« GEN’VOIS STAÏLE » : Un décodage officieux de l'hymne officiel du SIHH 2013
On veut bien parier que la parodie « Gen'vois Staïle » de l'humoriste (genevois) Laurent Nicolet sera le hit du prochain SIHH, du moins des soirées sur le bateau. C'est beaucoup plus fort que le fameux Gangnam Style, même si ça n'atteindra pas le milliard de "vues", et c'est aussi beaucoup plus lémanique. Et les paroles ? Un petit exercice de décodage linguistique ne fera pas de mal aux non-natifs du canton de Genève... ◀▶ « GEN’VOIS STAÏLE » (LAURENT NICOLET)Petit manuel de survie franco-lémanique... ❍❍❍❍ Mais non, les …
On veut bien parier que la parodie « Gen'vois Staïle » de l'humoriste (genevois) Laurent Nicolet sera le hit du prochain SIHH, du moins des soirées sur le bateau. C'est beaucoup plus fort que le fameux Gangnam Style, même si ça n'atteindra pas le milliard de "vues", et c'est aussi beaucoup plus lémanique. Et les paroles ? Un petit exercice de décodage linguistique ne fera pas de mal aux non-natifs du canton de Genève...
◀▶ « GEN’VOIS STAÏLE » (LAURENT NICOLET)Petit manuel de survie franco-lémanique...❍❍❍❍ Mais non, les Suisses n'ont pas d'accent quand ils parlent français ! Mais non, les Romands n'ont pas d'accent local ! Mais non, les Genèvois parlent le français comme des Français ! Enfin, presque... La ritournelle Gen'vois Staïle, parodie lémanique du planétairement célébrissime Gangnam Style coréen, prouve qu'il y a encore un peu de marge avant de confondre Genevois et Parisiens. Laurent Nicolet, son auteur (Genevois !), prouve aussi que l'humour suisse n'a rien à envier à l'humour frouze (traduction ci-dessous) : on serait même tenté de dire qu'il l'égale dans sa capacité à capter les tics des minorités visibles. Chacun son ghetto : à Genève, il est doré sur tranches ! Avant que Gen'vois Staïle ne déferle dans les hauts-parleurs des soirées genevoises lors du prochain SIHH, quelques explications de texte pour les déphasés du topolecte genevois [on a suivi la progression des paroles du clip, mais on n'a sans doute pas tout capté : c'est que, nous non plus, on n'est pas d'ici !]... ◇ "De Dieu, bonnard, c't'ambiance" : "De Dieu", c'est le tic verbal qui introduit toute phrase en dialecte genevois [l'équivalent des agaçants "Tu vois", "En fait", "J'veux dire", etc. du français vulgaire]. Ce groupe sémantique exprime une certaine satisfaction du locuteur? Bien noter l'accent tonique et l'élision des e intermédiaires, caractérique du parler local [on y reconnaît l'influence de l'ancien base linguistique franco-provençale]. Ces e devenus muets sont compensés par l'allongement emphatique du e final et des diphtongues ouvertes [le "aaaannnn" de ambiance]... ◇ "Bonnard" : adjectif qualificatif positif dérivé de "bon" et destiné à connoter sympathiquement le reste de la phrase, donc l'ambiance en question ◇ Paroles : « Je roule qu'en Porsche, BMW ou en Audi A3, et quand je veux skier, j'monte à Verbier ou Crans-Montana»... Ces lieux évoquent les noms des stations de sport d'hiver fréquentées par la gentry genevoise [qui déteste skier dans le Jura et qui se méfie de Megève]. Les marques automobiles citées sont les plus familières dans l'écosystème genevois... ◇ Suite : « J'suis l'Parisien d'la Suisse, un vrai narcisse, je n'vois que moi ». Accusation fréquente des autres Suisses concernant les Genevois, mais il ne viendrait pas à l'idée d'un seul Parisien, ni d'une seule Parisienne de considérer comme tels les Genevois, ni comme telles les Genevoises. L'allusion au narcissisme complète le soupçon que les autres Suisses posent sur leurs concitoyens genevois, considérés comme égocentriques et très genevotropiques... ◇ Suite : « J'aime pas les Frouzes et tous ces péouzes de Vaudois ». Rituel classique [quoique discrètement énoncé] d'exécration xénophobe chez les Genevois de base, qui détestent par principe les Français ["Frouzes", également surnommés "Shadocks"] – qui habitent à cinq kilomètres de Genève – et les "paysans" ["péouzes"]du canton de Vaud – qui n'est jamais situé