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LUNDI : Un accord amiable qui ne l'est pas vraiment et un atterrissage chinois qui ne l'est pas non plus

Quels sont les termes exacts de la convention amiable proposée par la Comco ? Publication intégrale en exclusivité dans Business Montres... Huit salons horlogers grand public en Europe pour les quatre week-ends de novembre : amusant ou ridicule ?    ❏ RICHARD MILLE S'ENVOIE EN L'AIR…••• La nouvelle montre RM 039 est d'emblée la montre d'aviateur la plus chère de toute l'histoire de l'aviation [comptez un bon million de dollars pour la passer au poignet] et …


Quels sont les termes exacts de la convention amiable proposée par la Comco ? Publication intégrale en exclusivité dans Business Montres... Huit salons horlogers grand public en Europe pour les quatre week-ends de novembre : amusant ou ridicule ? 

 
 
❏ RICHARD MILLE S'ENVOIE EN L'AIR
••• La nouvelle montre RM 039 est d'emblée la montre d'aviateur la plus chère de toute l'histoire de l'aviation [comptez un bon million de dollars pour la passer au poignet] et sans doute aussi la plus furtive de cette même épopée aérienne. Non qu'elle soit particulièrement discrète, mais parce qu'on l'a à peine entrevue au SIHH 2012 et qu'il est déjà question de cette pièce entre collectionneurs très huppés. Il faut dire aussi que c'est probablement la montre de navigateur aérien la plus avancée jamais réalisée. On n'en attendait pas moins de Richard Mille, qui boucle ainsi sa trilogie Terre-Air-Mer – exercice obligé de tout grand horloger qui se respecte. La nouvelle RM 039 (ci-dessus) apporte aux pilotes la quasi-totalité des informations présentes sur la fameuse règle de calcul E6-B inventée dans les années 30 aux Etats-Unis par le lieutenant naval Philip Dalton. Cette règle, intégrée sur la lunette tournante bidirectionnelle (de nombreuses marques l'ont utilisée), permet de lire et de calculer la consommation de carburant, les temps de vols, la vitesse au sol, l’altitude, la densité, l’influence des vents et de convertir rapidement des unités de mesures (Naut/KM/Gallons/Liters/Feet/KG/LBS). Le calibre tourbillon RM039 possède également une aiguille UTC, un mode décomptage, une date surdimensionnée à 12 heures et un sélecteur de fonctions. Le mouvement tourbillon anime un chronographe flyback au dessin exclusif.
••• Cette complication permet aux pilotes d´avoir un dispositif pratique et rapide lorsqu´ils doivent chronométrer successivement différentes durées dans diverses directions. Ils peuvent ainsi relever, sans perdre de temps, le top départ des signaux émis par les balises radio sans avoir recours à une multitude de manipulations. En réunissant toutes ces fonctions au coeur de la RM 039, les applications de la règle de calcul E6-B sont démultipliées et en font un outil encore plus adapté pour le pilote. Ainsi, lors de la phase de préparation d’un vol, la règle E6-B est l’outil le plus précis pour déterminer la consommation de carburant nécessaire et l’altitude densité (essentielle pour le décollage et l’atterrissage). Le fait que la règle E6-B ne nécessite aucune source d’alimentation en fait un instrument extrêmement sûr en vol pour les pilotes, même de nos jours. La conception du mouvement tourbillon chronographe Flyback a demandé de nombreuses années de recherche et de développement. Cette complication inédite chez Richard Mille possède 740 pièces, 58 rubis et une réserve de marche d’environ 70 heures visible à 2 heures. Elle intègre aussi le nouveau mécanisme de tige-couronne breveté présenté sur la RM 037 et qui protège le mouvement des influences extérieures. Il n'y en aura que 30 pour le monde entier...
 
 
❏ LES CARTES POSTALES DE L'ÉTÉ 2012
 ••• C'est parti pour un mois de vacances horlogères : pour changer, on ne va pas s'adresser des cartes postales de endroits où on est en vacances, mais des cartes postales virtuelles des endroits où on aurait préféré partir ou ne jamais partir selon les cas. Aux heures les plus chaudes de l'année, quelques-uns des acteurs les plus intéressants de notre mundillo horloger nous ont écrit [une série quotidienne à suivre dans Business Montres, pendant toutes les vacances horlogères].
 
