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CORONAPOCALYPSE (accès libre)
Faudra-t-il repousser les salons horlogers du printemps ?

La sino-dépendance aigüe de l’industrie horlogère a toutes les chances de la laisser gravement et durement frappée par l’épidémie de 2019 n-CoV qui s’étend en Chine comme dans le monde. Une crise internationale se profile, avec la paralysie progressive des vols aériens, une industrie et un commerce chinois à l’arrêt, la mise en quarantaine de régions entières et la relégation de dizaines de millions de personnes. Comment les salons professionnels ne seraient-ils pas impactés un peu partout dans le monde ?


On ne compte plus les annulations de salons en Chine, à commencer par ceux qui devaient se tenir en février et en mars (la Fashion Week de Shanghai, fin mars, serait reportée). On parle désormais d’annulations pour des salons qui se tiendraient en Europe, comme la Fashion Week de Milan (fin février). Ceci pour atténuer la propagation virale – c’est le cas de la dire ! – du virus 2010 n-CoV, dont on nous avait juré dans les premiers jours de la crise qu’il était moins dangereux que celui du SRAS, mais dont on découvre qu’il est apparemment plus toxique et surtout plus pandémique. On danse tous sur un volcan dont personne ne sait s'il ne va pas exploser...

• L’impact industriel n’est pas négligeable, pour à peu près tous les secteurs de l’économie : de nombreuses usines chinoises sont à l’arrêt. La sino-dépendance globale de l’horlogerie suisse pour bon nombre de ses composants d’habillage (boîtiers, cadrans, bracelets, etc.) comme pour ses composants mécaniques (éléments de mouvements) s’avère très sensible : les plans de production sont bouleversés et la supply chain tendue à l’extrême sur les grands sites de production, où la pénurie d’un seul composant peut freiner la production de toute une collection. Gare aux marques qui n’avaient pas de « stocks stratégiques » ou à celles qui avaient promis de livrer au printemps des montres présentées au cours de ces dernières semaines. Comme les commande se prennent généralement en début d’année, mais que les filiales européennes et les détaillants asiatiques sont tétanisées par le risque de contagion, on imagine la désorganisation logistique qui sera celle de l’industrie horlogère jusqu’à la fin de l’année…

• La sino-dépendance commerciale est encore plus tragique : non seulement les mesures de quarantaine confinent des dizaines de millions de consommateurs chez eux, mais le quasi-suspension de tous les vols commerciaux de ou vers la Chine tarit les flux touristiques qui faisaient le bonheur des boutiques horlogères dans le monde entier. Les global shoppers chinois ne sortent plus de chez eux et, même avec un masque sur le nez, ils ne mettent plus les pieds dans les boutiques, que ce soit en Chine, au Japon, en Corée, à Macao ou à Hong Kong. Le bilan commercial du mois de janvier s’annonce désastreux pour tout le monde. Plus un client dans les boutiques et dans les malls commerciaux chinois, dont certains ont déjà fermé leurs portes : les amateurs ont la tête ailleurs et se soucient de santé, pas d’ostentation statutaire ! les seuls bénéficiaires seront les sites de ventes en ligne, mais qui se soucie de montre quand une telle épidémie fait peser une telle menace sur la vie quotidienne dans les grands centres urbains ?

• Le cas des salons horlogers du printemps 2020 n’est pas moins « sévère », comme disent les médecins : sans clients chinois et sans journalistes asiatiques, l’événement Time to Move organisé à Zurich par le Swatch Group pendant la première semaine de mars n’a plus aucun sens. Faudra-t-il l’annuler ou le reporter ? Passons sur quelques menus événements mineurs entre février et la fin avril. Dans l’hypothèse d’un maintien de l’épidémie à son niveau actuel, se pose alors la question de Baselworld et du SIHH, qu’on peut maintenir sans participation asiatique, mais dont les résultats commerciaux seraient désastreux. Balexit ou pas ? Watches & Horrors avec un masque sur ne nez ? Si l’épidémie s’aggrave dans les semaines à venir [ce dont différents experts commencent à ne plus douter], cette question de l’annulation ne se poserait même plus : dans ce genre de poker menteur, c'est celui qui prend la mauvaise décision [maintenir ou annuler] qui perd la partie...

On peut toujours compter sur un rebond de la consommation en fin d’épidémie [le fameux « V » de sortie de crise, où ça repart parfois plus vite que ça n’avait chuté], mais il est possible aussi qu’une prise de conscience change durablement les mentalités, dans un contexte mondial de décroissance et de déconsommation dont les Chinois ne sont pas exempts. Il n’est plus du tout évident que les achats reportés pour cause de coronapocalypse soient effectués plus tard : après l’heure, c’est plus l’heure ! Pas sûr non plus que les nouvelles générations chinoises, forcément très ébranlées par ces événements [tout comme le régime autoritaire de Xi Jinping, qui n’a guère brillé par son efficacité dans le déclenchement de cette crise] et parfois même choquées par le « racisme anti-chinois » qui s’est propagé aussi vite que le 2010 n-CoV, ne relativisent par la suite leur relation au luxe occidental, ne se sentent pas trahies par les marques européennes et n’en viennent pas à donner dans la « préférence nationale » chinoise…


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