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SPONSORING SPORTIF : Comme au poker, Richard Mille paye pour voir !

L'appétit du sport vient-il en mangeant ? Depuis quelques mois, on voit Richard Mille partout : tennis, athlétisme, polo, golf, football, F1 et même cyclisme. Incohérent et tapageur ? Quelle logique peut bien sous-tendre ce sponsoring tous azimuts ? Surtout une marque d'aficionados et de happy fews qui n'ont pas besoin de promotion sportive pour aimer ces montres...   ••• En quelques mois, on a vu Richard Mille sur les courts de tennis, dans les stades olympiques, …


L'appétit du sport vient-il en mangeant ? Depuis quelques mois, on voit Richard Mille partout : tennis, athlétisme, polo, golf, football, F1 et même cyclisme. Incohérent et tapageur ? Quelle logique peut bien sous-tendre ce sponsoring tous azimuts ? Surtout une marque d'aficionados et de happy fews qui n'ont pas besoin de promotion sportive pour aimer ces montres...

 

••• En quelques mois, on a vu Richard Mille sur les courts de tennis, dans les stades olympiques, sur les terrains de polo, dans les stades de football, sur les greens de golf, sur les grilles de départ de F1 et même, en regardant bien, sur le Tour de France. On doit en oublier. Une voracité sportive qui n'était pas dans l'ADN initial de la marque : l'appétit sportif semble venir en mangeant, et Richard Mille a une grosse faim en même temps qu'une énorme baraka : il a su miser à temps sur Rafael Nadal [et leur histoire d'amour a produit beaucoup d'étincelles médiatiques que celle de Federer avec Rolex] et il a réussi cet été, avec le sprinter Johan Blake, un fantastique campagne de buzz autour du premier tourbillon jamais porté en finale olympique. C'était sans le faire exprès, a-t-il juré par la suite, mais ça n'a pas dû emballer Omega, qui s'est fait chiper dans la foulée son nageur Michael Phelps par Louis Vuitton... ••• Richard Mille partout : opportunisme promotionnel ou stratégie réfléchie ? On a vite le tournis à suivre la marque dans ses soutiens sportifs à 360°, dans le monde entier, avec des rafales de séries limitées thématiques ou géographiques qu'on finit par confondre. Sans explications, on est aux frontières de l'incohérence, même s'il est évident qu'il y a un effet loupe pour ceux qui suivent l'activité de l'horlogerie de plus près et qui sont au courant de tout ce qui se passe : le "grand public" n'en voit pas autant, mais il peut se poser des questions sur la pertinence d'un message de marque aligné sur le tennis aussi bien que sur la F1, le football ou le polo. Image brouillée, stratégie incohérente, parasitage événementiel : le touche-à-tout de la montre contemporaine se serait-il brûlé les doigts ? ••• Pour tenter d'y voir plus clair, il suffit de remettre les faits en perspective. Il ne faut pas trouver de fil conducteur dans les sports eux-mêmes, mais dans la nature de leur exercice – et tout particulièrement dans l'activité des champions qui s'y illustrent. Ce n'est pas l'audience d'un sport qui est prise en compte, mais son potentiel énergétique "dans le rouge" : on ne s'intéresse pas au polo parce que les amateurs de polo sont des clients potentiels pour les montres Richard Mille, mais parce que les champions de polo sont confrontés à des conditions d'entraînement et de compétition extrêmes. Le sponsoring sportif de Richard Mille ne s'analyse pas dans les club-houses de tel ou tel sport [qu'il soit de masse ou exclusif], mais dans les vestiaires avant et après l'effort des champions, et sur les terrains où ils assurent leur domination...

••• Comme il l'explique : "Je fais du sponsoring parce que cela m'aide à développer des produits encore plus adaptés à la vie de tous les jours et aux activités de mes clients. La règle de base, c'est de porter la montre – ce qui exclut au passage les sports d'équipe et de contact, où le port d'une montre est interdit. C'est parce que Rafael Nadal pouvait (et voulait) porter sa montre en tournoi que nous avons travaillé ensemble à une montre hyper-légère. C'est parce que Felipe Massa (ci-dessus, avec Richard Mille) la portait au volant, pendant les Grand Prix, que nous avons dû imaginer de nouvelles réponses en termes de résistance. C'est parce que Johan Blake se faisait un défi de courir avec sa montre que nous l'avons équipé, bien avant les jeux Olympiques"... ••• Pour Johan Blake, on découvre d'ailleurs que, pour commencer l'entraînement, il a fallu bricoler un prototype existant [c'est en fait la "caisse" du tourbillon de la Bubba Watson], lui trouver un bracelet aux couleurs de la Jamaïque, ainsi qu'un réhaut assorti. Il n'en fait pas plus pour créer un buzz planétaire, qui n'était pas planifiée, mais qui aurait pu servir de démonstration à la revendication de la marque : légèreté et confort au porter, même dans les exercices les plus ambitieux. Fou de montres, Johan Blake voulait absolument sa Richard Mille pour les finales olympiques (ci-dessous) : il n'a pas dû être déçu par les réactions du Comité international olympique, attisées par les interventions du chronométreur officiel de ces Jeux (Business Montres du 9 août)...

