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ENCHÈRES AUTOMNE 2012 #15 : Au secours, les Chinois ne répondent plus !

Première séquence de la session d'enchères genevoises : Antiquorum réussit à tirer son épingle du jeu, alors que les enchérisseurs chinois sont aux abonnés absents... Si la bulle Daytona se dégonfle, on voit se profiler une nouvelle mode DayDate, avec des bidouillages de plus en plus nombreux d'innocentes montres vintage...  ◀▶ PREMIÈRE DISPERSION DE LA "WATCH MADNESS"Antiquorum s'en tire plutôt bien et avec les honneurs de la guerre...❏


Première séquence de la session d'enchères genevoises : Antiquorum réussit à tirer son épingle du jeu, alors que les enchérisseurs chinois sont aux abonnés absents...

Si la bulle Daytona se dégonfle, on voit se profiler une nouvelle mode DayDate, avec des bidouillages de plus en plus nombreux d'innocentes montres vintage...

 
◀▶ PREMIÈRE DISPERSION DE LA "WATCH MADNESS"
Antiquorum s'en tire plutôt bien et avec les honneurs de la guerre...
C'était par instant pathétique de voir les "petites mains" asiatiques d'Antiquorum désoeuvrées quand passaient des lots qui, au printemps dernier, les auraient vues se dresser d'un bond, téléphone à l'oreille, pour enchérir comme des folles avec des clients impatients et mandarinophones au bout du fil. Là, pour ce dimanche pluvieux à Genève et studieux dans une Chine en plein XVIIIe congrès du Parti communiste, Hong Kong, Taïwan et Shanghai étaient aux abonnés absents : plus un seul enchérisseur asiatique pour des montres de poche émaillées dont certaines avaient été fraîchement "préparées" pour eux, souvent au prix d'invraisemblances esthétiques et techniques dont les faussaires n'ont cure...
 
 Du coup, sans la pression chinoise, les prix ont été relativement sages, avec un marché ultra-sélectif et des bidders plutôt frileux, sauf pour les lots exceptionnels. La vente a tout de même enregistré un résultat très satisfaisant, avec 8,4 millions de francs suisses encaissés pour à peu près 480 lots dispersés (22 % d'invendus), avec une moyenne de réalisation de l'ordre de 131 %. Ce qui donne une valeur moyenne de 17 500 francs suisses par lot, un score nettement amélioré par rapport aux ventes précédentes, dont certaines avaient été piteuses. Dans son analyse de ce catalogue Antiquorum (11 novembre), Business Montres considérait que le "roguauctioneer" new-yorkais amorçait son retour à la respectabilité : la démonstration en a été donnée au cours de cette session. Business Montres recommandait aussi de surveiller, non le taux d'invendus de ce catalogue, mais la valeur moyenne des lots vendus, qui était autour de 10-110 000 dollars pour les éditions précédentes : à 18 500 dollars de moyenne (70 % de mieux), on prend la mesure de la performance.
 
 D'autant qu'il n'y avait pas de lots "millionnaires", ni même de lots "demi-millionaires" ! Sous le marteau, aucun lot n'aura approché les 500 000 francs suisses. La déception aura été l'éventail musical émaillé du lot n° 189, parti au ras de l'estimation basse (320 000 francs suisses), alors qu'il était mis en valeur sur la couverture et qu'Antiquorum comptait sur lui : l'objet était loin d'être parfait, sa notice était techniquement fautive [pour la partie mécanique dont nous pouvons juger] et sa "légende" plutôt douteuse. Ce résultat médiocre est à la hauteur du manque de rigueur qui a présidé à sa sélection et à sa présentation...
 
