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LE SNIPER DU WEEK-END
En vrac, en bref et en toute liberté, quelques nouvelles du front ouvert cette semaine par Watches & Wonders

On va vous parler de la différence entre les ampoules LED et les ampoules à incandescence, du classement provisoire de ceux qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu pour ces premiers jours de « salon virtuel », du plus bel égo trip de cette semaine et de quelques autres choses vues dans les coulisses, virtuelles elles aussi…


❑❑❑❑ LA RÈGLE DU JEU POUR WATCHES & WONDERS (rappel utile) : comme tous les ans pendant les salons horlogers, il est difficile d’être à la fois au four et au moulin, de faire son marché pour dénicher de bonnes informations et de cuisiner en même temps les bonnes recettes qui mettent ces informations en valeur dans la bonne perspective. Donc, comme tous les ans, nous prendrons notre temps en nous réappropriant tant l’espace que le temps effacés ou confisqués par la virtualité numérique de Watches & Wonders (WWG 21). Sans renoncer à nos chroniques habituelles (analyses, dessins ou coups de projecteur), sous allons simplement multiplier les pages de présentations des nouveautés, sans nous presser, en tentant de mieux comprendre les tendances créatives du printemps et les orientations formelles de ce début d’année…

❑❑❑❑ L’ÉDITORIAL DU JOUR : on ne l’a compris que trop tard, parce que c’était la première fois qu’on organisait un « salon virtuel » avec autant de marques [d’où l’indulgence qu’on peut avoir pour les organisateurs, qui ont fait ce qu’ils ont pu], mais les règles du jeu sont fondamentalement différentes entre un rassemblement communautaire physique et une mobilisation communautaire numérique. Les lois de la physique et de la dynamique de ces manifestations relèvent de deux univers parallèles et de deux conceptions fondamentalement hétérogènes de l’espace-temps.

• Disons que le salon physique – on dit maintenant en présentiel – s’organise selon les principes généraux de la physique newtonienne, avec une circulation relativement cohérente des hommes et des concepts dans l’espace, selon des règles temporelles graduées dans le temps. Ce sont des règles que nos cultures ont intériorisées depuis longtemps. On y gère mécaniquement des masses, des rapports de force, des fluides et des mouvements [forcément, on résume]

• En revanche, le salon numérique relève plutôt de la physique quantique, où plus grand-chose de ce qui était culturellement admis et connu ne fonctionne, sinon contre-intuitivement. La notion d’espace y est abolie : tout se passe partout en même temps, simultanément, dans une espace de « nuage » digitalisé qui n’a plus ni forme, ni limites, ni ici, ni ailleurs – selon le principe d’incertitude cher à Heisenberg. Le temps est lui aussi compressé, étiré ou distendu, voire totalement évacué ou du moins concentré en un point zéro qui concentre toute l’action sur une fraction d’instantanéité irréversible. Avant n’existe plus, pendant n’existe pas et après reste hypothétique et purement conjecturel [forcément, on résume encore plus]

Vous connaissez les LED qui ont succédé aux ampoules traditionnelles à incandescence : ces dernières dépensaient 95 % de l’énergie qu’elles absorbaient pour produire de la chaleur (invisible) et ne restituaient que 5 % de cette énergie en lumière. Les salons horlogers traditionnels faisaient à peu près la même chose que ces ampoules, avec un rendement énergétique aussi faible et des « gaspillages » d’énergie qui profitaient tout de même à tout l’écosystème. On est passé maintenant aux LED, qui ne sont pas loin des 100 % d’énergie restituée : ce sont les salons numériques, sauf que cette lumière est captée instantanément et exclusivement par les plus gros joueurs, qui ne laissent plus aucune chance, ni aucune lumière aux autres. Ça marche mieux, c’est plus intelligent, mais c’est stérilisant – alors même que la biodiversité est un gage de survie pour le système horloger. On vous laisse réfléchir là-dessus…

❑❑❑❑ LA STATISTIQUE DU JOUR : depuis le début de l’année, et à ce jour, Business Montres a publié, présenté et chroniqué à peu près 280 nouveautés horlogères, d’environ 80 marques différentes. Précision utile : 97 % de ces chroniques étaient positives ou neutres, 3 % s’avérant critiques et négatives. Pas belle, la vie de l’horlogerie sur Business Montres ?

