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ROLEX CELLINI : Comment faire une nouvelle Oyster qui ne soit pas une Oyster, mais qui ressemble quand même à une vraie Oyster ?

Pas facile de lancer une vraie nouveauté chez Rolex. Depuis des années, Rolex empilait tout et n'importe quoi dans la collection Cellini, la mal aimée des collections maison : coup de balai en 2014 et (re)naissance d'une petite reine couronnée. Revue des détails qui comptent pour en faire une vraie Rolex... ▶▶▶ CELLINI TIME 2014Un retour au classique plus …


Pas facile de lancer une vraie nouveauté chez Rolex. Depuis des années, Rolex empilait tout et n'importe quoi dans la collection Cellini, la mal aimée des collections maison : coup de balai en 2014 et (re)naissance d'une petite reine couronnée. Revue des détails qui comptent pour en faire une vraie Rolex...

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 CELLINI TIME 2014
Un retour au classique
plus révolutionnaire qu'il n'y paraît... 
 
◉◉ QUESTION BASIQUE À SE POSER POUR CADRER LE DÉBAT : succès ou pas succès, cette initiative Cellini ? Oui, à Baselworld, la nouvelle Cellini a plutôt très bien « fonctionné » dans le réseau Rolex, avec des commandes supérieures d'à peu près 30 % aux prévisions des logisticiens de la marque. Même excellent accueil dans les médias perroquets, si tant est que cela ait de l'importance tellement on a vu de copiés-collés sans imagination du dossier de presse. Ceci précisé, on peut passer à des interrogations plus sérieuses : en quoi cette nouvelle collection est-elle conforme aux codes de l'identité Rolex ? En quoi est-elle porteuse d'une certaine image de la marque ? En quoi témoigne-t-elle d'une prochain grande révolution esthétique chez les grandes soeurs de la collection Oyster ?
 
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◉◉ COMMENT CARACTÉRISER LES OYSTER lancées ou relancées au cours de ces dernières années ? De toute évidence par la rusticité de leur design : les boîtiers sont massifs, comme taillés au cutter, avec des épaisseurs qui privilégient la consistance des volumes et des blocs de matière qui sacrifient l'élégance à la facilité d'usinage. De toute évidence, la forme découle des impératifs de production plutôt que des nécessités de la fonction. Un simple coup d'oeil sur le profil de la Cellini Date (ci-dessus) et sur le profil de la GMT-Master II (ci-dessous) – deux montres des collections 2014 – cadre parfaitement le problème de cette massivité qui ne craint apparemment pas la lourdeur et la surépaisseur, face à la fluidité de courbes très tendues. On en déduira que la Cellini, à défaut d'être une Oyster, n'en renoue pas moins avec la tradition d'élégance sportive des Oyster des années 1940 à 1980 – à peu près de la « Bubble Back » et des « Padellone » aux dernières Oysterquartz. On en déduira aussi, mais nous y reviendrons dans quelques lignes, que le retour à cette inspiration historique trahit deux visions graphiques radicalement opposées de l'identité Rolex...
 
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◉◉ QUELS SONT LES MARQUEURS IDENTAIRES ROLEX de cette nouvelle collection Cellini ? Le cahier des charges n'était pas simple, et sa mise en oeuvre l'était encore moins : comment relancer une nouvelle ligne Rolex qui ne soit pas une Oyster [pas question de lancer un nouveau modèle, la Sky-Dweller étant encore trop récente et loin d'être stabilisée sur les marchés], mais qui en respecte tous les codes et qui s'intègre bien dans les collections en leur ajoutant une nouvelle dimension d'élégance ? À partir de là, il devenait évident qu'il fallait faire évoluer la ligne Cellini, véritable fourre-tout où Rolex avait empilé en désordre, depuis des années, toutes sortes de propositions plus ou moins baroques : par exemple, la collection Prince, dont on a raté le lifting. On cherche en vain, dans le boîtier balourd de cette Prince, l'élégance des modèles originaux des années 1930. Donc, carte blanche pour renouer avec la distinction des anciennes « dress watches » de l'âge d'or Rolex, classiques, simples, belles et toujours élégantes. Le choix d'un boîtier rond s'imposait, d'une taille intermédiaire (39 mm : assez grand pour un homme, juste pas trop grand pour une femme), de même que le choix de l'or (gris ou rose – Everose chez Rolex) pour asseoir la « valeur » de la collection, mais on imagine que l'acier viendra plus tard. Quelque repères de cette nouvelle identité : 
 
