BUSINESS MONTRES x ATLANTICO (accès libre)
Quand les doigts disent l’heure et quand la tension attire l’attention : c’est l’actualité des montres, toujours en mode germinal
Mais aussi un temps sportif à l’huile de ricin, le triangle qui casse la ligne du temps, le chocolat d’une plongeuse rétro et la tyrannomontre venue du fond des âges… Images ci-dessous : des heures qui piquent et qui délirent (Franck Muller) ou des heures vraiment digitales (F.P. Journe) ?
••• Une page Atlantic-Tac à retrouver, comme chaque vendredi, sur Atlantico, le premier portail d’informations générales indépendant parmi les pure players numériques du web francophone (4 millions de visiteurs mensuels), un site classé comme un des plus influents de l'écosystème français...
BA111OD : Ça ne tourne pas rond…
Le nom de cette marque indépendante suisse est improbable : Ba111od pour le patronyme de son fondateur, Thomas Baillod, qui nous arrive des Montagnes neuchâteloises. Le nom de son dernier modèle ne l’est pas moins : « CHPTR_Δ » à prononcer comme « Chapitre Delta ». Le concept mécanique est encore plus ébouriffant : certes, la montre est ronde (boîtier en acier de 44 mm), mais rien n’y semble à la bonne place ! La couronne de remontage est à quatre heures. L’aiguille des minutes fait bien le tour du cadran, mais elle semble par moments un peu hors course. Pas d’aiguille des heures, mais un grand triangle central avec une bille jaune qui va évoluer sur les branches graduées de ce triangle selon une course hypocycloïdale qui semble par instants accélérer ou ralentir une course du temps qui fausse notre perception ordinaire de la durée. En mode Swiss Made et sur une base de mouvement automatique, le tout est à la fois très précis et très déroutant : l’histoire mécanique de ce triangle qui ne tourne pas rond a été écrite par Olivier Mory, le méchanicien qui empêche les ronchons horlogers de tourner en rond. On vient de pulvériser la ligne du temps, qui n’est plus une flèche tendue entre le passé et le futur, mais une virevoltante et amusante promenade dans une nouvelle géométrie horlogère. Même le prix de cette fantaisie mécanique est hors normes : pour un peu moins de 2 500 euros, vous pouvez vous offrir non seulement un mouvement « manufacture » sans équivalent sur le marché, mais également un fascinant voyage hypocycloïdal dans un temps délinéarisé…
ICE-WATCH : Les couleurs du ricin…
Arrivent, après l’hiver, les joies du printemps, du grand air, de l’évasion et du retour vers la nature. Arrive le temps des montres « à tout faire » et sans souci en tout-terrain. Arrive le temps des Ice Chrono d’Ice-Watch, étanches à 100 m mais très légères grâce à leur boîtier en biopoly, un matériau composite biosourcé à base d’huile de grains de ricin et d’un alliage polyamide-nylon. Avantages annexes de ce biopoly : sa résistance et la vivacité des couleurs qui le décorent. Les bracelets, eux, sont en silicone, matériau lui aussi léger, confortable et capable de couleurs spectaculaires. Pour sa nouvelle collection Ice Chrono, la maison indépendante Ice-Watch – le David belge qui défie depuis bientôt vingt ans le Goliath suisse (Swatch) – a repensé les tailles : large en 44 mm, extra-large en 48,5 mm, toujours avec un grand sens du confort. On a changé les couleurs : neuf modèles au choix, avec différents bracelets. En revanche, Ice-Watch a maintenu ses prix : 149 euros avec un mouvement électronique ultra-fiable. Et si on le lâchait sur les couleurs ? Impossible de ne pas s’offrir plusieurs de ces chronographes décidément très pratiques pour accompagner les meilleures heures de la belle saison.
F.P. JOURNE : Au doigt et à l’œil…
Si les horlogers français peuvent se flatter d’être le fer de lance de l’horlogerie suisse [sans les Français, les montres suisses manqueraient à la fois de têtes et de mains], c’est que leur créativité personnelle a quelque chose de magique. Prenons le cas d’un François-Paul Journe, Marseillais de naissance, Parisien de formation horlogère et Genevois de résidence pour sa manufacture de montres mécaniques qui s’arrachent dans le monde entière : à soixante-cinq, il se paie encore le luxe d’imaginer de nouvelles approches du temps et même de bousculer nos habitudes mentales. Voici, par exemple, sa nouvelle FFC – acronyme de Francis Ford Coppola, le cinéaste américain qui avait envie de s’offrir une montre vraiment originale, née de l’imagination fertile de François-Paul Journe. Lequel a repensé à la fois l’affichage des heures et celui des minutes. L’inspiration de cette main mécanique est un hommage à Ambroise Paré (1510-1590), le premier grand maître chirurgien français, qui avait conçu en son temps une magistrale prothèse mécanique. C’est à une telle main articulée que François-Paul Journe a songé pour « dire » l’heure avec les doigts – ce qui est, au sens strict de l’étymologie, la seule heure « digitale » possible, avec douze signes qui désignent les heures selon un code « digital » très facile à assimiler (image en haut de la page). Les minutes sont à peine moins originales que les heures : elles ne sont pas indiquées par une aiguille, mais par la flèche d’un disque tournant qui défile tout autour du cadran sur une échelle de soixante unités [sur l’image ci-dessous, il est 5:00 ou 17:00]. Le mouvement automatique capable d’entraîner cette heure digitale et ces minutes circulaires est évidemment tout sauf banal, avec plus de 400 composants dans un boîtier de la ligne Octa en platine (42 mm). L’ingéniosité mécanique de cette montre FFC n’a d’égale que la subtilité du message horloger dont elle est porteuse : dans son conservatisme intelligent, la vraie tradition est toujours révolutionnaire…
FRANCK MULLER : L’attention d’une tension…
La manufacture indépendante genevoise Franck Muller n’ayant jamais amusé ni des « collaborations » avec des artistes, ni des « ambassadeurs » mercenaires, on ne pourra que mieux comprendre l’intérêt de cette interprétation de l’iconique Crazy Hours de Franck Muller par le créatif français Hom Nguyen, que la République française a récemment promu à la distinction de chevalier de l’ordre national du Mérite. Hom Nguyen, artiste d’origine vietnamienne qui est né en 1972, c’est avant tout une sensibilité portée par une attention au monde, à ses injustices et à ses souffrances. L’artiste a réinterprété dans son style d’écorché vif les fameux chiffres des « heures déjantées » (crazy hours) : à chaque changement d’heure, l’aiguille revient vers le chiffre correspondant, qui n’est pas à sa place traditionnelle sur le cadran – les minutes sont disposées plus classiquement. C’est un des plus puissants et un des plus originaux concepts de l’horlogerie contemporaine, mais Hom Nguyen parvient à lui redonner une nouvelle intensité créative : les chiffres semblent frémissants de tension et les lettres nous racontent une tout autre histoire que celles des montres suisses bien habillées et bien propres sur elles. Le choix d’un boîtier « tonneau » en titane – celui de la Vanguard – ajoute à la force du décalage graphique que Hom Nguyen impose à notre réflexion. Une édition limitée en tout point exceptionnelle, au carrefour de la liberté formelle de l’art contemporain et de la créativité mécanique des traditions horlogères : dans ses différentes et parfois sévères itérations (cadran blanc, noir, gris), cette Crazy Hours revue et corrigée par la passion vibrante de Hom Nguyen est une œuvre d’art sans comparaison possible...
EBERHARD & CO. : Chaud, le chocolat…
Ceux qui ont déjà cédé au charme rétronostalgique de la Scafograf 300 MCMLIX d’Éberhard & Co. [la plus italienne des marques suisses], une montre déjà récompensée par le Grand Prix d’horlogerie de Genève (2016) et bien déclinée en noir, en vert ou en bleu, se réjouiront de l’arrivée d’une nouvelle couleur : cette montre de plongée en acier étanche à 300 m (elle dispose d’une valve à hélium) nous revient ce printemps dans un brun chocolat des plus appétissants. On peut saluer la généreuse simplicité et le style vintage apaisé de cette « plongeuse » au grand cœur (43 mm) qui sait se faire discrète au poignet et on doit se féliciter de sa lunette en céramique, sa valve à hélium ou son mouvement automatique irréprochable, mais on ne manquera pas d’apprécier aussi un des meilleurs rapports qualité-prix du marché (dans les 2 800 euros avec un bracelet à maillons métalliques ou sur un bracelet en cuir hydrofuge). Après des années de somnolence, la maison indépendante suisse Eberhard & Co semble se réveiller pour nous séduire avec des montres Swiss Made accessibles et de plus en plus réussies, en mode nautique comme en mode urbain – cette Scafograf ne choquera personne si on la porte en semaine au bureau…
URWERK x T. REX : La Rolex du Crétacé…
Ce sera le premier squelette complet de tyrannosaure (T.Rex) à être vendu aux enchères en Europe et c’est le dernier à être encore entre des mains privés, les autres ayant rejoint des musées et des institutions scientifiques. La pièce est imposante : 11,6 m de long pour 2,6 m de large et 3,9 m de hauteur. Le nom savant de ce fossile né aux États-Unis voici 67 millions d’année, c’est TRX-293 Trinity. Il est estimé à 6-8 millions d’euros, mais l’adjudication pourrait largement dépasser les 30 millions ! La maison d’enchères zurichoise Koller, qui procèdera à cette vente le 18 avril prochain, a dû mettre en place un système de réservation pour l’exposition de ce lot exceptionnel : file d’attente garantie ! L’horloger indépendant suisse Urwerk a conçu une montre très spéciale pour accompagner la vente de ce T.Rex : la montre à heures satellitaires UR-105M T.Rex est dotée d’une sorte de « peau » grumeleuse dont la couleur et les « écailles » évoquent celles qui prête à ces dinosaures prédateurs. À l’intérieur de la montre, un minuscule fragment de notre ami TRX-293 Trinity : c’est ce qui rend absolument unique cette montre, qui sera vendue quelques minutes avant le squelette du tyrannosaure (estimation 80 000-120 000 euros). Si les tyrannosaures, qui ont dominé la Terre pendant deux millions d’années, avaient porté des montres à leurs petits poignets, ils auraient fait de la maison Urwerk la Rolex du Crétacé…
Coordination éditoriale : Eyquem Pons