petite lorgnette ; fréquemment acéphale, il est finalement parasitaire dans sa confusion entre la communication et l'information. Bref, le blogueur est un blagueur, mais c'est pour ça qu'on l'aime, quand on ne le prend pas trop au sérieux et qu'on ne se prend pas soi-même trop au sérieux – tout en tentant de s'intéresser sérieusement à l'environnement horloger !
G.P.
 
 
 
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DES MONTRES ET DE LA COMMUNICATION HORLOGÈRE...
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