GPHG 2025 #30 (accès libre)
La démission des organisateurs de ce GPHG s’impose, avec une révision de tout le dispositif
Il faut sauver le soldat GPHG, qui doit rester un des pivots essentiels de la promotion des montres suisses, et non le show ridicule et foireux qu’il est devenu, largement axé autour des intérêts d’une coterie endogamique. Tout changer pour que rien ne change : un minimum de radicalité s’impose…
▶▶▶ À RELIRE (quelques épisodes récents de la séquence 2025)
••• Avec autant de fausses notes, cette remise des prix n’avait pas besoin d’animations musicales (Business Montres du 13 novembre)
••• Tout ce qu’on risque, c’est d’être heureusement surpris ! (pronostics prudents, mais pessimistes, pour le palmarès 2025 : Business Montres du 13 novembre)
••• Et toutes nos 27 chroniques précédentes, dont la présentation critique de chaque montre inscrite au GPHG, Business Montres étant le seul média horloger sur cette planète à publier une telle analyse exhaustive…
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Apparemment, nous n’avons pas les seuls à réagir avec une certaine stupéfaction à la cérémonie de remise des prix du GPHG 2025 : les échanges sur les réseaux sociaux étaient accablants, et c’est un euphémisme ! Une partie de l’indignation communautaire venait d’ailleurs du fait que beaucoup n’imaginaient pas qu’on puisse descendre aussi bas dans le ridicule – mais les ressources toxiques des organisateurs du GPHG semblent inépuisables. Cette double démonstration de nullité dans la présentation [quelle prestation non professionnelle pour un animateur venu en famille ! Pour quel cachet, d’ailleurs ?] et de connivence endogamique dans la distribution de médailles en chocolat était effectivement, plus que jamais, le Grand Prix de la Honte Genevoise (GPHG). On relira avec profit notre commentaire à chaud : « Avec autant de fausses notes, cette remise des prix n’avait pas besoin d’animations musicales » (Business Montres du 13 novembre) – à froid, nous n’avons rien à en retirer…
• Fait troublant : il n’y a qu’une infime minorité de médias horlogers qui ont relevé, comme Business Montres, l’aberration d’une Aiguille d’or attribuée à la montre Souscription de Breguet. Non que cette montre ait démérité [elle serait même plutôt réussie et elle aurait sa place dans d’autres catégories], mais elle n’avait rien à faire dans la catégorie « Iconique » [n’ayant jamais existé auparavant en tant que montre-bracelet et n’ayant donc jamais été « iconique » depuis 1797] et, avec sa seule aiguille en acier, elle n’avait rien d’une Aiguille d’or – sauf en admettant [le hasard fait bien les choses !] que son reclassement en Aiguille d’or permettait de surclasser la montre d’Audemars Piguet pour lui attribuer un prix « Iconique » que la Royal Oak méritait depuis longtemps. Précisons aussi, pour les gogos des médias horlogers, que cette Aiguille d’or n’était guère que le septième prix du GPHG attribué à Breguet (2002, 2003, 2005, 2006, 2014 x 2 dont une premier Aiguille d’or et donc 2025) : vous avez dit ‘entre-soi » genevois ?
• Autre anecdote ridicule, qui n’a, celle-là, été relevée par personne : l’attribution du prix « Chronométrie » à une sympathique montre Zenith qui n’avait pour « performances chronométriques remarquables » (article 2.20 du règlement intérieur du GPHG) qu’un malheureux certificat COSC que détenait la majorité des montres suisses présentes dans le concours (les jurés ont confondu le nom de la montre et le nom de son illustre ancêtre !). Sans doute ne fallait-il pas faire de peine au groupe LVMH, grand vainqueur de cette séquence 2025 avec un tiers des montres récompensées…

Donc, tout changer pour que rien ne change, selon l’immortelle injonction de Tancrède (Alain Delon) face au prince Salina (Burt Lancaster), dans Le Guépard tiré par Luchino Visconti du roman de Lampedusa. La citation exacte de la tirade est « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change », et c’est très exactement la radicalité qui s’impose pour préparer, dès maintenant, une édition 2026 qui sera le premier jalon capable de conduire le Grand Prix d’Horlogerie de Genève vers un demi-siècle digne de lui. Personne de doutant plus qu’il y a décidément quelque chose de pourri au royaume genevois des montres, quelques priorités se dessinent.
• Une reprise en main par les autorités de Genève (dont le GPHG est actuellement la « propriété » administrative) devient nécessaire pour enrayer les dérives de ces dernières années. Cette prise de conscience doit s’appuyer sur le constat que le GPHG n’est plus l’outil promotionnel promis, mais un repoussoir pour les quatre cinquièmes des vingt premières marques suisses. On ne compte qu’un tiers de marques vraiment « genevoises » dans le palmarès 2025 : encore une magnifique genferei (« genevoiserie ») ! Le GPHG est même devenu, non seulement un vecteur de critique de l’égocentrisme genevois [tout le monde en stigmatise l’entre-soi endogamique choquant], mais aussi un levier pour les concurrents exotiques de l’horlogerie suisse, massivement inscrits cette année à défaut d’être primés [zéro prix cette année dans les catégories officielles pour la grosse centaine d’outsiders entrés dans la compétition]…
• On doit même pouvoir envisager une dévolution de la fondation qui opère le GPHG au secteur privé, hors administration genevoise, et à un conseil de fondation représentatif des grandes puissances de l’horlogerie suisse, sans exclusive cantonale (groupes, grandes marques, réseaux de distribution, acteurs de l’amont industriel, médias, etc.). Il faut rendre le GPHG à toute la communauté horlogère, en neutralisant les coteries qui le cartellisent et qui en déforment la vocation…
• La démission de l’actuelle direction semble de rigueur, mais s’est-elle seulement rendu compte des trop nombreux dérapages de cette édition, tant dans l’enfumage d’un règlement intérieur jamais respecté que dans l’attribution des prix en dépit du bon sens (exemples ci-dessus) et, bien sûr, dans le déroulement d’une remise de prix funambulesque, gâchée par la nullité d’un Antoine de Caunes dont la fille n’a même pas pu masquer les insuffisances. Des bouffonneries indignes du GPHG dont la vocation devrait être la promotion de l’horlogerie suisse en général, et non sa décrédibilisation, année après année, comme on peut la vérifier à la liste interminable des marques qui ont choisi de s’en retirer : neuf des marques du Top 10, dix-huit des marques du Top 20, ce n’est pas rien. il serait cruel de mettre en face de ces désertions la répétitivité presque mécanique et hyper-concentrée de l'entre-soi genevois : en vingt-cinq ans de GPHG, l'excellent Jean-Christophe Babin (TAG Heuer, puis Bvlgari) n'a-t-il pas reçu vingt prix, soit quatre prix tous les cinq ans ?

