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Les dix plus énormes stupidités horlogères proférées pendant le confinement (deuxième partie)
On a confiné les humains, mais malheureusement pas les crétins ! Le coronavirus a libéré la parole, plutôt pour le pire que pour le meilleur, notamment sur les réseaux sociaux de l’horlogerie où les uns et les autres ont pu se lancer dans un étourdissant concours de médiocrités auto-satisfaites. Il faudra se souvenir de quelques-unes de ces perles notées à la volée dans les deux premières parties de ce mausolée…
❏❏❏❏ À RELIRE
Les dix plus énormes stupidités horlogères proférées pendant le confinement (première partie : Business Montres du 2 mai)
❏ MALADRESSE ÉPIDÉMIQUE : « Plus généreux que moi, tu meurs »
Vous avez dit « coronawashing » ? Autant il s’est trouvé quelques responsables horlogers plus hardis et plus entreprenants que les autres pour réagir à la crise sanitaire [on pense ici à Jean-Christophe Babin, qui a reconverti ses ateliers de parfumerie en lignes de fabrication de gel hydroalcoolique, ou à Pierre Salanitro, qui a offert des centaines de milliers de masques aux hôpitaux de Genève, ou aux marques de couture LVMH promptement reconvertis en producteurs de masques, ou encore à tous ceux qui ont sacrifié leur stock de matériel de protection pour l’offrir aux soignants – on en oublie, mais pas tant que ça !], autant on a ressenti un peu de honte en découvrant les messages navrants de « solidarité » adressés par certains chefs d’entreprise à leur personnel, à leurs partenaires commerciaux et à leur communauté de clients. Un empathie de surface, des éléments de langage convenus et un réflexe qui tenait plus de la communication que de la compassion. Quand ce n’était pas consternant, c’était d’une niaiserie et d’une banalité confondantes – avec un instinct très sûr pour tout ramener, au premier détour de chaque phrase, à la marque et à son développement marchand plutôt qu’à ses valeurs et ce qu’elle peut incarner au regard de l’histoire des montres. Passons pour mémoire les fausses initiatives charitables. Comme Business Montres avait annoncé, aux premiers jours de la crise, ne plus vouloir tirer sur les ambulances, ni rafaler les corbillards, nous n’avons pas pointé du doigt ces accès malheureux de coronawashing, mais ce ne sera plus le cas après le déconfinement…
❏ BÊTISE TECHNIQUE : « On ne peut pas reconvertir nos ateliers horlogers »
« Morituri te salutant » : les horlogers en pleine débâcle ont fait un tour de piste pour nous saluer poliment, mais c’est tout ! Six semaines d’arrêt plus ou moins total de la production horlogère, c’étaient quarante-cinq jours de silence dans les manufactures qui ne semblent pas – à une ou deux exceptions près – avoir entrepris de reconvertir le moindre de leurs ateliers horlogers en lignes de production d’équipements de sécurité qui auraient été utiles aux équipes médicales. À peine avions-nous formulé une remarque dans ce sens que les jobards ont péremptoirement décidé que c’était impossible de produire de tels composants médicaux dans une usine horlogère. Moyennant quoi, bien évidemment, on a vu les ingénieurs automobiles de McLaren mettre au point en deux semaines un respirateur low cost, les ouvriers de Lamborghini se mettre à produire des masques [d’autres usines automobiles européennes ont pu s’y mettre], les ateliers d’Apple passer du iPhone à la réalisation d’écrans de protection pour les soignants ou même des fabricants américains d’armes à feu [et non des moins : Sig Sauer, Smith & Wesson, Ruger, Taurus, etc.] modifier leurs lignes de production pour les relancer dans la fourniture d’équipements de protection pour les équipes médicales. Il faudra nous expliquer pourquoi il est impossible de reconvertir un atelier horloger en appoint à l’effort de guerre contre le coronavirus quand on y parvient pour un atelier qui fabrique des revolvers ! De toute évidence, c’est plus une question de volonté que de faisabilité technique. On en aurait rêvé, l’horlogerie ne l’a pas fait : qui s’en est ému ?
❏ ERREUR ÉCOLOGIQUE : « Il y a beaucoup trop de petites marques »
« Qu’elles crèvent ! » C’est ce qui est en train de se passer avec la concentration du futur salon de Genève (avril 2021) autour d’une poignée de marques de l’actuel Star System horloger. On laisse sur le bord de la route des centaines de marques indépendantes, d’ateliers créatifs et de jeunes pousses que la mort annoncée de Baselworld prive de toute possibilité économiquement réaliste de se développer. Bien entendu, les foutriquets des réseaux sociaux se pâment sur ce monopole concédé par l’État de Genève aux grands noms de ce Star System [c’est vrai que ces maisons représentent 80 % du chiffre d’affaires de l’horlogerie], mais il faut bien comprendre que ce sera au détriment de la biodiversité horlogère et que cela débouchera inévitablement sur un affaiblissement des défenses naturelles de ceux qui survivront dans le nouvel écosystème horloger. C’est une loi de la sélection naturelle : une hyperspécialisation des espèces dans un biotope trop protégé accroît les risques systémiques qui pèsent sur ces espèces. Il en va de même des cultures humaines : les Indiens des grandes plaines des actuels Etats-Unis ont produit une des plus brillantes et une des plus riches « civilisations » de l’histoire de l’humanité, mais il aura suffi de quelques microbes, d’un peu de whisky et d’une poignée de « visages pâles » plus rapaces les uns que les autres pour tout liquider en quelques années ! Le Covid-19 vient de nous prouver que nos économies européennes et nos sphères écologiques alpino-lacustres ne sont pas à ‘abri du premier « cygne noir » qui passe. La biodiversité de l’industrie des montres est un impératif de survie : on va sur-sélectionner à Genève ceux qui auraient le droit de vivre. C’est un écocide dramatique et un non-sens historique : l’horlogerie suisse a toujours survécu à ses multiples crises grâce à ses nouveaux acteurs. Par exemple, grâce à une jeune marque inconnue, Rolex, qui avait fait dès 1908 le bon choix en considérant que l’avenir appartenait aux montres-bracelets, et non plus aux montres de poche. Par exemple, avec deux inconnus pionniers comme Gabriel Tortella et Osvaldo Patrizzi, qui croyaient en 1974, en fondant Antiquorum, que les montres étaient dignes d’être collectionnées et constituaient un excellent marché pour les enchères. Par exemple, avec un Nicolas Hayek, qui a compris que la seule bouée de sauvetage dont il disposait pour sauver l’industrie horlogère suisse, au début des années 1980, était le moins « suisse » de tous les projets : une montre en plastique bariolé, pas chère et facile à produire [sûr qu’on aurait alors chassé l’équipe de Swatch d’un quelconque salon de Genève !]. Par exemple, grâce à un jeune fou, Jean-Claude Biver, qui avait décidé en 1983, de ne plus faire que des montres mécaniques [à une époque où les « grandes marques » – celle du Star System de l’époque – ne juraient que par le quartz]. Par exemple, grâce à Richard Mille qui a misé, en 2000, sur les nouvelles architectures mécaniques et les nouveaux matériaux pour produire une nouvelle esthétique qui allait révolutionner les catalogues [que de moqueries ironiques n’a-t-il pas enduré à ses débuts ?]. Par exemple, par exemple, et ainsi de suite…