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GPHG 2025 #16 (accès libre)
Dix bonnes raisons d’aimer (ou pas) dix folies hyper-mécaniques du GPHG

En parallèle avec nos pages « Repérages » habituelles, nous proposons cet été un « repérage » des montres inscrites pour le prochain GPHG, dans l’ordre choisi par le GPHG, mais dans le cadre d’une revue critique, éclairée et commentée. De quoi aider les académiciens à faire leur choix. Voici donc dix montres de dix marques en quête d’un prix au soir de la finale : Armin Strom, Chronoswiss, Greubel Forsey, Hazemann et Monnin, HYT, Jacob & Co., Louis Vuitton, Luca Soprana, Mandetbrote et Qian Guobiao…


En toute transparence, avant d’être critiquées (au meilleur sens du terme) et appréciées, ces nouveautés sont expliquées dans la jamais trop fleurie « langue de boîte » : c’est la langue usuelle de nos « amies les marques » et c’est la langue de bois des « boîtes » d’horlogerie. Dans tous les styles et à tous les prix, venues de Suisse ou d’ailleurs, au masculin comme au féminin, quelles montres les académiciens vont-ils devoir sélectionner ? Certaines de ces montres ont déjà été présentées par Business Montres, mais nous y revenons avec plaisir ! Place à un nouvel épisode de notre panorama du GPHG 2025, avec nos commentaires critiques sur dix montres de dix marques…

(dessin publié en novembre 2024)

ARMIN STROM Dual Time GMT Resonance Manufacture Edition

Quand deux oscillateurs battent à l'unisson : au cœur de cette prouesse horlogère se trouve le calibre ARF22 — notre dix-huitième mouvement manufacture, entièrement conçu, développé et assemblé dans nos ateliers à Bienne. Doté de deux balanciers oscillant en résonance, ce mouvement permet à leurs vibrations de se synchroniser et de se réguler mutuellement, garantissant une précision inégalée. Composé de 231 composants méticuleusement élaborés, l’ARF22 fonctionne à 25 200 alternances par heure et offre une réserve de marche de 42 heures. La fonction GMT de cette pièce d’exception propose deux affichages indépendants, chacun doté de son propre indicateur jour/nuit. De plus, grâce à aux aiguilles des heures et des minutes réglables indépendamment, il est possible de définir des fuseaux horaires décalés du GMT par fractions d’heure — faisant de la Dual Time GMT Resonance Édition Manufacture un choix idéal pour les grands voyageurs, que vous soyez à Bienne, New York ou New Delhi. Mais la véritable essence de cette montre réside dans son cœur mécanique. Là, notre ressort de résonance breveté garantit la stabilité de la résonance, même en mouvement — marquant ainsi une étape majeure dans l’histoire horlogère et propulsant la mesure du temps à un nouveau niveau d’Art et de Science. L’esthétique monochrome de la montre, associée à un bracelet en alligator taupe brillant, va bien au-delà du simple attrait visuel : elle met en valeur les véritables vedettes de cette pièce — des centaines de composants décorés à la main, dont beaucoup sont visibles grâce à notre signature esthétique à mécanisme apparent. Chez Armin Strom, nous croyons que chaque minuscule rouage mérite d’être vu, car chacun joue un rôle essentiel dans la précision et la beauté du mouvement.

UN COMMENTAIRE ? C’est exactement la montre qui doit avoir sa place dans la catégorie « Exception mécanique », où vont concourir quatorze montre, soit un peu plus d’une sur deux à éliminer – ce qui ne sera pas facile. Il faut compter dans les 98 000 francs suisses pour ce boîtier en acier de 39 mm x 9 mm d’épaisseur, étanche à 50 m et doté d’un mouvement à remontage manuel garantissant 42 heures de réserve de marche. Le concept mécanique est très astucieux, la réalisation esthétique très harmonieusement : il serait très étonnant que les académiciens présélectionneurs ne soient pas sensibles à l’intégrité d’une montre qui porte la signature d’une maison indépendante dont le parcours est jusqu’ici impeccable…

CHRONOSWISS Q-Repeater Scream

Chronoswiss dévoile la Q-Repeater Scream, une montre d’exception qui marie la beauté acoustique de la « Quarter Repeater » à une architecture mécanique avant-gardiste. Les horlogers de Lucerne signent ici une réinvention audacieuse du son, du design et de l’horlogerie indépendante, profondément enracinée dans l’histoire de la marque. Logée dans un boîtier en titane Grade 5, cette pièce squelettée de 42 mm révèle les rouages complexes de sa complication sonore. Chaque pression sur le poussoir à 10 heures active le fascinant mécanisme de répétition à quarts : les marteaux frappent pour marquer les heures et les quarts d’heure, transformant le temps en véritable expérience sensorielle. Au cœur de cette création bat un mouvement historique, fruit de la vision du fondateur Gerd-Rüdiger Lang. Introduit dans les années 1990 et produit exclusivement pour Chronoswiss, ce calibre a été extrait des archives, restauré avec minutie et réinterprété dans l’Atelier de Lucerne. Résultat : une connexion saisissante entre tradition et modernité. Ce que les horlogers de Lucerne ont accompli ici, c’est l’évolution ultime : un cœur chargé de mémoire, d’émotion et de savoir-faire, revêtu d’une enveloppe mécanique taillée pour le siècle à venir. Ce n’est pas la répétition des quarts de votre grand-père. La Q-Repeater Scream est un manifeste sonore et visuel : un design ultra-expressif allié à une précision mécanique hors norme. Son cadran en trois dimensions est à la fois scène et sculpture : les ponts en CVD bleu électrique, orange et violet soutiennent l’anneau des minutes de couleur vert Paraïba, l’heure flottante et la petite seconde. À 1 heure, le spectacle atteint son apogée – les marteaux, prêts à frapper, livrent un concert de rock mécanique à chaque activation.

Comme son nom l’indique, ici, on ne se contente pas de voir. On écoute. Chaque sonnerie est un cri d'innovation, loin des codes de la répétition classique. Même le calibre hérité prend part à la performance : les blocs Super-LumiNova et les ponts guillochés à la main – dont l’un s’anime lors de l’activation – contribuent à l’énergie brute du cadran. Les horlogers nomment les blocs lumineux en céramique les « chicken heads », clin d’œil humoristique aux boutons d’ampli des scènes de rock, conçus pour monter le son et électriser l’instant. Revêtue d’un boîtier de 42 mm en titane, la Q-Repeater Scream est limitée à 25 exemplaires seulement. Le nombre extrêmement réduit de mouvements disponibles fait de chaque pièce un objet de collection rare – peut-être l’ultime représentation de cette mécanique culte. La Q-Repeater Scream est le reflet de la volonté de Chronoswiss de repousser les frontières de l’horlogerie. Avec seulement 25 pièces par modèle, la famille Q-Repeater est plus qu’une série limitée : elle est une déclaration audible de savoir-faire indépendant. Ce n’est pas simplement une montre. C’est une expérience sonore. Un manifeste pour ceux qui osent voir – et entendre – le temps autrement. Chronoswiss n’a jamais suivi les chemins tout tracés. L’avenir de l’horlogerie indépendante commence ici, avec un carillon.

UN COMMENTAIRE ? La sonnerie comme « cri d’innovation », il fallait l’inventer ! Chronoswiss s’y risque avec une pièce qui ne manque pas de convictions : il faut compter dans les 38 000 francs suisses pour ce boîtier en titane de 42 mm x 16 ,2 mm, étanche à 30 m et motorisé par un calibre à remontage automatique (35 heures de réserve de marche) qui sonne les quarts. Tous ces arguments suffisent-ils pour assurer à cette Chronoswiss une place en présélection : ce n’est pas évident au vu de la concurrence dans cette catégorie « Exception mécanique », où les outsiders suisses sont redoutables, ni d’ailleurs un prix en finale…

GREUBEL FORSEY Nano Foudroyante

Greubel Forsey dévoile la toute première édition limitée officielle de sa Nano Foudroyante : un Garde-temps révolutionnaire né de plusieurs années de recherche, désormais pleinement abouti, au-delà de son statut originel d’Experimental Watch Technology (EWT). Limitée à seulement 22 exemplaires, cette création marque un nouveau chapitre décisif dans l’histoire de la 10e Invention Fondamentale de Greubel Forsey. Initialement présentée en 2024 sous forme d’édition commémorative EWT, la Nano Foudroyante représentait alors le concept technique le plus radical jamais conçu par Greubel Forsey. Aujourd’hui, elle devient une création à part entière – totalement indépendante de toute référence anniversaire ou expérimentale. La nouvelle Nano Foudroyante est dès à présent habillée entièrement en or gris, remplaçant la combinaison initiale d’or gris et de tantale. Son identité architecturale a également évolué : le cadran en or est désormais rhodié, avec une minuterie bleue, tandis que les aiguilles sont en acier bleui, avec des canons assortis. Le cadran foudroyant est désormais blanc, avec chiffres décalqués, renforçant la lisibilité et faisant écho à l’esthétique épurée de l’ouverture sur le tourbillon. Un bracelet en caoutchouc texturé bleu parachève cette esthétique – une évolution affirmée par rapport à l’édition d’origine, et l’expression d’une personnalité propre. Au cœur de ce Garde-temps se trouve une idée profondément disruptive : la nanomécanique – c’est-à-dire la maîtrise de l’énergie à l’échelle du nanojoule dans un mouvement mécanique. Ce changement de paradigme permet à la Nano Foudroyante de faire fonctionner sa complication éponyme avec seulement 16 nanojoules par saut, contre 30 microjoules pour les conceptions traditionnelles – soit une réduction spectaculaire d’un facteur de 1800. La complication divise chaque seconde en six fractions grâce à une aiguille ultralégère, traitée rouge, effectuant une révolution complète par seconde. Celle-ci est entraînée directement par les oscillations du balancier à 3 Hz. Aucun rouage classique n’est utilisé : une série minimaliste de roues à faible inertie assure la distribution de l’énergie dans le mouvement.

Le mécanisme Nano Foudroyante est intégré dans le premier tourbillon volant jamais conçu par Greubel Forsey, devenant ainsi un point focal aussi bien visuel que technique. Le cadran dédié à cette foudroyante reste en permanence orientée vers 12h, même lorsque le tourbillon est en rotation – garantissant une lisibilité optimale. Le Garde-temps est équipé d’un remontage manuel avec fonction flyback, protégé par deux brevets, et composé de 428 composants (dont 142 pour la cage du tourbillon). Malgré cette complexité, le mouvement ne mesure que 31,60 mm de diamètre et s’inscrit dans un boîtier en or gris de 37,90 mm – le plus compact jamais créé par Greubel Forsey. Le boîtier présente une lunette avec glace saphir fortement bombée, un fond ouvert ainsi qu’une carrure satinée à la main. Les gravures en relief – « Nano Foudroyante » et « Greubel Forsey » – se détachent avec éclat sur un fond martelé main. Ce Garde-temps incarne la maturité et la volonté, conçu pour 22 collectionneurs qui vivront l’expérience du Garde-temps le plus compact, économe en énergie et conceptuellement ambitieux jamais créé par Greubel Forsey.

UN COMMENTAIRE ? On aimerait être certain que cette montre, esthétiquement superbe et d’une rare puissance innovante, est plus qu’un prototype expérimental fonctionnel et qu’elle répondra, en novembre, aux réquisits du règlement intérieur concernant la commercialisation avant octobre. Le prix est nettement plus élevé que l’objectif de 2004, qui jaugeait cette montre autour des 320 000 francs suisses, alors qu’elle est affichée un an plus tard à 502 000 francs suisses [altitude à laquelle l’oxygène commercial est raréfié, avec des collectionneurs plus frileux que jamais]. Sinon, ce boîtier en or blanc de 37,9 mm x 14,3 mm d’épaisseur, étanche à 30 m et animé par un mouvement à remontage manuel doté de 40 heures de réserve de marche, est un des favoris pour la finale, à condition de passer le cap de la présélection, qui ne sera sans doute qu’un formalité pour la Nao Foudroyante, montre pionnière du nouveau champ d’expression prometteur des nanomécaniques…

HAZEMANN ET MONNIN Sonnerie au passage - Heure sautante instantanée - Calibre HM01

