SAUVETAGE : Bill, Bruno, Guillaume, Georges-Henri et les autres...
Le 25 / 09 / 2012 à 22:06 Par Le sniper de Business Montres - 1665 mots
Les marques horlogères sont les phénix des légendes économiques contemporaines : éternellement renaissantes (pas forcément de leurs cendres), elles reviennent toujours sur le devant de la scène, où il est rare qu'elles n'aient pas mis en piste au moins une ou deux bonnes idées qui méritaient d'être sauvées...
[caption id="attachment_7450" align="aligncenter" width="722" caption="De g. à d. : Guillaume Têtu, Georges-Henri Meylan et Bill Muirhead..."][/caption]
••• Le pire, dans une défaillance d'entreprise, c'est qu'on jette généralement le bébé avec l'eau du bain. …
Les marques horlogères sont les phénix des légendes économiques contemporaines : éternellement renaissantes (pas forcément de leurs cendres), elles reviennent toujours sur le devant de la scène, où il est rare qu'elles n'aient pas mis en piste au moins une ou deux bonnes idées qui méritaient d'être sauvées...
[caption id="attachment_7450" align="aligncenter" width="722" caption="De g. à d. : Guillaume Têtu, Georges-Henri Meylan et Bill Muirhead..."][/caption]
••• Le pire, dans une défaillance d'entreprise, c'est qu'on jette généralement le bébé avec l'eau du bain. Que de bons concepts torpillés par l'incurie de leurs créateurs ou par la faute à à la fameuse conjoncture. Ce qui n'est pas vraiment le cas, ni pour l'incurie, ni pour la conjoncture, de la marque Hautlence, qui vient de passer par quelques secousses mémorables...
••• Filons plus fortement la plus soufflante des métaphores ferroviaires : une allitération pleine de sifflements qui s'impose pour parler de Hautlence, marque créative et indépendance qui a fait de l'embiellage sa ressource identitaire et de la "machine" son repère sono-graphique [tschik, l'heure saute ; tschak, les minutes reculent ; tschouk, la chenille avance]. Depuis huit ans sur les rails, les "machinateurs" ont vécu plusieurs printemps et même quelques hivers, mais pas beaucoup d'étés : ils ont perdu quelques wagons de tête [dont le tender des actionnaires qui allaient au charbon] et même le premier mécanicien [Renaud de Retz, co-fondateur de la marque, qui s'est depuis relancé dans le bijou et dans la chansonnette]. La locomotive a cependant gardé assez de pression pour foncer dans la nuit, toujours avec Guillaume Têtu aux manettes... ••• Le temps d'un arrêt au dernier aiguillage, on a changé de tender et raccroché un nouveau wagon, celui d'un pool d'actionnaires qui aura pris le train en marche au bon moment : un franc symbolique pour la marque, ses pompes, ses oeuvres et ses dettes à éponger. Cette gestion du passif n'a pas dû faire si mal que cela aux créanciers, puisqu'ils s'en félicitent [quasiment pas de victimes "plantés"], ni d'ailleurs aux détaillants, qui repassent commande une fois leur stock restructuré. Ce qui est, au passage, l'exemple inverse de ce qui a été fait chez Péquignet, de l'autre côté de la frontière, où on a payé très (trop) cher le passé en insultant l'avenir et en mécontentant tout le monde... ••• Les nouveaux équipiers s'appellent Bill, Bruno ou Georges-Henri (respectivement Muirhead, Moutarlier et Meylan). Bien connus dans les coulisses de l'horlogerie, ils ne doivent pas loin d'un siècle d'expérience de l'industrie et des marchés. Le premier (ex-Breguet, ex-Audemars Piguet) est un homme qui compte. Le deuxième (ex-Audemars Piguet, entre autres) est un homme qui développe. Le troisième (ex-Audemars Piguet, toujours) est un homme qui commande. On aura compris quel est le point commun, mais il faut savoir que Georges-Henri Meylan a mis en place une sorte de holding familiale (Melb), qui a pour vocation d'aider les marques indépendantes à se structurer et à trouver des synergies pour affronter les marchés avec une masse critique plus avantageuse... ••• Business Montres avait révélé (6 mars 2012) le rôle-clé joué par Georges-Henri Meylan dans le sauvetage de Hautlence, à quelques jours de Bâle : l'ancien patron d'Audemars Piguet. Sans cette reprise, c'était l'office des faillites. Aujourd'hui, le trio des "pompiers volants de l'horlogerie" – de quoi rejouer Alerte à Malibu dans les watch valleys ? – s'est voué à la renaissance de la maison Hautlence, qui peut s'offrir une dream team de consultants de luxe, en ralliant au passage d'autres indépendants de renom : Hautlence et De Bethune bénécieront ainsi d'une structure commune (Hong Kong) pour aborder le marché chinois, tandis