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NOS COUPS DE CŒUR DE L’ÉTÉ #03 (accès libre)
Une montre qui n’a à peu près rien pour elle, sinon la passion qui l’a fait naître : Vileton

Dans beaucoup de domaines, l’été pousse aux variations sentimentales, à une certaine inconstance et aux intermittences du cœur. Comme on dispose d’un peu plus de temps libre, on se prend à faire quelques infidélités à nos compagnes de poignet : on se prend à essayer de nouvelles montres, à tenter de nouvelles carpo-aventures. Troisième carte postale : quelques jours en compagnie d’une montre qui… ne sert à rien, ou presque, et encore uniquement pour quelques initiés mélomanes mais pas que ! L’important, c’est d’y croire…


Certaines nouvelles offres horlogères sont désarmantes de naïveté, mais enthousiasmantes par la sympathie qu’elles inspirent ou par l’intensité de la passion qui a pu les inspirer. Il nous vient parfois comme un élan apitoyé face à certains créateurs qui s’obstinent dans leur rêve en faisant tout ce qu’il faut pour aller dans le mur, mais sans jamais cesser d’y croire. Ainsi, personne ou presque n’a entendu parler de la nouvelle marque Vileton et de ses « montres de musicien » : les nigauds n’y ont pas reconnu cette touche vintage qui leur semble le nec plus ultra de la création contemporaine ; les spéculateurs de bac à sable ont passé leur chemin sans un regard pour cette complainte horlogère mal embouchée et pas du tout iconique ; les amateurs ont tourné la page sans s’attarder sur ce bricolage jazzo-pédagogique ; les détaillants – qu’ils soient horlogers ou paramusicaux, – n’ont évidemment rien compris à ce film déroutant. On aura compris que, sur le mauvais réseau de sociofinancement [Ulele n’a jamais été « the place to be » pour une campagne horlogère], une proposition aussi mal ficelée n’a pu faire qu’un triste bide : 285 euros collectés pour cette montre « fascinante et riche de sens » [dixit le créateur] quand il en aurait fallu dix fois plus sans pour autant assurer la survie de l’opération…

Devant tant d’infortunes cumulées et face à une aussi fascinante démonstration de tout ce qu’il ne faudrait jamais faire [on espère ici que quelques jeunes créateurs horlogers en herbe comprendront le message], on est cependant tenté par un irrépressible élan du cœur, un simple sursaut d’élémentaire générosité, une main tendue au nom d’une certaine solidarité le Job couvert d’ulcères sur son fumier et pour l’humble qui souffre quand l’arrogant – qui est parfois moins méritant – étale son arrogance en « pétant dans la soie ». Qu’est-ce donc que cette « montre de musicien » proposée par Vileton pour nous plonger « dans un océan de tonalités » ? Derrière cette initiative au demeurant pas si moche pour s’en tenir au design, un créateur passionné de notes et d’horlogerie : Jean-Claude Mola, musicien lui-même, qui entreprend ici de réconcilier cinq cent ans d’histoire musicale et horlogère. Diantre ! Quelle ambition quand on vient de Fonsorbes, dans la Haute-Garonne (Occitanie), sympathique commune baignée par le Merdagnon et sporadiquement desservie par deux lignes d’autobus, mais hélas dénuée de toute notoriété mécanico-horlogère. Peu importe, puisqu’il s’agit de proposer au poignet une « vision chronologique et simplifiée du solfège »…

Autant vous prévenir tout de suite : si vous ne maîtrisez pas les profondeurs et les subtilités du solfège, vous n’allez rien comprendre à cette montre ! Précision navrante et complémentaire de la phrase précédente : si vous maîtrisez déjà les harmonies de ce solfège, vous n’avez pas besoin d’une telle montre, dont les fonctions reprennent au poignet les différents tableaux qui peuvent déjà exister pour représenter les douze tonalités des gammes pentatoniques (majeures et mineures). Si vous savez déjà « jouer » d’un instrument ou si vous savez déjà improviser, l’utilité de cette montre reste assez nébuleuse. Si ce n’est pas le cas, cette Vileton vous plongera dans des abîmes de perplexité. De quoi parle-t-on ? Sans trop entrer dans les détails, les notes de musique sont inscrites sur la lunette tournante de la montre (douze gammes majeures, douze positions). Entre la lunette et le cadran (qui indique les toniques et les tierces), on repère tout de suite [encore faudrait pouvoir regarder son poignet tout en grattant sa guitare] les « altérations » de la gamme majeure. Si vous n’avez rien compris, ce n’est pas grave : c’est que vous n’êtes pas dans la cible et que vous n’avez pas vocation à composer ex nihilo des partitions de jazz ou à construire des accords de blues. Le « manuel » proposé par Vileton ne vous sera pas d’une grande aide, même pour les jazzmen en gestation : « Si vous connaissez bien la gamme Majeure c’est dans la poche, on peut travailler un mineur triste et mélancolique avec les mêmes positions du cadran que la gamme majeure… Qui n’a jamais transporté des pages d’accords et il manque toujours le bon. Votre cadran de montre est comme un couteau suisse, avec au centre l’aide-mémoire des accords et autour la position des notes ». Comprenne qui pourra…

Il n’en reste pas moins que cette Vileton donne l’heure (avec précision) et qu’elle relève donc de ces objets du temps qui passionnent les lecteurs de Business Montres ! Pour moins de 300 euros sur bracelet Nato (745 euros en version automatique, ce n’est pas forcément l’affaire du siècle, mais c’est probablement une des montres les plus… originales de ces dernières années : une montre qui ne sert à rien, et surtout pas à ceux qui auraient vocation à s’en servir [imagine-t-on, une « plongeuse » qui ne serait pas utile à des plongeurs ?], ce n’est pas tous les jours qu’on trouve un tel rara avis sur son parcours horloger – alors on en profite : c'est bon, comme un fruit défendu…

LES COUPS DE CŒUR DE L’ÉTÉ

Résumé des épisodes précédents (en accès libre), avec les liens pour les découvrir…

❑❑❑❑ #02 :  une soucoupe volante qui se pose sur le poignet : Ikepod Duopod Gold Dots (Business Montres du 13 août)

❑❑❑❑ #01 :  une « plongeuse » méconnue qui a pourtant tout pour plaire : Scafograph 300 d’Eberhard & Co. (Business Montres du 1er août)


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