La Montre École Hazemann & Monnin rend hommage à la pièce fondatrice qui a scellé la rencontre entre ses deux créateurs. Inspirée de la montre école réalisée durant leurs études, elle marque l'origine de l'atelier Hazemann & Monnin. Ce garde-temps réinterprète cette première pièce avec un mouvement entièrement conçu, fabriqué et décoré en interne : le calibre HM01. Véritable défi horloger pour une première pièce commercialisée, le calibre HM01 a été pensé dès l'origine, sans reprise d'aucune base existante. Il incarne la volonté des fondateurs d'inscrire leur démarche dans une indépendance technique et esthétique totale. Ce mouvement intègre deux complications rares : la sonnerie au passage et l'heure sautante instantanée. Celles-ci fonctionnent de manière parfaitement synchronisée. À chaque heure pleine, la montre sonne le passage des heures avec élégance, accompagnant le saut immédiat de l'aiguille des heures. Une chorégraphie mécanique à la fois précise et poétique. D'un diamètre de 39,5 mm, la boîte mêle héritage et modernité, avec des proportions équilibrées, fidèle à la vision d'une horlogerie artisanale et authentique. La Montre École est plus qu'un hommage. Elle s'inscrit dans la tradition des montres écoles horlogères du XXe siècle, symboles de transmission, d'exigence et de passion partagée. Édition limitée à 10 pièces.

UN COMMENTAIRE ? La jeune génération des nouveaux horlogers apprend vite et ne perd pas son temps en apprentissage : elle passe à l’acte avant même sa sortie de l’école d’horlogerie, en créant le calibre mécanique innovant qui assurera d’emblée la notoriété des horlogers juniors auprès des collectionneurs. Cette montre en souscription peut en témoigner : elle est déjà quasiment pré-vendue (il faut compter dans les 59 000 francs suisses – là encore, la leçon a été assimilée ! – pour ce boîtier en acier de 39,5 mm x 10,9 mm d’épaisseur, étanche à 30 m et doté d’un mouvement à remontage manuel disposant de 50 heures de réserve de marche, avec sonnerie et heures sautantes au programme en plus de heures, des minutes et des secondes. Ce serait la première fois qu’une « montre école » l’emporte dans cette catégorie « Exception mécanique », mais Hazemann et Monnin ont un esprit pionnier des plus prometteurs : leur présélection paraît gagnée d’avance grâce aux académiciens qui comprendront le message et leur place sur le podium pas si impossible que cela, même face aux poids lourds plus connus de la catégorie…

HYT S1 Beadblasted Titanium Red

La HYT S1 Beadblasted Titanium Red inaugure une nouvelle ère esthétique pour la manufacture suisse en devenant la première montre de sport de la collection permanente à adopter un traitement de surface microbillé intégral. Cette création révolutionnaire transcende les codes du design horloger contemporain en fusionnant la technologie fluidique brevetée d'HYT avec un traitement de surface d'avant-garde qui évoque l'exploration spatiale. Le boîtier octogonal en titane de 45,3 mm révèle une finition microbillée sophistiquée alternant les zones revêtues noir mat et les surfaces titane naturel brossé, créant un contraste saisissant qui semble défier les lois de l'apesanteur. Cette prouesse technique nécessite une maîtrise parfaite des pressions et des angles d'impact pour obtenir cette texture granuleuse uniforme qui capture et diffuse la lumière de manière hypnotique. Le cadran ajouré en laiton révèle un traitement noir et rhodium contrastant avec les appliques plaquées or noir, créant un arrière-plan idéal pour mettre en valeur le fluide rouge vif qui circule dans le tube capillaire en verre borosilicate médical. Le mouvement manufacture 501-CM de 352 composants orchestre l'affichage hybride unique combinant les heures rétrogrades indiquées par le fluide rouge incandescent et l'indication des minutes par une aiguille centrale satinée or noir. Cette création transcende les époques en mariant l'inspiration des vaisseaux spatiaux du futur, la précision du microbillage industriel moderne et l'innovation fluidique du XXIe siècle, le tout dans un ensemble étanche à 50 mètres livré avec deux bracelets interchangeables.

UN COMMENTAIRE ? C’est réconfortant de revoir HYT dans la compétition du GPHG, avec une nouvelle « machine » fluidique et des nouvelles ambitions : la taille n’a malheureusement pas varié (boîtier en titane de 45,3 x 46,3 mm x 17,2 mm d’épaisseur, étanche à 50 m et doté d’un mouvement à remontage manuel donné pour 72 heures de réserve de marche), ce qui démode légèrement HYT face à la puissance irrésistible des montres placées sous les 40 mm, et le prix n’a pas non plus évolué, sinon dans le mauvais sens : il faut compter dans les 62 000 francs suisses pour cette « sportive chic » pas comme les autres, qui ne manque pas d’atouts à faire valoir pour être admise dans la présélection, mais qui aura du mal à prouver ses lettres de noblesse exceptionnellement mécaniques et fluidiques dans cette catégorie [seul le style a changé par rapport aux premières générations d’HYT, mais pas le mouvement !]