qu'à sept kilomètres de Genève. Le mot péouse est repris de l'argot militaire romand, influencé lui aussi par le régiolecte franco-provençal... ◇ Suite : « J'en ai rien à faire si je paye 10 000 francs de loyer par mois, je suis millionnaire ». Allusion à l'emballement de l'immobilier dans le canton de Genève, où les prix du centre-ville sont assez comparables à ceux de Paris... ◇ Suite : « Moi, mon café, je le paye par carte Visa ». Autre allusion à la cherté du coût de la vie dans le biotope genevois, où tout se paye – des objets trouvés dans les transports publics au pain qu'on fait trancher chez le boulanger... ◇ Suite : « Je vote PLR. Mes amis sont banquiers ou avocats. Christian Luscher, c'est comme un frère ». Le Parti libéral-radical (centriste) est le point d'équilibre de la vie politique, de l'activité économique et de la bien-pensance morale dans le canton de Genève : c'est le parti de la connivence marchande et des "affaires", au sens large. Christian Luscher est un avocat PLR, très lancé dans la politique locale, qui a longtemps animé les soirées du Grand Prix d'Horlogerie de Genève en y apportant un style "Hollywood de sous-préfecture" et des plaisanteries de garçon de bain (Business Montres du 15 novembre 2009) dont même les Genevois ont fini par se lasser... ◇ Suite : « Je suis Genevois, ça se voit peut-être pas, mais ça s'entend... à mon accent ! » C'est effectivement à un certain nombre de finales traînantes, de phonèmes spéciaux et d'expressions idiomatiques [souvent datées par rapport à leur usage franco-parisien] qu'on peut reconnaître le Genevois de base, s'il n'était pas préalablement trahi par différents détails de sa parure personnelle ou automobile. À ne pas répéter, parce que cela semble blesser les susceptibilités locales : l'accent genevois, vue de Paris, est aussi repérable que l'accent québecois ou l'accent marseillais... ◇ Suite : « Je suis un râleur, un emmerdeur, un beau parleur, un vrai frimeur ! » Résumé elliptique de l'opinion commune des Suisses en général, et des Suisses romands en particulier, à propos de leurs compatriotes genevois.. ◇ Suite : « À G'nève, ça joue le chalet, y a pas photo ». Amusante et intéressante collision de plusieurs expressions indigènes : la phrase combine la prononciation quasiment parfaite du nom de Genève en mode local (élision du premier e), le fameux "Ça joue le chalet" qui signifie à peu près que ça va bien [à la forme interrogative, il y a suspicion que, précisément, rien ne va plus dans la tête de l'interlocuteur] et le "Y a pas photo", cliché [sans jeu de mots] du parler populaire largement démodé, même dans les médias parisiens, mais solidement sédimenté et attesté à Genève... ◇ "Mais c'est clair, de Dieu, on est les meilleurs, ou bien" : le "C'est clair", dont l'usage s'est effacé en France voisine, est toujours largement usité en Romandie francophone. Cette phrase exprime l'autosatisfaction classique des Genevois qui ont, comme les Parisiens, le sentiment d'être le sel de la Terre... ◇ "Ou bien" : expression-valise dénuée de signification, qui termine [en traînant de façon appuyée sur le "en" final] toute phrase genevoise, qu'elle soit ou non interrogative. C'est une sorte de point final sémantique, qui amuse beaucoup les non-autochtones... ◇ Parenthèse cinématographique : on aura jusqu'ici reconnu dans les détails de la mise en scène quelques lieux emblématiques de la vie quotidienne à Genève, comme les sous-sols du parking du Mont-Blanc, seul lieu au monde où peuvent se rencontrer les Genevois [qui s'y parquent, par instinct de survie automobile] et les non-Genevois [qui s'y garent, par peur des "effrayants" embouteillages locaux], le mur des Réformateurs dans le parc des Bastions [haut lieu touristique d'une identité genevoise depuis longtemps réformée, la ville étant majoritairement catholique, quoique gouvernée par une minorité calviniste], la jetée du célèbre Jet d'Eau, le dance floor du Bypass, le concessionnaire Porsche du centre de Genève ou les pole danseuses. Erreur à ne pas