❑❑❑❑ LE CLASSEMENT DU JOUR (1) : à mi-parcours avant la clôture de WWG 21, un premier classement se dessine déjà pour évaluer les meilleurs de la session. Un classement purement provisoire puisque tout n’a pas encore été présenté, en attendant nos pages d’analyse en profondeur la semaine prochaine.

• Nouveauté la plus intéressante (à ce jour) : la montre « sport chic » proposée par Hermès. Cette H08 émerge nettement du lot : Hermès a bien fait de prendre des risques (très contrôlés) pour s’élancer sur ce terrain…

• Offre globale la plus percutante (à ce jour) : par son homogénéité et sa désirabilité, incontestablement celle de Tudor, qui a manié avec dextérité l’or, l’argent et les codes vintage…

• Rétronostalgie la plus séduisante (à ce jour) : de toute évidence, Cartier, pour la relance très intelligente de Tank Must très appétissantes…

• Collection la mieux retravaillée (à ce jour) : on ira la chercher chez TAG Heuer, avec la nouvelle série des Aquaracer, qui semble très commerciale et qui renouvelle avec pertinence les codes des « plongeuses »…

• Le plus fantastique coup marketing (à ce jour) : on parlera longtemps de la manœuvre signée Thierry Stern (Patek Philippe), qui a fermé le robinet de sa Nautilus bleue pour nous reproposer la montre, à un prix plus élevé, avec un cadran vert. Les collectionneurs et les spéculateurs n’en peuvent plus… À tous les coups l’on gagne !

• Montre la plus décalée (à ce jour) : c’est aussi la plus inattendue et on trouve cette étonnante Carpe Diem (voir notre page « Rock’N’Horl » : Business Montres du 12 avril) dans la collection Louis Vuitton, marque qui semble décidée à refaire des belles montres…

• Objet du temps le plus inattendu (à ce jour) : forcément, le néo-chrono de marine UFO chez Ulysse Nardin, qui a osé repenser autrement cet instrument de bord en regardant devant et pas dans le rétroviseur…

• Meilleure vidéo de présentation (à ce jour) : encore Tudor, qui a condensé le meilleur de son offre en six minutes très bien cadencées, avec le rythme qu’il fallait, ton qu’il fallait et l’accent qu’il fallait [sans oublier la politesse de sous-titrages français] – une vidéo à découvrir ci-dessous sur notre chaîne images. De quoi démoder bien des prestations nulles qui ont dû demander des centaines d’heures de travail à quelques grandes marques…

❑❑❑❑ LE CLASSEMENT DU JOUR (2) : s’il y avait un bonnet d’âne (forcément provisoire) à décerner, il coifferait… Roulement de tambour… Ce n’est pas gentil de le dire maintenant (à mi-parcours) et ce n’est pas poli de cracher dans la soupe, mais c’est le sentiment général, même chez les blogueurs qui affirment le contraire sur les réseaux sociaux : ce bonnet d’âne reviendrait de droit à l’organisation de Watches & Wonders par la FHH. Entre les couacs techniques, la sécurisation hasardeuse et la chute dramatique de l’audience réelle, l’insatisfaction gagne les marques – y compris celles du groupe Richemont – et fait réagir la communauté horlogère, à l’exception des ravis de la crèche qui s’expriment sur les médias en ligne financés par la publicité des marques…

❑❑❑❑ LE SURNOM DU JOUR : un petit persiflage qui fait son chemin dans la communauté horlogère digitalement mobilisée par WWG 21, pour le meilleur et pour le pire. Watches & Wonders ? Peut-être, mais surtout... « watching and wondering, wondering, wondering » – la langue anglaise a d’intéressantes subtilités !