••• C'est là qu'on commence à esquisser les contours d'une cohérence pour une stratégie sportive qui en semblait dépourvue : même si cela n'a pas encore été exploité par la marque, ces opérations de parrainage sportif sont, en réalité, autant d'occasions de mettre les montres à l'épreuve du feu, dans des conditions de port on ne peut plus exigeantes. La violence des mouvements du poignet d'un Rafael Nadal n'a rien de commun avec la pénibilité du pilotage d'une F1 (chocs, chaleur, sudation, vibration, G encaissés latéralement ou longitudinalement : pauvre tourbillon !) ou la brutalité d'un match de polo : leur seul point commun, c'est l'extrême ! D'où un cahier des charges différent pour chaque champion et un défi lancé aux équipes techniques pour parvenir à fiabiliser un mouvement au-delà de telles tortures... ••• Le champion sportif – qui n'est pas forcément tête de série quand on le met sous contrat – n'est pas seulement un "porte-manteau" de la marque [ni, surtout, un de ces "ambassadeurs" mercenaires qu'on sélectionne sur liste d'attente dûment tarifées], mais un partenaire de champ de manoeuvres, dont les retours d'expérience servent à améliorer la montre. On a vite compris, avec Pablo Mac Donough, que le polo était un sport mortel pour les montres : après plusieurs boîtiers fracassés, il est devenu évident qu'il lui fallait un tourbillon protégé des coups de maillet – ce qui allait donner naissance aux "hublots" disposés sur "cuirasse" de la RM 053 (ci-dessous), dont le mouvement a été aussi été monté anti-chocs.

••• Le champion dédicataire de la montre devient ainsi un laboratoire vivant et un banc d'essai humain pour des solutions techniques qui réclament parfois de longs mois de mise au point : presque un an et cinq ou six montres cassées avant de laisser Rafael Nadal jouer avec sa montre à Roland-Garros, en 2010. Elle peut encaisser 300 à 600 G en compétition, mais elle a été testée et éprouvée à 800 G. L'angoisse était de voir la montre s'arrêter en cours de partie ! Les chocs répétés sont fatals pour les aiguilles, qui "déchaussent" dès qu'elles le peuvent, sauf quand on a complètement révisé, avec un dynamométrie ultra-précise, leur posage et la précision de leurs pivots. Autre souci : l'étanchéité, compte tenu de la chaleur qui règne souvent sur la terre battue et de la sudation du champion [les matériaux composites, plus souples, réclament des joint différents de ceux des boîtiers en métal]. Sujet d'inquiétude : le bracelet : l'image de la montre giclant sur le court aurait été désastreuse – c'est ainsi qu'on en est arrivé à la solution du Velcro... ••• On en déduira que le sponsoring sportif de haut niveau pratiqué par Richard Mille n'est pas un long fleuve tranquille. Même s'il est bien cadré par l'envie de répondre à un défi technique qui intéresse le client moyen et par la nécessité de faire porter la montre au champion dans des conditions extrêmes. Le créateur de la marque paye pour voir ce que donnent ses "machines" au poignet de "machines" sportives de très haut niveau. Dès lors, peu importe le sport et son public, mais il est certain qu'on ne verra pas Richard Mille sur les terrains de pétanque, ni sur les terrains de basket. Pour le football, où il compte tellement de clients, c'est une question d'équipe [Manchester City], et non de joueurs – ce qui relève d'une autre problématique. Pourquoi pas le cyclisme ? On a déjà vu une montre Richard Mille au poignet d'Andy Schleck, le jour où il a gagné le Maillot jaune dans la montée de L'Alpe d'Huez (ci-dessous) : il est vrai que c'était un fétiche porte-bonheur, puisque cette montre (un prototype) avait été porté en tournoi gagnant par Rafael Nadal...

••• En revanche, la réflexion sur les conditions extrêmes d'hyper-technicité imposées à une montre vaut pour la nouvelle RM 039 (ci-dessus), qui est peut-être la montre "sportive" la plus complexe jamais mise sur le marché. Toujours en phase de test, on a dépassé avec elle le millier de composants, mais ce sera l'ordinateur mécanique de poignet le plus extrême jamais réalisé. Le "champion" qui la portera pour la tester n'a pas encore été choisi, mais on sait déjà qu'il aura la vie dure. C'est ainsi que l'horlogerie Richard Mille progresse : dans la peine, dans les épreuves, dans la casse, avec "du sang, de la sueur et des larmes", aurait ajouté Winston Churchill. L'usage des nouveaux matériaux high-tech est née de la réponse à tous ces bancs d'épreuve que sont les compétitions où s'engagent les champions : ce n'est plus du sponsoring, c'est de l'expérience fonctionnelle à l'usage, par un porteur crédible mais porté sur le paroxysme dynamique... ••• Richard Mille (l'homme) n'aime rien tant que la confrontation au réel : ses rêves, il les a en tête. Ses projets, il les prend au pied du mur. Pas un patron d'horlogerie n'aurait osé se lancer dans l'aventure de cette RM 039, un usine à gaz qui donne des cheveux blancs à Giulio Papi comme à son équipe. Il laisse les calibres bien sages à ses copains du mass market et la créativité raisonnable à ses disciples de la nouvelle génération. Lui, il donne dans le radical et dans l'ultra-transgressif, sans souci du prix de revient puisqu'on est au-delà  des frontières connues. Le but, c'est que ça marche un jour et qu'on en ait appris assez pour mieux faire fonctionner le reste de la collection. Il y a 22 siècles, ce M. Mille aurait titillé Archimède jusqu'à ce qu'il invente la machine d'Anticythère – qui ne servait à peu près à rien, sinon de banc-test tridimensionnel pour "écrire" les équations mathématiques chères aux mécaniciens de l'Antiquité...

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