ENCHÈRES AUTOMNE 2012 #8 : Chez Christie's, Aurel Bacs se lance dans la « traite des blanches »
Le 07 / 10 / 2012 à 08:12 Par Le sniper de Business Montres - 1852 mots
Mais non, qu'est-ce que vous allez chercher là ! Certes, ces blanches sont déshabillées sur papier glacé, mais il n'y a aucun rapport entre Magic Aurel (l'homme qui tient le marteau chez Christie's) et Raoul Volfoni, qui organisait pour les jeunes filles de brillantes carrières artistiques au Liban ou en Egypte (Les Tontons flingueurs)...
••• Qu'on soit bien d'accord sur les mots : …
Mais non, qu'est-ce que vous allez chercher là ! Certes, ces blanches sont déshabillées sur papier glacé, mais il n'y a aucun rapport entre Magic Aurel (l'homme qui tient le marteau chez Christie's) et Raoul Volfoni, qui organisait pour les jeunes filles de brillantes carrières artistiques au Liban ou en Egypte (Les Tontons flingueurs)...
••• Qu'on soit bien d'accord sur les mots : même s'il les déshabille avec délectation en pages intérieures, Aurel Bacs (Christie's) offre tout de même à ses "blanches" une couverture, celle de son prochain catalogue ! Même si le papier est glacé, l'hommage de l'homme au marteau magique reste plein de dédérence et d'aménité. On ne parle évidemment pas ici de la... traite des Blanches [qui s'écrit avec un B majuscule], activité criminelle dont on a fait longtemps des films à succès dans le goût érotico-policier. Des films parfois drôles et devenus "culte" ! Souvenons-nous de Bernard Blier en Raoul Volfoni dans Les Tontons flingueurs de Georges Lautner (ci-dessus, en haut de page), quand il faisait à Patricia "un brin de causette, le genre réservé", cela nous donnait : "On vous apprend quoi à l'école, mon petit chat ? Les jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment je le vois votre avenir ? Je vois une carrière internationale. Les voyages. L'Egypte par exemple, c'est pas commun, ça, l'Egypte, et puis ce qu'il y a de bien c'est que, là bas, l'artiste est toujours gâté ! Je disais l'Egypte comme ça. J'aurai aussi bien pu dire le Liban". Antoine : "Je vois, Monsieur dirige sans doute une agence de voyages". Patricia : "Mais non, voyons, chéri. Monsieur fait la traite des Blanches"... Précisons qu'il ne s'agit pas non plus de la... traite des vaches blanches (ci-contre), opération lactogène bien connue et très largement pratiquée dans le monde, qui a cependant trouvé en Suisse ses lettres de noblesse horlogères depuis que Jean-Claude Biver (Hublot) en fait tout un fromage (d'alpage) frappé du logo de sa marque... ••• Non, les blanches dont il est question affolent effectivement les collectionneurs et elles suscitent bien chez eux de violentes émotions, mais il s'agit tout simplement de ces Patek Philippe "blanches" (platine ou acier), plutôt rares dans les collections de complications réalisées par la marque. Ce n'est pas un hasard si trois d'entre elles sont en couverture du prochain catalogue horloger de Christie's (vente genevoise du 12 novembre) : trois montres en platine, trois raretés convoitées par les grands collectionneurs, trois "vedettes" de cette dispersion qui devraient, à elles seules, frôler ou dépasser les 10 millions de dollars. Depuis des années, on pressent la popularité grandissante de ces "Patek blanches" chez les grands amateurs – ceux qui ont les moyens de lever le doigt quand l'enchère passe à sept chiffres. En novembre prochain, on va pouvoir vérifier si ces "blanches" tiennent toutes leurs explosives promesses : rappelons que l'actuel record du monde des enchères pour une montre-bracelet est celui d'une Patek Philippe en platine, réf. 1415 "Heures universelles". Adjugée pour un peu plus de 4 millions de dollars par Osvaldo Patrizzi, son record tient depuis dix ans, mais il devrait logiquement céder la place à une des "blanches" d'Aurel Bacs... ••• Certes, ces "Patek blanches" sont plus rares, y compris en acier, mais leur cote d'amour est fortement irrationnelle. Elle est née d'un préjugé chromatique chez quelques (rares) grands collectionneurs italiens, qui trouvaient ce blanc – acier ou platine, mais aussi or gris – plus distingué que l'or jaune ou l'or rose (lui-même moins courant). Préjugé défendable sur le plan esthétique, encore que l'or jaune des Patek Philippe vintage soit capable d'acquérir, avec la patine des années, un ton plus éteint d'une grande élégance – ton qui n'est d'ailleurs pas pour rien dans la séduction contemporaine de ces montres anciennes. Ces collectionneurs italiens faisant plus ou moins la loi chez les marchands, des habitudes se sont créées avec le temps et elles se sont imposées, avant d'être confirmées de vente en vente au cours de ces dernières années [le même phénomène s'est produit avec les Rolex Daytona, plus valorisées en acier qu'en or, toujours par la même communauté des amateurs italiens]. Comme il n'y a eu que peu de montres Patek Philippe en acier (métal considéré autrefois dans la belle horlogerie comme un peu "vil" et banalisé), et encore moins en platine, ces pièces sont donc plus rares – ce qui signifie tout de suite plus coûteuses, à références égales. Quand cette rareté du matériau "blanc" se conjugue à la rareté de la référence, et quand on ajoute le prestige d'une provenance (collection célèbre ou autre) aux variantes esthétiques (cadran, index, cornes, etc.) et à l'état impeccable de la montre, le coefficient multiplicateur s'emballe et les records pleuvent. ••• D'où le choix logique fait par Aurel Bacs de mettre trois de ces "blanches platinées" en couverture : Business Montres a souligné l'importance de la première (la plus connue : une réf. 2499/100 en platine) et la possibilité d'un nouveau record du monde dès le retour des vacances (Business Montres du 8 septembre : montre en haut de page), mais c'était pour mieux préciser ultérieurement que la vraie pépite du catalogue n'était peut-être pas ce chronographe-calendrier perpétuel finalement assez "classique" (quoique très rare, puisqu'il est le seul connu entre des mains privées, la montre soeur étant au musée Patek Philippe), mais une montre totalement hors normes et absolument pièce unique, une "pièce d'observatoire" réf. 2458 en platine (ci-dessus), faite sur mesures pour un client prestigieux, que le musée Patek et les grands patekomanes rêvent en secret de s'offrir pour en faire le joyau qui couronnera leur collection (Business Montres du 5 octobre). ••• Chacune de ces deux montres peut prétendre battre l'actuel record du monde : ce sera une bataille entre la fortune et la culture ! Avec beaucoup d'argent (sans doute cinq à six millions de dollars), on pourra s'offrir le chronographe réf. 2499/100, montre plus "facile", plus spectaculaire et sans doute moins "exigeante" que la réf. 2458, qui sera disputée (moyennant le même montant) entre amateurs dotés d'une vraie culture horlogère et d'un solide non-conformisme intellectuel. Il faudra aller au-delà des apparences et du mainstream pour cette montre à trois aiguilles dotée d'un des meilleurs mouvements jamais réalisés par Patek Philippe (ci-dessus et ci-dessous). Spéculation d'un côté (en grande partie), éducation de l'autre, avec, des deux côtés, cette passion pour la montre sans laquelle le feu des enchères retomberait inexorablement. Le résultat final de ces deux enchères (toutes les deux prévues dans la matinée, alors que les collectionneurs asiatiques sont toujours en ligne) sera d'autant plus significatif que les montres cumulent les facteurs multiplicateurs vus ci-dessus (couleur, rareté, pedigree, état, etc.)... ••• N'oublions cependant pas la troisième montre de cette couverture : si elle n'atteindra sans doute pas les niveaux d'enchères stratosphériques des montres précédentes, cette Patek Philippe (encore !) en platine (re-encore !) réf. 1579 est estimée 1,1 à 1,6 millions de dollars par Christie's, ce qui n'est pas rien – et ce qui aurait fait le bonheur de n'importe quel autre catalogue d'enchères, alors que cette montre ne joue que les excellents seconds rôles ! Dans la référence 1579 (ci-dessous), cette exécution en platine est rarissime : cette pièce est une des trois connues (elles portent toutes un numéro de série qui se suit : on en a donc déduit qu'elles étaient les seules de cette espèce). Curiosité supplémentaire : ces trois montres ont toutes un cadran différent – ce qui attise la gourmandise des collectionneurs. La dernière de cette série de trois qui est passé sous le marteau (Christie's) a été adjugée à un peu moins de 2 millions de dollars, ce qui était un record aux enchères pour cette référence. De l'avis des amateurs, on n'est pas près de revoir une telle réf. 1579 en platine en salle des ventes...
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