❑❑❑❑ LE TOUT-À-L’ÉGO DU JOUR : autant certaines interventions de WWG 21 sont désespérantes tant elles croulent sous un ennui qui a parfois même l’air de contaminer le « patron » de marque qui s’exprime [trop souvent dans un globish pathétique], autant d’autres vidéos de ce salon virtuel surprennent et captivent par la démonstration qu’elles assènent d’un ego trip envahissant. Nicola Andreatta, qui a repris Roger Dubuis en prenant grand soin de ne pas s’écarter d’un iota de la stratégie définie auparavant par Jean-Marc Pontroué [parti depuis chez Panerai], présentait ainsi l’autre jour cette vision du « futur de l’hyper-horlogerie » (replay en ligne pour ceux qui peuvent y accéder. Un exercice très réussi, techniquement irréprochable sur le plan de la mise en scène, du cadrage (bonne gestion des plans), des lumières et du son, parfaitement au point pour ce qui est du narratif, le tout à un niveau de réalisation d’une qualité nettement supérieure aux interventions des autres marques. Après avoir retiré sa cravate, histoire de démontrer qu’il savait ruer dans les brancards (!), comme on peut le vérifier ci-dessus et ci-dessous, Nicola Andreatta a réussi à parler, seul face à la caméra, pendant près huit minutes (465 secondes), pour ne nous dévoiler ses montres que pendant 55 secondes d’images. Soit un rapport de un à huit en faveur de l’égo managérial. D’autant que ce soliloque autosatisfait de 465 secondes était d’une rare monotonie sémantique, en dépit des coups de menton bravaches de l’orateur, avec les mêmes mots qui revenaient en boucle comme des incantations, sinon comme des mantras pour conjurer le mauvais sort, en prenant bien soin de répéter que Roger Dubuis était la plus intéressante marque de tout le paysage alto-horloger, la plus excitante, la plus disruptive, la plus audacieuse, la plus acharnée contre ces pauvres « codes » que tout le monde s’entend à détester, etc., etc. – on vous épargne la litanie ! Ce rapport de un à huit sera difficile à battre…

❑❑❑❑ LE DISSIDENT DU JOUR : hors WWG 21, contre, mais tout contre, on retiendra l’excellente prestation pirate de Georges Kern la veille de l’ouverture du salon, avec un Summit Webcast qui a gentiment démodé la plupart des interventions numériques officielles du lendemain. Les montres présentées en ligne étaient déjà disponibles dans les principales boutiques de la marque, où les amateurs de la communauté horlogère ont pu les découvrir, notamment la nouvelle collection Heritage Premier, qui revisite les grands classiques Breitling de l’âge d’or (ci-dessous, la nouvelle Datora, tout de même positionnée assez haut à 11 500 CHF en boîtier acier)…

❑❑❑❑ L’IMAGE INSTAGRAM DU JOUR : au cas où vous ne seriez pas abonné à notre page Instagram [ce que nous vous recommandons de faire sans tarder pour ne rien manquer], un coup d’œil sur notre compte Instagram, devenu mythique par le simple fait qu’il est le seul de toute l’horlogerie à ne jamais présenter la moindre image de montre plus ou moins retouchée et filtrée dans un décor paradisiaque – de quoi pousser au suicide quelques blogueuses ! « Monsieur le directeur, nos concurrents viennent de reprendre tous leurs cadrans de montres ! Pour les nôtres, vous préférez vert de peur ou vert de rage ? » – sans commentaires, tout le monde a pigé !

❑❑❑❑ LE DESSIN DU JOUR : « Non, c’est une blague ? Ne me dites pas qu’ils veulent commencer ce cirque avec Watches & Wonders 2022 ? » (Watch Comedy Club en accès libre : Business Montres du 10 avril). Si tout le monde se félicite que cette édition virtuelle de WWG 21 ait pu avoir [ce sera peut-être le seul « salon » horloger de l’année en Suisse pour ce premier semestre], chacun a pu réaliser les limites de l’exercice numérique, les lenteurs et les plantages d’une architecture logicielle fragile [voir ci-dessus le surnom du jour], l’épuisement psychologique causé par des heures d’écran souvent ennuyeuses et finalement inutiles [ce qu’on ne réalise que quand c’est terminé], la frustration face à des produits virtuels qui sont par nature tactiles ou la froideur relationnelle induite par cette virtualité [voir nos différents éditoriaux de ces jours-ci à ce sujet]


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