> 

SANS FILTRE #25 (accès libre)
Les aventures de SuperDRH, avec un « S » comme…

On a les Bécassine qu’on peut. La nôtre a un goût étrange qui vient d’ailleurs. Que n’a-t-elle pas déjà raté dans sa vie ? Dans tous les boîtes qui jalonnent son parcours, elle a laissé un souvenir impérissable. Manque de chance, il a fallu qu’elle tombe sur nous : après tout, peut-être qu’on a aussi les Bécassine qu’on mérite…


Si elle était blonde, on lui pardonnerait : je sais, ce type d’introduction est facile et fortement teinté d’un sexisme involontaire, mais elle n’est pas blonde quoiqu’elle mérite de l’être ! SuperDRH a fait plein d’autres métiers, un peu partout dans le monde : comme Bécassine, elle a vu du pays et elle a même connu beaucoup d’entreprises, sans jamais y laisser de traces marquantes autres que celles d’un remarquable gâchis de cette « ressource humaine » dont elle est responsable. Comme si les plaies d’Égypte qui s’abattent sur l’horlogerie depuis la dernière crise de la fin des années 2000 ne nous suffisaient pas, nous avons hérité d’elle voici deux ou trois dizaines de mois. Et, bien entendu, ça ne se passe pas bien.

Au quotidien, SuperDRH use et abuse de cette « langue de boîte » qui irrite tout le monde et qui est d’autant plus insupportable qu’elle s’obstine à ne plus communiquer avec ses troupes que par Zoom, Facetime, chats furtifs et autres conf calls à la gomme : quand on dirige un empire qui conglomère de nombreuses marques, un peu de distance ne nuit pas, explique-t-elle, à l’autorité. C’est fondamentalement une executive qui ne raisonne que groupe, jamais homme ou femme. Sa stratégie de reptation bureaucratique est d’une simplicité biblique : coller au CEO, devancer ses désirs et aggraver ses délires tout en jouant au billard à trois bandes avec les autres managers de son niveau, dénigrés quoiqu’ils fassent. C’est toujours du mauvais côté qu’elle pousse et entraîne son CEO, qui n’a déjà que trop tendance à se verrouiller devant son écran et à s’enfermer dans ses tableurs Excel.

Leur dernière lubie : l’« optimisation financière » d’un groupe à la trésorerie pourtant opulente. Il s’agit donc de tailler partout où c’est possible, de rogner sur le reste et d’exiger des remerciements pour les miettes laissées à un personnel et à un encadrement qui n’en peuvent plus. Faire grossir le « trésor de guerre » d’un groupe, qui n’a pourtant pas à se plaindre de côté-là, est leur nouvelle obsession : SuperDRH va pour cela exiger non seulement qu’on décale tous les réglements aux fournisseurs, mais aussi qu’on profite au maximum des indemnisations prévues pour le personnel au chômage partiel. Il s’agit de maximiser, au seul profit de la trésorerie du groupe [et donc aux frais du contribuable], les aides versées par les cantons et la Confédération. Au besoin, SuperDRH fait du chantage pour que le personnel en chômage partiel revienne travailler, sans l’avouer officiellement et sans le moindre respect des législations en vigueur. C’est elle a qui a poussé à la reprise en urgence dans les manufactures du groupe, en traitant de « lâches » les managers qui tentaient de résister. L’important, c’est d’entasser toujours plus de cash, au détriment de la santé physique et morale des personnels – bientôt de la santé même des marques tirées à hue et à dia. Digne fille des harpies de l’Antiquité, SuperDRH fouette et blesse inlassablement ses troupes…

Son ambiance préférée : le plus exécrable des terreurs organisées et la plus détestable des pressions permanentes imposées à chacun, quel que soit son niveau hiérarchique. L’horreur économique dans toute sa splendeur ! SuperDRH – avec un « S », tout le monde le sait ! – habille cette organisation quotidienne de l’enfer bureaucratique des plus solennelles déclarations dans la plus sublime des « langues de boîte » : c’est toujours « pour le bien du groupe » et il s’agit toujours d’un « devoir de solidarité ». Elle n’a jamais trop d’« empathie » à la bouche : on ne se bat bien que pour ce dont on manque. Elle ne cesse d’invoquer une « générosité » dont elle drape le groupe au moment où celui-ci devient le cancre éthique de la place. Pressentant l’exode imminent de nombreux cadres [c’est fou ce que les concurrents gèrent en ce moment comme demandes en provenance des « ressources humaines » gérées par cette Bécassine rhabillée en SuperDRH], elle ne cesse plus d’éructer contre ces cadres et ces managers qui ne la méritent pas : « Ils sont rétrogrades, nuls et inadaptés au monde moderne. Ils n’ont pas le mindset 2.0 ». Si vous n’êtes pas content, taisez-vous, la harpie a la rancune tenace ! Ne croyez surtout pas la prendre en défaut : elle n’écrit plus rien, elle ne passe plus que des consignes verbales au cours de ses fameux chats numériques…

Passée du côté obscur de la Force, SuperDRH, nous l’avons dit, a une vision très précise de ce que doit être le groupe : une structure déshumanisée axée autour de la cupidité de son équipe dirigeante et de l’autoritarisme du binôme qui le dirige. Soit une vision très nord-coréenne de l’horlogerie, selon laquelle l’information ne circule que du haut vers le bas de la pyramide ! On pourrait considérer que SuperDRH manipule dans ce sens un CEO dont elle est devenue le mauvais génie, mais c’est peut-être pire : la « ressource humaine » dont elle devrait avoir la charge n’est pour elle qu’une variable incolore, inodore et sans saveur, taillable et corvéable à merci, mais surtout menaçable et renvoyable à volonté. Autant dire que SuperDRH n’a rien compris à son métier – mais c’est forcément nous qui ne comprenons pas la grandeur de sa gloire et qui ne sommes pas à la hauteur de sa splendide intelligence. Ce qui est étonnant, c’est que ses actionnaires n’aient pas encore compris qu’elle n’avait rien compris…

NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les vingt premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #20 ci-dessous)…

❑❑❑❑  SANS FILTRE #24 Ce virus n’aura pas été le déclencheur de la crise, mais son révélateur, du moins pour ceux qui ignoraient les signaux faibles (Business Montres du 16 mai)

❑❑❑❑  SANS FILTRE #23 Les dix plus énormes stupidités horlogères proférées pendant le confinement – troisième et dernière partie)   ( Business Montres du 4 mai )

❑❑❑❑  SANS FILTRE #22 Les dix plus énormes stupidités horlogères proférées pendant le confinement – seconde partie  ( Business Montres du 3 mai )

❑❑❑❑  SANS FILTRE #21 Les dix plus énormes stupidités horlogères proférées pendant le confinement – première partie (Business Montres du 2 mai)

❑❑❑❑  SANS FILTRE #20 : « Ça devient carrément gonflant et c’est quand même très moche, cette manie de squeletter toutes les montres ! » (Business Montres du 29 avril)


Partagez cet article :

Restez informé !

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et recevez nos dernières infos directement dans votre boite de réception ! Nous n'utiliserons pas vos données personnelles à des fins commerciales et vous pourrez vous désabonner n'importe quand d'un simple clic.

Newsletter