 
❏ LES CONFRÈRES ET LES FRÈRES…
••• Les révélations de Business Montres ( 9 juillet) concernant la « convention amiable » que la Comco projetait de passer avec le Swatch Group ont fini par émouvoir la presse suisse. Publication dans Business Montres le lundi, réaction des confrères le jeudi : normal, on est en Suisse et il faut bien tout ce temps pour enquêter sur un document qui… n’existe officiellement pas, même s’il a été diffusé par la Comco et puisque seul le document en allemand fait référence.
••• Dans la reprise de ces informations lancées par Business Montres, il y a les vrais confrères : ceux qui reconnaissent la source de ce document (notamment BloombergL'Agefi ou Le Temps, qui a tout fait pour ne pas fâcher le Swatch Group dans la présentation de cette affaire). Et il y a les autres, les vrais con…pas très frères ! Les lecteurs du Quotidien des Montres ont l’habitude de nous voir « sourcer » les actualités des confrères quand elles ne proviennent pas de nos propres enquêtes. Apparemment, ce réflexe confraternel n’est pas généralisé. Merci donc à ceux qui ont eu le bon réflexe ou qui nous ont appelé, comme la Radio suisse romande, pour connaître le dessous des cartes.
••• On ne peut qu'être frappé, dans ces commentaires de presse, par l'acceptation générale du "coup de force" perpétré par un Swatch Group qui semble avoir tenu la main de la Comco pour rédiger une "convention amiable" qui n'est même plus, de toute évidence, négociable. Le sujet est sensible, puisqu'il conditionne une partie de l'avenir pour la dynamique des marques extérieures au groupe, mais l'annonceur Swatch Group est puissant, surtout pour des titres de presse écrite sous perfusion. Il ne fallait donc pas prendre le moindre risque : la liberté du ton des commentaires était directement proportionnelle au chiffre d'affaires à la gravité de la perfusion publicitaire ! On croît rêver en lisant dans L'Agefi que "tout conflit ouvert semble désamorcé" par cette convention amiable préparé par la Comco : au contraire, la bataille se trouve relancée, avec des nouvelles perspectives pour les marques en concurrence frontale avec telle ou telle des marques du Swatch Group : se soumettre au couteau du sacrificateur agréé par la Comco ou inventer de nouvelles voies, dont la décision de TAG Heuer de se fournir chez Seiko dessine les orientations possibles – au risque de faire exploser la fiction du Swiss Made... 
 
 
❏ LES VINGT QUESTIONS POSÉES
PAR CE DOCUMENT OFFICIEUX DE LA COMCO…
••• Au sujet de ce document mis en circulation de façon confidentielle par la Comco, on ne peut que se poser des questions. Pour clarifier le débat, Business Montres met la version française officieuse de ce document confidentiel à la disposition de tous : à chacun de le télécharger pour s’en faire une idée en toute sérénité (c’est la première fois qu’il sera possible de le lire dans son intégralité).
••• Au sujet de ce document, choquant tellement il semble que le Swatch Group ait tenu la plume des rédacteurs de la Comco, Business Montres maintient ses questions restées sans réponse (synthèse de nos commentaires du 9 juillet et 11 juillet), en les prolongeant par d’autres pistes de réflexion :
 
1) POURQUOI la Comco a-t-elle décidé de proposer aux marques d’examiner cette convention amiable au cœur des vacances horlogères (juillet-août), c’est-à-dire dans une période de moindre vigilance tactique ?
 
2) POURQUOI la Comco présente-t-elle ce document comme un texte « en consultation » alors qu’il est déjà quasiment définitif, le Swatch Group ayant fait savoir que c’était à prendre ou à laisser – et surtout non négociable au-delà de quelques points de détails ?
 
3) POURQUOI la Comco accepte-t-elle, en préambule à cette convention amiable, le principe de l’arrêt des livraisons envisagé de façon unilatérale par le Swatch Group, qui fausse ainsi la concurrence en se réservant la meilleure part de sa production industrielle au détriment des marques tierces (si Nicolas Hayek n'a pas planifié ce quasi-monopole industriel d'ETA, il l'avait accepté en donnant des gages pour le futur : il y avait d'autres options que l'arrêt des livraisons, comme la mutualisation coopérative ou la disjonction des entités) ?
 