 La couronne : on reste sur les codes crantés propres à Rolex (quoique copiés par tout le monde), mais en les affinant, dans le diamètre comme dans les cannelures et dans le style bulbaire, aminci à la base (voir ci-dessous). On remarque (image du profil ci-dessus) que la taille de cette couronne vissée n'excède pas l'épaisseur de la carrure, de même que la couronne emblématique Rolex en a été redessinée et recentrée...
 
RolexCellineProfil-Businessmontres Les cannelures : comme elles ne s'imposaient pas sur une montre à vocation élégante, mais qu'elles sont un référent identitaire indispensable, elles ont été repensées et dessinées autrement qu'à la tronçonneuse. On est plus dans l'esprit de finesse Louis XVI que dans l'impératif techno-industriel. Ces cannelures – admirons au passage leurs proportions largeur/profondeur – se retrouvent sur le fond vissé, où elles apparaissent paradoxalement presque plus marquées que sur les Oyster « professionnelles » : là encore, on est dans la coquetterie décorative plus que dans la nécessité technique imposée par les outils Bergeon. On notera ci-dessous le plissé très couture [Alaïa ?] du cadran en argent guilloché. On sent dans le profil ci-contre la tentation à peine réprimée du style « Bubble Back », notation visuelle également présente dans le verre saphir très légèrement bombé et dans la double lunette sublimement ligh : la belle idée, c'est ce jumelage bombé-cannelé qui souligne sans lourdeur le cadran, dont le réhaut est lissé, sans la lourdeur des habituelles gravures Rolex...
 
 Les cornes : souvent négligées par les designers, alors qu'elles concourent puissamment à l'élégance d'un boîtier, on remarque tout de suite à quel point le galbe des cornes de ces nouvelles Cellini est adouci, affiné et presque allongé, pour prendre une allure quasiment onctueuse et plongeante. Ce choix permet d'ailleurs de créer, au poignet, une présence inattendue pour un boîtier de 39 mm. On donne là dans la micro-chirurgie ! C'est la tradition esthétique des Rolex légendaires, celles des années 1950, qui font à présent un malheur aux enchères. On remarquera aussi la rondeur galbée du boîtier, à comparer à l'épais mur d'acier brut des Oyster nouvelle génération. Même sans les toucher, on devine que les arêtes de ce boîtier sont elles aussi soigneusement retravaillées et repolies pour perdre leur agressivité – ce qui n'est plus le cas des Oyster aux angles tranchants...
 
 Les cadrans : belle idée créative que ces index en appliques, fuselés mais tranchés en deux par la minuterie du cadran, alors que les aiguilles ont été redessinées pour avoir de la présence sans être trop imposantes. Cette minuterie ramenée vers le centre permet d'occuper l'espace sans créer de vide sur les marges du réhaut. L'affichage de la date par compteur à aiguille (ci-dessous) ne privera personne de la loupe cyclopéenne, sans rien sacrifier de la lisibilité fonctionnelle du jour, mais en ajoutant un décalage visuel à 3 h du meilleur effet. De même, le module du double fuseau a permis l'affichage d'une deuxième heure à 6 h, dans l'esprit des petites secondes à l'ancienne (plus bas). On peut regretter le « Genève » en majuscules un peu lourdes et pataudes sous le nom de la marque, alors que les chiffres de ce cadran privilégient l'élégance allongée d'une typographie à jambages...
 