La bonne surprise restera le record du monde pour une Rolex Sea-Dweller "prototype" (lot n° 126, déjà repéré par Business Montres et signalé dès le 21 octobre dernier : en haut de page) : à 407 000 francs suisses sous le marteau (sans les frais), c'est un acte de foi dans la valeur connectionnable des Rolex autant qu'un signal adressé au marché pour qu'il regarde d'un autre oeil la production passée de Rolex. L'enchère a été rondement menée par le collectionneur qui la voulait [pour lui ou pour le musée Rolex, pour lequel il lui arrive d'enchérir ?] et qui a vite déblayé le terrain de la concurrence. À un tel niveau de prix, respect pour l'acheteur – dont la collection de Rolex doit être à présent une des plus belles du monde, sinon la plus importante...
 
Attention : une Rolex peut en cacher plein d'autres ! Le mythe Daytona s'est partiellement effondré sur le marché ultra-sélectif dont nous parlions : l'apparition d'une Daytona ne met plus les amateurs (ou les marchands) dans un état second qui oblitèrerait toute raison. Au moindre doute, les acheteurs s'enfuient. Au moindre soupçon de "botox" cosmétique, ils détournent le regard. Pour mobiliser les enchérisseurs, il faut que la pièce soit exceptionnelle, vraiment rare, enrichie de documents et d'un environnement valorisant : invendues bien au-dessous de l'estimation, trois Daytona l'ont appris à leurs dépens (lot n° 457 en acier, lots n° 458 et 459 en or), une quatrième (lot n° 458 en or) ne s'en tirant que de justesse, pile à l'estimation basse. Là encore, ces "fausses" Daytona n'avaient rien à faire dans un catalogue digne de ce nom : Antiquorum a payé son absence de rigueur dans la sélection...
 
 Du coup, les marchands tentent de s'inventer une nouvelle légende sous le marteau, pour remplacer une bulle Daytona qui se dégonfle. La cible est déjà bien cadrée : en avant pour un rallye haussier sur les Rolex Day-Date, notamment les cadrans "Stella" en couleurs, qui ont vu leur cote doubler depuis un an, et le nombre de faux en circulation s'accroître de façon exponentielle à la hausse de cette cote. Il faut dire que ces Day-Date sont superbes avec leurs cadrans en couleur. Les atouts de cette montre pour prétendre à la succession de la Daytona et de la Submariner : peu de références différentes pour les pièces vintage (guère plus de 8 répertoriées, plus deux pour la version Osyterquartz), mais des milliers de variantes entre le métal du boîtier (quatre ors), ses finitions, les couleurs du cadran, sa matière (Rolex y a même testé du bois naturel), les index et les bracelets. Ajoutons-y, perversement, l'absence à peu près totale de documentation probante sur le sujet [les lacunes des archives Rolex sont ici à la limite du scandale] et l'immense facilité opératoire des faussaires. Et n'oublions pas d'inclure, dans l'équation de ces variantes, le facteur bracelet [le client a pu avoir le choix entre vingt-cinq références] et, aussi, le facteur linguistique, puisque le nom du jour est disponible dans une douzaine de langues (dont le latin), avec le renfort de plusieurs alphabets pour les chiffres de la date !
 
Trop de variantes ne sauraient dissuader les contrefacteurs, bien au contraire ! Sauf que, déjà, circulent quelques règles de sécurité pour les premières références "laquées" : avec les années, ces couleurs laquées – généralement réservées aux marchés proche-orientaux ou sud-américains, l'Europe les jugeant "de mauvais goût" – n'ont presque jamais résisté au temps et ont fini par se craqueler. Une laque trop intacte sur une montre ancienne révèle ici la supercherie – mais ce n'est pas systématiquement exact, ce qui laisse un espace aux vraies beautés non retouchées du passé et aux variantes les plus improbables, qui ne sont pas forcément les plus invraisemblables.
 
 Il faut donc s'attendre, dans les mois et les années à venir, à une explosion de l'offre en DayDate toutes plus séduisantes les unes que les autres, mais pas forcément authentiques. Les "pigeons" vont y laisser quelques plumes ! La vente Antiquorum était symptomatique de ce premier nettoyage par le marché, avec des Day-Date correctement vendues (lot n° 156 en platine), des pièces bradées parce que suspectes (lot n° 157 en or jaune, une forgerie tout ce qu'il y a de louche) et des pièces ravalées parce qu'excessivement trafiquées pour des "Stella" (lot n° 158 en or jaune)...
 