JACOB & CO. Bugatti tourbillon

Au sommet de la grande complication automobile : la Bugatti Tourbillon a été créée par un processus de design intégré entre Jacob & Co. et Bugatti Automobiles. Ses lignes, ses détails, sa boite, son mouvement, ses cadrans et son architecture sont issus des mêmes principes que la Bugatti Tourbillon. Elle en a les caractéristiques esthétiques, elle offre les mêmes sensations que cette machine dont le V16 effectue le 0 à 300 km/h en 10 secondes. Elle en a également le nom. En harmonie avec l'architecture moteur actuelle de Bugatti, la Bugatti Tourbillon intègre un automate en forme de bloc moteur V16, dont le vilebrequin en acier actionne 16 pistons dans une enceinte de verre saphir. L'animation du moteur dure 20 secondes avec une seule recharge de ses deux barillets dédiés, elle peut être répétée un total de 20 fois. Le tourbillon qui régule la marche du mouvement de la Bugatti Tourbillon est rapide. Sa période de rotation est de 30 secondes, comme un tourbillon à double vitesse. Le tableau de bord de la Jacob & Co. Bugatti Tourbillon reprend l'implantation de celui de la Bugatti Tourbillon. A gauche, le tourbillon 30 secondes. À droite, un indicateur concentrique rassemble la réserve de marche de l'automate et du mouvement. Au centre, le cadran inspiré d'un compte-tours intègre un jeu unique de complications : les heures sont sautantes et rétrogrades et les minutes sont rétrogrades. Jacob & Co. démontre sa détermination et sa créativité dans le domaine de la grande complication créative, avec un automate unique en son genre, combiné à un affichage aux complications inédites, couplé à un tourbillon à pont saphir, le tout dans une boite au design typé ultra automobile.

UN COMMENTAIRE ? Mécaniquement, c’est aussi ingénieux qu’amusant. Horlogèrement, c’est aussi spectaculaire qu’innovant. Comme il faut quand même compter dans les 357 000 francs suisses pour ce jouet de garçon (boîtier en titane de 44 mm x 52 mm x 15 mm d’épaisseur, étanche à 30 m et mécanisé par un mouvement à remontage manuel qui prévoit 80 heures de réserve de marche), on peut néanmoins se poser la question : est-ce encore une montre ? Est-ce encore de l’horlogerie ou n’est-ce pas un art hybride, qui aurait d’ailleurs pu trouver une meilleure place en « Horloge mécanique » (12 pendules et horloges en compétition) plutôt qu’en « Exception mécanique », où les académiciens présélecteurs auront du mal à lui faire une place pour la propulser en finale, où ce chef-d’œuvre de micro-mécanique innovante n’a pas vraiment sa place ? ëtre ou ne pas être dans la bonne catégorie : Jacob & Co. s’y emploie depuis des années sans jamais trouver la bonne formule…

LOUIS VUITTON Escale au Pont-neuf

La montre de poche Escale au Pont-Neuf est le deuxième volet magistral de la collection Escales Autour du Monde, rendant hommage à la ville historique de la Maison située sur la rive droite du Pont Neuf – le plus ancien pont de la capitale française. Le garde-temps concentre les expertises des métiers de la Haute Horlogerie et la maîtrise des Métiers d’Art, conjuguant la virtuosité d’un automate à répétition minutes, d’un tourbillon et de sept animations à automates, tous alimentés par le calibre LFT AU14.03 à remontage manuel. Développé entièrement en interne, il s’agit du mouvement le plus complexe jamais créé par La Fabrique du Temps Louis Vuitton, nécessitant plus de 500 heures d’assemblage. La scène prend vie grâce à sept animations et 13 éléments mobiles : à 12 heures, une rose des vents en or tournoie dans le sens horaire et scintille dans un ciel bleu ponctué de Fleurs de Monogram Louis Vuitton. La péniche glisse de droite à gauche tandis que sa précieuse cargaison s’ouvre lentement pour révéler des Fleurs de Monogram en or. Le drapeau français se dresse à la proue du bateau avec, en arrière-plan, une bannière orange vif indique l'emplacement du siège historique de la Maison. Perché sur les branches d'arbres au feuillage automnal, un couple de moineaux contemple la scène.

