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LE BLOC-NOTES DU SNIPER (week-end : accès libre)
Dix excellentes explications pour ne pas décrocher de l’actualité des montres

On va vous parler, entre autres, des Tontons macoutes du double tourbillon, d’un pauvre singe dévalué, de la vraie capitale de l’horlogerie, d’un malentendu sur le discompte et d’un designer surprimé – on en oublie, mais vous retrouverez tout ce petit monde dans les notes ci-dessous. En parlant de bloc-notes, l’excellent Sylvain Tesson nous explique avec bonheur : « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ».


❑❑❑❑  À NOS LECTEURS : de violentes cyberattaques ont tenté de nous faire taire. Qui, pour qui, pourquoi ? On vous laisse deviner ! Contre qui ? C’est évident, contre le seul média horloger qui assure tant bien que mal sa fonction de poil à gratter indépendant des pressions et des intimidations économiques. En attendant, nous avons réparé ce qui pouvait l’être, mais nous avons dû provisoirement fermer notre système d’achat à l’article, que nous sommes en train de repenser. Désolé pour les lecteurs occasionnels, mais nous avons décidé, pour compenser, de ramener à 5 francs suisses [un prix proche des 4 CHF qui était celui de chaque article] le prix de l’abonnement hebdomadaire, qui vous permet de profiter de toutes les informations pendant toute une semaine…

IN MEMORIAM…

Toutes nos pensées pour la famille et les proches de notre ami Hervé Laniez, qui nous a quittés la semaine dernière. Âgé de 71 ans, ce vétéran des grandes batailles horlogères du XXe siècle (ci-dessous) avait dirigé Seiko France pendant plus de vingt-deux ans, avant de prendre sa retraite en 2019 : il avait été un de ceux qui ont poussé la grande maison japonaise à s’européaniser, à la fois par l’ouverture de boutiques (comme la boutique parisienne dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés) et par l’autonomie stratégique accordée aux collections Grand Seiko. C’était un grand Monsieur, professionnellement et humainement…

FRUGALITÉ…

Le club des « grandes marques » d’horlogerie pourrait-il s’offrir les services d’un gourou qui leur expliquerait les tenants et les aboutissants la nouvelle frugalité, qui pourrait et devrait tout simplement se décliner en sobriété pour les marques de montres. Cette sobriété serait d’en faire « plus avec moins », en renonçant au « toujours plus », à l’« inutilement compliqué », au superflu, au trop riche », au « too much » et à tout ce qui se surajoute au plus-que-suffisant de la common decency. Ces marques – celles de l’oligopole qui concentre 90 % du chiffre d’affaires de l’horlogerie sur une quinzaine de maisons – devraient s’inspirer des « petites marques », qui pratiquent avec entrain la série courte et strictement contenue, l’édition intelligemment limitée, la frugalité mécanique et l’understatement statutaire sans le moins du monde renoncer à leur obligation créative. 

BREVET…

Selon une de ses vieilles habitudes, l’équipe de Greubel Forsey qui se charge de défendre la propriété intellectuelle de la maison (et de veiller sur ses brevets) semble repartie en chasse pour ce qui concerne les doubles tourbillons – subtilités mécaniques dont usent et abusent un certain nombre de marques parfois très inspirées par les idées horlogères défrichées par Robert Greubel et Stephen Forsey. Un de leurs brevets les plus solides dans ce domaine reste le n° EP1 706 796 B1 de 2007 (ci-dessous) : avant de voir débarquer les Tontons Macoutes de Greubel Forsey, à chacun de vérifier s’il ne piétine pas les plates-bandes de la manufacture de La Chaux-de-Fonds…

DÉMISSION…

Michel Loris-Melikoff, l’ex-directeur de Baselworld, qui avait fait ce qu’il pouvait pour sauver ce qui pouvait encore l’être [si peu, en fait !]raccroche les gants à Beaulieu (Lausanne), grand espace d’expositions et d’animations dont il avait pris la responsabilité au printemps 2022. As usual : « Divergences stratégiques avec le conseil d’administration ». Un nouveau projet horloger se dessinerait-il à l’horizon ?

TRISTESSE…

On peut comprendre la mélancolie de ce malheureux primate : cette « œuvre » était le premier NFT acheté en janvier dernier par Justin Bieber, un musicien et chanteur canadien qui avait payé 1,25 million d’euros pour ce neurasthénique Bored Ape. L’« œuvre » en question – il y avait en tout près de 3 000 singes dans cette collection de NFT –ne vaut plus que 70 000 dollars. La faute à l’effet domino de la faillite FTX. Aujourd’hui, quand on vous parle de NFT, traduisez immédiatement par « attrape-couillons en forme d’œuvre d’art » – ceci s’entendant dans le domaine artistique autant (sinon plus) que dans le domaine horloger…