4) POURQUOI le texte de ce projet de convention amiable en vient-il à nier de façon aussi ostensible le « principe de concurrence efficace » mis en avant par la Comco, qui semble agir dans cette convention avec pour seul projet de faire plier les marques face au Swatch Group (préambule) ?
 
5) POURQUOI une telle volonté de confidentialité autour de ce texte, alors que ce document – qui engagerait toute la branche jusqu’à la fin des années 2010 – mériterait une grande discussion publique et un « compromis » historique valable pour une ou deux décennies ?
 
6) POURQUOI cette convention amiable consacre-t-elle avec autant de soumission le rapport de force dominant imposé par le Swatch Group dans des domaines aussi stratégiques que le volume des livraisons et la fixation des prix ?
 
7) POURQUOI la Comco accepte-t-elle que le Swatch Group incorpore dans les futures hausses du prix des spiraux des « coûts de R&D » qui ne concernent (jusqu’à plus ample informé) que les spiraux au silicium, lesquels sont interdits de livraisons pour les marques extérieures au Swatch Group (point 5, a) ?
 
8] POURQUOI une telle asymétrie dans les devoirs et les obligations imposées aux marques, face aux droits et aux prérogatives concédées avec une immense libéralité au Swatch Group (points 6, 8 et 9) ?
 
9) POURQUOI cette convention amiable ne prévoit-elle qu’une SEULE option de conjoncture (la croissance du marché), alors que tous les indicateurs sérieux convergent vers un bas de cycle historique, qui remettrait en cause toute l’architecture de la convention (point 3, c et d) ?
10) POURQUOI la Comco contresigne-t-elle le principe léonin de telles hausses des prix, qui ne sont justifiées que par l’exercice d’un rapport de forces dont on peut estimer qu’il fausse la concurrence ?
 
11) POURQUOI la Comco ne se préoccupe-t-elle pas du droit concédé au Swatch Group de fixer librement les prix à la baisse, ce qui lui permettra de décourager les initiatives concurrentes dans l’offre des spiraux – cette situation constituant une seconde possibilité d’abus de position dominante (point 5) ?
 
12) POURQUOI la Comco admet-elle aussi facilement l’ingérence du Swatch Group dans la politique commerciale des marques clientes du groupe (point 8, a), le groupe pouvant librement avantager ou handicaper telle ou telle marque concurrente, selon son bon plaisir et en fonction de critères commerciaux improbables ?
 
13) POURQUOI la Comco avalise-t-elle la politique discriminatoire qui serait celle d’un Swatch Group désormais en position de choisir ses « bons » concurrents en fonction de leurs investissements dans l’outil industriel : de fait, les marques qui font le moins d’ombre aux marques du Swatch Group seraient « favorisées » en fonction de leur ratio chiffre d’affaires-dépenses marketing ?
 
14) POURQUOI la Comco peut-elle se résoudre à une telle renonciation au principe d’égalité des clients ? La distorsion de concurrence devient flagrante entre les marques du groupe d’une part, et les marques tierces ou les manufactures tierces, réduites à la portion congrue dès 2015 (point 3 b), alors que ces manufactures sont aujourd’hui les « soupapes de sûreté » et les « assurances vie » des marques tierces…
 
15) POURQUOI la Comco – qui est en Suisse le « gendarme de la concurrence » – accepte-t-elle de bloquer l’accès au marché des nouvelles marques en création ou à créer en réservant aux seuls clients du Swatch Group en 2010-2011 les mouvements industriels du groupe (point 2, c) ?
 
16) POURQUOI cette convention amiable semble-t-elle à ce point avoir été rédigée par les services juridiques du Swatch Group, qui paraissent avoir directement tenu la plume des rédacteurs de la Comco, à la façon d'une de leurs notes de service ?
 
17) POURQUOI la Comco semble-t-elle si pressée d’en finir avec cette convention amiable, en ne laissant aux marques concernées qu’un délai ridicule (31 août) pour faire connaître leurs objections qui, de toute façon, ne serviront à rien (question n° 2), alors que d'autres mesures provisionnelles étaient envisageables ?
 
18) POURQUOI ne pas évoquer le risque de conflit d’intérêt entre les positions de Johann Schneider-Ammann, ex-administrateur du Swatch Group, et Johann-Schneider-Ammann, directeur du Département fédéral de l’Economie, qui a la tutelle de la Comco appelée à statuer sur la stratégie industrielle du Swatch Group ?
 