Les sept éléments ont été ciselés dans des couches d’or d'une extrême finesse selon la technique du bas-relief qui consiste à sculpter directement la matière à sa surface. Sublimant le remarquable travail de gravure, deux techniques d’émail - l’émail miniature et le champlevé - ont été utilisées sur cette création exceptionnelle. 30 couleurs ont été sélectionnées, dans différentes nuances de vert, de bleu, de marron et de blanc. Au total, 500 heures ont été nécessaires pour réaliser le cadran. Le garde-temps se distingue également par la richesse des motifs Art Nouveau finement gravés de sa boîte, son jeu de volumes et sa lunette sertie de 60 pierres de couleur taille baguette totalisant 3,85 carats. La montre s'accompagne d’une malle réalisée sur-mesure dans les ateliers historiques de la Maison à Asnières, ainsi que d’un sac exclusif rappelant les sacoches de médecin. Inspirée du Motor’s bag dévoilé en 1906 afin de répondre à l'essor du voyage en automobile, cette création a été spécialement imaginée pour accueillir la montre de poche dans son compartiment central.

UN COMMENTAIRE ? Il faudrait peut-être expliquer à nos amis de l’horlogerie Louis Vuitton qu’une montre n’est pas un objet de vitrine, mais, à travers le lien d’intimité que procure tout objet de poignet, la prolongation d’une personnalité en même temps que l’affirmation d’un caractère. Accessoirement, rappelons leur que le GPHG est un concours de beauté entre des montres, pas une espace de démonstration virtuose en matière de métiers d’art. il faudra compter dans les 3,1 millions de francs suisses pour ce tourbillon répétition minutes à automate (boîtier de 50 mm x 18,8 mm d’épaisseur, étanche à 30 m et doté d’un mouvement à remontage manuel capable de tenir 192 heures sans être remonté). S’agit-il pour autant d’un bon candidat pour la finale du prix de l’« Exception mécanique » ? On peut en douter, quoique cette pièce unique ne manque pas d’arguments mécaniques à faire valoir, mais ils ne sont pas exceptionnels. N’aurait-elle pas été plus à l’aise en « métiers d’art » à la place de la Tambour qui occupe la place ? Sans doute, mais les présélecteurs en décideront d’ici à la fin août…

LUCA SOPRANA x Derek Pratt (remontoir d’égalité)

Luca Soprana en tant qu’artisan horloger revendiquant une horlogerie pure et sans compromis, fondée sur les valeurs des codes de la belle mécanique, porte hommage à l’héritage d’un horloger anglais, Derek Pratt. Ce garde-temps perpétue l’héritage exceptionnel de cet horloger anglais connu uniquement des fins connaisseurs de l’horlogerie du XXe siècle. Sa discrétion légendaire n’a eu d’égal que l’importance de sa contribution au développement de certains calibres, et notamment sa collaboration avec Georges Daniels a été décisive pour la mise au point de l’échappement co-axial industrialisé plus tard par Omega. Derek Pratt a fabriqué des montres de poche pour Urban Jürgensen dont la fameuse « Oval watch » vendue aux enchères récemment. Utilisant le concept mécanique que Derek Pratt avait perfectionné dans des échappements à tourbillon, le remontoir d’égalité à la seconde sur came de Reuleaux, Luca Soprana a parachevé l’œuvre du maître qui avait été débutée en 2009. Le garde-temps « Derek Pratt by Luca Soprana “Remontoir d’égalité” » est un hommage à une conception de l’horlogerie axée sur la maîtrise technique et une esthétique épurée. En 2022, Luca Soprana s'est attelé à la tâche monumentale de donner vie au rêve inachevé de Pratt : créer la montre-bracelet emblématique qui n'avait jamais été réalisée, et démontrer que le système de remontoir à la seconde qu’il avait utilisé sur le tourbillon, pouvait aussi bien fonctionner sur un échappement « statique ». Avec un respect méticuleux pour les dessins originaux de Pratt et sa propre vision audacieuse, Soprana n'a pas seulement achevé ce chef-d'œuvre, il l'a élevé à un niveau de raffinement et de maîtrise qui semblaient jusqu'alors inaccessible. C'est ainsi que le Remontoir d'Égalité Derek Pratt a finalement vu le jour en 2024 avec une série limitée et cette nouvelle version avec un cadran à chiffres romains présentée en 2025.

