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LVMH : La vérité sur le pôle horloger (les vrais chiffres d'affaires et les vrais profits)

En raison de son exclusivité, ce travail d'analyse et d'intelligence économique ne relève pas des contenus rédactionnels habituels du Quotidien des Montres. Sa lecture privilégiée sera donc réservée à nos seuls abonnés Platine. Elle reste cependant accessible à tous les autres lecteurs par paiement à l'unité.  ◀▶ En 2011, l'horlogerie et la joaillerie n'ont pesé que pour un peu plus de 8 % (1 949 millions d'euros) dans le chiffre d'affaires global du groupe …


En raison de son exclusivité, ce travail d'analyse et d'intelligence économique ne relève pas des contenus rédactionnels habituels du Quotidien des Montres.

Sa lecture privilégiée sera donc réservée à nos seuls abonnés Platine. Elle reste cependant accessible à tous les autres lecteurs par paiement à l'unité.

 
◀▶ En 2011, l'horlogerie et la joaillerie n'ont pesé que pour un peu plus de 8 % (1 949 millions d'euros) dans le chiffre d'affaires global du groupe LVMH (23 659 millions d'euros). Pour ce qui est du résultat opérationnel, la part des montres et des bijoux ne dépasse pas 5 % (265 millions d'euros) des 5 263 millions de résultat opérationnel courant du groupe.
 
••• LVMH ne publiant que des comptes consolidés par groupes d'activités, il était tentant d'aller chercher la vérité derrière ces agrégats peu significatifs : pour 2011, que signifient et comment sont répartis les + 23 % de croissance du chiffre d'affaires global du pôle horloger-joaillier ? Même question pour 2012 : que signifient et comment sont répartis les + 41 % (+ 107 % en comptant Bvlgari) de croissance du résultat opérationnel de ce pôle ? Même question pour 2012...
 
••• Parmi toutes les divisions opérationnelles LVMH (Vins et spiritueux, Mode et maroquinerie, Parfums et cosmétiques, Distribution sélective), le pôle Montres et joaillerie est à la fois le plus petit contributeur au chiffre d'affaires du groupe et le plus faible pourvoyeur de ses profits...
 
••• Autant dire que la révélation des chiffres détaillés ci-dessous (chiffre d'affaires, résultat opérationnel et tendances) ne va pas bouleverser les comptes du groupe, ni provoquer le moindre séisme boursier. Ils intéresseront les seuls aficionados et les professionnels spécialisés, sans pour autant changer ou écorner l'image des marques concernées. On profite de ce paragraphe pour déplorer, une fois de plus, la désagréable habitude des groupes cotés, qui consolident leurs chiffres par pôles d'activité au lieu de nous renseigner sur l'activité de leurs marques : sans ces marques, LVMH n'est qu'une coquille vide. C'est par conséquent la vie de ces marques, et le détail de leur activité, qui nous intéressent – pas des agrégats financiers manipulés... 
 
••• Puisés aux meilleures sources et soigneusement recoupés, ces chiffres – non officiels et non autorisés, comme il se doit – sont exacts à quelques décimales près, puisqu'ils reflètent des comptes en évolution permanente. Pour pouvoir les comparer aux données disponibles en Suisse, ils ont été exprimés en CHF, ce qui peut là aussi provoquer quelques décimales d'erreur du fait des taux de change (1 euro = 1,20 CHF). Nous sommes évidemment preneurs de précisions supplémentaires, de même que nous sommes prêts à corriger nos erreurs (toujours possibles) à la lumière d'informations plus précises en provenance de sources autorisées. Business Montres procèdera d'ailleurs ultérieurement, dans la mesure de ses moyens, à des analyses comparables sur les autres groupes horlogers...
 
••• Courtoisement contacté par Business Montres, Francesco Trapani, le président de la division Montres et joaillerie (par ailleurs membre du conseil d’administration et du comité exécutif de LVMH), a tout aussi courtoisement répondu à nos questions. LVMH étant une société cotée, il ne peut donc pas entrer dans les détails des chiffres par marque, mais il met en avant le fait que "toutes les marques ont progressé en 2012, en chiffre d'affaires, et qu'elles ont toutes contribué positivement aux résultats opérationnels du groupe." Il n'a évidemment pas souhaité confirmer, ni commenter nos chiffres et nos estimations – qui contredisent partiellement ses affirmations [rendez-vous lors de la publication des comptes annuels pour la validation de notre analyse]...◀▶
 