19) POURQUOI la Comco ne semble-t-elle pas avoir anticipé les réactions des juges européens de la cour de Luxembourg face aux « abus de position dominante » qui pénalisent – dans le cadre de cette « convention amiable » – les entreprises européennes (françaises, allemandes, italiennes) dans leurs rapports commerciaux avec le Swatch Group ?
 
20) POURQUOI la Comco fait-elle fausse route avec un projet de convention aussi déséquilibré, qui revient, pour elle, à passer sous les fourches Caudines du Swatch Group et qui oblige les marques extérieures au groupe à « passer à la casserole » en se livrant pieds et poings liés aux exigences de Nick Hayek ?
 
 
❏ L’HABILITÉ STRATÉGIQUE DE NICK HAYEK…
••• Le respect élémentaire du droit de la concurrence et des règles usuelles de la liberté d’entreprise auraient sans doute mérité, pour ce qui concerne la Comco, une autre approche et un peu plus d’autonomie dans la rédaction de cette convention, qui ne peut que pousser les marques au refus et au durcissement face aux intentions de ne plus livrer du Swatch Group. Ce durcissement du « front du refus » était peut-être le but de la manœuvre, la faiblesse des marques tierces dans ce bras-de-fer ne leur laissant quasiment aucune capacité de manœuvre : la lâcheté des uns et le découragement des autres éroderont vite ce « front du refus » et consacreront la victoire de Nick Hayek, qui aura réussi, par son habileté, à faire plier la branche…
••• Au nom des principes d’une économie libre, Business Montres a toujours défendu la même position dans ce dossier. Nick Hayek est dans son droit d’entrepreneur le plus strict quand il entend adapter sa politique industrielle à ses intérêts stratégiques : rien ne peut l'obliger à procurer des avantages à ses concurrents en leur vendant à bas prix des mouvements ou des assortiments réalisés dans ses propres usines. Son raisonnement est donc impeccable quand il annonce son intention de changer les règles du jeu de ces dernières années. Seul bémol à cette volonté d'entamer un bras de fer avec ses concurrents : les accords tacites passés par Nick Hayek, son père, avec les représentants de la branche quand le futur Swatch Group avait pris en charge la survie et le destin des usines ETA ou Nivarox. Il était alors entendu que le groupe continuerait ne varietur ses livraisons.
••• Alors, c'était alors ; hier, c'était hier... En trois décennies, le paysage horloger s'est transformé. Depuis cet "alors", le Swatch Group – qui n'était qu'un conglomérat industriel – s'est structuré en groupe de luxe autour de valeurs commerciales et marketing qui relèguent la part industrielle de son activité à des considérations subalternes. Sauf que la tentation est grande, pour maximiser les profits, d'utiliser l'arme industrielle pour faire plier des concurrents qu'on voir grandir et proliférer sans pouvoir contrôler le marché : si TAG Heuer, si Bvlgari, si Sellita ou si tant d'autres clients du groupe n'en venaient pas représenter une menace pour les bastions du nouvel empire horloger, la question des mouvements et des assortiments ne se poserait pas. Faute de vouloir investir dans sa branche industrielle, et toujours pour créer de la valeur pour ses marques, le Swatch Group a choisi de gérer la pénurie à son profit en réorganisant les flux d'allocations de mouvements : c'est sa liberté d'action stratégique et c'est parfaitement légitime de son point de vue.