EXPLOSION…

Si FTX a explosé en vol en moins d’une semaine, en créant des faillites en série dans le plus pur style « effet domino » [c’est loin d’être terminé !], pourrions-nous assister à l’explosion en vol de Twitter, un des piliers apparemment les plus résilients de notre planète numérique ? La faute à Elon Musk, qui ne semble pas toujours très rationnel dans ses décisions stratégiques. La faute à la perte de confiance des utilisateurs de cette plateforme prise à contre-pied en plein reformatage. La faute à la faiblese congénitale de Twitter, qui encore très loin d’avoir trouvé un modèle économique pérenne. On peut se demander si la survie même du moineau bleu n’est pas menacée…

PERSPECTIVE…

Certains imaginaient déjà que la reprise des ventes de montres de luxe en Europe découlait d’une improbable nouvelle prospérité des amateurs locaux ou d’une nouvelle flambée de passion horlogère de la part des nouvelles générations. On découvre – il était temps ! – qu’il ne s’agit en fait que d’un transfert de ventes qui ne se font pas aux États-Unis et dans la zone dollar [où les marques continuent imperturbablement à bourrer les tiroirs des détaillants et à surstocker leurs filiales] pour se faire dans la zone euro, où les prix des biens de luxe sont en moyenne 38 % moins élevés qu’aux États-Unis – ce qui pousse les touristes à dépenser 80 % de plus qu’avant la pandémie dans des destinations de shopping comme Paris ou Milan (source Planet et Wall Street Journal). C’est presque encore plus vrai à Londres avec la chute de la livre sterling par rapport au dollar. C’est pour lutter contre ce discount que les marques horlogères multiplient ces temps-ci leurs augmentations de prix…

SHENZHEN…

Vous n’en aviez peut-être pas conscience, mais le Quotidien du Peuple (gazette officielle du pouvoir central chinois) nous le rappelle dans un de ses récents articles : la capitale mondiale de l’horlogerie n’est sans doute pas à rechercher en Suisse, mais à Shenzhen, en Chine, plate-forme horlo-industrielle où s’activent près de 200 marques chinoises (!) et qui assure 42 % des volumes de la production mondialede « composants » horlogers [rappelons que la Chine produit – en volume – 80 % des montres mises chaque année sur le marché à travers le monde]. La seule place de Shenzhen représente 53 % de la production chinoise, ce qui permet au Quotidien du Peuple d’en faire la « capitale chinoise de l’horlogerie ». Les 200 marques actives à Shenzhen comptent pour 70 % de l’activité de toutes les marques chinoises, qui semblent actuellement bien décidées à repartir à l’assaut des marchés internationaux. Rappelons tout de même que la Suisse horlogère, qui ne représente guère que 2 % à 3 % de la production mondiale en volume, réalise plus de 70 % du chiffre d’affaires de l’industrie horlogère internationale. Conclusion en langue de bois communiste : « La route du succès est aussi longue et dure que le fer, et maintenant nous avançons depuis le début. L'industrie horlogère de Shenzhen s'efforce d'intégrer “la mode + la technologie” et s'oriente vers un avenir plus radieux avec une nouvelle attitude ». Vous êtes rassurés ?

TIGRE…

L'actualité des montres n'est pas assez joyeuse pour qu'on vous prive d'une bonne occasion de rigoler : nous espérons que vous n'avez pas manqué cette histoire de lapin devenu tigre dans un communiqué officiel de Vacheron Constantin (« Vacheron Constantin met un tigre dans son lapin » : Business Montres du 17 novembre). Non, hélas, ce n'est pas une fake news...

PARALLÈLE…

Les concours de beauté comme le GPHG sont comme des poupées russes : il y a toujours une compétition parallèle à la compétition officielle. De même qu’on peut s’interroger sur la quantité phénoménale de prix attribués auparavant à des marques primées à nouveau au GPHG 2022, il existe un concours non officiel entre les designers horlogers dont les montres ont été récompensées par le GPHG depuis ses premières éditions. Sur le podium, loin devant ses concurrents, émerge Éric Giroud, avec, selon nos compteurs, quatorze prix au GPHG…

QUESTION…

Allez, un dernier point d’interrogation pour la route : faut-il se taire quand tout le monde le pense autour de vous ? De l’avis quasiment unanime de personnalités provenant de différents horizons de la communauté horlogère, même si la totalité générale de nos commentaires sur le GPHG (Grand Prix d’Horlogerie de Genève) a pu paraître « mordante » et parfois trop « dure » à certains, elle n’a paru injustifiée à personne. Nos conclusions étaient les conclusions globalement tirées par une communauté horlogère un peu interloquée par la dérive du GPHG dans un entre-soi sans vergogne, par la récompense accordée à des hommes [en fonction de la cote d’amour personnelle auprès des jurés]plus qu’à des marques ou surtout à des montres [ce qui est tout de même la mission du GPHG] et par l’influence pernicieuse des ragots microcosmiques auprès cette camarilla d’insiders sans doute un peu trop embedded dans les querelles internes de la communauté. Parler ou se taire ? That is the question

 

Coordination éditoriale : Eyquem Pons


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