BUSINESS MONTRES ARCHIVES (accès libre)
Pourquoi aucune marque de montre n’est-elle perçue comme clairement « de gauche » ?
Alors que la fièvre électorale française tend à passionner les Suisses romands, il n’est pas inutile de s’interroger sur le positionnement politique des marques de montres : de quel bord sont les maisons horlogères qui tiennent le haut du pavé et quels sont les mystérieux ancrages politiques de ceux qui les portent ?
❑❑❑❑ TEXTE ORIGINAL : « Politic-tac : ces marques de montres sont-elles “de gauche” ou “de droite” ? » (Business Montres du 21 novembre 2016 – accès libre comme tous nos archives un an après la parution de l’article)
POLITIC-TAC
Ces marques de montres sont-elles « de gauche » ou « de droite » ?
Par principe, on ne mélange pas affaires et politique : les marques sont réputées « apolitiques ». Sauf que ceux qui les achètent sont des citoyens aux options idéologiques variées. Y aurait-il une corrélation entre le choix d’une marque et le tempérament politique de celui qui la porte ? Une récente étude marketing pourrait le laisser penser…
Les données marketing globales sont un océan dans lequel on peut chaluter différentes espèces de poissons. Ainsi, en croisant les études de la REMP (Zurich) sur la consommation suisse, on obtient rapidement d’intéressants éclairages sur les rapports entre les marques de montres possédées par les amateurs et leurs choix politiques. Ce n'est sans doute pas un hasard si davantage de personnes de droite ou de gauche se portent sur telle ou telle autre marque. Ces résultats ne concernent que les consommateurs suisses [à chacun de les extrapoler à des marchés extra-helvétiques]. L’échantillon auquel nous avons eu accès représente 9 279 consommateurs interrogés. Pour éliminer tout biais statistique, nous avons éliminé les taux de possession inférieurs à 1 % [ce qui concerne des marques comme Audemars Piguet, Blancpain, Breguet, Chopard, Gübelin, Hublot, Patek Philippe et Piaget].
Les consommateurs expriment ensuite leurs proximité politique autour d’un axe central de sensibilité idéologique (centre, centre gauche, centre droit, puis droite/plutôt droite et gauche/plutôt gauche). Des affinités très nettes se détachent très vite, autour d’un indice médian calé à 100 : nous n’avons retenu que les affinités inférieures à 70 ou les affinités supérieures à 130.
Ce qui dessine un tableau idéologique des marques horlogères (la catégorie « Autres marques » représente tout de même 2 414 réponses différentes des marques citées ci-dessous, 2 133 consommateurs ne donnant pas de réponse sur leurs affinités politiques). Les catégories ci-dessous peuvent se recouper, du fait de la sur-représentation d'une marque dans de multiples options de proximité politique...
Marques très faiblement marquées à gauche/plutôt gauche, voire au centre gauche :
• Breitling (indice 55 à gauche, mais 110 au centre gauche)
• Bucherer (indice 0 à gauche, 104 centre gauche)
• Casio (indice 61, 94 centre gauche)
• Longines (indice 51, 108 centre gauche)
• Omega (indice 54, 96 centre gauche)
• Rado (indice 49, 70 centre gauche)
• Rolex (indice 20, 90 ventre gauche)
• Swarovski (indice 51, 90 centre gauche)
• TAG Heuer (indice 18, 87 centre gauche)
• Tissot (indice 69, 94 centre gauche).
Marques très faiblement marquées à droite/plutôt droite, voire au centre droit :
• Bucherer (indice 54, 98 en centre droit)
• Swarovski (indice 6, 45 en centre droit).
Marques bien marquées au centre :
• Breitling (indice 144)
• Bucherer (indice 142)
• Cartier (indice 160)
• Rado (indice 134)
• Rolex (indice 137)
Marques plus fortement marquées à gauche/plutôt gauche, voire en centre gauche :
• aucune !
Marques plus fortement marquées à droite/plutôt droite, voire en centre droit :
• Breitling (indice 149 en centre droit, 125 en droite/plutôt droite)
• Cartier (indice 114 en centre droit, 130 en droite/plutôt droite)
• Casio (indice 117 en centre droit, 180 en droite/plutôt droite)
• Fossil (indice 101 en centre droit, 138 en droite/plutôt droite)
• IWC (indice 136 en centre droit, 74 en droite/plutôt droite)
• Omega (indice 129 en centre droit, 86 en droite/plutôt droite)
• Rolex (indice 116 en centre droit, 146 en droite/plutôt droite)
• TAG Heuer (indice 157 en centre droit, 134 en droite/plutôt droite)
• Zenith (indice 136 en centre droit, 139 en droite/plutôt droite)
Marques « équilibrées » dans chacune des catégories idéologiques concernées (score moyen) :
• Certina (avec une légère tendance plus marquée à droite)
• Swatch (équilibre remarquable entre centre, droite et gauche).
On voit ainsi très clairement se dessiner une cartographie idéologique des marques horlogères, avec un pôle droitier [emmené par Casio, puis Rolex, Zenith, TAG Heuer et Cartier] et un pôle plus centriste [emmené par Cartier, puis Breitling, Bucherer et Rolex]. La « gauche horlogère » reste à inventer [à partir de marques comme Fossil, Breitling ou même Zenith, qui apparaissent comme des marques très clivantes aux extrémités du spectre politique].
On en déduira logiquement au moins deux enseignements, aussi parcellaires et contestables que soient ces méta-données recoupées, qui ne sont qu’un signal faible à ne pas graver dans le marbre.
• D’une part, l’horlogerie reste globalement une « affaire de droite » (sous-représentation à gauche, sur-représentation à droite).
• D’autre part, cette « droitisation » n’a pas d’explications claires : quel rapport entre les scores droitiers de Casio et de Zenith, de Rolex et de Cartier, de Fossil et de TAG Heuer ?
Les explications sociologico-économiques ne manqueront pas à ce sujet : analystes de tous les pays, unissez-vous !