••• Plus malin encore : Nick Hayek a opté pour l'appel à la Comco. On sait qu'il n'y compte pas d'ennemis, au contraire, et que Johann Schneider-Ammann, le responsable confédéral de la Comco, est un vieil ami qui connaît bien le dessous des cartes de l'industrie. On ne sera pas naïf au point de croire que Nick Hayek s'est tourné vers la Comco par altruisme à l'égard de ses concurrents. C'est pour lui un moyen de désamorcer provisoirement les critiques et de se refaire une sorte de virginité médiatique à ce sujet. Il ne lui restait plus qu'à suggérer [pour ne dire : dicter] aux fonctionnaire de la Comco le texte d'une convention amiable capable de donner le change : là où la brutalité initiale avait obligé la Comco à édicter des mesures provisionnelles qui accordaient un délai aux marques tierces, la méthode douce offre au Swatch Group, sur un plateau d'argent, les moyens d'étrangler ses concurrents avec la bénédiction des autorités économiques de la Confédération. Bravo, l'artiste, c'est bien joué...
••• Si le Swatch Group a le droit d'agir au mieux de ses propres intérêts [ce dont il ne se prive pas], ses concurrents ont le devoir de se défendre et de défendre les intérêts de leurs entreprises par tous les moyens dont ils disposent. Les recours légaux engagés dans la première phase du combat étaient assez dérisoires. ils ne réglaient cependant pas la question du quasi-monopole historique du groupe sur les mouvements "industriels" et sur les spiraux "industriels". Est-on sûr d'avoir proposé une alternative globale crédible à cette situation ? Chaque grande marque s'est empressée de se lancer – dans le désordre et sans concertation – dans l'étude de ses propres calibres, ce qui est logique, mais économiquement aberrant [le passé des années pré-quartz a prouvé que c'était même suicidaire]. De même qu'on met actuellement au point le démembrement des réseaux bancaires entre services de dépôt et services financiers spéculatifs, on aurait pu imaginer un "Yalta du mouvement" qui aurait sanctuarisé, hors du groupe, une mutualisation des moyens industriels de l'horlogerie suisse ou la reprivatisation des activités jugées sensibles. Le foisonnement brouillon des initiatives individuelles a fini par faire perdre de vue l'enjeu du "coup de force" opéré par le Swatch Group : l'accès facilité à une source de mouvements mécaniques de base dont le prix compétitif et la fiabilité dopent la créativité marketing et la dynamique commerciale des marques.
••• La parole est maintenant aux marques concernées par cet accord qui n'est amiable que pour le Swatch Group et les autorités suisses de la Comco, qui n'ont pas prouvé par sa rédaction leur clairvoyance. On peut imaginer de nouveaux recours juridiques, mais il est probable que seule une montée de la pression politique – au plus haut niveau, confédéral et européen – peut faire évoluer la Comco pour donner aux marques tierces un peu d'oxygène avant que d'autres solutions industrielles soient mises en place : c'est tout au plus une question de trois ans, pour les mouvements comme pour les spiraux. Trois ans de patience, est-ce vraiment si intolérable pour le Swatch Group, dont l'activité industrielle ne pèse que décidément très peu dans les résultats annuels ? De toute façon, l'absence de capacités mise en avant par le Swatch Group pour justifier sa décision risque fort de n'être plus qu'un prétexte obsolète si la crise revient s'inviter dans les vallées horlogères : on peut parier que les marques du groupe auront soudain moins besoin de truster tous les mouvement disponibles et qu'ETA adoucira ses conditions pour les marques tierces...
 