 
Le marché, celui des marchands dans la salle et des enchérisseurs présents ou en ligne, a effectué une correction identique pour les Vacheron Constantin, débarqués en gros bataillons, mais retoquées au premier défaut d'intégrité, et pour les Cartier, voire pour les Audemars Piguet. C'était évidemment encore plus net pour les montres de poche et pour les vieux "chevaux de retour" dans les salles. Quelles sont les bonnes et les mauvaises surprises de la vente ?
 
 Les bonnes surprises : en dépit du mauvais état de son cadran, la référence Rolex totalement inconnue du lot n° 143 a tout de même été adjugée pour 5 000 CHF à un collectionneur qui aura sans doute des facilités pour refaire le cadran dans son état d'origine (ci-dessus). Pour sa première apparition en salle des ventes, le lot n° 144 (Rolex de poche réf. 3071) a également réalisé 11 000 CHF sous le marteau. Le chronographe monopoussoir militaire Omega (lot n° 346), vendu à 5 000 CHF. La bonne affaire du lot n° 355, une Tortue Cartier de 1920, bradée à 1 900 CHF : tant mieux pou l'acheteur (image ci-dessous) ! Les 115 000 euros de la Patek Philippe réf. 1526 (lot n° 383), dont on découvrait pour la première fois aux enchères le cadran noir, superbe sur or rose. Vianney Halter s'en tire également bien avec les 32 000 CHF sous le marteau de son Antiqua (lot n° 395). Même les livres ont explosé leur estimation : 9 000 CHF pour les deux volumes du Monde des automates d'Alfred Chapuis et Edouard Gélis (lot n° 411, qui était estimé 1 000-2 000 CHF), uniquement parce que les livres étaient dédicacés à Louis Cartier. Le rare régulateur de table à sonnerie (lot n° 430) a finalement dépassé son estimation, avec une enchère à 24 000 CHF (en haut de page). L'affiche Rolex du lot n° 448 s'est arrachée à 6 000 CHF entre amateurs soucieux de décoration horlogère, la plus spectaculaire (quoique la plus connue) de ces affiches, celle du lot n° 450 ne réalisant que la moitié de cette enchère. En revanche, on classera dans les bonnes surprises le lot n° 586, invendu en raison des doutes suscité par son émaillage "russe", alors qu'il prétendait à l'authenticité genevoise [doutes signalés par Business Montres et apparemment pris en compte par le marché !] en dépit de ce que nous avions qualifié du "plus impudent des bidouillages" de cette session d'automne...
 
 
❏ Les déceptions : des invendus comme le lot n° 139, une ravissante montre-bracelet américaine, émaillée à l'effigie de Jeanne d'Arc (image ci-dessous) ; le lot n° 149 (une Rolex réf. 3064 en or rose, dont le prix de réserve était trop haut et la montre sans doute trop restaurée) ; le lot n° 333 (une Goliath maladroitement présentée comme une Vacheron Constantin, qui était la maison mère de Goliath, mais avec une moindre qualité visible à lo'eil nu sur cette montre) ; la plupart des boîtes émaillées avec ou sans oiseaux chanteurs (ravalées faute d'acquéreurs chinois, rendus méfiants pour trop d'arnaques passées) ; les montres invendues de la collection familiale Louis Cartier (prix de réserve irréalistes) ; le ravalement du lot n° 565 (un prototype Swatch, tué par la prétention de son vendeur) ; les 150 000 et les 160 000 CHF sous le marteau pour les chronographes Patek Philippe réf. 1463 (lots n° 581 et 582), dont la prétention à l'authenticité n'était attestée par aucun document d'archives et dont l'adjudication prouve que certains marchands manquent vraiment d'éthique...
 
 
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