que ces deux marques (ajoutons-y Celsius) feront stand commun à Baselworld. ••• Hautlence, ou le phénix de l'horlogerie créative ? Ce n'est guère humiliant de le dire : on a senti plusieurs fois le vent du boulet fatal ! L'appui de la nouvelle plateforme de services proposés par les actionnaires ne peut donc être que précieux, d'autant que souffle désormais un vent de maturité [huit ans, une éternité quand on est une "jeune" marque !] qui devrait éviter au management de refaire les mêmes erreurs. • Les collections ont été restructurées, pour passer de 50 à 18 références : il était temps ! Heureusement, la marque fonctionne depuis l'origine sur à peu près les mêmes "moteurs". On rompra néanmoins avec la pratique des séries limitées à 88 pièces... • Les volumes ont été révisés à la baisse : la marque n'ambitionne de placer que 250 montres sur le marché en année 1 de la nouvelle configuration – ce qui est déjà très ambitieux compte tenu de la situation actuelle [l'objectif sera difficile à tenir, même avec l'expertise d'un Bill Muirhead et le carnet d'adresses d'un Georges-Henri Meylan]. • Les prix ont été repositionnés : l'offre moyenne est désormais autour de 30 000 CHF (nouvelle collection Avant Garde), mais sans renoncer aux extravagantes "machines" de la collection Concepts d'exception (facturées 200 000 CHF) ou aux classiques Origine (60 000 CHF). Une collection plus accessible est annoncée, avec des prix sous les 20 000 CHF, mais sans mouvement "manufacture" (ce sera sans doute du Dubois Dépraz, en gardant l'esprit et le style de l'architecture "machinateurs")... • La logistique de production a été repensée, non seulement pour être rationalisée [en externalisant ce qui peut l'être dans des "manufactures déléguées" du voisinage], mais aussi pour être profitabilisée : "On a gardé ce qui était pertinent", nous assure Guillaume Têtu – ce qui signifie que plus grand-chose ne l'était vraiment ! Les constructions seront plus simples, les montages plus fluides et les fournisseurs mieux sollicités avec la fin du "snobisme manufacturier" à n'importe quel prix ! Le tout en conservant les détails qui comptent, les finitions qu'aiment les amateurs et les marges suffisantes pour aller plus loin sans devenir trop cher... • Enfin, la distribution a été revue, avec l'ambition de la concentrer sur une quinzaine de vitrines pilotes (et non des moindres, puisque la marque vient de réouvrir Westime à Los Angeles ou Seddiqi à Dubai). ••• Pas de renaissance sans nouveaux produits : le menu est alléchant, avec une pièce plus contemporaine et plus "grand public" (collection Avant Garde) annoncée pour le début octobre, une complication "exceptionnelle" (pièce "atelier") qui ne sera cependant facturée qu'autour des 100 000 CHF pour l'année prochaine et une nouvelle collection plus accessible (quoique ludique dans la présentation du cadran) pour Baselworld, quand le train Hautlence aura commencé à gagner sa vitesse de croisière... ••• Ce nouveau départ d'Hautlence est un coup de pied dans les fesses asséné par un jeune "retraité" qui ne l'est pas du tout : Georges-Henri Meylan a définitivement tourné la page de son passé. Toujours goguenard et souverain, fin comme un combier, plus Raminagrobis que jamais, il est heureux comme personne de retremper la main dans un pot de confiture créative, avec le frisson de piloter une incorrigible start-up sans les angoisses d'un premier chantier, quand il faut commencer par un grand trou avant de poser les fondations. Là, les fondations y sont, plutôt solides, et les trois maîtres d'ouvrage sont des vétérans blanchis sous le harnais. À l'âge où on se met à la chaise longue, Georges-Henri Meylan fait du Meccano industriel. Il s'amuse comme un gamin, tout juste un peu effaré par l'indigence des dossiers que lui soumettent des indépendants aux abois. On lui sent une forte envie de partager son expérience avec ses cadets, grâce à des synergies qui vont de l'amont industriel à l'aval commercial : il a compris que le métier avait changé, mais pas assez, alors que les marchés mutent encore plus vite. Il sait que la haute horlogerie indépendante et créative, "c'est comme les yaourts à la Migros, il y a une date de péremption, on ne doit pas les garder trop longtemps" – comprenez par là qu'il faut que tout change pour que rien ne change de cette magie qui peut rassembler les amateurs [et les créateurs de montres] du monde entier autour d'une même passion partagée pour les montres... D'AUTRES ACTUALITÉS RÉCENTES...