 
❏ L'ATTERRISSAGE PLUS OU MOINS BRUTAL
DE L'ÉCONOMIE CHINOISE (EN PARTICULIER POUR LE LUXE)…
••• Voici deux mois, il était incongru de laisser penser que le moteur chinois de l'économie du luxe pouvait avoir des ratés : rappelez-vous, en mai dernier, quand Business Montres avait osé affirmer que "la prochaine crise horlogère éclaterait avant 2013", tout le monde s'était indigné. L'information ayant été reprise par toute la presse suisse, inutile d'y revenir. Depuis, les nuages noirs ne cessent de s'amonceler à l'horizon. Quand Wen Jiabao, le Premier ministre chinois [qui ne sera probablement plus là en fin d'année], annonce prudemment que "le taux de croissance économique est toujours compris dans la fourchette d'objectifs fixés par le gouvernement plus tôt cette année, et les politiques de stabilisation fonctionnent», on est prié de se rassurer : c'est la langue de bois officielle. Quand il précise aussitôt que « le rebond économique n'est pas stable et les difficultés pourraient continuer encore pendant un moment », c'est là qu'on a des raisons de s'inquiéter : sans langue de bois, ça signifie que les instruments de bord sont devenus inopérants (baisse des taux d'intérêts, mesures de stabilisation, déréglementation bancaire, etc.) et que la Chine navigue à l'estime, avec un taux de croissance qui rappelle celui de la crise de 2009 – sauf que c'est un taux d'atterrissage, et non un taux de redécollage...
••• Et si Nouriel Roubini avait une fois de plus raison ? En 2006, cet économiste iconoclaste avait prévu le krach bancaire de 2008. Interrogé récemment par Bloomberg TV, il se retrouve sur des positions assez voisines de celles de Business Montres : si vous avez aimé 2008, vous risquez d'adorer 2013, qui sera pire ! Traduction de ses propos trouvée sur le site d'actualités Bakchich: « En 2013, la faculté des politiques de repousser les échéances va s’épuiser et le déraillement à faible vitesse va faire place à un déraillement à grande vitesse dans la zone Euro. Les USA semblent atteindre la vitesse de décrochage et la récession menace. L’atterrissage de la Chine risque d’être violent au lieu de se faire en douceur et les autres marchés émergents ralentissent aussi brutalement. Tous les BRICS, la Chine, la Russie, l’Inde le Brésil, le Mexique, la Turquie et de nombreux marchés émergents ralentissent à cause de la récession dans la zone Euro, sans parler de la Grande Bretagne et des USA qui refusent d’engager les réformes nécessaires. Et puis finalement, il y a la bombe à retardement d’une guerre possible des USA et Israël contre l’Iran. Les négociations ont échoué. Les sanctions ont échoué. Obama ne veut pas d’une guerre avant les élections mais après, qu’Obama ou Romney soit élu, le risque est grand de voir les USA attaquer l’Iran, les prix doubler du jour au lendemain, donc c’est un ‘Perfect Storm’ qui se prépare. Vous pourriez bien avoir un effondrement de la zone Euro, un naufrage en deux temps des USA, un atterrissage violent de la Chine et d’autres marchés émergents. L’année prochaine pourrait être un Perfect Storm global…  
••• En 2013, comparé à 2008, « ce sera sûrement bien pire. Comme en 2008, vous avez la crise financière et économique. En revanche et contrairement à 2008, il n’y a plus de munitions. En 2008, vous pouviez réduire les taux de 6% à 0%, faire du QE1, QE2 voire QE3. Vous pouviez lancer des incitations fiscales représentant jusqu’à 10% du PIB ; vous aviez tout un tas de moyens pour garantir les banques et autres entreprises en difficultés. Aujourd’hui accroître le ‘Quantitative Easing’ devient de moins en moins efficace parce que le problème est la solvabilité pas la liquidité. Les déficits budgétaires sont déjà si grands et chacun doit les réduire, pas les accroître. Il n’y a plus de possibilité de plans de sauvetage des banques puisque ils rencontrent une opposition politique de plus en plus vive et que les gouvernements qui devraient les mettre en œuvre sont quasiment insolvables. Ils ne peuvent même pas faire face à leurs propres besoins alors ceux de leurs banques…Le problème est que par rapport à 2008, nous manquons cruellement de cartouches ; de lapins à sortir du chapeau. Si on assiste à une chute brutale des marchés et à un arrêt complet des économies, vous n’aurez plus les filets de sécurité pour absorber le choc. Nous avons passé les 4 années qui viennent de s’écouler à gaspiller 95% de nos munitions et nous n’en avons pratiquement plus ; c’est pour cela que 2013 pourrait être pire que 2008 »...
 
