BIZARRE... (accès libre)
Le GPHG aurait-il décerné un prix de la Chronométrie à une montre sans certificat de chronométrie ?
Chacun admettre que le certificat de chronométrie attribué à une montre qui se flatte de la qualité de chronomètre n’a rien de secret. Le mystère demeure donc d’une rare opacité : où sont passés les trois certificats de chronométrie revendiqués par la maison Lederer, titulaire d'un prix au GPHG, et pourquoi sont-il soudain devenus incommunicables ?
Pour commencer, une annonce logique : dès que nous aurons en main ces trois certificats de chronométrie [décernés par les observatoires de Besançon, en France, de Glashütte, en Allemagne, et de Genève, en Suisse], nous ferons un plaisir de les publier en reconnaissant nos soupçons actuels n’étaient pas fondés. On a cependant des raisons de se méfier. Ces soupçons s’enracinent dans un précédent : en 2022, le prix de la Chronométrie – nouvellement créé pour être attribué à un des marques inscrites pour le Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG) – a été décerné au tourbillon à force constante « Kodo » de Grand Seiko, une montre qui n’était absolument pas officiellement certifiée, sauf par Grand Seiko (ce qui est bien le moins pour une montre facturée plus de 400 000 euros). On peut donc très légitimement questionner l’attribution du prix de la Chronométrie 2024 au superbe Chronomètre à impulsion centrale de Bernhard Lederer (pièce présentée par Business Montres le 31 juillet dernier). Un prix qui ne saurait être plus justifié : ce chronomètre (ci-dessous) n’est-il pas la première montre-bracelet triplement certifiée de l’histoire horlogère (certificats des observatoires de Genève, de Besançon et de Glashütte) ? C’est même la première fois qu’une montre est certifiée dans trois des nations horlogères de référence.
Les questions sur la réalité matérielle de ces certificats et de l’avancée horlogère considérable qu’ils constituent ne sont donc pas triviales, surtout avec le douteux précédent de Grand Seiko. Or, curieusement, il semble assez compliqué, sinon impossible, d’obtenir ces « bulletins d’observatoire » qui ne devraient rien avoir de secret ou de confidentiels, tant du côté de la marque que du côté du GPHG, où on nous jure qu’ils ont été fournis aux jurés sans pouvoir nous les présenter. Du côté de Lederer, on argumente assez distraitement autour de ces certificats [quatre, en fait, avec le complément de celui du COSC] en affirmant pouvoir en publier un jeu dès que possible. Rappelons que chaque observatoire consulté conserve la montre à certifier pendant deux à six semaines, ce qui ralentit d’autant le délai de livraison des huit montres programmées de cette série. Délai rallongé si, par un fatal hasard, la montre n’était pas certifiée à la première tentative et qu’elle devait revenir à l’observatoire concerné pour un second round après révision dans l’atelier Lederer. Ainsi, il est possible que les trois certificats attachés aux premières montres CIC livrées aux collectionneurs (qui les attendent avec impatience) ne soient pas disponibles avant… un certain temps, qui peut varier entre demain matin et l’année prochaine.
Ce qui fait inévitablement s’interroger sur la nature des certificatsde chronométrie mis à la disposition du jury du GPHG en même temps que la montre. Silence radio à ce sujet : impossible même de savoir si les jurés, qui ont attribué ce prix de leur propre initiative [et, on l’espère, pas à l’insu de leur plein gré], ont eu ces certificats en main avant de décerner ce prix ou s’ils ont fait confiance à la direction du GPHG qui affirmait avoir ces certificats, au sujet desquels le GPHG se refuse aujourd’hui à tout commentaire à ce sujet. On comprend que le doute s’installe dans la communauté des collectionneurs : il ne s’agit pas ici de mettre en cause la montre elle-même, dont Business Montres a déjà pu dire tout le bien qu’on pouvait penser de son ingéniosité alto-mécanique, mais de couper court aux rumeurs insinuantes sur les affirmations portées sur son cadran sans documents probants pour en attester la véracité…
Il devient donc urgent de publier ces documents qui relèvent à présent de l’histoire des montres, puisque cette montre constitue une « première horlogère » de référence. Il n’est pas moins intéressant de savoir si la direction du GPHG a réellement disposé des trois certificats de chronométrie de la montre soumise au verdict des jurés : tout silence à ce sujet devient un facteur aggravant de suspicion, tant sur l’honnêteté de cette direction que la perspicacité des jurés « physiques » qui ont attribué ce prix. Une bavure avec le prix attribué à Grand Seiko sans certification officielle, c’est une faute. Une seconde bavure avec Lederer, ce serait l’indice révélateur d’une imposture et d’un système de négligences en bande organisée [incriminations dont le GPHG n’a vraiment pas besoin en ce moment]. On vous laisse réfléchir là-dessus…
COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS