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SANS FILTRE #56 (accès libre)
« Tant qu’à faire, allons-y gaiement, pourvu que ce soit électriquement »

« Eyes wide shut », comme disait le grand Stanley Kubrick – allons-y les yeux grand fermés ! Il est donc question, en Suisse, d’un objectif net « zéro carbone » d’ici à 2050. On ne voit pas pourquoi l’industrie des montres survivrait à cette utopie repeinte en rose-vert : il faut en finir avec les montres mécaniques ! Peut-être même que les montres à quartz ont de l’avenir…


❑❑❑❑   À NOS LECTEURS : de violentes cyberattaques ont tenté de nous clouer au sol pour nous condamner au silence. Qui, pour qui, pourquoi ? On vous laisse deviner ! Contre qui ? C’est évident : contre le seul média horloger qui assure tant bien que mal sa fonction de poil à gratter indépendant des pressions et des intimidations économiques. En attendant, nous avons réparé ce qui pouvait l’être, mais nous avons dû provisoirement fermer notre système d’achat à l’article, que nous sommes en train de repenser. Désolé pour les lecteurs occasionnels, mais nous avons décidé, pour compenser, de ramener à 5 francs suisses [un prix proche des 4 CHF qui était celui de chaque article] le prix de l’abonnement hebdomadaire, qui vous permet de profiter de toutes les informations pendant toute une semaine. Pour les mêmes raisons d'intrusion malveillante et pour préserver la sécurité de nos échanges, nous avons également dû suspendre provisoirement l'envoi de notre newsletter quotidienne. Ce n'est que partie remise…

Parce que, tout compte fait, l’inscription dans une loi fédérale – très contestée mais adoptée par le Parlement – des « objectifs de la protection du climat, l’innovation et le renforcement de la sécurité énergétique », ce qu’on appelle la « stratégie énergétique 2050 », s’applique aussi à l’industrie des montres. Tout ce qui concerne l’automobile est directement visé, mais aussi tout ce qui concerne le chauffage et l’éclairage : d’ici à 2050, tout devra se faire à l’électricité, sans mazout, essence, diesel ou gaz. De quoi augmenter massivement la consommation d’électricité, alors que la Suisse est déjà en danger de pénurie pour son approvisionnement électrique : quand les batteries d’un ou deux millions de voitures devront être rechargées matin, midi et soir, et quand il faudra lancer les pompes à chaleur dans toutes les vallées, le réseau n’y résistera pas, ce qui ne manquera pas de provoquer une décroissance industrielle annoncée, alors même que les prix de l’électricité et ceux de tous les produits de vos vies quotidiennes exploseront. La crise énergétique qu’on nous promet pour cet hiver 2022 ne sera peut-être qu’une joyeuse mise en bouche de cette électro-apocalypse…

Derrière les Khmers rose-vert qui ont réussi à imposer cet objectif d’anti-croissance économique, on voit se profiler les sectateurs d’une société de surveillance restrictive, qui combat sournoisement en les stigmatisant les voyages en avion [jet privé ou charter : rien ne trouve grâce à leurs yeux !] aussi bien que les barbecues et la consommation de viande, mais aussi les moteurs thermiques pour les automobiles et, demain, toute la consommation des biens de luxe réputés socialement inutiles parce qu’anti-égalitaires et provocateurs. On pressent chez ces Khmers verts – tous imbibés d’un wokisme délirant mais obstinément militant et logiquement activiste – la même envie de s’en prendre aux paiements en argent liquide et des promouvoir des « droits de l’animal » qui interdiront bientôt la traite des vaches [réputées non consentantes »]. Après tout, on peut se passer de fromage, qui résulte de l’exploitation effrénée et non consensuelle d’une bioressource animale on ne peut plus respectable. Ne riez pas : cette tentation circule déjà sur les réseaux sociaux…

Dans cette optique de surveillance répressive « à la chinoise »[faudra-t-il bientôt dire « à la suisse » ?], les horlogers pourraient faire un effort. Puisque les états-majors de la montre sont si soucieux de sacrifier dévotement aux canons éthiques du wokisme à la mode [on ne parle pas ici que de la nouvelle iconographie horlogère, qui illustre parfaitement un spectaculaire et très coloré « Black Lives Matter » commercial], pourquoi ne pas admettre que les montres mécaniques sont les plus écologiquement incorrectes des productions du luxe contemporain ? Que d’énergie gaspillée et de ressources naturelles pillées à travers toute la planète pour produire une seule montre mécanique ? Qu’on songe ici, pour ne prendre que ce seul exemple, aux fours nécessaires pour produire quelques poignées de « rubis » synthétiques ! Qu’on décompte ici les kilomètres nécessaires et la fabuleuse empreinte carbone pour usiner, rouler, rectifier, tremper, polir et livrer la moindre vis, d’atelier en atelier, dans tout l’arc romand ! Qu’on songe ici à ces méga-robots d’usinage, si gourmands en électricité, qui ont le culot de travailler toute la nuit pour fraiser dans des conditions écologiquement questionnables des platines, des ponts, des rouages et des ressorts dont on pourrait aisément se passer maintenant que les GAFAM nous donnent l’heure sur nos écrans avec une précision atomique ! Qu’on prenne en compte, finalement, le coût écologique désastreux des porte-containers géants qui partent livrer sur les marchés exotiques toute la bimbeloterie horlogère qui a fait la réputation et la prospérité des manufactures suisses !

Dans cette perspective de dévalorisation industrielle de tout ce qui n’est pas strictement décarboné, finissons-en une bonne fois pour toutes avec ces montres mécaniques qui sont trop aimées par tous les narco-mafieux, les pétro-monarques et les prédateurs du turbo-capitalisme pour ne pas être suspectes de participer d’un monde qu’il faut abolir ! Passons tous et tout de suite à la montre électrique et à la carpo-révolution des montres connectées, qui ont l’avantage annexe de renforcer l’emprise du Big Brother numérique sur nos vies quotidiennes. Avec votre Apple Watch au poignet, non seulement l’État profond sait où vous êtes, avec qui et ce que vous faites, mais la Matrice prend également note, à tout instant, de ce que vous mangez, buvez, consommez et lisez, dans une perspective cauchemardesque de vigilance panoptique à la Jeremy Bentham. Le 1984 de George Orwell, même démultiplié par le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, n'était qu’un naïf conte pour gentils petits bébés à côté de ce qui nous attend si les patrouilleurs de la société de vigilance eco-friendly prennent le contrôle de notre quotidien…

Au nom du respect dû à la planète, du bien commun de l’humanité et de l’intérêt général [au moins celui des GAFAM, qui sont les nouvelles et les vraies grandes puissances de cette planète], il est devenu évident qu’il faut renoncer aux plaisirs démodés de ces montres qui font tic-tac au poignet, pour sacrifier au grand vent des data du nouvel ordre numérique et de tous les algorithmes qui vont permettre de stocker et d’exploiter [généralement plus pour le pire que le meilleur]nos vies quotidiennes pour les siècles des siècles. Il faut savoir dépouiller en nous le vieil homme et brûler sans tarder tout ce que nous idolâtrions hier, ces belles marques horlogères bâties dans la douleur au fil des siècles, ces ateliers dont le savoir-faire était légitimé dans le monde entier par une communauté de collectionneurs inconditionnels, ces montres mécaniques qui relèvent désormais du musée, en attendant de les descendre dans les catacombes de l’histoire…

Allons-y gaiement, sacrifions sur les autels de la nouvelle tyrannie rose-verte les fétiches de cette passion horlogère cinq fois séculaire : il va falloir reconvertir les chaînes de production d’ETA pour les faire passer des mouvements traditionnels à une nouvelle génération de quartz solaires ou, qui sait, éoliens. Diabolisons les acquis vénéneux de cette culture mécanique supposée ravageusement écocidaire, qui avait la mauvaise idée – Perseverare diabolicum, disait-on [n’est-ce pas la preuve de la perversité intrinsèque de ces montres ?] – de s’attacher au poignet avec des bracelets d’origine animale [les bébés alligators, qu’on rend obèses pour gagner quelques précieux centimètres carrés de peau, ne nous remercierons jamais assez !] Passons d’un même élan au tout-électrique, du poignet au satellite géostationnaire, en passant par la machine à laver, la voiture sans pilote et la reconnaissance faciale à tous les carrefours, et prions au passage pour que la fée Électricité ait le don de multiplier les watts décarbonés sans combustibles fossiles... 

A moins que nous ne décidions, collectivement de nous délocaliser, tous ensemble, hommes, femmes, machines, patrimoines, marques et montres comprises, dans quelque île lointaine, au prix d’un Grand Trek douloureux mais salvateur, un peu comme les pilgrims qui accompagnaient les Pères fondateurs de la nation américaine, quand ils avaient choisi de quitter la vieille Europe où leur foi n’était plus reconnue pour les rivages d’un nouveau monde. Comme nous en reparlerons si c’est un jour le cas, nous vous laissons réfléchir là-dessus…


NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les quarante premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #50 ci-dessous)…  

❑❑❑❑ SANS FILTRE #55 « Cette curieuse et délicieuse impression d’une dernière danse au-dessus d’un volcan » (Business Montres du 5 octobre)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #54 « Le vertigineux trou noir du marché de la seconde main » (Business Montres du 29 septembre)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #53 « Une savoureuse petite histoire (vraie) de corruption horlogère » (Business Montres du 3 septembre)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #52 « La boule de neige chinoise qui descend la pente va-t-elle se transformer en avalanche ? » (Business Montres du 23 août)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #51 « C’est peut-être Timex qui a trouvé l’argument le plus percutant contre les smartwatches » (Business Montres du 22 août)

❑❑❑❑ SANS FILTRE #50 « Le blanc ne devient-il pas la couleur la plus disruptive pour un cadran de montre ? » (Business Montres du 13 août)


Coordination éditoriale : Eyquem Pons  


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