 
❏ LES AUTRES ACTUALITÉS DU FRONT HORLOGER,
EN VRAC, EN BREF ET EN TOUTE LIBERTÉ ÉDITORIALE…
 
••• ATLANTIC-TAC : l'actualité des montres, c'est sur Atlantico, avec Business Montres pour guide. Au sommaire de la dernière chronique : "Les montres portées dans les tranchées qui reviennent à la mode ; comment investir dans des objets de collection sans se ruiner, mais aussi des montres “squelette“ au design ultra épuré, une nouvelle collection qui plaira autant aux hommes qu'aux femmes, et un scooter uniquement fait à partir de composants horlogers" (Atlantic-tac)...
 
••• SALONS HORLOGERS : les hasards des rendez-vous horlogers de la rentrée démontrent une situation ridicule, qu'un simple coup d'oeil sur L'Agenda des montres de votre Quotidien des Montres suffit à prouver. Huit salons en novembre prochain, pas un seul en octobre – et il doit nous en manquer. L'encombrement du calendrier horloger oblige les marques – qui n'ont pas le don d'ubiquité – à choisir, pour arbitrer entre les inconvénients. Pas sûr que les organisateurs de ces salons y gagnent, et les amateurs encore moins... 
 
••• LOUIS VUITTON (1) : Business Montres ne vous a pas beaucoup reparlé de la nouvelle boutique Louis Vuitton de la place Vendôme, dont la prochaine ouverture était une révélation du 30 mars 2010 (deux ans d'avance !). Les médias vous ont raconté les détails de l'inauguration, mais savez-vous pourquoi Louis Vuitton a choisi d'exposer des diamants à 11 millions de dollars sur cette place, entre Cartier et Boucheron ? Tout simplement pour asseoir le prestige de sa haute joaillerie, ce qui n'allait pas de soi pour une marque menacée par les abus du masstige. Cette boutique, dont la profitabilité est loin d'être évidente compte tenu du prix du mètre carré annuel et du volume prévisionnel de ses ventes, sera avant tout un outil de crédibilisation et un vecteur de confiance pour les acheteurs de très haut niveau, un peu déroutés par la surdistribution de la marque et par le pont audacieux qu'elle tente d'opérer entre une maroquinerie à 1 000 euros et une haute joaillerie à 1 000 000 d'euros. Alors que les marchés du luxe refluent en Asie et les consommateurs aspirationnels se raréfient, le nombre des milliardaires amateurs de très grand luxe se maintient : la compétition n'est plus sur les marchés de masse, mais sur les "niches", dont la place Vendôme est un des spots mondiaux les plus recherchés : c'est là qu'il faut être (voir notre article "Qui fait la loi, place Vendôme ?" : Business Montres du 2 juillet)...
 
•• LOUIS VUITTON (2) : durcissement des opérations du géant français du luxe contre les faussaires chinois. Le Quotidien du Peuplerapporte différentes offensives régionales de la marque contre des centres commerciaux de la provinc de Jiangsu, mais on notera, dans cet article, la modération du commentaire anti-contrefacteurs. Tout aussi étonnante, la mise en cause finale des marques de luxe elles-mêmes dans ces affaires de contrefaçon. Au nom d'une nouvelle morale consumériste : "“Un nombre considérable de contrefaçons sont fabriquées et vendues par les travailleurs internes d'une entreprise, ce qui est largement connu dans l'industrie“, a déclaré Zhou Ting, directeur de l'Institut de Fortune, Characteur qui fait des recherches sur les produits de luxe. Zhou a dénoncé une pratique irresponsable envers les consommateurs. “Les mesures de répression n'ont pas bénéficié à leurs clients, la compensation restant dans un cadre interne à la société, après avoir partagé certains des bénéfices avec les entreprises à la recherche des contrefaçons“". En lisant entre les lignes, cela sonne comme un avertissement aux marques de luxe : "Vos problèmes de contrefaçon ne regardent que vous". Et une inflexion de la ligne officielle chinoise, qui reporte la responsabilité de ces contrefaçons non pas sur les Chinois, mais sur les... Européens...
 
••• HARRY WINSTON : c'était [à ce jour, d'autres son à venir !] la rumeur la plus bête de l'été, mais elle a été reprise sur beaucoup de sites. Le groupe horloger indien Titan rachetant le géant nord-américain de la joaillerie et du diamant Harry Winston, c'était plutôt plaisant. Surtout à un milliard de dollars le tour de table ! Apparemment, certains analystes avaient trop fêté Independance Day... La dernière fois que Titan (mini-Swatch Group indien) a racheté une marque d'horlogerie, c'était Favre-Leuba, en Suisse, revendu par le groupe espagnol Valentin pour moins de deux millions de CHF... 
 
••• VALENTINO : on se demandait quand les Qataris, qui font actuellement leur marché en France (hôtel, football, parts du CAC 40, etc.) passeraient au rayon des marques de luxe. C'est parti avec le rachat par la famille régnante du Qatar de la maison de couture Valentino (cédée par le fonds de capital-investissement Permira et par le groupe italien de textile Marzotto. Valeur estimée de la transaction autour de 700 millions d'euros. La marque Cerruti avait été racheté fin 2010 par le groupe Trinity. La maison Gianfranco Ferre était passée entre les mains du Paris Group, une entreprise de Dubaï, en 2011... 
 
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