Entièrement conçu et réalisé dans l’atelier de Luca Soprana le calibre DP07 à remontage manuel se distingue par son système de remontoir d’égalité qui fait office de force constante à l’aide d’un triangle de Reuleaux. En prise directe sur le pignon de remontoir qui réarme le ressort moteur chaque seconde, la trotteuse de la petite seconde placée à 7h30 heures saute en marquant le pas. Les deux barillets sont magnifiquement suspendus sans être cachés par un pont. Une croix de Malte limite la réserve de marche à 40 heures pour s’assurer que le remontoir ne s’arrête jamais de fonctionner. En rendant la transmission d’énergie extrêmement stable (variation d’amplitude de max 3 degrés), le mécanisme permet un isochronisme et donc une précision de marché très élevée. L’échappement doté d’un spiral à courbe Breguet est magnifiquement mis en valeur par une architecture de mouvement très subtile. Le coq de forme conique et bercée suit la cohérence d’une décomposition visuelle des différents éléments de l’organe réglant. Le système de remontoir d’égalité est bien visible avec son esthétique très marquante et chère à Derek Pratt, avec la géométrie du triangle de Reuleaux. La platine avec un décor « frosted » marque un très joli contraste avec les ponts en poli bloqué et le pont barillet grainée mat. Le mouvement est signé du nom de Derek Pratt et orné d’une plaquette « Derek Pratt Invenit ». Suivant la logique d’une esthétique subtile du calibre, le cadran en maillechort décoré au ruthénium est décoré d’une minuterie « chemin de fer », d’index en chiffres romains gravés et décorés avec de la laque noire. Une petite seconde est visible sur un compteur à 07h30 décoré d’un tour de minute en « chemin de fer » et mis en couleur avec de la laque noire. Les aiguilles d’heures et minutes sont en acier bleui de forme flèche, celle de la petite seconde est de forme losange. Le cadran est signé du nom de Derek Pratt. Luca Soprana marque ainsi son hommage en tant que légataire spirituel sans même apposer son nom sur ce garde-temps qu’il a créé. Le boîtier est d’un classicisme tout en sobriété avec une alternance des terminaisons en poli et brossé vertical. Les cornes sont rapportées et soudées pour parfaire une esthétique tout en subtilité.

UN COMMENTAIRE ? Ce tourbillon est doublement élégant. D’une part, par son esthétique dépouillée de tout artifice et de tout faux-semblant technique : on va ici à l’essentiel. D’autre part, par la sincérité discrète de l’hommage rendu à Derek Pratt par son fils spirituel le plus direct et le plus légitime – qui ne signe même pas cette montre. Il faut compter dans les 100 000 francs suisses pour ce boîtier en acier de 41,5 mm x 12,6 mm d’épaisseur, étanche à 30 m [on aurait attendu mieux] et mû par un exceptionnel mouvement à remontage prévu pour 40 heures de réserve de marche. Le remontoir d’égalité est sublime de sobriété. Inutile de dire aux académiciens qu’ils ne peuvent pas manquer de présélectionner cette pièce hors du commun, pas plus qu’il ne sera difficile de convaincre les jurés de la finale de lui accorder ce prix de l’« Exception mécanique » qu’elle mérite – ne serait-ce que pour rendre à Derek Pratt les honneurs qui lui reviennent. À défaut, on pourra toujours repêcher l’excellent mais trop discret Luca Soprana en « Révélation »…