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◉◉ ON DÉDUIRA DE CE RESPECT DES CODES HISTORIQUES de la marque qu'elle témoigne d'une grande culture, mais aussi d'une nouvelle volonté de faire évoluer Rolex dans l'acceptation de son identité passée comme guide de son expression contemporaine. Ce qui n'était manifestement pas le cas au cours de ces dernières années, qui ont favorisé les considérations logistiques au détriment de la réussite esthétique : on a travaillé à la hache plus qu'au scalpel et, d'année en année, cela commence à se remarquer – surtout au moment où toutes les marques revisitent leur musée pour épouser la lourde tendance néo-classique qui est à l'oeuvre dans tous les domaines. La collection Cellini se pose ainsi en Oyster élégante de nouvelle génération, sans cannibalisation de l'esprit des Oyster « professionnelles » [on peut dresser un parallèle entre les Big Bang de première généraion et les nouvelles Classic Fusion chez Hublot, également dessinées en s'inspirant des montres de l'âge d'or et avec le souci d'une ligne plus fluide et plus élégante]. Rolex n'a pas lésiné sur la motorisation de ces nouvelles Cellini, en concevant des modules sur la base de son légendaire mouvement automatique (date par aiguille à 3 h ou second fuseau horaire à 6 h, avec une amusante indication jour/nuit), de même Rolex n'a pas craint d'alourdir son prix de revient pour cause de polissage plus long et plus complexe [le coût de ce polissage étant compensé par l'élégance amincie d'un boîtier beaucoup moins gourmand en or que celui des Oyster]...
 
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◉◉ ÉVOLUTIONS POSSIBLES, DONT ON REGRETTERA que la plus évidente – une phases de lune – n'ait pas été présentée dès cette année : d'autres « petites complications » qui coupleraient entre elles celles qui sont déjà disponibles (par exemple, date et second fuseau horaire), triple calendrier à l'ancienne ou chronographe [on devrait pouvoir compter sur une nouvelle version ultra-plate de l'inusable calibre de la Daytona]. La nécessité pour Rolex de trouver une nouvelle assise sur un positionnement prix plus adapté à ses marchés traditionnels (Europe, Etats-Unis) devrait également pousser au lancement d'une série de Cellini de ce type en acier, sachant que, de toute façon, cette taille de montres en or à ce prix est un excellent atout pour attaquer à nouveau un marché chinois jusqu'ici hermétique au charme sportif chic des Rolex...
 
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◉◉ DERNIÈRE QUESTION QUI FÂCHE : pourquoi la manufacture Rolex a-t-elle pu mener à bien, en moins de deux ans, cette refonte totale de la collection Cellini [où ne subsiste plus,en dehors de ces nouveautés 2014, que la ligne Prince, dont il faut bien éponger les stocks] et accepter cette rupture majeure dans l'esthétique lourdingue des récentes Oyster ? Inutile de chercher : c'est parce qu'on a fait appel à des nouveaux talents et à des nouvelles énergies, avec des nouvelles procédures de travail – le tout excluant de fait les vieilles recettes d'une création interne décidément fatiguée. La réussite commerciale de ces nouvelles Cellini a convaincu la direction de Rolex qu'il fallait tout changer pour que rien ne change. Ce qui est valable pour ces Cellini l'est aussi pour le nouveau directeur général de la marque, recruté hors du sérail Rolex. La collection Cellini devient ainsi le banc d'expérimentation – presque la concept watch – et le futur creuset d'un nouveau style Rolex, moins orienté vers un style industriel de plus en plus brutal, mais plus attentif à cette somme de menus détails qui sont les vraies empreintes du grand style genevois. Comme dans Star Wars (épisode 4), Cellini, c'est A New Hope – à compléter par un reprofilage des épisodes antérieurs et de ceux qu'on attend dans l'avenir...
 
 
 
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