 
 
◀▶ DÉCODAGE ET COMMENTAIRES
 
❏❏❏  Les comptes sont exprimés en CHF (base : 1 euro = 1,20 CHF) pour pouvoir facilement les comparer aux chiffres des principaux concurrents, exprimés en francs suisses (Swatch Group et Richemont, notamment)...
❏❏❏  Ces comptes consolident montres et joaillerie, notamment pour Bvlgari, mais les chiffres de Bvlgari ne sont comptabilisés et consolidés pour 2011 que d'avril à décembre [période de l'intégration dans le groupe LVMH]...
❏❏❏  Le chiffre d'affaires 2012 (CA) n'est pris en compte que de janvier à septembre (on trouvera en bas de page nos estimations détaillées pour le total de l'année 2012)...
❏❏❏  Le résultat opérationnel 2012 (RO) n'est comptabilisé que de janvier à septembre (par comparaison, nous n'avons affiché que le résultat opérationnel de janvier à septembre pour 2011)...
❏❏❏  Toutes ces données sont évidemment non officielles et non autorisées : les chiffres sont les meilleurs dont nous disposons en décembre. Nos propres méthodes de calcul peuvent expliquer la différence (0,3 à 0,6 %) entre les chiffres que nous annonçons et ceux qui ont été publiés par LVMH dans son rapport d'activité. Ces données sont révisables à tout instant en fonction des informations qui peuvent nous parvenir.
❏❏❏  Les lecteurs qui ont de la mémoire pourront se reporter à nos précédentes publications sur les chiffres LVMH, avec une analyse de la profitabilité (6 février dernier) et un examen détaillé des super-chiffres pour 2011 projetés sur 2012 (3 février)...
 
 
◀▶ BVLGARI
 
* CA et RO 2011 sont consolidés seulement d'avril à décembre – CA et RO 2012 sont consolidés de janvier à septembre...
 
❍❍❍ On note d'emblée la profitabilité relativement faible de Bvlgari, à comparer avec celle des autres marques du groupe, mais on remarque immédiatement que les effets de la "machine LVMH" ont commencé à produire leurs effets, avec une amélioration très nette de cette profitabilité sans croissance sensible du chiffre d'affaires. Ce qui confirme la capacité des groupes à faire accélérer les marques qui démarrent bien [on verra ci-dessous que l'inverse est vrai avec les marques en difficulté]. Apparemment, du fait de son intégration progressive dans le groupe et de sa réorganisation après une crise (interne et externe) qui avait violemment ébranlé tout l'édifice, Bvlgari n'a pas vraiment pu tirer profit d'un début d'année en fanfare : il serait étonnant que le chiffre d'affaires pour les 12 mois de 2012 soit proportionnellement supérieur aux 12 mois de 2011. On peut l'estimer autour de 1 540-1 560 millions, avec un résultat opérationnel qui ne devrait pas dépasser les 160-180 millions...
 
 
◀▶ TAG HEUER
 
CA et RO 2011 et 2012 sont consolidés de janvier à septembre...
 
❍❍❍ Sans forcément frôler le milliard de francs fin 2012, comme l'annonce son CEO, TAG Heuer devrait cependant faire une année remarquable, avec un chiffre d'affaires annuel qu'on peut estimer à 910-930 millions de francs, avec une profitabilité en légère baisse du fait de l'ouverture de nombreuses boutiques et d'une communication massive. Les six premiers mois de l'année ont dépassé les 20 % de croissance, mais le ralentissement est très sensible depuis la rentrée. À titre prévisionnel, on peut estimer le résultat opérationnel annuel entre 190 et 200 millions de CHF – ce qui fait toujours de Jean-Christophe Babin le principal contributeur aux profits de la division Montres et joaillerie. Il faudra surveiller de près la croissance des investissements productifs et des coûts d'accès au marché (frais de commercialisation et stocks), encore que ces stocks n'apparaissent pas clairement dans les comptes du groupe LVMH, puisqu'ils sont génialement disposés en toute opacité pour qu'ils n'affectent pas la marge, mais seulement les besoins en trésorerie...
❍❍❍ Alors, ce milliard ? Il suffit de s'entendre : fin 2012, TAG Heuer sera effectivement (voir plus bas) milliardaire, mais en dollars ! Il suffit de le préciser. C'est sans doute le journaliste qui a confondu les francs suisses et les dollars...
 
 
◀▶ HUBLOT
 
CA et RO 2011 et 2012 sont consolidés de janvier à septembre...
 
❍❍❍ La manufacture Hublot semblait bien partie pour dépasser cette année les 350 millions de CHF, mais elle aura sans doute du mal à les atteindre : compte tenu du départ sur les chapeaux de roue de l'année, mais du coup de frein constaté depuis la rentrée, on peut estimer que ce chiffre d'affaires 2012 devrait se situer autour de 320-330 millions de CHF, avec un résultat opérationnel qui ne croit lui aussi que modérément et qui aura du mal à dépasser les 50 millions sans pouvoir sans doute toucher les 60 millions espérés. C'est que les frais de communication sont eux aussi en croissance, de même que les coûts industriels et les coûts commerciaux (boutiques, stocks et gestion des réseaux). En plus d'une demande devenue poussive, l'effet Jean-Claude Biver – nettement moins présent dans l'entreprise et sur le terrain – commence à s'éroder lentement, alors que les frais de promotion et de marketing explosent. La construction d'une seconde manufacture devrait rapidement peser sur la profitabilité...
 
 
◀▶ ZENITH 
 
CA et RO 2011 et 2012 sont consolidés de janvier à septembre...
 
❍❍❍ Le Petit Prince de la seule manufacture "intégrale" du groupe fait mieux que tirer son épingle du jeu, mais la dynamique de sa relance a du mal à trouver un second souffle. Le chiffre d'affaires 2012 devrait se situer autour des 130-140 millions de CHF, là encore en tirant parti d'un début d'année fastueux qui compensera une fin d'année nettement plus laborieuse. Le résultat opérationnel est lui aussi affecté par les frais croissants de commercialisation et par les investissements industriels : il serait étonnant que Jean-Frédéric Dufour apporte plus d'une douzaine de millions de CHF (et sans doute moins) à Francesco Trapani, le président du pôle horloger, mais ce n'est pas si mal et il sauve l'honneur en se maintenant parmi les marques horlogères profitables – ce que ne sont plus la moitié des marques du pôle [du moins selon nos estimations]... 
 
 
◀▶ DIOR
 
CA et RO 2011 et 2012 sont consolidés de janvier à septembre...
 
❍❍❍ Compte tenu d'une déprime inattendue en fin d'année, Dior devrait avoir du mal à faire beaucoup mieux qu'en 2011 et sans doute encore plus de mal à ne pas faire moins bien. La marque est loin d'avoir réussi sa percée sur les marchés asiatiques [où le pôle horloger de LVMH est de toute façon sous-performant] et elle souffre sur ses marchés traditionnels. Dior n'a pas [su/pu ?] profité de l'embellie générale des marchés au début de cette année et la fin de l'année s'annonce encore plus problématique, avec une érosion du chiffre d'affaires – qui devrait rester autour de 45-48 millions de CHF – et, surtout, une aggravation des pertes qui vont maintenir Laurence Nicolas dans les chiffres rouges [ce qui n'est jamais bon signe chez LVMH, surtout quand ça concerne la marque-fétiche de l'actionnaire], peut-être même au-delà des 12 millions de CHF... Mais y est-elle pour quelque chose ? Ou n'est-ce pas, plutôt, le modèle économique global des fashion brands de la sphère horlogère qui fait eau de toute part en raison de la crise économique et de la mutation internationale des consommatrices ? On a vraiment l'impression que tout a été tenté – en vain – pour ranimer ce grand corps malade, qui ne mérite sans doute pas le pilori des chiffres rouges, surtout deux années de suite...
 
 
◀▶ CHAUMET
 
* CA et RO 2011 et 2012 sont consolidés de janvier à septembre...
 
❍❍❍ La marque de la place Vendôme reste une énigme, par son positionnement indéfinissable sur le marché, par son modèle économique pour le moins nébuleux, par la lenteur de ses réactions aux évolutions des consommateurs et par la résilience de son patron, Thierry Fritsch, dont on avait l'impression qu'il était insubmersible. Il est vrai qu'il ne coûtait pas beaucoup d'argent au groupe à défaut de lui en rapporter, mais qu'il avait l'atout de maintenir le pavillon LVMH dans un des plus beaux hôtels particuliers de la place. Hélas, la crise de 2009 a secoué le cocotier : c'était tangent en 2011, mais c'est l'alerte – rouge, comme les chiffres du même nom – pour 2012. Avec un peu de chance, on pourrait tenter d'approcher la performance de 2011 (en se contentant de 150-155 millions au mieux), mais au prix d'un résultat opérationnel  négatif (de l'ordre de 8 à 10 millions dans le rouge). Le redressement opéré à la fin des années 2000 a été stoppé net au début des années 2010 : la menace d'une spirale négative sur un marché devenu de plus en plus sélectif se dessine, avec des consommateurs de plus en plus experts dans l'art de repérer les maillons faibles – ce qui ne va pas arranger les affaires d'une maison bicentenaire qui se cherche toujours de bonnes raisons d'exister...
 
 
◀▶ DE BEERS - FRED 
 
CA et RO 2011 et 2012 sont consolidés de janvier à septembre...
 
❍❍❍ Y a-t-il encore un pilote dans l'avion ? Peu importe, puisqu'il n'y a plus guère de passagers dans cette paire de vaisseaux fantômes qui ont commencé à creuser après avoir touché le fond. De Beers – qui restera dans l'histoire du groupe comme une des joints-venture les plus ratées – ne devrait pas cette année dépasser les 50-52 millions de CHF, avec 22 à 25 millions de pertes : une goutte d'eau dans les profits du groupe, mais ils plombent les comptes du pôle de Francesco Trapani, qui ne sait plus quoi faire pour stopper l'hémorragie et qui aurait bien besoin de ces millions pour renforcer ses marques les plus profitables. Fred fera sans doute encore moins bien cette année que l'année dernière, avec 26-28 millions de chiffre d'affaires, pour 10 à 12 millions de résultat opérationnel négatif. D'où la question qu'on peut se poser : y a-t-il un aiguilleur du ciel dans la tour de contrôle LVMH ? C'est en tout cas une confirmation de l'incapacité ontologique des groupes de luxe à venir au secours d'une marque à la dérive [on avait pu le vérifier chez Ebel avec LVMH, mais on pourrait trouver d'autres exemples au Swatch Group ou chez Richemont]...
 
 
◀▶ ESTIMATION ANNUELLE
DE BUSINESS MONTRES & JOAILLERIE
POUR L'ANNÉE 2012
 
 
❍❍❍ Le divorce radical entre la croissance "apparente" et la croissance "réelle" [même réflexion sur la croissance de la profitabilité] s'explique facilement par le fait que les chiffres 2011 n'intégraient que trois trimestres de résultats de Bvlgari. Il est donc difficile de comparer le plein exercice de 8 marques avec celui de 7, 75 marques ! La progression globale, qui reste honorable, n'est cependant plus explosive : elle s'explique par une fin d'année difficile, qui contraste violemment par son atonie avec l'exubérance des premiers mois de 2012, notamment marqués par la consommation du Nouvel An chinois et une euphorie qui n'est plus de mise aujourd'hui. La cassure a eu lieu en septembre et le décrochage a vraiment commencé en octobre [ceci n'est pas vrai pour toutes les marques, notamment TAG Heuer, qui a plutôt bien négocié les mois d'automne]. Selon nos estimations, la croissance globale (et réelle) ne dépassera pas les 15-18 % pour le pôle horlogerie de LVMH, l'ensemble des marques se trouvant en état de sous-performance par rapport au premier semestre.
 
 
❍❍❍ Le chiffre des profits reste à un niveau plutôt moyen (en apparence) et pas très brillant en réel (+ 6 %), même en tenant compte de tous les artifices cosmétiques qu'on peut déployer en fin d'année pour sauver la face sur le plan comptable. La profitabilité moyenne des marques LVMH s'est même dégradée par rapport à 2011. Gageons néanmoins que tout le monde fera état d'une "année record", ce qui sera à la fois vrai et faux ! Il faudra voir au cas par cas... On aura noté que les pertes annuelles [estimées] des quatre marques déficitaires correspondent quasiment aux profits accumulés par Hublot et Zenith, qui se trouvent annulés à 86 % ! Sans les pertes de De Beers et de Fred, avec un simple retour à l'équilibre de Chaumet et Dior, le résultat opérationnel passerait à 413 millions, soit 13 % du chiffre d'affaires : c'est plus du double de la performance actuelle. Ce qui posera un inévitable problème de stratégie à la direction du pôle : déconsolider les boulets ou les ressusciter, mais comment ? On peut se demander s'il n'est pas dangereux de voir les profits de la division Montres et joaillerie ne plus effectivement reposer que sur deux marques pourvoyeuses de cash !
 

 
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