• Le règlement intérieur doit être revu et corrigé, mieux refondé sur la base d’une nouvelle série de catégories officielles, qui reprendraient celles qui existent déjà en les améliorant par des sous-catégories plus affinées (par exemple, pour le prix « Challenge » ou la « Petite Aiguille, qui doivent être scindé en trois, ou les prix « Joaillerie » et « Métiers d’art », qui doivent être dédoublés selon des critères de prix). D’autres catégories sont à repréciser, avec un prix « Sport » plus spécialisé (plongée, aviation, automobile, etc.) ou le retour de catégories plus explicites (fuseaux horaires, calendrier, montres connectées, etc.). Il faut introduire de nouveaux concours horlogers autour du design, de l’audace créative, de la disruption ou de la responsabilité environnementale – comme catégorie officielle et non optionnelle. Ajoutons-y la possibilité, pour le jury « physique » [dont l’influence doit être pondérée et la composition épurée] de créer ponctuellement, chaque année, ses propres récompenses. Il manque aussi un prix qui a existé dans le passé [à notre demande, d’ailleurs] et qui récompensait le meilleur concepteur horloger de l’année…
• Puisque les votes de l’Académie fonctionnent correctement, pourquoi ne pas procéder à un sondage massif pour laisser aux académiciens le choix de ces nouvelles catégories ? Rappelons que cette Académie a été créée après de longues années de batailles en sa faveur par Business Montres, qui était alors le seul média à s’intéresser de près, de façon critique, au GPHG et qui a toujours argumenté autour de la nécessité de voir la communauté horlogère se réapproprier le GPHG : donnons à cette communauté le pouvoir de décerner des prix qui correspondent vraiment à ses vœux et aux réalités du marché. Ne serait-ce que pour éviter le spectacle clownesque d’un prix moyen des montres récompensées qui correspond à plus de 40 fois le prix moyen des montres suisses vendues dans le monde…
• La phobie irrationnelle de la direction du GPHG face à la création de nouvelles catégories de prix s’explique en partie par son conservatisme foncier et son manque d’imagination, mais aussi par son souci de maîtriser la cérémonie de remise des prix, déjà bigrement pénible avec une vingtaine de prix [trop long, trop ennuyeux, trop convenu, trop nul en un mot !]. Donnons-lui raison sur ce dernier point, mais une radicalité bien pensée doit conduire à l’élimination de cette cérémonie empesée et conformiste au profit de la production d’une « émission » de télévision parfaitement millimétrée au montage, conçue comme un spectacle, maîtrisée dans ses contenus, amusante à regarder, facile à doubler dans n’importe quelle langue et diffusable sur tous les canaux imaginables. « Émission » qui n’empêcherait pas l’organisation d’une soirée de remise de prix où elle serait projetée, avec le sacro-saint mais coûteux « dîner de cons », en présence de personnalités de la communauté horlogère qui font de plus en plus défaut [avez-vous compté, cette année, les dirigeants de marques qui n’étaient pas concernés : réponse zéro, le GPHG n’est plus, et de loin, l’événement fédérateur mondain qu’il était, mais un rendez-vous de seconds couteaux des marques, de wannabes et de nobodies parasitaires ?]. Le coût de production d’une telle « émission » est à comparer à celui du cacheton proposé à un gugusse parisien comme Antoine de Caunes et au coût de production actuel de la soirée, location de la salle comprise. Inconvénient de cette « émission » : elle obligerait la direction à travailler en amont du GPHG, et un peu plus de deux mois par an…

Ce n’est qu’avec une refonte totale et fondamentale de ses procédures que le GPHG a une chance de raccrocher les wagons avec les grandes marques qui ont fait sa réputation : en un quart de siècle, à part Rolex, à peu près toutes les marques du Top 20, voire du Top 30, ont été récompensées par un prix au GPHG, mais presque toutes ont pris le large. Cherchez l’erreur ! Si la géographie de ces marques a terriblement évolué et si le paysage de l’horlogerie s’est profondément modifié au cours de ce quart de siècle, le GPHG n’a pas changé et s’est contenté de replâtrer les murs pour sauver les apparences. Beaucoup de ces marques seraient disposées à revenir dans la compétition, voire à y venir enfin, mais avec d’autres modes de fonctionnement et d’autres assurances sur une qualité de prestations depuis longtemps disparue. Un grand chantier doit s’ouvrir pour 2026, qui inaugurera le second quart de siècle d’une institution qui doit cesser d’être le Grand Prix de la Honte Genevoise (GPHG) et qui peut retrouver son lustre passé. On vous laisse réfléchir là-dessus…

COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS

