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Quelques jours avec le rarissime prototype Rolex Oystersub au poignet
À notre connaissance, il ne reste plus que deux exemplaires de ce prototype Oystersub en état de fonctionnement : l’un dans un tiroir d’archives du service du patrimoine de Rolex ; l’autre dans la collection privée d’un ami, qui a bien voulu nous prêter cette Oysterquartz Submariner jamais mise en production…
Pour l’édification des nouvelles générations, rappelons que Rolex a été la première marque horlogère suisse à oser la première montre qu’on qualifierait aujourd’hui de « sport chic », avec un boîtier à pans coupés, un bracelet intégré, un mouvement à quartz « maison » (le Beta 21, qui était alors à la pointe des avancées horlogères suisses) et un verre saphir. On était alors en 1970, soit deux ans avant que Gérald Genta ne capte cette tendance et ne dessine, pour Audemars Piguet, sa rupturiste Royal Oak. Les 1 000 exemplaires de cette réf. 5100 seront quasiment pré-vendus dès leur lancement, ce qui poussera Rolex à mettre ensuite sur le marché son Oysterquartz en 1976 [l’année de la Nautilus], dans le même style mais avec un mouvement électronique totalement « maison ». C’est cette Oysterquartz qui sera déclinée en différentes versions, Datejust et Day-Date, avec l’essai de nombreux prototypes (« plongeuse », GMT, calendrier perpétuel, etc.) tout au long de la vie de cette Oysterquartz, dont la production ne cessera officiellement qu’en 2001, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services.
Un des plus rares de ces prototypes était l’adaptation à l’univers de la plongée de l’Oysterquartz : la référence de ce prototype donné pour étanche à 300 m était déjà calée (réf. 7065), mais elle n’a jamais été officiellement retenue. Le mouvement de base était le calibre de haute précision 5335 (moins d’une minute par an). Il semblerait que le projet d’« Oystersub » – nom de baptême non officiel – ait été abandonné après des tests effectués auprès de plongeurs qui estimaient ce boîtier de 36 mm trop petite et le cadran pas assez lisible [la Submariner de l’époque était de 40 mm]. Leurs critiques portaient également sur l’absence de protège-couronne, alors que Rolex avait spécialement retravaillé la montre pour renforcer la robustesse de celle-ci.
Au porter, l’Oystersub est d’autant plus confortable qu’elle est moins massive qu’une Submariner classique et beaucoup plus légère du fait de son mouvement à quartz. Les maillons métalliques offrent une grande souplesse au bracelet, qui « tombe » sans le moindre angle prédéfini du boîtier et qui permet donc à la montre de s’adapter aux plus petits poignets. Assez étrangement, le numéro de série du prototype essayé semble avoir été effacé : il n’est pas certain que l’employé Rolex qui l’a « sorti » des ateliers ait été parfaitement dans son droit [la montre a été acquise en transaction privée] ! De même, et tout aussi étrangement, l’habillage de ce prototype – cadran noir, lunette bleue – reprend en réduction intégrale l’esthétique des Submariner de l’époque, mais avec une mention Oysterquartz en rouge vif, non pas sous le logo Rolex, mais à la place du traditionnel « Submariner » (au-dessus de l’indication de profondeur) – sans doute pour assurer une continuité avec les inscriptions en rouge des Submariner mécaniques de l'époque. De même, Rolex avait inauguré avec ce prototype ses index cerclés, qui migreront ensuite sur les cadrans Submariner...
En conclusion, on pourrait dire de cette montre hybride qu’elle n’avait ni l’allure d’une Submariner « professionnelle », ni la sobre élégance d’une Oysterquartz urbaine. Les réactions négatives du réseau et des sportifs concernés ont eu très vite raison de ce projet, qui mériterait une note globale située entre 6/10 et 6,5/10. L’Oystersub est donc restée dans les limbes, sans nom et sans surnom, voire même sans référence définitive. Elle a rejoint un autre projet de montre à quartz méconnue de chez Rolex, une montre numérique à écran LED qui n’était même pas une Oysterquartz et qui ne nous est plus connue que par son brevet. Comme quoi la maison Rolex n’a jamais été en panne d’inventivité…