MANDETBROTE Secret Orbital Time

Puisant son inspiration dans l’univers énigmatique des messages codés et des significations cachées, le Secret Orbital Time est une montre-bracelet mécanique extraordinaire qui transforme notre perception du temps en une expérience immersive et poétique. Cette pièce horlogère se situe à la croisée d’un design visionnaire et d’un savoir-faire traditionnel, incarnant une nouvelle frontière de l’innovation micro-mécanique. Au cœur du Secret Orbital Time se trouve un système révolutionnaire d’aiguille des minutes orbitale entraînée par un engrenage, où l’aiguille des minutes tourne avec grâce autour d’un engrenage secondaire, dessinant une trajectoire orbitale fascinante à travers le cadran. En complément, les heures sont élégamment indiquées par un disque rotatif, créant une esthétique minimaliste et futuriste qui met en valeur la clarté et la finesse. Dans un choix délibéré de rupture avec l’horlogerie traditionnelle, la montre omet intentionnellement l’aiguille des secondes — invitant ainsi le porteur à adopter une perception du temps plus méditative et étendue, au-delà de chaque instant fugitif. Ce choix accentue non seulement la pureté du cadran, mais enrichit aussi la narration conceptuelle de la montre, transformant la mesure du temps en un voyage introspectif. Le boîtier est façonné dans un acier inoxydable usiné avec précision et surmonté d’un verre saphir résistant aux rayures, garantissant à la fois durabilité et une visibilité cristalline. Chaque version du cadran déploie sa propre histoire — une énigme, un voyage, ou un secret — invitant à une interprétation personnelle et à une connexion intime. Bien plus qu’une simple montre, le Secret Orbital Time témoigne d’une ingéniosité mécanique et d’une excellence technique, incarnant une expression intemporelle d’individualité et de vision artistique.

UN COMMENTAIRE ? C’est une des montres les moins coûteuses de toutes celles qui ont souhaité s’inscrire en 2025 au GPHG (environ 550 francs suisses), mais ce n’est pas une des moins méritantes. On peut cependant regretter que ce courage soit un peu vain : la mécanique de ce Secret Orbital Time est assez connue, et depuis longtemps interprétée et réinterprétée : nous ne sommes donc pas dans l’« Exception mécanique » propre à cette catégorie (boîtier en 41,2 mm x 13 mm d’épaisseur, étanche à 50 m et doté d’un mouvement automatique qui avoue 42 heures de réserve de marche). Il sera donc facile pour les académiciens présélectionneurs de mettre de côté cette montre pour choisir les six finalistes. C’était une drôle d’idée de se risquer à frayer avec les ténors des mécaniques innovantes…

QIAN GUOBIAO Facing the sky 2.0

La montre Qian GuoBiao Facing The Sky 2.0 est une création remarquable de l'horloger indépendant chinois Qian GuoBiao, conçue pour séduire par son design innovant et son savoir-faire méticuleux. Inspirée par le paysage urbain de Ninghai, en Chine, cette montre offre un mélange unique d'élégance esthétique et de prouesse technique, alliant héritage chinois et innovation horlogère moderne. Le concept de la montre s'inspire de la vue aérienne de Ninghai, traduisant l'interaction dynamique de l'ordre et du chaos de la ville en un chef-d'œuvre mécanique. Son élément phare, le balancier volant côté cadran, symbolise le nom de la montre, « Facing The Sky », et constitue un élément visuel saisissant qui met en valeur le cœur du mouvement. Fabriquée avec un boîtier en acier inoxydable 316L de 39 mm, la montre abrite le mouvement à remontage manuel AB-02-2.0, cadencé à 18 000 alternances par heure et offrant une réserve de marche de 40 heures. Les finitions main du mouvement, telles que le polissage miroir, le cliquet en forme d'oiseau, le pont de roue d'échappement multicouche en forme de lame et le pont de balancier en forme de flèche, reflètent l'attachement de Qian GuoBiao à l'art horloger traditionnel. Avec seulement 12 pièces produites chaque année grâce à un modèle d'abonnement, la Facing The Sky 2.0 est une montre hautement exclusive qui séduit les collectionneurs appréciant la rareté et le savoir-faire artisanal.

UN COMMENTAIRE ? C’est amusant de voir comment la jeune génération des alto-horlogers chinois s’inspire ouvertement des créations européennes, mais sans forcément en comprendre l’infrastructure « culturelle » et l’équation selon laquelle la somme est supérieure au total des parties. Il manque quelque chose à ce tourbillon proposé à 27 000 francs suisses, dans sin boîtier en acier de 39 mm x 12,5 mm, étanche à 50 m et agrémenté d’un mouvement à remontage manuel qui propose 40 heures de réserve de marche. Oui, mais que manque-t-il ? Sans doute pas l’envie de bien faire dans tous les compartiments du jeu, mais bien plus l’incompréhension du principe de bienfacture et l’incapacité de bien faire là où il le faudrait : les académiciens l’auront compris et le parcours helvétique de cette Facing the sky 2.0 ne devrait pas survivre à cet été…

COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS



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